Suisse
24 heures | Vendredi 19 septembre 2014
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des arbres. Une fois devenu in-
secte, il perce alors le tronc avec un
«trou de sortie», de la taille d’un
stylo, pour s’envoler pondre 150
œufs sur les arbres voisins.
Dans le PC de crise, les cartes
démontrent cependant que les ca-
pricornes asiatiques se contentent
de petits déplacements. «En abat-
tant tous les arbres à proximité,
nous arrivons à contenir son avan-
cée, explique Maurice Horner.
Mais s’il atteint la forêt, alors la si-
tuation sera hors de contrôle.» De-
puis plusieurs semaines, les décou-
vertes se limitent désormais à des
larves. «Il faut cependant toujours
rester attentif lors des abattages et
être prêt à rapidement attraper un
insecte avant qu’il ne s’envole.» En
sortant un spécimen d’un bocal,
Eric Romanens démontre que le
capricorne asiatique est certes im-
pressionnant avec sa taille équiva-
lente à une pièce de 5 francs, mais
parfaitement pacifique avec
l’homme et pas très craintif.
Arboristes grimpeurs
Des spécialistes et bûcherons ve-
nus de tout le pays sont à l’œuvre
dans les rues de Marly pour repé-
rer et éliminer cet insecte discret.
Ils sont épaulés certains jours par
un des douze chiens suisses spécia-
lement dressés pour le sentir.
Aujourd’hui, ce sont notamment
des arboristes grimpeurs genevois
qui traquent les traces du capri-
corne asiatique au sommet d’un
bouleau. «Attention en bas, nous
allons couper une branche.» Petite
frayeur pour le propriétaire de la
villa voisine au superbe pommier.
«Ils ont trouvé des larves?» Soula-
gement, c’était juste une branche
abîmée par une tempête.
Les interventions des bûche-
rons se passent-elles toujours aussi
bien? «Certains habitants vivent
mal cette situation, estime Eric Ro-
manens. Mais je pense que tout le
monde est conscient du devoir de
solidarité nécessaire pour enrayer
ce fléau. Nous devons réussir à éra-
diquer le capricorne asiatique.»
L’incertitude s’annonce cependant
encore longue. Pendant au moins
cinq ans, Marly restera sous haute
surveillance. Pas question non plus
pour les habitants de replanter
pendant ce laps de temps de nou-
veaux feuillus. Seule exception,
des arbres en pot déposés dans les
quartiers infectés pour piéger les
éventuels coléoptères survivants.
La commune
fribourgeoise fait
face à un ravageur
redoutable:
le capricorne
asiatique
Mehdi-Stéphane Prin Textes
Philippe Maeder Photos
Impossible pour un touriste de
passage dans cette banlieue ver-
doyante de Fribourg de s’en dou-
ter. Pourtant, au cœur du bourg de
Marly, une bataille sans précédent
s’est engagée contre un envahis-
seur qui menace les arbres suisses
et européens. Depuis deux mois,
les 7700 habitants de la commune
vivent au rythme des abattages de
peupliers, de marronniers, de sau-
les, de bouleaux et de platanes. Des
feuillus sacrifiés pour éradiquer le
capricorne asiatique, insecte consi-
déré par les spécialistes comme un
des pires ravageurs du monde.
«Certains habitants, en rentrant de
vacances, n’ont plus reconnu leur
quartier», constate Eric Roma-
nens, vice-syndic de Marly. «Cela
fait déjà 500 arbres d’abattus»,
ajoute son collègue de l’exécutif en
charge des Forêts, Maurice Hor-
ner. Visite des deux quartiers tou-
chés.
Facture salée
Dans un rayon de 100 mètres, les
feuillus de cinq espèces sont systé-
matiquement abattus. En atten-
dant d’être réduits en petits mor-
ceaux, puis brûlés, ils donnent
naissance à de gigantesques tas de
bois. «Cela évite de laisser les ar-
bres abattus à la vue de leurs pro-
priétaires, déjà assez marqués par
les événements», explique Mau-
rice Horner. Des parcs et des jar-
dins jadis ombragés sont désor-
mais parsemés de souches. Même
si la Confédération supervise les
opérations et met ses experts à dis-
position, la facture des opérations,
déjà plus de 300 000 francs, est
entièrement à la charge du Canton
de Fribourg.
Le premier capricorne asiatique
a été découvert le 9 juillet dernier,
par hasard. Le nuisible avait cepen-
dant pris ses quartiers depuis plu-
sieurs années au cœur des arbres,
selon Eric Romanens. «Les analy-
ses ADN ont démontré qu’il s’agit
de la troisième génération en acti-
vité à Marly.» Ce coléoptère a un
cycle de vie d’environ deux ans,
principalement sous forme de
larve creusant des tunnels au cœur
Environnement
Marly sacrifie en masse ses arbres
pour lutter contre une terrible invasion
U Le capricorne asiatique a
quitté pour la première fois la
Chine en 1996 pour débarquer
aux Etats-Unis en se planquant
dans des palettes en bois non
traité. Un grand classique. Il est
d’ailleurs arrivé à Marly avec un
chargement de marbre et de
granit à bas prix. Les palettes ne
respectant pas les normes
européennes n’auraient jamais
dû avoir l’autorisation de
franchir la douane suisse.
Le premier cas connu
d’infestation en Europe date
cependant de 2001, en Autriche.
Depuis, le coléoptère a décimé
des arbres en France, en Italie,
aux Pays-Bas et en Allemagne. En
2011, il est pour la première fois
repéré en Suisse, à Brünisried,
dans le canton de Fribourg. Il
s’agissait vraisemblablement
d’insectes appartenant à la
colonie de Marly, alors inconnue.
En 2012, c’est une zone indus-
trielle de Winterthour (ZH) qui est
victime de la première infestation
massive recensée dans le pays.
Tous les feuillus sont les cibles
potentielles du capricorne
asiatique, mais jusqu’à présent,
en Europe, il se contente de
s’attaquer aux marronniers,
aux saules, aux bouleaux, aux
platanes et aux peupliers. Ironie
de l’histoire, c’est l’introduction
de cette dernière espèce en
Chine dans les années 80 qui a
permis au coléoptère de quitter
le statut de simple nuisible pour
devenir un redoutable ravageur,
un des plus dangereux du monde
pour l’environnement, selon les
scientifiques. L’insecte et ses
larves sont particulièrement
résistants et s’adaptent aux
climats les plus durs, comme les
grands froids canadiens.
Actuellement, il n’existe
aucun traitement efficace pour
lutter contre le capricorne
asiatique. Seule la méthode forte
– abattre les arbres dans un rayon
de 100 mètres autour de la zone
infectée – a fait ses preuves,
notamment en Autriche. Même
dans son pays d’origine, ses
prédateurs naturels sont peu
nombreux et relativement
inefficaces. En plus, comme il
s’agit de guêpes chinoises,
prendre le risque de les intro-
duire en Europe serait certaine-
ment un remède pire que le mal.
Le ravageur chinois est le nouveau péril forestier
Le mode de prolifération du capricorne asiatique
L. PORTIER
1. Le capricorne
pond environ
300 œufs dans
des trous qu’il
a creusés
dans l’écorce .
2. Pendant deux ans
les larves issues
des œufs vivent dans
l’arbre dans lequel elles
creusent des galeries.
3. La larve donne naissance à un
nouveau capricorne qui fore un trou
circulaire duquel il s’envole pour
aller à son tour pondre ses œufs...
Retrouvez notre
galerie de photos sur
capricorne.24heures.ch
Le chiffre
6,7%
C’est la baisse enregistrée dans
la vente des antibiotiques
vétérinaires entre 2012 et 2013.
Comparé au record de ventes
enregistré en 2008, cela
correspond même à une
diminution de 26%, alors que
l’effectif des troupeaux n’a que
légèrement reculé. Malgré ce
recul des ventes, les résistances
à certains antibiotiques sont en
augmentation ou restent à un
niveau élevé chez les animaux
de rente. Les porcs en particu-
lier sont touchés par les
staphylocoques dorés résistant
à la méticilline. ATS
Transports
Les resquilleurs
seront fichés au
niveau national
Les personnes pincées sans titre
de transport valable dans des
trains ou des bus risquent d’être
répertoriées au niveau national.
La révision de la loi sur le
transport des voyageurs a été
adaptée dans ce sens. But de
l’opération: améliorer la
poursuite des fraudeurs à
répétition tout en respectant la
protection des données. Le
registre sera géré par les
entreprises concessionnaires et
l’Union des transports publics.
Les informations pourront être
conservées dix ans au plus. ATS
Publicité
Les TV régionales
flirtent avec
l’illégalité
Huit TV régionales sur treize ont
enfreint les règles sur la
publicité et le parrainage.
L’Office fédéral de la communi-
cation a relevé plusieurs
infractions à l’issue d’un
contrôle. Il a relevé par exemple
une insertion trop longue du
logo du sponsor, trop d’incrusta-
tions de textes pendant l’émis-
sion ou un rapport insuffisant
entre l’émission et le sponsor.
Cofinancées par la publicité, les
émissions consacrées à la santé,
aux loisirs et à la cuisine sont
particulièrement touchées. ATS
Accident de chasse
Andermatt (UR) Un chasseur a
blessé accidentellement son fils
d’un coup de fusil mercredi soir
près d’Andermatt. Les deux
hommes, âgés de 54 et de 22 ans,
se trouvaient sur le chemin du
retour lorsqu’un coup de feu est
parti du fusil du père. Le fils a
été touché au tibia droit. Il a été
héliporté par la Rega. ATS
Issue fatale
Anet (BE) Une automobiliste,
blessée il y a une semaine dans
un accident de la circulation à
Anet, a succombé hier soir à ses
blessures à l’hôpital. La victime,
une femme de 83 ans, avait dû
être désincarcérée par les
pompiers locaux et héliportée
par la Rega. ATS
Lynx
Opération réussie pour le
Département genevois de
l’environnement, qui a relâché
il y a un an un lynx recueilli dans
le Jura. Le félin, suivi grâce à un
collier émetteur, semble bien
s’adapter à la vie sauvage.
Parcourant de longues distan-
ces après avoir suivi un itinéraire
inattendu, il occupe actuelle-
ment les environs du massif du
Mont-Blanc, un espace où les
lynx sont encore rares. J.MT
Il a dit
«Ce budget ne fait
plaisir à personne,
mais quand les
choses vont mal
il faut prendre
des mesures»
Ivan
Slatkine,
député PLR,
soutient le
projet de
budget du
Canton de
Genève
DETA
Des arbres pièges en pot sont contrôlés chaque jour. Un arboriste grimpeur genevois cherche des traces du nuisible.
Sur une main, le capricorne asiatique est paisible. Symbole de la crise qui touche Marly, les tas d’arbres abattus.