Enseigner le fait religieux
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On peut s’étonner que la question : "qu’est-ce qu’une religion ?" ne soit pas posée. La religion est
une affaire de "foi" dans une ou plusieurs divinités, puissances surnaturelles, un système
d’explication du monde et du destin de l’être humain, qui inclut la croyance dans des faits parfois
miraculeux ou irrationnels. Elle est aussi une adhésion ou une insertion dans un groupe de
croyants, donc une affaire d’identité.
Les religions s’appuient sur des personnages fondateurs, dont la réalité est rarement mise en
doute, même si on ne peut pas dater, repérer des moments essentiels de leur vie. Le débat s’est un
peu attardé sur la réalité de Jésus.
Une autre difficulté est que les religions monothéistes se sont, pour des raisons de pouvoir,
inscrites sur un discours historiographique. Ce dernier ne ressemble en rien à un discours
d’historien contemporain, mais il commence par une création divine du monde, raconte les
interventions divines pour sauver l’humanité, entrevoit une fin. Les religions monothéistes sont
des "histoires saintes". Elles s’appuient sur des textes multiples, remaniés, toujours discutés,
discutables.
C’est cette multiplicité, et les aménagements postérieurs qui sont source de doute, et c’est le
domaine des théologiens. C’est là que la limite est difficile à respecter, et que nous risquons de
tomber dans un piège, car nous sommes dans une situation paradoxale. Nous n’avons pas à
discuter de la validité de tel ou tel texte dit religieux, alors que la recherche et la critique des
sources fait partie de notre démarche. D’autre part étudier des textes religieux en classe peut être
considéré comme une action prosélyte.
Les textes sacrés ont suscité des échanges, en particulier le Coran. Sur l’enseignement du fait
religieux islamique, la question de départ était assez simple. La réponse d’un colistier nous renvoie
à la lecture du Coran, sur cette question. De même, la discussion qui s’engage sur La Mecque fait
référence à une tradition religieuse mais pas à des faits historiques. Et tout de suite la question des
textes sacrés, de leurs versions, obnubile le débat.
Par contre, qu’il y ait division forte entre sunnites et chiites sur la référence coranique est déjà un
fait porteur d’histoire. Comme les divisions entre chrétiens.
Il en ressort qu’il existe des corans, des textes évangéliques, et que la fixation unitaire ou
totalisante de ces textes est tardive, et non acceptée par tous les adeptes de la religion.
Plusieurs colistiers ont souligné que notre objectif pédagogique n’est pas d’entrer, et encore moins
de se perdre, dans des débats théologiques. Mais de faire de l’histoire. Quel est donc notre rôle
d’enseignant sur cette question ?
Le fait historique ne concerne pas la véracité de la croyance mais sa diffusion, et les effets de sa
diffusion dans l’histoire. Pour le christianisme, ce n’est pas tant le rôle et le personnage de Jésus
que l’importance et le rôle du christianisme dans les fondements de notre civilisation et dans notre
histoire. Le fait chrétien est là.
Certains se demandent, ce qui dans le "message" chrétien peut expliquer le succès de la nouvelle
religion et surtout pourquoi ce succès. N’est-on pas trop proche du "message" religieux pour
répondre en historien à cette question ?
Une attitude historienne pourrait être de se limiter à analyser avec esprit critique l’instauration et
la diffusion de chaque nouvelle religion, le contexte, les médiations, les échanges humains ou les
conflits qui ont favorisé son expansion.
Les indications chronologiques sont nécessaires, quand elles sont possibles ; elles justifient le
"progressivement", et c’est un premier acte d’historien.