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Ludwig Wittgenstein
Leçons et conversations
Titre originale : Lectures and Conversations
Lecture on Ethics
©Editions Gallimard, 1971, 175 pages
Partie traitée : Leçons sur l’Esthétique, pp.15-86
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1. Présentation de l’auteur
Né à Vienne, d’un père industriel, Ludwig Joseph Johann Wittgenstein entre en 1906 à la
Technische Hochschule de Berlin, puis en 1908 à l’université de Manchester, pour s’y
spécialiser en aéronautique. Il visite Frege à Iéna et, sur son conseil, s’inscrit au cours de
Bertrand Russell à Cambridge (1912-1913).
Réformé en 1914, il s’engage cependant dans l’armée autrichienne et, fait prisonnier par les
Italiens en novembre 1918, ne rentre en Autriche qu’en août 1919. Il a rédigé alors le
Tractatus logico-philosophicus, qu’il a communiqué à Russell et à Frege.
Il entreprend une carrière d’instituteur de campagne (1919-1926), puis se consacre pendant
deux ans à la construction d’une maison, à Vienne, pour l’une de ses sœurs.
Ce n’est qu’en 1929 qu’il accepte de retourner enseigner à Cambridge où il reçoit le grade
de docteur pour son Tractatus logico-philosophicus (Traité logico-philosophique ).
Tractatus logico-philosophicus
Dans ce traité, il y expose que le seul usage correct du langage est d’exprimer les faits du
monde, que les règles a priori de ce langage constituent la logique (telle que l’ont conçue
Frege et Russell), que le sens éthique et esthétique du monde relève de l’indicible et que la
philosophie, dans son effort pour montrer les pièges du langage, se condamne finalement
elle-même au silence.
Toujours à Cambridge, Wittgenstein prépare, à travers de nombreux essais, un ensemble de
remarques intitulé Philosophische Untersuchungen (Recherches philosophiques ).
L’influence de Wittgenstein s’est rapidement répandue dans les pays de langue anglaise;
elle gagne aujourd’hui en extension sinon en profondeur, le langage étant devenu un thème
philosophique majeur. Elle a eu une action décisive sur les philosophes du cercle de
Vienne, dans les années 1930, et sur ceux de l’école analytique, dans les années 1950, sans
que Wittgenstein se soit jamais reconnu dans les œuvres d’aucun d’entre eux. Quand il est
appelé à succéder à Moore1 en 1939, la guerre éclate; devenu citoyen britannique, il est
alors mobilisé dans les services de santé à Londres. Il retourne à Cambridge après la guerre
mais démissionne en 1947, puis passe son temps entre l’Irlande, Oxford et Cambridge.
Atteint d’un cancer incurable, il s’installe en 1951 chez son médecin de Cambridge, pour y
mourir.
Il laissait un seul manuscrit prêt pour l’édition, les Recherches philosophiques , qui furent
publiées peu après sa mort en 1953, avec une traduction anglaise. Mais son influence s’était
profondément exercée sur ceux qui l’avaient fréquenté, et un opus posthumum très
volumineux allait être progressivement publié.
1 Wittgenstein se lia avec George Moore (1973-1958) qui, avec ses Principia Ethica (1903),
avait renouvelé la philosophie morale
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Ensemble des ouvrages publiés
TRACTATUS LOGICO-PHILOSOPHICUS suivi d’INVESTIGATIONS
PHILOSOPHIQUES,
LE CAHIER BLEU ET LE CAHIER BRUN, Etudes préliminaires aux
« investigations philosophiques »,
CARNETS (1914-1916),
FICHES,
REMARQUES PHILOSOPHIQUES,
GRAMMAIRE PHILOSOPHIQUE,
REMARQUES SUR LE FONDEMENT DES MATHEMATIQUES,
DE LA CERTITUDE.
Insertion dans les débats et controverses de la discipline
La majorité des écrits de Wittgenstein portent sur les mathématiques,
cependant, la place immense tenue dans sa vie par le souci de l’intégrité
morale et sa maîtrise exceptionnelle en matière artistique et surtout musicale
dénotent de l’intérêt qu’il porte à l’éthique et à l’esthétique.
Le culte qu’il a engendré de son vivant s’est prolongé après sa mort par la
sacralisation de ses textes et la piété entourant tout ce qui touche à lui.
L’existence de ce culte témoigne de la qualité et de la profondeur de
l’engagement personnel de Wittgenstein dans tout ce qu’il a entrepris
enseignement, pratique artistique, écriture, relations humaines et de l’effet
produit sur autrui.
« Ses pratiques artistiques peuvent donc être rattachées à ses remarques sur
l’esthétique, compte tenu du niveau musical exceptionnel des membres de la
famille Wittgenstein parents grands bourgeois amis de Brahms, frère
pianiste professionnel dans un lieu et à une époque privilégiés : la Vienne
du début du XIXème siècle, alors capitale mondiale de la musique »2.
2 Christiane Chauviré, Leçons et conversations, Présentation, Editions Gallimard 1992, p.II
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Présentation de l’objet du texte et de la thèse argumentée
« Les leçons sur l’esthétique ont été données en privé à Cambridge au cours de l’été 1938
devant un petit groupe d’étudiants. Le texte publié ne correspond pas aux notes que
Wittgenstein a utilisé pour ses leçons (en aurait-il autorisé la publication ?), mais à celles
prises par quatre de ses étudiants.
Elles ont été publiées en 1966 sous le titre « Lectures and Conversations » par l’éditeur
anglais Basil Blackwell ».3
Ces notes reflètent les opinions de Wittgenstein sur la vie, sur les questions
religieuses, psychologiques et artistiques, ainsi que son attitude à leur égard.
La leçon sur l’esthétisme tourne autour du problème de l’appréciation
esthétique. Et de la compréhension en matière d’art.
Pour Wittgenstein, toute forme artistique doit avoir également valeur de
manifestation éthique4. En témoigne le « purisme » de la maison qu’il a
bâtie pour sa sœur à Vienne : « Faites-la plus haute… plus basse !… [à
propos d’une porte] enfin, faites quelque chose », remarque-t-il lors de ces
leçons sur l’esthétisme.
L’appréciation esthétique exprime une satisfaction produite par le fait de
trouver enfin, ou d’entendre enfin, l’exécution parfaite d’un morceau s’il
s’agit de musique. « Une des manières de porter un jugement sur un
vêtement consiste à le porter souvent, à l’apprécier quand on le voit… »{.13
p.22} « L’appréciation esthétique correspond à la saisie soudaine d’une
perfection dans le tempo, par exemple »5. La satisfaction esthétique se
traduit ici par le fait que le pianiste arrête de chercher le bon tempo.
L’idée majeure de Wittgenstein est que l’explication esthétique est une
explication « par les raisons » et non « par les causes ». Ainsi, « on ne peut
3 Cyril Barrett, Leçons et conversations, Préface, Editions Gallimard 1992, pp.11-13
4 Christiane Chauviré, Leçons et conversations, Présentation, Editions Gallimard 1992, p.III
5 Ibid.
5
donner une définition précise d’un objet sans précision quant aux lumières
et ombres qui en tombent ». {.14 p.22}
[L’appréciation implique la « compréhension »]
Comprendre en matière d’art, mais aussi comprendre en général, c’est « voir
comme » ou « entendre comme »6. Wittgenstein entend par « comprendre
une phrase musicale », saisir son « expression », laquelle expression
échappe à toute description, à toute standardisation, à toute mesure. Selon
lui, la description d’une expérience semble plus intéressante que la
description d’une action {.7 p.73}. Ce qui décrit convenablement une attitude
par exemple, c’est la position du corps {.11 p.76}.
Conclusion
« La thèse soutenue dans l’ouvrage fondateur de Hans Robert Jauss, Pour
une esthétique de la réception7, soutient que la littérature et la plupart des
formes artistiques modernes possèdent des histoires qui leur sont propres. »
Plus loin, « être amené à réagir face à une œuvre d’art, c’est au mieux, et
pour peu qu’on en soit capable de le faire, argumenter sa propre conduite
devant ce qu’elle contient de réalité expressive »8. Deux extraits qui nous
renvoi à la leçon de Wittgenstein, qui pense qu’on reconnaît les gens qui
savent apprécier à leur discours, à leur agissement {.21 p.26}.
Ainsi, ces deux théories qui se complètent, permettent de mieux interpréter
le propos de Wittgenstein pour qui l’esthétique va de pair avec le langage.
« Des mots peuvent être exprimés par des gestes ou des mimiques : les
descriptions s’en trouvent plus souples et variées » {.10 p.20}. Il a cherché
des gestes pouvant remplacer le vocabulaire du langage pour arriver à
6 Op-Cit
7 H.R. Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1973 in Emmanuel
Ethis, Le cinéma et l’empreinte du temps, l’œuvre filmique au crible de la réception
spectatorielle, Protée,Vol. 27 n°2 p.71
8 Ibid.
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