Mise au point Anomalies génétiques de sécrétion de l’insuline et diabète sucré de la petite enfance Genetic disorders leading to impaired insulin secretion and diabetes mellitus during infancy Résumé Kanetee Busiah*,1, Albane Simon*,1, Michel Polak*,** » Le diabète est une maladie métabolique aux multiples facteurs génétiques. Certaines formes sont dues à des mutations dans un gène unique qui conduisent à une réduction de la fonction de la cellule bêta. Ces formes représentent 1 à 2 % de l’ensemble des diabètes (1). Le diabète néonatal est un diabète rare qui apparaît dans les premières semaines ou mois de vie. Deux formes sont décrites en fonction de la durée de l’insulinorequérance. Dans le diabète néonatal transitoire, la carence en insuline anténatale conduit à un retard de croissance intra-utérin, la rémission survient au bout de quelques mois, et on assiste souvent à une récidive sous forme d’un diabète sucré de type indéterminé mais définitif, ce phénomène apparaissant fréquemment au moment de l’adolescence. Il semble que l’altération de la fonction pancréatique dans cette affection existe tout au long de la vie mais s’aggrave lors des périodes de demande métabolique accrue, notamment pendant la période néonatale, la puberté ou la grossesse. Dans le diabète néonatal permanent, la sécrétion d’insuline devient insuffisante très tôt après la naissance et nécessite une insulinothérapie tout au long de la vie. Le diabète néonatal peut être dû à une anomalie d’une région du chromosome 6q24 soumise à empreinte, à une mutation des gènes Kir6.2 et ABCC8 codant pour le canal potassique ATP-dépendant, à une mutation du gène de l’insuline ou du gène de la glucokinase. De plus, des mutations d’autres gènes (IPF1, PTF1A, FOXP3, GLIS3, TCF2, EIF2AK3) sont à l’origine de syndromes associés au diabète néonatal définitif. L’étude en biologie moléculaire des diabètes néonataux a permis de nettes avancées dans la compréhension de la physiopathologie, notamment de la sécrétion d’insuline, et a conduit à l’amélioration du diagnostic et du traitement. Mots-clés : Diabète néonatal – Sécrétion d’insuline – Cellule bêta – Canal potassique ATP- dépendant – Kir6.2 – SUR1 – Développement. Keywords: Neonatal diabetes – Monogenic diabetes of infancy – Insulin secretion – Development – Potassium chanel – SUR1 – Kir6.2. 1 Copremiers auteurs. * Endocrinologie pédiatrique et Inserm U845, hôpital Necker-Enfants Malades, Paris. ** Université Paris-Descartes, Paris. 36 L e diabète néonatal (DNN) est une maladie rare (1 naissance vivante sur 300 000). Il constitue une altération métabolique grave (2), caractérisée par des hyperglycémies modérées à sévères, liée à l’insuffisance ou à l’absence d’insuline circulante, et dont la découverte survient entre la période néonatale et la petite enfance. Deux formes cliniques ont été individualisées, en fonction de la durée de l’insulinoréquérance : une forme transitoire (DNNT) et une forme permanente (DNNP). Plusieurs découvertes récentes concernant le mécanisme moléculaire du développement pancréatique éclairent ces deux formes de DNN (tableau). Cependant, dans 50 % des cas, aucune cause moléculaire n’est retrouvée. Cette mise au point met l’accent sur les anomalies génétiques qui sous-tendent une anomalie de sécrétion de l’insuline. DNN lié à un défaut ciblé et unique de sécrétion de l’insuline avec cellules bêta présentes Mécanismes moléculaires du diabète “transitoire” La plupart des DNNT sont sporadiques. Une histoire familiale de diabète est retrouvée dans 33 % des cas. La disomie uniparentale (figure 1), puis la duplication partielle du bras long du chromosome 6 d’origine paternelle ont été les premières anomalies génétiques qui aient été associées au DNNT (3, 4). Ces observations, ainsi que le mode de transmission du DNNT dans les cas familiaux (transmission d’origine paternelle, sans qu’il y ait forcément un retentissement clinique chez le père), ont conduit à l’hypothèse que le DNNT résultait de la surexpression d’un ou de plusieurs gènes. La détermination de la région chromosomique minimale dupliquée chez les patients a permis d’affiner la localisation chromosomique en 6q24 (5). Un îlot CpG, présentant une méthylation différentielle selon l’origine parentale (caractéristique des gènes soumis à empreinte), a alors Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 1 - janvier-février 2009 Anomalies génétiques de sécrétion de l’insuline et diabète sucré de la petite enfance été identifié dans cette région. Cet îlot n’est pas méthylé sur l’allèle d’origine paternelle, alors qu’il l’est sur l’allèle d’origine maternelle (4). La méthylation permet de réprimer la transcription des gènes. Certains patients atteints de DNNT sans autre anomalie apparente du chromosome 6 présentent une absence complète de méthylation de cet îlot conduisant à l’expression anormale des deux allèles (6). Les bases génétiques à l’origine de ce défaut de méthylation ne sont pas connues, mais cette observation est compatible avec une relaxation anormale de l’empreinte maternelle. À ce jour, l’anomalie de méthylation n’a pas été retrouvée chez les parents d’enfants atteints. La mise en évidence de ce site de méthylation différentielle a conduit à l’identification de deux gènes candidats, situés à proximité et exprimés exclusivement par l’allèle paternel : ZAC (LOT1, PLAGL1) et HYMAI. ZAC code pour un facteur de transcription mis en jeu dans la régulation de l’arrêt du cycle cellulaire et de l’apoptose ainsi que dans l’induction du gène du récepteur 1 du polypeptide activateur de l’adénylate cyclase hypophysaire humaine (PACAP1, qui stimule fortement la sécrétion d’insuline). La fonction de l’autre gène, HYMAI, n’est pas connue (7). En utilisant des techniques de transgenèse, il a été montré que la surexpression de ces gènes dans le pancréas de souris entraînait une hyperglycémie transitoire chez les souriceaux (8). Néanmoins, le lien précis entre les anomalies génétiques et le dysfonctionnement de la cellule productrice d’insuline reste à comprendre. Tableau. Causes du diabète néonatal. Diabète néonatal transitoire • détection d’une anomalie du chromosome 6 : maladie de l’empreinte – duplications paternelles – isodisomie paternelle – anomalie de la méthylation • pas de détection d’anomalie du chromosome 6 • mutation, en particulier du gène ABCC8 et aussi du gène KCNJ11 qui codent pour le canal potassique de la cellule bêta : sous-unité SUR1 et Kir6.2, respectivement Diabète néonatal définitif • mutation surtout du gène KCNJ11 et aussi du gène ABCC8 qui codent pour le canal potassique de la cellule bêta : sous-unité Kir6.2 et SUR1, respectivement • mutation hétérozygote du gène de l’insuline compromettant le processing de la préproinsuline • mutation homozygote du gène de la glucokinase : insensibilité au glucose, diabète MODY 2 chez les parents • hypoplasie pancréatique sévère liée à une mutation du gène IPF1 (PDX1) • syndrome IPEX et mutation du gène FOXP3 (scurfine) : auto-immunité diffuse • dysplasie épiphysaire associée : syndrome de Wolcott-Rallison et mutation du gène EIF2AK3 • syndrome diabète néonatal, hypoplasie du pancréas et mutation du gène PTF1A • syndrome diabète néonatal, glaucome, hypothyroïdie congénitale et mutation du gène GLIS3 • possible lien avec une infection entérovirale • maladie mitochondriale Enfant normal Mutations des sous-unités Kir6.2 et SUR1 du canal potassique de la cellule bêtapancréatique (figures 2 et 3) Le canal potassique sensible à l’ATP joue un rôle central dans la stimulation de la sécrétion d’insuline en réponse au glucose par la cellule bêtapancréatique. C’est un octamère composé de quatre sous-unités formant la conductance potassique proprement dite (protéine Kir6.2, codée par le gène KCNJ11), et de quatre sousunités régulatrices SUR1 codées par le gène ABCC8. Des mutations activatrices de ce canal ont été mises en évidence dans environ 25 % des cas de DNN de la cohorte française. Elles conduisent à des formes transitoires ou permanentes de DNN et touchent la sous-unité Kir6.2, ou la sous-unité régulatrice SUR1. Non méthylé Méthylé Isodisomie paternelle Duplication du chromosome 6 paternel Augmentation du dosage de l’allèle paternel Chromosome d’origine paternelle Défaut de méthylation Relaxation de l’allèle maternel Chromosome d’origine maternelle Figure 1. Schéma des mécanismes chromosomiques du diabète néonatal transitoire par anomalie du chromosome 6. Mutations du gène KCNJ11 codant pour la sous-unité Kir6.2 Des mutations inactivatrices homozygotes du gène KCNJ11 ont été impliquées dans des cas d’hyperinsulinisme. Il était logique de chercher par une image en miroir des mécanismes d’hyperinsulinisme des mutations dans le gène codant pour la sous-unité Kir6.2. Ainsi, des mutations activatrices hétérozygotes du gène Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 1 - janvier-février 2009 37 Mise au point Glucose Glucose Glucose Élévation du glucose Noyau Libération d’insuline Noyau Glucose Glucokinase Faible synthèse d’ATP Ca2+ ATP Ca2+ Ca2+ MgADP ATP K– – 70 mV MgADP Dépolarisation Hyperpolarisation Canal K+(ATP) fermé K+ Glycémie basse Glycémie élevée Sujet normal Figure 2. Le rôle des canaux K+(ATP) dans la régulation métabolique. Chez les sujets sains, en situation de normoglycémie, il y a peu d’entrée de glucose dans la cellule bêta. Le rapport ATP/ADP est faible, conduisant à une ouverture du canal potassique. Cela entraîne une hyperpolarisation de la membrane plasmique, ce qui provoque une fermeture du canal calcique voltage-dépendant, empêchant l’entrée de calcium dans le cytoplasme. Il n’y a pas de sécrétion d’insuline. En situation d’hyperglycémie, le rapport ATP/ADP est élevé et conduit à une fermeture du canal potassique. Il y a donc dépolarisation de la membrane plasmique, entraînant une ouverture du canal calcique voltage-dépendant et donc une sécrétion d’insuline. Glucose Élévation du glucose Pas ou peu de libération d’insuline Noyau Glucose Ca2+ ATP MgADP K– – 70 mV Hyperpolarisation Canal K–(ATP) ouverts Diabète néonatal Figure 3. Une nouvelle étiologie pour le diabète néonatal : anomalies fonctionnelles du canal K+(ATP). Le canal potassique présentant une anomalie fonctionnelle ne répond pas aux variations de la concentration d’ATP et reste constamment ouvert, empêchant toute sécrétion d’insuline en réponse au glucose. 38 KCNJ11 ont été mises en évidence (9, 10). Ces mutations dominantes conduisent à un phénotype dépendant du type de mutation allant du DNNT à un DNNP et même à un phénotype plus sévère, associant un DNNP à des troubles neurologiques, regroupé dans le syndrome de DEND (diabetes epilepsy neurological defect) [11]. Ces patients ont un trouble de la fonction de sécrétion de la cellule bêta. Des analyses électrophysiologiques ont permis de révéler que lorsque la protéine Kir6.2 est mutée, il y a une diminution de la sensibilité à l’ATP. Le mécanisme intime de ce DNN est donc l’absence de capacité du glucose à entraîner une activation de la conductance potassique par une sensibilité réduite à l’ATP. Cela entraîne une incapacité à dépolariser la membrane de la cellule bêta et donc à activer les canaux calciques voltage-dépendants. Cette non-activation des canaux calciques a pour conséquence l’incapacité à sécréter de l’insuline par la cellule bêta. La plupart des patients ont un petit poids de naissance, ce qui souligne le rôle crucial de la sécrétion d’insuline dans la croissance pondérale fœtale. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 1 - janvier-février 2009 Anomalies génétiques de sécrétion de l’insuline et diabète sucré de la petite enfance Des cas de DNNT ont également été décrits avec des mutations du gène KCNJ11, mais dans une plus faible proportion (12 % dans la cohorte française). Aucune corrélation génotype-phénotype n’a pu être dégagée jusqu’à présent et aucune des caractéristiques cliniques recueillies ne permet de distinguer le groupe des patients porteurs de la mutation du groupe de ceux qui n’en sont pas porteurs. Néanmoins, dans le travail de Vaxillaire et al. (10), 2 des 9 patients non porteurs d’une mutation avaient un poids de naissance inférieur au 5e percentile contre 6 des 9 patients porteurs d’une mutation. Mutations du gène ABCC8 codant pour la sous-unité SUR1 En 2006, le gène du récepteur aux sulfamides SUR1 a été séquencé (12). Actuellement 11 % des enfants de la cohorte française ont une mutation hétérozygote activatrice du gène ABCC8, dont 50 % sont transmises par l’un des parents. Soixante-quinze pour cent des enfants ont un DNNT. En temps normal, la sous-unité SUR1 diminue la capacité de fermeture du canal potassique. En cas de mutation activatrice de SUR1, la sensibilité à l’ATP est inchangée. En revanche, le canal potassique a une probabilité plus grande de rester ouvert et donc de bloquer la sécrétion de l’insuline. Aspects thérapeutiques dans le cas des anomalies du canal potassique Ces patients ne répondent pas à l’administration de glucose ou de glucagon par une sécrétion d’insuline. Cependant, la majorité d’entre eux sont capables de répondre aux sulfamides hypoglycémiants, dont l’action passe par une liaison à la sous-unité régulatrice du canal potassique SUR1 (13). Les canaux mutés restent sensibles aux sulfamides, qui ont un effet inhibiteur sur le canal potassique de la cellule β pancréatique. Cela laissait envisager une alternative à l’insulinothérapie de ces enfants avec anomalie de la sous-unité du canal potassique, que l’on croyait définitive, en lui substituant un traitement oral par un sulfamide hypoglycémiant. Ce dernier point a aussi été confirmé en 2006 par une étude montrant la possibilité d’arrêter l’insulinothérapie dans un groupe de 44 patients sur 49 présentant une mutation Kir6.2 (13). Un protocole est actuellement en cours à l’hôpital Necker-Enfants Malades, pour permettre aux enfants de bénéficier de ces avancées thérapeutiques, les sulfamides hypoglycémiants étant contre-indiqués chez l’enfant en France. DNN permanent et transitoire : un même mécanisme moléculaire ? La différence clinique entre DNNT et DNNP n’est pas toujours sous-tendue par des mécanismes moléculaires distincts. Les anomalies de la sous-unité Kir6.2, de même que celles de la sous-unité SUR1 du canal potassique, ont pu être associées à la fois à des formes transitoires et permanentes (12, 14). Il faut noter que, si les mutations de KCNJ11 sont associées à des formes souvent très précoces de diabète, avant six mois de vie, la variabilité d’apparition du diabète des formes associées à ABCC8 est plus grande. Le spectre des modes de présentation peut être très variable, allant de l’acidocétose du nourrisson au diabète gestationnel et au diabète de type 2 de l’adulte. Mutations du gène de l’insuline Très récemment des mutations hétérozygotes du gène de l’insuline ont été reliées au DNNP. L’insuline, synthétisée par la cellule bêta est formée de deux chaînes polypeptidiques A et B reliées par des ponts disulfure. Ces deux chaînes dérivent d’une seule chaîne précurseur, la proinsuline. Cette dernière est convertie en insuline par clivage enzymatique d’un segment C qui relie l’extrémité N terminale de la chaîne A à l’extrémité carboxy-terminale de la chaîne B. Le phénotype des formes associées à des mutations du gène de l’insuline est très variable. Les premières descriptions cliniques remontent à 1976, année lors de laquelle une hyperproinsulinémie asymptomatique, transmise sous le mode autosomique dominant a été décrite (15). Par la suite, des cas de diabète de type 2 ont été associés à ces anomalies, puis récemment des cas de MODY (diabète de la maturité apparaissant dans l’enfance : maturity onset diabetes in the youth) [16], et enfin des cas de DNNP ou de diabète apparaissant dans la petite enfance (16, 17). La proinsuline anormale serait dégradée dans le réticulum endoplasmique qui serait soumis à un stress potentiellement létal pour la cellule bêta. Ce processus a été décrit dans des modèles de souris (18) et il est aussi très probable chez l’homme (19). Anomalies à l’état homozygote du gène de la glucokinase Une forme de diabète de type MODY, le MODY 2, est liée à des mutations hétérozygotes du gène de la glucokinase et se manifeste habituellement par une hyperglycémie modérée (20). La glucokinase est responsable de la première étape du métabolisme du glucose dans la cellule bêta permettant la synthèse du pyruvate. Il agit ainsi comme un “sensor” contrôlant la quantité d’insuline sécrétée. Des enfants nés de parents Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 1 - janvier-février 2009 39 Mise au point hétérozygotes pour une mutation inactivatrice de la glucokinase peuvent être homozygotes avec un déficit complet de la glycolyse. C’est ce qui a été retrouvé dans deux familles comportant plusieurs sujets diabétiques dont deux cas de DNNP diagnostiqués au premier jour de vie (20). Il ne s’agit pas d’une cause fréquente de DNNP (21, 22). Toutefois, un dosage de la glycémie à jeun chez les deux parents est nécessaire, en particulier en cas d’antécédent de diabète de la grossesse. La découverte d’une intolérance discrète au glucose chez les deux parents doit alors conduire à un examen de dépistage à la recherche de mutations du gène de la glucokinase. Syndromes cliniques avec un DNNP non lié à un défaut ciblé et unique de sécrétion de l’insuline Anomalies des gènes des facteurs de transcription du pancréas ✓ Agénésie du pancréas et gène IPF-1 (insulin promoter factor-1) : la première observation décrite est celle d’un enfant qui avait une agénésie pancréatique avec insuffisance pancréatique endocrine et exocrine sévère. Des études avaient montré que chez la souris l’invalidation ciblée du gène de l’IPF-1 correspondant avait provoqué des troubles graves du développement pancréatique endocrine et exocrine (23), et d’autres résultats étaient en faveur d’un effet régulateur de l’IPF-1 sur l’expression des gènes de l’insuline et de la somatostatine (24). Il a effectivement été retrouvé une délétion d’un nucléotide dans le codon 63 du gène IPF-1 (25) à l’état homozygote chez cet enfant. Les parents étaient hétérozygotes pour la mutation, et l’isoforme mutante tronquée du gène IPF-1 agissait comme un inhibiteur dominant négatif de l’activité du gène IPF-1 (20). La mutation hétérozygote de IPF-1 est responsable du diabète MODY 4. ✓ Hypoplasie pancréatique, agénésie du cervelet et gène PTF1A (pancreas specific transcription factor, 1A) : l’association d’un DNN et d’une hypoplasie cérébelleuse, probablement de transmission autosomique récessive, a été décrite chez trois membres d’une famille consanguine. Les trois enfants sont décédés dans les premiers mois de vie en raison de troubles métaboliques, d’altérations de la fonction respiratoire et, semble-t-il, d’infections graves (26). Plusieurs activateurs spécifiques de la transcription, qui régulent l’expression génique, sont présents à la fois dans les cellules β et dans les neurones (27). Ce syndrome, lié à des mutations dans un facteur de transcription PTF1A, crucial dans la morphogenèse du pancréas, associe une hypoplasie du pancréas à une microcéphalie liée à une hypoplasie du cervelet (28). 40 ✓ GLIS family zinc finger protein 3 (Glis3) : des mutations dans le gène Glis3 expliquent une forme syndromique de DNN associé à une hypothyroïdie congénitale, une dysmorphie faciale et, de façon inconstante, à un glaucome congénital, des kystes rénaux et une fibrose hépatique (29). Glis3 appartient à la super famille GLIS et agit comme activateur et répresseur de la transcription. Destruction des cellules bêta ✓ Syndrome IPEX et gène FOXP3 : anomalies de l’auto-immunité : plusieurs auteurs ont décrit un syndrome lié à l’X, caractérisé par l’association d’une dermatite exfoliatrice, d’une diarrhée réfractaire avec atrophie villositaire, d’une anémie hémolytique, d’une thyroïdite auto-immune et d’un DNN. La plupart des enfants qui en sont atteints décèdent d’infections graves avant d’atteindre un an (30). Une agénésie des îlots de Langerhans a été décrite dans certains cas (31). La possibilité d’un mécanisme auto-immun a été étayée par l’efficacité apparente de la ciclosporine dans un ou deux cas (32) et par la présence d’anticorps spécifiques de la décarboxylase de l’acide glutamique (GAD, glutamic acid decarboxylase) avant une greffe de moelle. Le conditionnement pour la greffe avait provoqué la disparition du diabète une semaine avant la greffe, suivie par une régression de la diarrhée et des lésions cutanées. Après deux ans de rémission, un syndrome hémophagocytaire était apparu, provoquant le décès (33). La mutation responsable de cette maladie se situe dans le gène FOXP3 (34). Une mutation du gène FOXP3 chez la souris scurfy conduit à une prolifération excessive des lymphocytes T CD4+/ CD8–, qui infiltrent de nombreux organes. Les mâles meurent 15 à 25 jours après la naissance (35). Il a été démontré que la protéine codée par ce gène, la “scurfine”, était indispensable à une homéostasie normale du système immunitaire. ✓ Syndrome de Wolcott-Rallison et gène EIF2AK3 : anomalie de la phosphorylation des protéines : le syndrome de Wolcott-Rallison est une affection autosomique récessive caractérisée par l’apparition d’un diabète dans la petite enfance (souvent en période néonatale) et par une dysplasie spondylo-épiphysaire. Il peut être associé à d’autres anomalies : hépatomégalie, retard mental et insuffisance rénale, et l’évolution peut être rapidement mortelle (36). Le gène EIF2AK3, fortement exprimé dans les cellules bêta, contribue à la régulation de la synthèse protéique (37). En réponse aux agressions exogènes, les cellules réduisent leur synthèse protéique en phosphorylant la sous-unité alpha de l’EIF2 (facteur initiateur de la traduction chez Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 1 - janvier-février 2009 Anomalies génétiques de sécrétion de l’insuline et diabète sucré de la petite enfance les eucaryotes) grâce à une enzyme, l’EIF2AK3 (kinase 3 de l’EIF2). Les protéines dont le repliement se fait de façon anormale dans le réticulum endoplasmique renforcent l’inhibition de l’initiation de la traduction via la phosphorylation accrue de l’EIF2-alpha. L’invalidation ciblée du gène EIF2AK3 de la souris (PERK) conduit à une accumulation dans le réticulum endoplasmique de protéines comportant des erreurs de repliement, ce qui provoque une augmentation anormale de la synthèse protéique et fait peser un stress supplémentaire sur l’appareil de repliement du réticulum endoplasmique (38). Le gène PERK est fortement exprimé dans le pancréas de la souris. Sa délétion expérimentale altère aussi le développement du pancréas endocrine. Après la naissance, on observe une distension du réticulum endoplasmique, un taux accru d’apoptose et un diabète accompagné d’insuffisance pancréatique exocrine qui s’aggrave progressivement (39). Cela se rapproche du mécanisme de “stress du réticulum” présent aussi en cas de mutation du gène de l’insuline. Une étude de familles consanguines avec le syndrome de WolcottRallison a confirmé la présence de mutations dans le gène EIF2AK3 (37). Autres syndromes présentant un diabète néonatal définitif Une hyperactivité de la phosphoribosyl-ATP pyrophosphatase liée à l’X a été décrite chez deux garçons. Un diabète a été diagnostiqué au premier jour de vie postnatale, associé à un retard mental, une ataxie et une neuropathie axonale d’aggravation progressive (40). Un DNN, lié à une hypoplasie pancréatique sévère (seule la tête du pancréas était présente), associé à une cardiopathie congénitale cyanogène (transposition des gros vaisseaux de la base ou tétralogie de Fallot) a été retrouvé en 1994 (41). Tous les malades appartenaient à la même famille et la transmission semblait être autosomique dominante. Le diabète n’était pas toujours présent dès la période néonatale. Par ailleurs, le DNN pourrait possiblement être lié à une infection anténatale à entérovirus. Enfin, il peut s’observer dans le cadre d’une pathologie mitochondriale (42). Il existe alors le plus souvent d’autres dysfonctionnements d’organes, parfois découverts après le diagnostic de diabète. Conclusion La compréhension des mécanismes du diabète néonatal constitue un enjeu majeur pour appréhender la pathogénie de diabètes plus fréquents, comme par exemple le diabète de type 2 ou le diabète de type MODY 4 par mutation du gène IPF1. Le diabète néonatal peut donc résulter d’une anomalie ciblée et unique sur la voie de sécrétion de l’insuline en réponse au glucose. Ce sont les causes les plus fréquentes retrouvées à ce jour. Il existe également des anomalies impliquant une destruction rapidement progressive des cellules bêta par auto-immunité ou par mutation génique altérant le fonctionnement de la cellule, ce qui la conduit à l’apoptose. Enfin, le diabète néonatal peut être la conséquence d’anomalies du développement ou de maturation de la cellule β, ou du pancréas dans son ensemble, au sein d’un syndrome plus large. Ces trois mécanismes induisent une diminution de la sécrétion de l’insuline conduisant à la survenue d’un diabète parfois très précoce. Nous espérons que l’élucidation d’autres formes de diabète néonatal enrichira nos connaissances sur le développement du pancréas et sur la pathogénie des anomalies fonctionnelles pancréatiques. ■ R e m e r c i e m e nt s Nous remercions l’Aide aux jeunes diabétiques (AJD), association à but non lucratif qui a soutenu certains de nos travaux sur le diabète néonatal. Nous sommes reconnaissants de leur participation active à notre projet consacré au diabète néonatal aux Prs Paul Czernichow et Jean-Jacques Robert (service d’endocrinologie-diabétologie de l’enfant à l’hôpital Necker-Enfants Malades) et au Dr Raphaël Scharfmann (Inserm U845, faculté Necker, Paris). Nous remercions la Dr Hélène Cave et Sabrina Peirera (hôpital Robert-Debré, Paris) pour le diagnostic biologique et la tenue de la banque d’ADN ainsi que la Dr Martine Vaxillaire, Aurélie Dechaume et le Pr Philippe Froguel (institut Pasteur de Lille) pour les recherches de nouveaux gènes impliqués dans ces formes de diabète. Nous sommes également reconnaissants envers l’équipe soignante emmenée par Myriam Faivre pour les soins prodigués aux enfants dans le service d’endocrinologie, diabétologie de l’hôpital Necker-Enfants Malades. Nous remercions enfin l’ensemble des cliniciens en France et à l’étranger, ainsi que les enfants et leurs familles, qui nous font confiance dans ce domaine. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 1 - janvier-février 2009 41 Mise au point Références 1. Edghill EL, Flanagan SE, Patch AM et al. Insulin Mutation 15. Gabbay KH, DeLuca K, Fisher JN, Mako ME, Rubenstein 29. Senee V, Chelala C, Duchatelet S et al. 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Les articles publiés dans “Correspondances en Métabolismes-Hormones-Diabètes et Nutrition” le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Tout droits de reproduction, d’adaptation et de traduction par tous procédés réservés pour tous pays. © octobre 1997 - Edimark SAS (éditions DaTeBe) Imprimé en France – Axiom Graphic SAS - 95830 Cormeilles-en-Vexin – Dépôt légal à parution 42 Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 1 - janvier-février 2009