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Alors que les réactions s’amplient face à la prise de
conscience des conséquences du réchauffement climati-
que, une grande partie de l'attention s'est portée sur le rôle
du dioxyde de carbone (CO2) et sur le contrôle de l'émis-
sion de ce gaz ainsi que des autres gaz à effet de serre dans
l'atmosphère.
L'augmentation considérable des émissions de CO2 a été
attribuée à la déforestation de la planète et à la combustion
des énergies fossiles, tels que le charbon, le pétrole et le
gaz naturel. Le bilan de toutes ces activités se traduit par
une perturbation des équilibres climatiques habituels et par
l'atteinte subséquente à la stabilité et à la durabilité.
Cependant, la réaction globale qui a été proposée, pour
pallier à la crise émergente, est le contrôle de la combus-
tion des énergies fossiles et l'enfouissement du CO2 libéré,
dans des puits à long terme, an d'en débarrasser l'air que
nous respirons. La plupart des observateurs considèrent
que cet effort présent est trop limité et que, de plus, il est
trop tard. Les informations recueillies des carottes glaciai-
res quant à la concentration de CO2 lors des ères glaciaires
précédentes mettent en valeur une concentration maxima
de 280 ppm lors de ces époques. De nos jours, les activités
humaines ont propulsé des concentrations supérieures à
382 ppm (n 2006) dans l'atmosphère de la planète.
De plus, et cela n'arrange rien, les informations transmises
par la NASA suggèrent que s'il est vrai que les océans du
monde absorbent initialement la plus grande partie du CO2
libéré, ce processus s'équilibre lentement sur une période
de 25 à 50 années: au bout de cette période, aux alentours
de 60 % des gaz absorbés sont de nouveau libérés dans
l'atmosphère. (NDT. C'est ce qui arrive en ce moment: le
puits de CO2 dans l’océan Austral est saturé par le chan-
gement climatique1). Cela signie que quoi que nous fas-
sions, nous sommes piégés dans une situation d'augmen-
tation exponentielle au-delà du niveau actuel de 382 ppm.
Par conséquent, même si nous stoppions aujourd'hui toute
émission de CO2, nous serions confrontés à un futur qui
verrait les concentrations de CO2 augmenter de 2,5 % par
année.
Les conséquences sont préoccupantes, des changements
de cycles de pluviométrie (qui pourraient perturber les ac-
tivités agricoles et la production alimentaire sur toute la
planète) à la montée des océans en passant par l'accrois-
sement des activités cycloniques. Le pronostic est terrible:
même si nous arrêtons toute émission de CO2, il n'y rien
que l'on puisse faire pour éviter le désastre qui se prole
à l'horizon.
Ce futur terriant est-il réellement une fatalité? Une série
de recherches qui ont étudié la base biologique de l'ho-
méostasie planétaire suggèrent qu'en effet, il y a quelque
chose que nous puissions faire. Notre rédemption réside
peut-être dans les forêts qui favorisent la vie de ces hum-
bles micro-organismes que sont les bactéries.
An d'appréhender ce processus, il nous faut examiner le
cycle planétaire de l'eau. L'eau est disponible en grandes
quantités sur la planète et elle circule du sol vers la surface
et ensuite vers l'atmosphère. Le transfert de l'eau de surfa-
Une autre solution pour lutter
contre le réchauffement climatique
Ranil Senanayake
Noyaux de Condensation de Nuages
d’origine anthropique
Noyaux de Condensation de Nuages
d’origine biologique
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ce vers l'atmosphère est effectué par les processus d'évapo-
ration et d'évapotranspiration2. L'évapotranspiration est la
libération de l'eau dans l'atmosphère au travers de l'action
des plantes. La vapeur d'eau est présente dans l'entièreté
de l'atmosphère et ce n'est que quand elle commence à se
condenser que les nuages peuvent se former. Les processus
de condensation évoluent au point où la pluie puisse éven-
tuellement se manifester.
Les nuages se forment de différentes façons: par exemple,
brouillards légers précipités par les poussières et la pol-
lution ou bien cumulus épais précipités par des particules
biochimiques. Chaque type de nuage pourvoit un certain
de degré de protection des radiations solaires, un phéno-
mène dénommé “albedo” qui correspond à la quantité de
radiations solaires qui sont reétées vers l'espace. L'albedo
de la planète détermine la quantité de lumière solaire qui
atteint la surface terrestre et qui va, à son tour, déterminer
la chaleur de l'atmosphère.
Non seulement les nuages agissent-ils comme un para-
sol dans un monde dont la température s'accroît mais ils
inuencent aussi la vapeur d'eau dans l'atmosphère à la-
quelle on attribue de 60 à 80 % de l'effet naturel de serre
sur la planète. La vapeur d'eau 3 a été le facteur le plus im-
portant d'effet de serre et ce sans doute depuis 4 milliards
d'années.
L'albedo généré par les nuages diffère en fonction de l'ori-
gine des particules de nucléation. Les poussières, la fumée
et la pollution produisent des nuages ns avec peu d'al-
bedo; au contraire, les nuages dont la nucléation est bio-
chimique se caractérisent par un albedo élevé. Ces divers
albedos se caractérisent, donc, par une capacité différente
(de 0 à 90 %) à rééchir les radiations solaires vers l'espa-
ce. La valeur moyenne attribuée à l'albedo des nuages pour
renvoyer les radiations solaires vers l'espace est de 30 %.
L’effet de rafraîchissement de ce processus est tel qu’un
accroissement d’1 à 2 % de l’albedo sufrait à réduire les
effets liés à la quantité actuelle de CO2 et à les faire re-
descendre à leur niveau pré-industriel. On peut ainsi sûre-
ment stabiliser le climat en le rafraîchissant par un accrois-
sement d’1% de l’albedo.
Il nous faut pour cela considérer la nature des nuages. Les
nuages sont formés par de la vapeur d'eau qui se condense
autour de noyaux microscopiques, la majorité d'entre eux
provenant d'aérosols d'origine biologique. La première
compréhension de ce phénomène vint de l'étude du sulfure
de diméthyle. Le DMS est produit en quantités considé-
rables par les océans du monde et il donne à ces derniers
leur parfum caractéristique. Il est généré par une diversité
d’organismes marins, du phytoplancton aux barrières de
corail. Le DMS inuence le climat planétaire en produi-
sant les particules qui promeuvent la formation des nuages,
l’efcacité de l’albedo et donc la vitesse du réchauffement
planétaire.
Dans les écosystèmes terrestres, ce sont les forêts qui pos-
sèdent cette fonction équivalente de production de noyaux
biochimiques de condensation de nuages. Les forêts re-
présentent 48 % de toute l'évapotranspiration terrestre.
Cette libération considérable d'eau s'accompagne d'énor-
mes quantités de bactéries de cavités stomatales telles que
Pseudomonas et Areogenes. Ces bactéries sont véhiculées
vers les nuages avec la vapeur d'eau et agissent comme
des noyaux hydroscopiques formant des goutelettes de
condensation. Des études récentes estiment que plus
d'un milliard de tonnes de ces noyaux organiques sont
libérés dans la haute atmosphère tous les ans. L'effet
est aisément perçeptible de par l'augmentaiton du couvert
nuageux, de l'albedo et des précipitations au-dessus des -
gions forestées. Dans les régions tropicales, cette inuence
est très marquée.
Ces études mettent également en valeur une différence de
température entre les régions forestées et les régions défo-
restées, avec une incidence équivalente en ce qui concerne
les radiations solaires, à hauteur de 15 °C. Comme les
concentrations de CO2 sont identiques dans les deux
types de régions, l'effet de rafraîchissement est directe-
ment corrélé aux variations dans les dynamiques d'eau
et de nuages.
Il semblerait ainsi que cela ne soit pas seulement l'aug-
mentation des émissions de CO2 depuis le début de la
révolution industrielle qui a déclenché le phénomène de
réchauffement global: il nous faut réévaluer l'impact de
la destruction massive des anciennes forêts primaires
depuis de début de l'industrialisation. Ainsi que Jehne 5
le déclare en 2007, “il s'ensuit que la destruction de près
de 80 % des forêts primaires de la terre par l'humanité
durant l'industrialisation pourrait avoir provoqué une di-
minution considérable de la capacité naturelle de rafraî-
chissement et donc accru le phénomène de réchauffement
climatique”.
S'il est vrai que les nuages puissent être formés par des
NCN (Noyaux de Condensation de Nuages) de source an-
thropique, tels que les feux et la pollution, il reste que la
Surfaces d'évapotranspiration accrues avec les écosystèmes
des forêts primaires anciennes
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nature et la quantité de ce type de noyaux ainsi générés
n'entraîne pas une condensation de goutelettes de pluie: de
tels nuages sont donc généralement des nuages sans pluie.
Les nuages de pluie requièrent une atmosphère propre et
des surfaces étendues de forêts source d'évapotranspira-
tion.
Au-delà de la dynamique de protection des anciennes fo-
rêts primaires, que pouvons-nous faire d'autre? Il nous faut
encourager les processus de reforestation en créant des
environnements dupliquant les conditions originelles des
écosystèmes primaires. Il existe un nombre considérable
de jardins familiaux tropicaux qui pourraient être aména-
gés an de satisfaire des nécessités planétaires.
Etant donné les différences, quant à la nature de l'écolo-
gie et de la biodiversité, entre des plantations et des forêts
naturelles, la capacité des forêts à générer et à libérer des
volumes considérables de noyaux formateurs de nuages
est directement corrélée à leur maturité. Les forêts les plus
anciennes et les plus matures abritent de vastes quantités
de plantes épiphytes et peuvent accroître la production de
noyaux bactériens de plus de 500 %. Cela signie qu'il
nous faut non seulement conserver les anciennes forêts
primaires mais il nous faut également restaurer les écosys-
tèmes forestiers détruits en reforestant avec des arbres qui
seront laissés à leur croissance naturelle et qui seront ainsi
encouragés a redévelopper les éléments épiphytiques de
leur canopée 4.
Les communautés épiphytiques constituent souvent une
part importante de la biomasse dans certains écosystèmes.
Dans les forêts des Andes Colombiennes, la biomasse
épiphytique est estimée à un poids sec de 12 tonnes par
hectare. Il est certain que la production de noyaux bacté-
riens de formation de nuages par ces communuatés est très
élevé.
La conservation de cet écosystème unique est dépendant
de deux facteurs cruciaux: l'existence d'arbres et la possi-
bilté qu'on leur laisse de vieillir. Les arbres pourvoient le
substrat et le cadre temporel nécessaire au développement
d'un tel écosystème. La tendance mondiale actuelle de dé-
truire les anciennes forêts primaires et les environnements
de canopées, couplée à la tendance de reforester avec des
plantation de cycle court, est en train de provoquer une
extinction généralisée des écosystèmes forestiers anciens
et donc d'accroître l'effet de réchauffement climatique.
Il est crucial de prendre en compte le potentiel énorme des
écosystèmes forestiers quant à la production de nuages et
il faut que les institutions nancières, dont la fonction est
de lutter contre le réchauffement climatique, puissent re-
connaître ce potentiel. Cela veut dire qu’il faut élaborer
des systèmes à maturation longue, à cycles de croissance
divers et avec de multiples espèces qui copient les écosys-
tèmes naturels anciens ou qui en soient des analogues 6.
(Senanayake et Jack, 1998). La mise en place d’une telle
dynamique doit être globale et doit concerner le plus de
surface terrestre possible.
C'est la population rurale qui constitue la plus grande res-
source pour mettre en place ces dynamiques de régénéra-
tion. Ce n'est que par une attention quotidienne aux nouvel-
les plantations sur le terrain et par une connaissance accrue
de la théorie et de la pratique de la régénération que nous
pourrons créer les environnements sains de demain. Il est
important de voir en la population rurale l'acteur-clé de la
restauration et de la gestion des écosystèmes parce que ce
sont les ruraux qui sont souvent à l'origine des processus
qui peuvent ou accroître le réchauffement climatique ou le
faire décroître.
Bien qu'il soit essentiel de contrôler les émissions de carbo-
ne fossile dans l'atmosphère et de développer des alterna-
tives viables, aucune des mesures proposées actuellement
ne pourra réellement mettre un frein au réchauffement cli-
matique. Ce sentiment d'urgence et parfois même de -
sespoir a encouragé des processus de lobbying quant à des
approches dangereuses et non fondées scientiquement
d'ingénierie géologique. Les efforts présents des gouver-
nements des pays développés pour inuencer l'IPCC à
développer des activités, telle que la pollution délibérée
de la stratosphère pour rééchir la lumière solaire, doivent
être dénoncés. Cela fait sûrement plus de sens de régénérer
et de fortier les systèmes de la nature que d'élaborer un
nouveau système pour la nature. Vu le niveau considérable
de ressources disponibles, cela fait plus de sens d'investir
de l'énergie dans le secteur rural des tropiques an de -
nérer un accroissement de l'albedo et du rafraîchissement
planétaires!
Notes.
1.http://www.insu.cnrs.fr/a2194,le-puits-de-co2-dans-l-
ocean-austral-sature-par-le-changement-climatique.html
2.http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89vapotranspiration
3.http://www.manicore.com/documentation/serre/gaz.
html
Forêts primaires anciennes avec des plantes épiphytes
4
4.http://fr.wikipedia.org/wiki/Canop%C3%A9e
5. Walter Jenhe. CSIRO. Sustainability Network Update.
N° 64E (page 1-8).
6. Senanayake et Jack, 1998. Analog Forestry: an intro-
duction. Monash University Publications. Australia.
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