Le mouvement anti-charia aux Etats-Unis - cespra

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Nadia Marzouki
Institut Universitaire européen,
[email protected]
22 avril 2013
Séminaire du CESPRA, EHESS
Le mouvement anti-charia aux Etats-Unis
background notes
Le 21 juillet 2010, Newt Gingrich, ancien président de la Chambre des représentants et
alors candidat à la primaire du Parti républicain, prononce à l’American Enterprise Institute,
un think tank néoconservateur, un discours intitulé « l’Amérique en Danger, la guerre sans
nom ». Gingrich plaide notamment pour l’adoption d’une loi fédérale interdisant toute
référence à la charia aux Etats-Unis. Il met en garde contre un « mouvement politique,
économique et religieux intégraliste qui cherche à imposer la charia –le droit islamique- sur
tous les aspects de la société mondiale1 ». Dans un film documentaire du même titre, produit
par Citizens United, une organisation qui souhaite « restaurer le pouvoir des citoyens face au
gouvernement », Gingrich s’insurge contre l’aveuglement du gouvernement fédéral. Si la
guerre est dite « sans nom », c’est parce que les membres de l’administration Obama refusent
désormais de recourir aux adjectifs « islamistes » ou « islamiques » pour qualifier les ennemis
de l’Amérique2. Comment gagner une guerre contre un ennemi que l’on refuse de nommer ?
Pour répondre à cette question, le documentaire donne la parole à des personnes présentées
comme des experts reconnus en matière d’islam et de terrorisme, tels l’orientaliste Bernard
Lewis, l’ancien ambassadeur néoconservateur aux Nations Unies, John Bolton, les
1
N. Gingrich, « America at risk : the war with no name », Discours prononcé à l’American Enterprise Institute, 21 juillet
2010.
2
Le documentaire déplore notamment le fait que l’expression « guerre mondiale contre le terrorisme » ait été remplacée
par « Overseas Contingency Operation » et que les mots « extrémisme islamique » et « jihad » aient été retirés des
documents stratégiques sur la sécurité nationale. Voir Scott Wilson et Al Kamen, « Global War on Terror is given new
name”, Washington Post, 25 mars 2009.
1
éditorialistes néoconservateurs Frank Gaffney et Michael Ledeen. Pour tous ces témoins,
comme pour Gingrich, l’ennemi a bien un nom : l’islamiste radical, et celui-ci se caractérise
par son adhésion à la charia.
En s’inspirant de ce documentaire, plusieurs responsables politiques, essayistes et
activistes s’efforcent à leur tour de démontrer en quoi la charia représente désormais l’une
des menaces les plus pressantes pour la survie des Etats-Unis. Le 24 septembre 2010, Oak
Initiative3, une organisation de leaders évangéliques et charismatiques qui entend réagir à la
crise que traverse l’Amérique en restaurant des valeurs « fondées sur les principes de la Bible
ou du royaume (de Dieu) », diffuse sur son site Internet un entretien avec l’un de ses
membres, le Lieutenant General Jerry Boykin, ancien sous-secrétaire adjoint à la Défense
(2003-2007), chrétien born again et fondamentaliste : « Il nous faut réaliser », déclare ce
dernier, « que l’islam en soi n’est pas simplement une religion, c’est un mode de vie
totalitaire. C’est un système légal, la loi de la charia; c’est un système financier, c’est un code
moral, c’est un système politique, c’est un système militaire. L’islam ne devrait pas être
protégé par le Premier Amendement, surtout quand l’on sait que ceux qui obéissent au diktat
du Coran sont dans l’obligation de détruire notre constitution et de la remplacer par la loi de la
Charia ». A partir de 2010, ces arguments sont repris à l’envi dans les médias et les meetings
politiques, notamment par des candidats républicains. A l’unisson de Newt Gingrinch et
Michèle Bachmann, un moment candidate aux présidentielles de 2012, le catholique
conservateur et ancien sénateur de Pennsylvanie Rick Santorum déclare lors d’un dîner de
campagne, en mars 2011: « Le jihadisme, c’est le mal, et nous devons dire ce que c’est. La
charia est incompatible avec notre jurisprudence et notre constitution ».
D’où vient et en quoi consiste ce qu’on appelle, depuis 2010, le mouvement anticharia aux Etats-Unis ? Il se fonde sur l’activisme d’un réseau d’acteurs politiques, d’avocats,
de polémistes conservateurs, de think tanks et de lobbys aussi hostiles à l’administration
Obama qu’aux musulmans et à l’islam. Le mouvement anti-mosquées est né de la rencontre
de l’activisme grassroot des habitants de quartiers ou des communautés locales et
d’organisations conservatrices nationales. Le mouvement anti-charia en revanche a été pour
ainsi dire monté de toute pièce par un petit réseau d’acteurs et d’institutions, qui ont pour
objectif de pousser toujours plus à droite l’agenda des conservateurs républicains. Si le
discours et le documentaire de N. Gingrich marquent l’acte de naissance de ce mouvement
3
L’organisation présente la situation actuelle des Chrétiens américains comme celles d’esclaves aliénés à une puissance
maléfique et étrangère.
2
auprès du public américain, la double dénonciation de l’islamisme radical et de l’angélisme de
l’administration Obama face au terrorisme est une constante du discours de la droite
conservatrice depuis 2008. Ces thèmes alarmistes ont déjà été développés lors des auditions
organisées au Congrès le 10 mars 2011 par Peter King, représentant républicain de l’Etat de
New York et président du comité pour la sécurité nationale. Les auditions, portant sur
« l’étendue de la radicalisation de la communauté musulmane américaine et la réponse de
cette communauté », avaient pour objectif de discuter des formes de violences spécifiques à
l’islam. Il s’agissait aussi de dénoncer l’engagement insuffisant des musulmans américains
dans la lutte contre le terrorisme. Le mouvement anti-charia se définit par un objectif précis :
l’utilisation des ressources du droit afin de bannir toute référence au droit islamique dans les
tribunaux. Mais l’enjeu de cette bataille juridique est avant tout politique. Il s’agit de faire
durer la controverse à propos de l’islam afin de pouvoir imprégner le débat d’arguments
hostiles aux musulmans, mais plus encore à l’administration Obama, au camp démocrate, à
une certaine conception de la démocratie libérale, voire à certains républicains conservateurs
jugés trop modérés.
Les organisations du réseau anti-charia
Au fondement de cette bataille politique et juridique, se trouve un réseau
d’organisations, qui œuvrent depuis plusieurs années à l’élaboration d’un argumentaire hostile
à l’islam et à la collecte de faits et documents susceptibles de l’étayer.
L’un des principaux acteurs du mouvement est le Center for Security Policy (CSP) un
think tank créé en 1988 et présidé par Frank Gaffney, qui se donne pour objectif de rétablir
« la paix par la force » (peace through strength).
L’éloge de l’exceptionnalisme américain, la mise en garde contre les atteintes à la
souveraineté nationale et la référence à l’héritage reaganien sont au cœur de l’idéologie du
CSP. L’extrémisme islamique est le nouvel ennemi, qui remplace l’ennemi communiste de
l’ère reaganienne. «Comme nation, nous devons travailler à saper les fondements
idéologiques du totalitarisme et de l’extrémisme islamiste avec au moins autant d’habileté, de
discipline et de ténacité que le Président Reagan en avait pour empêcher le communisme de
vaincre pendant la guerre froide ». Frank Gaffney, ancien sous-secrétaire adjoint à la défense
dans l’administration Reagan, éditorialiste dans des journaux conservateurs tels que le
Washington Times, WorldNet Daily ou la New Republic, anime aussi une émission de radio
sur la chaîne Secure Freedom Radio. Il a fait depuis le début des années 2000 de la lutte
3
contre le « totalitarisme islamiste » un des thèmes majeurs de sa campagne pour sauvegarder
l’héritage reaganien contre les démocrates - et aussi contre certains conservateurs jugés trop
complaisants envers les musulmans. A côté d’un comité consultatif et un conseil
d’universitaires, le think tank dispose (chose assez rare) d’un comité militaire, composé d’une
dizaine de généraux et amiraux à la retraite. Ces trois comités doivent définir une stratégie
pour gagner la bataille contre les musulmans radicaux et leurs alliés modérés, qui cherchent à
endormir la vigilance du public américain en se faisant passer pour des victimes. En matière
de politique étrangère, le CSP dénonce sans trêve la soumission de l’administration Obama
aux traités internationaux et aux diktats des Nations Unies et son incapacité à protéger la
souveraineté américaine.
En 2010, le CSP publie une étude détaillée de 177 pages qui vise à démontrer en quoi
la charia représente une menace grave pour la survie des Etats-Unis : Shariah : the Threat to
America4. Dirigée par Frank Gaffney, l’étude porte le sous-titre suivant : An exercise in
competitive analysis, Report of Team ‘B’ II. Cet intitulé fait référence au rapport de la « Team
B », rédigé en 1976 par un groupe d’experts en sécurité internationale à la demande de
George H.W Bush, alors directeur de la CIA. L’objet du rapport était de contredire
« l’évaluation officielle », dans les milieux du renseignement, des capacités d’offensive de
l’Union Soviétique ainsi que la politique de détente qu’elle visait ostensiblement à justifier.
Les auteurs du rapport affirment que si la menace islamique a remplacé la menace
communiste, la crédulité et l’incapacité du gouvernement Obama à assurer la sécurité
nationale est semblable à celle qui fut responsable de la politique de détente. Parmi les auteurs
du rapport, on trouve, en plus des chercheurs associés au CSP, d’éditorialistes de la presse
conservatrice et de consultants auto-désignés en matière de sécurité, le Général Boykin, déjà
cité, John Guandolo, un ancien agent du FBI, James Woolsey, ancien directeur de la CIA et
Andrew C. McCarthy, ancien assistant du procureur général de New York5. Pour démontrer
que la charia est incompatible avec la Constitution américaine, le rapport affirme que l’islam
n’est pas à proprement une religion, mais un code juridique et politique qui aspire à subvertir
tout ordre politique existant. « Il s’agit d’une doctrine militaro-politico-légale, plutôt que
d’une religion telle que définie par les standards américains. (…) En réalité, l’islam est une
idéologie révolutionnaire et un programme qui cherche à transformer l’ordre social du monde
4
Center for Security Policy, Shariah: The Threat To America: An Exercise In Competitive Analysis (Report of Team B II),
Washington, 22 septembre 2010.
5
Il a été en charge du procès contre Omar Abdel Rahman en 1995. Il est l’auteur de nombreux livres polémiques contre
l’islam, la Gauche américaine et l’administration Obama : voir par exemple The Grand Jihad: How Islam and the Left
Sabotage America, Encounter Books, 2010 ; et How Obama Embraces Islam’s Sharia Agenda, 2010.
4
entier, et à le reconstruire conformément à ses propres principes et idéaux6 ». L’adhésion à la
charia est contraire à l’esprit de la Constitution américaine, car elle implique la soumission de
la volonté à Dieu, et par conséquent le renoncement à la liberté. « De plus, la charia est une
doctrine qui impose le gouvernement d’Allah sur tous les aspects de la société. Plus
particulièrement en opposition avec le Virginia Statute Statute of Liberty, et de manière
absolument incompatible avec lui, la charia stipule que Dieu n’a pas créé l’esprit libre, mais
assujetti à la volonté d’Allah. La condition des êtres humains est la soumission à Allah, non
pas la liberté7 ». Il faut donc de toute urgence protéger la constitution contre la charia. Les
auteurs du rapport insistent sur la primauté de la souveraineté populaire. « Notons que ‘nous,
le peuple’ crée la Constitution; la Constitution ne crée pas ‘nous le peuple’. ‘Le peuple’
comme entité fondatrice a été constitué par l’acte volontaire de consentement aux principes de
la Déclaration. En créant la Constitution pour garantir les droits et libertés (liberties)
naturelles, le peuple a agi en sa capacité souveraine8 ». Ce peuple uni et déjà constitué peut, à
tout moment, décider de suspendre la garantie des protections constitutionnelles à une
minorité menaçante qui ne fait pas partie de ce peuple. On est loin de l’approche libérale de la
démocratie constitutionnelle, qui affirme l’égalité des droits pour tous et soustrait la
protection juridique des minorités religieuses aux aléas de la volonté populaire.
De nombreuses autres organisations et personnalités médiatiques rejoignent le CSP dans sa
campagne anti- charia. Des think tanks, tels que l’Ethics and Public Policy Center (EPPC),
travaillent à la production d’arguments et de preuves de la menace islamique. Des lobbys
d’avocats comme l’American Public Policy Alliance (APPA) ou l’American Center for Law
and Justice (ACLJ) offrent des conseils juridiques et font pression sur les représentants de
différents Etats. Des organisations grassroots, religieuses ou non, et de taille variable,
entreprennent d’alerter et mobiliser la population locale. Ainsi du mouvement Concerned
Women for America (CWA) ou de la Florida Family Association (FFA). Ces groupes
rassemblent d’anciens intellectuels et activistes anti-communistes, nostalgiques de Reagan,
des américains coptes ou maronites originaires du Moyen-Orient, ou de simples citoyens
encore sous le choc des attaques de 2001 et marqués par la crise financière de 2008. En dépit
de leurs différences, toutes ces organisations défendent un même ensemble de thèmes. Il
s’agit pour elle de protéger l’héritage ou les valeurs judéo-chrétiennes de l’Amérique, contre
la menace de l’islam et du sécularisme libéral, en militant par exemple pour la réintroduction
6
Shariah: The Threat To America, op.cit., p. 120.
Id., p 121.
8
Ibid., p 119.
7
5
de la prière obligatoire dans les écoles publiques, l’enseignement du créationnisme, et pour un
plus grand rôle de la religion dans l’espace public. Le thème des libertés –religieuse et
économique- occupe une place centrale dans leur argumentaire, associé à une critique féroce
de la politique du gouvernement Obama. Partisans d’une restriction draconienne de
l’immigration, farouches opposants du plan de réforme de santé, les membres de ces
organisations plaident pour un gouvernement minimal, et affirment avec amertume que les
droits constitutionnels du peuple américain sont mis en péril par le légalisme jugé antidémocratique de la « juristocratie » libérale démocrate. Dans ce discours, l’Europe envahie,
terrorisée par les groupes islamistes, transformée en « Eurabie » se voit attribuer une fonction
centrale de contre-modèle. Pour ne pas suivre le chemin de l’Europe, il importe de lancer une
guerre préventive contre le risque d’infiltration islamiste. Les organisations de défense des
droits des musulmans américains telles que CAIR et MPAC, qualifiées par le camp anticharia d’entités à la solde des Frères Musulmans, sont donc une cible prioritaire.
Acte 1 : L’Oklahama contre la charia
Le referendum de l’Etat d’Oklahoma représente le premier acte et le coup d’essai du
mouvement anti-charia. Peu avant les élections de mi-mandat du 2 novembre 2010, deux
républicains, le sénateur Rex Duncan et le représentant Mike Reynolds, proposèrent de
soumettre au vote un amendement à la Constitution de l’Etat, qui interdirait la moindre
référence à la charia dans les tribunaux d’Oklahoma. Le 2 novembre, dans un Etat qui
comprend moins de 1% de musulmans et où il n’avait jamais été fait mention de la charia
dans les tribunaux, 70% de la population vote en faveur de cet amendement. La « Question
755 » -rebaptisée save our state amendment - qui vise à modifier l’article VII.1 (définissant
les prérogatives des tribunaux) de la Constitution de l’Etat propose les modifications
suivantes : « Les tribunaux ne prendront pas en compte les préceptes légaux d’autres nations
ou cultures. Spécifiquement, les tribunaux ne prendront pas en considération le droit
international ou la loi de la charia9. » Cette dernière est définie de façon très vague: « La loi
de la charia est le droit islamique. Elle est fondée sur deux sources principales, le Coran et les
enseignements de Mohammed ».
Dès le lendemain de l’élection, le 4 novembre, Munir Awad, directeur de la section locale de
CAIR, intente un procès contre la commission électorale de l’Etat. Il réclame en effet que
9
State Question 755, House Joint Resolution 1056, HJR 1056, déposée le 25 mai 2010 et soumise au vote le 2 novembre
2010. Section C : “... The courts shall not look to the legal precepts of other nations or cultures. Specifically, the courts
shall not consider international law or Sharia Law.”
6
l’amendement soit rejeté comme inconstitutionnel au prétexte qu’il est contraire au premier
amendement par plusieurs aspects. Le 29 novembre 2011, après une journée d’auditions, la
juge de la cour de district d’Oklahoma City, Vicki Miles-Lagrange, adresse une injonction
temporaire à la commission électorale pour l’empêcher d’entériner l’amendement 10. Sa
décision montre qu’on a affaire à deux approches opposées du droit. Les partisans de
l’amendement se posent en défenseurs de la volonté du peuple. Celui-ci doit réaffirmer son
droit à dire la Constitution et s’opposer à l’élite libérale des juges incompétents, qui mettent
en péril la souveraineté nationale et l’héritage des Pères fondateurs. De son côté, la juge
réaffirme le principe de démocratie constitutionnelle, qui protège les droits fondamentaux des
minorités contre les caprices de la majorité. Le 1er décembre 2010, le camp adverse fit
cependant appel de cette décision. Mais le 10 janvier 2012, la cour d’appel de dixième circuit
jugea que l’amendement proposé par Rex Duncan et Mike Reynolds était bel et bien contraire
à la Constitution et décida d’en interdire définitivement la ratification.
Acte 2: American Law for American Courts (ALAC)
Si la controverse d’Oklahoma semble se conclure par un échec pour les adeptes de
législations anti-charia, ceux-ci vont toutefois très vite tirer les leçons de cette aventure. Tout
au long de cette affaire, des juristes élaborent en effet une version plus présentable de projet
de loi, qui ne cible pas spécifiquement l’islam. David Yerushalmi rédige pour l’APPA un
modèle de loi intitulé American Law for American Courts (ALAC). L’objectif est de
« protéger les droits constitutionnels des citoyens américains contre l’infiltration et l’incursion
des lois étrangères et des doctrines légales étrangères, spécialement la loi islamique de la
charia ». Tout comme le rapport sur la charia du Center for Security Policy, le préambule
d’ALAC insiste sur la nécessité de sauvegarder le véritable héritage des Pères fondateurs, de
protéger la Constitution, de réaffirmer le droit du peuple sur cette Constitution et de défendre
plus fermement la souveraineté américaine. Dans ce combat, les législatures d’Etat « ont un
rôle vital à jouer pour préserver ces droits constitutionnels et ces valeurs américaines de
liberté ». L’exceptionnalité de l’Amérique, rappelle le préambule, repose sur l’attachement à
la liberté de religion, d’expression, de presse, au droit à un procès équitable (due process), au
droit à la vie privée, mais aussi au droit d’avoir et de porter des armes. S’abstenant de faire
explicitement référence à la charia, ALAC propose désormais l’énoncé suivant : “La
[législature/assemblée générale) estime que ce sera à la politique publique de cet Etat de
10
Awad v. Ziriax, Western District of Oklahoma, 29 novembre 2011.
7
protéger ses citoyens de l’application de lois étrangères, lorsque l’application d’une loi
étrangère aura pour résultat la violation d’un droit garanti par la Constitution de cet Etat ou de
celle des Etats Unis… » Ce projet de loi, même s’il semble moins ouvertement contraire au
premier amendement, demeure problématique pour plusieurs raisons. Des lois fondées sur le
modèle ALAC ont été adoptées en Arizona, en Lousiane, dans le Tennessee, le Kansas et,
plus récemment en Floride. Des lois similaires sont en train d’être discutées dans les corps
législatifs de nombreux Etats.
Axes de réflexion :
A partir de l’analyse de l’argumentaire et des stratégies des adeptes des législations anticharia, nous tenterons donc de mieux comprendre la signification politique du mouvement
anti-charia, en nous intéressant tout particulièrement aux aspects suivants :
-la critique de la mondialisation et du cosmopolitisme que propose ce mouvement ;
-la critique populiste de la « juristocratie » et de la théorie politique libérale ;
-une définition particulière de la souveraineté américaine, fondée sur l’émotion et
l’exception ;
-la conception normative de la religion sur laquelle repose l’argumentaire du mouvement, et
les effets concrets de ce discours sur la pratique des musulmans américains.
8
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