Enseigner le fait religieux https://www.clionautes.org/spip.php?page=article&id_article=643 Enseigner le fait religieux Synthèse du débat de la rentrée 2004 par Catherine Gervois Mise en ligne : mercredi 20 octobre 2004 i L’Infolettre HG-Clionautes i La liste i Les synthèses i Enseigner Copyright © Les Clionautes 1/5 Enseigner le fait religieux LES QUESTIONS ET PROBLEMATIQUES abordées A - Enseigner le fait religieux en classe d’histoire - Qu’est-ce que faire de l’histoire du fait religieux ? - Que sont les textes de référence ? - Quelle place donner aux figures fondatrices ? - Quelle posture adopter face aux cultures et incultures religieuses, à partir des programmes de la classe de seconde ? B - Histoire du Christianisme : - Est-ce une « l’erreur historique » si on explique aux élèves que Jésus n’est pas directement le fondateur du christianisme mais que cette religion est le produit d’une construction humaine, que Jésus était avant tout un juif et qu’il ne remettait pas en cause la loi juive ? C - Histoire de l’islam : - Question d’élève : Les musulmans se tournent vers la Mecque pour prier, vers où se tournent ils quand ils sont à La Mecque ? - Qu’est-ce que le Coran ? LES SOURCES D’INFORMATION COMPLEMENTAIRE (citées, avec quelques compléments) A : Enseigner le fait religieux : Gros dossier de formation continue sur ce sujet sur Eduscol articles d’Historiens-Géographes : N° 386, 04/2004 "Enseigner le fait religieux, une mission difficile", Mireille Estivalezes N° 387, 07/2004 : "Aborder le fait religieux à l’école", Catherine Senard. Un fait de société et de culture etc... depuis plus de 15 ans. à paraître dans les Cahiers pédagogiques, sur la Laïcité, un article de D. Natanson sur "Le doute et l’identité" B : Sur le christianisme Emissions TV de Prieur et Mordillat sur Arte, avril 2004, 2h x4 Origines du Christianisme Ce site offre des textes de référence, les thématiques développées, un glossaire, une chronologie, les interviews des auteurs, les réactions du forum. Les premiers temps de l’Eglise, 2004, Folio histoire, ouvrage collectif, dont des participants à l’émission ci-dessus. Jésus , illustre et inconnu, 2°éd, 2004 Albin Michel, Coll° Spiritualités vivantes. Copyright © Les Clionautes 2/5 Enseigner le fait religieux Actes de l’université d’automne de Guebwiller (oct. 2003), 2004/05 : "Religion et modernité". (Scéren - CRDP de Versailles) Les fruits de leur arbre, regard athée sur les chrétiens, Alfred Grosser, 2001, Presses de la Renaissance colloque de la DESCO - 06/2003 : Comment parler des figures fondatrices ? Jésus de Nazareth Un site sur "l’invention de Jesus" La Conversion de Constantin, conférence de Yves Moderan APHG Caen Quand l’empire romain est-il vraiment devenu chrétien ? C - sur l’islam Diversité et historicité de l’islam : (2002) Comment parler des figures fondatrices ? Mahomet Le Choc de l’islam : XVIII-XXI", de Marc Ferro, Ed. O. Jacob, 2003 Nos voisins musulmans - Du Maroc à l’Iran, 14 siècles de méfiance réciproque, Ed. Les Belles Lettres, Y. Fontenay, 2004 Les nouveaux penseurs de l’Islam, Revue Le Nouvel Observateur hors-série, avril-mai 2004. Islam : le terroriste, le despote et le démocrate, Revue Courrier International hors série politique, été 2003. Islam contre islam, Manière de Voir (Le Monde diplomatique) n°64, juillet-août 2002 Les rénovateurs de l’islam, Revue Le Monde des religions, n°1, septembre-octobre 2003 " Aux origines du Coran, questions d’hier, approches d’aujourd’hui, de Alfred-Louis de Premare, Ed. Teraedre (collection : l’islam en débats) La vérité sur l’Islam. Mahomet, prophète guerrier.Le Coran. L’âge d’or de l’Islam. Turquie, Inde Asie centrale, splendeurs et misères des réformateurs. Les terroristes ont trahi l’Islam. Une religion au péril de la modernité. Cartes. Chronologie. Revue L’Histoire, N°260, 12/2001 Paix et guerre en Méditerranée, de l’aventure grecque au réveil de l’Islam, Revue L’Histoire, N°132, 07/1992 islam et laïcité LE DEBAT : Les échanges ont parfois été un peu vifs mais courtois. Le débat s’est étiré dans plusieurs directions. Nous avons à aborder les faits religieux à plusieurs reprises dans les programmes d’Histoire du collège et du lycée, pratiquement dans toutes les classes, et cela n’est pas nouveau. D’après le débat, c’est en 6° et en 2° que cela semble poser problème pédagogique. De fait, la religion est intégrée à toutes les périodes d’histoire que nous enseignons, par le rôle culturel, politique, international qu’elle joue. Copyright © Les Clionautes 3/5 Enseigner le fait religieux On peut s’étonner que la question : "qu’est-ce qu’une religion ?" ne soit pas posée. La religion est une affaire de "foi" dans une ou plusieurs divinités, puissances surnaturelles, un système d’explication du monde et du destin de l’être humain, qui inclut la croyance dans des faits parfois miraculeux ou irrationnels. Elle est aussi une adhésion ou une insertion dans un groupe de croyants, donc une affaire d’identité. Les religions s’appuient sur des personnages fondateurs, dont la réalité est rarement mise en doute, même si on ne peut pas dater, repérer des moments essentiels de leur vie. Le débat s’est un peu attardé sur la réalité de Jésus. Une autre difficulté est que les religions monothéistes se sont, pour des raisons de pouvoir, inscrites sur un discours historiographique. Ce dernier ne ressemble en rien à un discours d’historien contemporain, mais il commence par une création divine du monde, raconte les interventions divines pour sauver l’humanité, entrevoit une fin. Les religions monothéistes sont des "histoires saintes". Elles s’appuient sur des textes multiples, remaniés, toujours discutés, discutables. C’est cette multiplicité, et les aménagements postérieurs qui sont source de doute, et c’est le domaine des théologiens. C’est là que la limite est difficile à respecter, et que nous risquons de tomber dans un piège, car nous sommes dans une situation paradoxale. Nous n’avons pas à discuter de la validité de tel ou tel texte dit religieux, alors que la recherche et la critique des sources fait partie de notre démarche. D’autre part étudier des textes religieux en classe peut être considéré comme une action prosélyte. Les textes sacrés ont suscité des échanges, en particulier le Coran. Sur l’enseignement du fait religieux islamique, la question de départ était assez simple. La réponse d’un colistier nous renvoie à la lecture du Coran, sur cette question. De même, la discussion qui s’engage sur La Mecque fait référence à une tradition religieuse mais pas à des faits historiques. Et tout de suite la question des textes sacrés, de leurs versions, obnubile le débat. Par contre, qu’il y ait division forte entre sunnites et chiites sur la référence coranique est déjà un fait porteur d’histoire. Comme les divisions entre chrétiens. Il en ressort qu’il existe des corans, des textes évangéliques, et que la fixation unitaire ou totalisante de ces textes est tardive, et non acceptée par tous les adeptes de la religion. Plusieurs colistiers ont souligné que notre objectif pédagogique n’est pas d’entrer, et encore moins de se perdre, dans des débats théologiques. Mais de faire de l’histoire. Quel est donc notre rôle d’enseignant sur cette question ? Le fait historique ne concerne pas la véracité de la croyance mais sa diffusion, et les effets de sa diffusion dans l’histoire. Pour le christianisme, ce n’est pas tant le rôle et le personnage de Jésus que l’importance et le rôle du christianisme dans les fondements de notre civilisation et dans notre histoire. Le fait chrétien est là. Certains se demandent, ce qui dans le "message" chrétien peut expliquer le succès de la nouvelle religion et surtout pourquoi ce succès. N’est-on pas trop proche du "message" religieux pour répondre en historien à cette question ? Une attitude historienne pourrait être de se limiter à analyser avec esprit critique l’instauration et la diffusion de chaque nouvelle religion, le contexte, les médiations, les échanges humains ou les conflits qui ont favorisé son expansion. Les indications chronologiques sont nécessaires, quand elles sont possibles ; elles justifient le "progressivement", et c’est un premier acte d’historien. Copyright © Les Clionautes 4/5 Enseigner le fait religieux Nous avons plutôt à trouver des problématiques historiennes qui nous placent en dehors des religions. Dans la conférence de M. Y. Moderan, ce dernier se pose la question : quand l’empire romain est-il vraiment devenu chrétien ? D.Letouzey a signalé que "le fait religieux concerne la politique, la géopolitique, la morale, l’anthropologie historique. Cette dernière approche, en évoquant par exemple la place réservée à la femme, ou l’interprétation de la mort, peut permettre de faire de l’histoire, en échappant aux catéchismes et aux littéralistes." Je rajouterais qu’il concerne aussi les relations internationales, les mentalités, les structures sociales et économiques, les guerres civiles, la création artistique, la culture, le paysage urbain...Donc nous ne devrions pas être à court de problématiques adaptées aux époques, et à l’âge de nos élèves. Le doute méthodique introduit par la démarche historienne peut choquer des élèves, très croyants, comme cela se passe déjà un peu entre nous. Il y a désacralisation de la religion, ce qui peut être mal accepté par certains croyants. D.Natanson aborde particulièrement ce problème. Il y a aussi actuellement un grand fossé entre une masse peu instruite, peu intéressée par la religion, qui la relègue dans un rituel social, pour une vie privée dont on ne parle pas, et certains qui affichent le fameux "renouveau religieux" annoncé par les médias. Parmi ces derniers, il y a des chrétiens, des juifs, des musulmans. L’affaire du voile, le tam-tam sur les signes ostentatoires d’appartenance religieuse renforcent les tensions. Ces tensions sont de fait contradictoires avec les ouvertures réelles entre les différentes religions. L’APHG a fait une enquête sur le sujet et a relevé que le fait religieux était la question qui suscitait le plus "d’incidents" en classe, de la part des élèves ou des parents. D’où un problème pédagogique, sur la manière d’aborder le fait religieux. Quelle place faire aux textes religieux ? Sommes nous assez formés sur les religions pour apporter un commentaire éclairant sur des extraits de la Bible ou du Coran ? Comment faire accepter par des élèves croyants que la religion est aussi objet d’histoire ? Certains colistiers cherchent à favoriser les points de rapprochement entre les religions, pour en minimiser les frontières, en insistant sur les filiations, les repères communs, tout en signalant quand même les différences. Une démarche intéressante a été proposée par D.Chathuant sur les Hébreux, en 6° : Ne surtout pas partir de la Genèse. Rapprocher le récit de l’Exode (naissance de Moïse) de celui de la légende de Sargon, le mésopotamien. Montrer les influences mésopotamiennes et celles de l’Egypte sur le livre sacré des Hébreux. Ces textes rejoignent alors l’ensemble des mythes symboliques fondateurs des sociétés et qui ne sont pas indépendants les uns des autres. Catherine Senard montre en 2de, la "religion au cœur des sociétés médiévales autour de la Méditerranée", en Occident, dans le monde musulman et à Byzance. (H-G N°387) En conclusion, il paraît sage de rester en marge de la religion, d’en étudier les manifestations historiques sans entrer dans le corpus de ce qui est du domaine de la foi. L’historien étudie, selon une problématique adaptée, en se mettant en position d’observateur des faits historiques dans leur diversité, leur contexte et leurs interrelations. C.Gervois Copyright © Les Clionautes 5/5