Petits réarrangements entre amis On ne réarrange pas le génome

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Petits réarrangements entre amis
Dans notre enquête pour mieux comprendre les voies de
réparation, les ciliés (voir leur dossier ci-dessous)
apportent de nouveaux indices.
On ne réarrange pas le génome sans casser de l’ADN
De nombreux cancers sont dus à des problèmes de réparation des cassures de l’ADN, qu’elles soient
accidentelles ou programmées. Mieux comprendre comment ces voies fonctionnent est donc un
enjeu majeur pour le diagnostic et la lutte contre le cancer. La paramécie offre un modèle original
pour l’étude des réarrangements programmés des génomes et des voies de réparation impliquées.
La dure vie d’une cellule. L’ADN qui se trouve dans nos
cellules est quotidiennement endommagé, on estime
entre 1 000 et 1 000 000 le nombre de dommages à
l’ADN par jour et par cellule. Elles peuvent être les
conséquences naturelles du métabolisme ou être dues à
l’exposition à des produits chimiques ou des radiations.
Parmi ces dommages, les plus délétères sont les
cassures double brin de l’hélice d’ADN; une seule de ces
cassures double brin non réparée ou mal réparée est
potentiellement mortelle pour une cellule humaine.
Heureusement ces lésions sont relativement rares,
environ 8 par jour et par cellule. Néanmoins il est crucial
pour le bon fonctionnement de l’ensemble de
l’organisme que chaque cellule soit capable de réparer
ces cassures. C’est pourquoi de nombreuses voies de
réparation existent, certaines sont spécialisées pour un
type de dommage, d’autres sont plus polyvalentes. Ainsi
de nombreux systèmes de réparation cohabitent dans
la cellule et doivent s’entendre à chaque fois qu’un
dommage à l’ADN est détecté.
Pour répondre à ce défi biologique, il existe un locus dans
le génome dans chaque cellule du système immunitaire
qui va permettre d’introduire la variabilité nécessaire pour
la production d’une « infinité » d’anticorps différents par
le mécanisme de recombinaison V(D)J.
Principe de la recombinaison V(D)J
J. Beisson
L’ADN est coupé en différents endroits du locus…
Et réassorti dans chaque cellule de façon différente…
Partie
variable
Partie
constante
Pour produire des anticorps différents.
Il arrive que des cellules cassent leur ADN de façon
«préméditée». En effet, dans certains cas, casser l’ADN
est nécessaire pour qu’elle puissent assumer leur
fonction. Il existe de nombreux exemples, un des plus
fameux étant le phénomène de recombinaison V(D)J qui
est absolument crucial pour le bon fonctionnement du
système immunitaire.
Les armes au centre du système de défense de notre
organisme sont les anticorps. Un anticorps donné
reconnait un agent étranger donné. Cependant il existe
une virtuelle infinité d’agents étrangers. Or dans chacune
de nos cellules, on ne dénombre que 30 000 gènes
différents. Dans ces conditions comment produire une
infinité d’anticorps à partir d’un nombre limité de
gènes ?
R. Robinson
La partie variable d’un anticorps qui va reconnaitre les
agents étrangers est codé par un assortiment de
fragments V, D et J. A un endroit bien particulier du
génome des lymphocytes (cellules du système
immunitaire) il existe un réservoir de fragments V, D et J
tous différents. Des cassures vont être introduites dans
l’ADN pour permettre différentes combinaisons VDJ. Cela
permet d’avoir des anticorps différents à partir d’un seul
locus du génome. A ce principe de base s’ajoutent des
systèmes plus compliqués pour introduire encore plus de
variabilité.
Il est donc absolument indispensable d’introduire des
cassures double brin de l’ADN de façon programmée
dans les lymphocytes. Il est tout aussi indispensable de
réparer ces cassures sinon il n’y a pas de production
d’anticorps.
La voie NHEJ
Par un mécanisme proche de celui utilisé par les cellules
humaines pour générer la diversité des anticorps, la
paramécie introduit volontairement des cassures double
brin. Mais au lieu de se limiter à un seul locus, ce
phénomène se produit à l’échelle de tout le génome.
L’objectif ici n’est pas de générer de la diversité mais
d’enlever des séquences d’ADN parasites qui interrompent
des gènes. Si ces séquences ne sont pas éliminées, les
protéines codées par ces gènes ne seront pas
fonctionnelles et la cellule mourra. A chaque cycle sexuel,
pour produire son noyau somatique, la cellule doit
éliminer plus de 50 000 séquences, ce qui signifie au
moins autant de cassures double brin à réparer dans un
laps de temps relativement court. Les systèmes de
réparation doivent donc être très efficaces pour faire face
à cet afflux de cassures.
Les études menées au CNRS, dans le laboratoire de
Mireille Betermier ont permis de montrer que la voie de
réparation choisie par la paramécie pour réarranger son
Quelques mots pour mieux comprendre
ADN : il s’agit d’une longue molécule sous forme de
double hélice composée de bases A,T, G et C dont la
séquence ordonnée contient l’information génétique.
Cassure double brin : une cassure double brin est une
lésion qui interrompt les deux brins qui forment la double
hélice d’ADN.
Locus : C’est un emplacement physique précis et
invariable d’un chromosome.
génome et réparer les cassures double brin est la voie du
NHEJ (voir schéma ci-dessous). Pour mieux comprendre
comment la cellule fait le choix de cette voie de
réparation, nous nous sommes demandé ce qui se
passerait si une protéine clé de cette voie, la protéine
Ku, était absente.
Ku est une protéine très conservée dans de nombreux
organismes vivants, de la bactérie à l’homme, qui
reconnait spécifiquement les extrémités cassées de
l’ADN. Elle va s’y fixer pour les protéger de la
dégradation puis aider au recrutement des acteurs en
aval de la voie qui seront chargés de recoller les
extrémités cassées.
Mieux vaut prévenir que guérir. De façon surprenante,
alors qu’on s’attendait à voir l’ADN dégradé du fait de
l’absence de protection. Lorsque la protéine Ku n’est pas
là, il semble qu’il n’y ait même pas d’introduction de
cassures double brin au bornes des séquences à
éliminer. Cela suggère un lien étroit entre l’introduction
programmée de cassures de l’ADN et leur réparation;
Ku étant nécessaire pour introduire les cassures qu’il va
devoir réparer. C’est un résultat inattendu mais si on
garde en mémoire que la paramécie doit réparer des
milliers de cassures double brin dans un temps très
court, c’est une bonne stratégie pour s’assurer que la
réparation sera faite efficacement.
Anticorps : protéine complexe utilisée par le système
immunitaire pour détecter et neutraliser de manière
spécifique les agents étrangers pathogènes.
NHEJ : voie simple de réparation des cassures double brin
par recollement des extrémités cassées d’ADN
KU : (prononcez « cou »), protéine spécifique de la voie
NHEJ composé de deux sous unités formant un anneau
qui va reconnaitre et protéger les extrémités d’ADN
1.
Des cassures double brin sont introduites
aux bornes des séquences à éliminer
2.
Ku
3.
Ku
Ku va se fixer aux extrémités cassées
comme une perle. L’élément rouge à
supprimer sera éliminé par la cellule
4.
5.
Les extrémités ADN sont recollées
Chez la
paramécie,
Ku a en plus
un rôle en
amont pour
introduire les
cassures
programmées
Cette étude n’est pas terminée et demande d’autres
investigations mais apporte déjà des résultats nouveaux
sur les cassures programmées de l’ADN. La paramécie
constitue un excellent modèle pour comprendre la façon
dont la cellule choisit comment réparer son ADN.
Rôle des protéines Ku lors des réarrangements
programmés du génome de Paramecium
tetraurelia
Marmignon Antoine
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