
Ce Père que révèle Jésus nous libère de certaines idées courantes que l’esprit humain se fait de Dieu :
le Dieu, force cosmique, gérant et régentant l’univers (le grand architecte de l’univers) , ou le Dieu des
philosophes et des savants qui ne voient que la raison pour justifier les ordres et les désordres de
l’histoire (Dieu impassible), ou le Dieu, idée morale, juge du Bien et du Mal, surveillant pointilleux des
actes des humains. (Dieu punit). Le Dieu qui s’est donné à voir en Jésus est le « Dieu vivant qui
appelle chacun à se lever et à aller vers la vie en choisissant d’aimer. »
La maladie, le deuil, l’infirmité, l’échec, la solitude, Jésus le parcourt en tous sens. « Il passe sa vie
dans les régions les plus douloureuses de notre humanité » (Jacques Guillet)
Jésus se dit, il se veut médecin (Je ne suis pas venu pour les bien-portants mais pour les malades…).
Le bon médecin compatit et, quand il y a urgence, il se hâte « aussitôt », un mot fréquent dans
l’évangile. Il n’a qu’un but : guérir. Jésus guérit. Sans choisir : « On lui amena tous les malheureux
atteints de maladies et de tourments divers et il les guérissait » (Mt 4). Le sens de ces guérisons est la
foi, une croissance de la foi. Mais il souffre quand l’incrédulité l’empêche de faire à Nazareth des
guérisons (Mc 6,5).
Jésus se dit, se veut avocat. Le bon avocat conseille, aide, assiste, encourage. Jésus sait « ce qu’il y
a dans l’homme » (Jn2,25) et il sait que Dieu sait : « Même si notre cœur nous condamne, Dieu est
plus grand que notre cœur et il connaît tout. (1jn 3,20) » . Connaître, c’est co-naître, participer. C’est
au-dedans de lui qu’il entend combien péniblement cela grince en nous.
Aux portes de Naïn, Jésus a les « entrailles remuées » par la douleur d’une veuve dont on porte en
terre le fils unique. Il dit « Ne pleure pas » et relève aussitôt le jeune homme.
Mais au tombeau de Lazare, il pleure en voyant pleurer Marie et les Juifs qui l’accompagnent. Pourquoi
ces larmes ? Là, il est face à face avec sa propre mort. Il vient réanimer Lazare et la renommée de ce
miracle fut la cause immédiate de son arrestation et de son crucifiement. Les larmes de Jésus sont le
commencement de son agonie, elles expriment sa sensibilité devant la mort humaine.
Selon St Jean, le Père et le Fils sont un (10,30) ; le Père et le Fils agissent ensemble. C’est du Père
dont il est l’Image que le Fils reçoit cet amour qui inclut le don de la vie. Il ne sera pas donné d’image
plus parfaite de Dieu, que l’homme Jésus agonisant, outragé, crucifié.
Toute représentation de Dieu qui s’écarterait de ce déchirement à l’intérieur de la Trinité n’aurait pas
de sens. Comment croire que Dieu est Amour, s’il faut penser que notre souffrance ne l’atteint pas
dans son être éternel ?
Un Père invulnérable serait un Père sans tendresse.
3-Dans le mur qu’engendre l’angoisse de la mort, Jésus ouvre la brèche qu’il est possible d’être
humain, c’est-à-dire d’aimer jusqu’au bout. Par sa façon de vivre et de mourir, il témoigne que la
fatalité peut être brisée. L’amour est plus fort que la mort. L’amour traverse la mort et la vie s’inscrit
dans l’éternité.
(C’est bien cette vie que Robert a pressenti et qui l’a remis debout après le décès de son fils). Croire
que l’amour peut traverser la mort, c’est le désir de chaque être humain. La résurrection est un acte
de Dieu arrachant le Christ à la mort tout entière pour le faire passer à la vraie vie. Jésus en
ressuscitant est en même temps le Ressuscité et le Ressuscitant…Sa résurrection est dans le même
temps sa résurrection et celle des autres. Elle n’est pas un prodige mais une victoire. La résurrection
se reçoit de Dieu. Ce n’est pas l’être humain qui se donne la résurrection par ses propres efforts. La
résurrection est l’avenir qui vient de Dieu seul. « Il n’est pas un Dieu de morts mais de vivants » (Luc
20,38)
« Que l’amour puisse parvenir jusqu’à l’au-delà, que soit possible un mutuel donner et recevoir, dans
lequel les uns et les autres demeurent unis par des liens d’affection au-delà des limites de la mort-
cela a été une conviction fondamentale de la chrétienté à travers tous les siècles et reste aujourd’hui
une expérience réconfortante. Qui n’éprouverait le besoin de faire parvenir à ses proches déjà partis
pour l’au-delà un signe de bonté, de gratitude ou encore une demande de pardon ?...Dans la
communion des âmes le simple temps terrestre est dépassé. Il n’est jamais trop tard pour toucher le
cœur de l’autre et ce n ‘est jamais inutile. Ainsi s’éclaire ultérieurement un élément important du
concept chrétien d’espérance. Notre espérance est toujours essentiellement aussi espérance pour les
autres. » (Benoît XVI Sauvés en espérance n°48)
Voir aussi Lytta Basset Ce lien qui ne meurt jamais.