1895 : Rodolphe Schutz, directeur de l'école de physique et de chimie de la ville de
Paris, rêve d'avoir les palmes académiques. Pour mettre la pression sur Pierre Curie,
professeur et chercheur de l'école, il introduit dans son laboratoire une jeune et bril-
lante étudiante polonaise : Maria Sklodowska.
L'irrésistible comédie de Jean-Noël Fenwick,
auréolée de 4 Molières en 1990, revit enfin au théâtre Michel.
Note d'intention de Patrick Zard'
En septembre 1989, était créée, au théâtre des Mathurins, la première pièce de
Jean-Noël Fenwick, qui allait ensuite devenir culte : « Les palmes de M. Schutz ».
Cette comédie « tendre et scientifique » retrace une tranche de la vie de Pierre et
Marie Curie, de leur rencontre en 1898 à la découverte de la radioactivité de l'ura-
nium, puis à la découverte du radium quelques années plus tard. Auréolée de 11
nominations et de 4 Molières en 1990, la pièce se joua plus de 1000 fois à guichets
fermés avec la même distribution. J'ai eu le bonheur, comme comédien, de parti-
ciper à cette fabuleuse aventure dans le rôle de Bichro (le collègue de Pierre Curie).
24 ans plus tard, j'ai eu envie de faire revivre cette pièce unique et magique et de
la faire découvrir à une nouvelle génération. J'ai réuni, comme ce fut le cas à la
création, une troupe talentueuse et soudée, sans vedettariat mais avec des comé-
diens remarquables. Ensemble, nous avons emporté l'adhésion de Didier Caron, et
nous re-créons la pièce en septembre au théâtre Michel, à 10 mètres du lieu de la
création. J'ai voulu remonter la pièce « dans son jus » : le décor d'origine, miraculeu-
sement préservé, a érestauré et adapté au théâtre Michel, et en accord avec
Gérard Cailaud, je suivrai les grandes lignes de sa mise en scène, avec bien sûr
toute latitude pour l'adapter au théâtre et à la distribution. « Les palmes de M. Schutz
» vont connaître une deuxième naissance au théâtre Michel, elles sont en passe,
j'en suis sûr, de devenir un classique.
Le billet de l'auteur de Jean-Noël Fenwick
L'envie d'écrire une pièce sur la découverte du radium par Pierre et Marie Curie
m’avait taraudé depuis des années avant que je m’y attelle en 1988. Je m'em-
presse de dire que je n’étais spécialiste ni de Physique-Chimie ni d'Histoire des
Sciences, mais simple lecteur frénétique d'ouvrages de vulgarisation traitant entre
autres de ces sujets. Rien ne me paraît, aujourd’hui encore, plus émouvant ni plus
stimulant pour l'imagination que la saga du Big Bang, la complexification de la ma-
tière, le détail du processus d'évolution qui, des particules élémentaires à l'homo-
sapiens, accompagne l'éparpillement dans le cosmos de ce qui fut, il y a treize mil-
liards sept cents millions d’années, infiniment simple, chaud et concentré.
Par ailleurs le couple Curie constitue un cas unique. Au-delà de leur inestimable
contribution scientifique, Pierre et Marie représentent le seul exemple dans l'Histoire
de l'humanité d'un homme et d'une femme ayant gravi, main dans la main, à éga-
lité de mérite, la pyramide du génie. Paix aux cendres du couple Péron, d'Antoine
et Cléôpatre, le ménage Curie reste inégalé. Cet amour exemplaire m'a paru irré-
sistible. Que le résultat de cette fascination pour la Science et pour ce couple de
légende ait été une comédie ne fut pas le fruit du hasard ni d'une perversion mais
une intention délibérée. J’étais choqué de constater que nous conservions alors de
ces deux amoureux de la vie une image plutôt triste, celle de mort-vivants austères
et ascétiques "inventant" la radio-activité dans l'atmosphère toxique et confinée
d'un hangar à l'écart du monde. Rien n'était plus faux. […] L'un et l'autre étaient des
êtres de chair et de sang. Ils avaient pêlemêle du génie, de l'enthousiasme, de l'hu-
mour, des enfants, des ennuis et des bicyclettes.
Ils ont fréquenté les théâtres, la danseuse Loïe Fuller est venue chez eux, boulevard
Kellerman, faire la démonstration de ses talents d'effeuilleuse allumée. Pierre n'ai-
mait rien tant que paresser dans l'herbe à observer le ballet des grenouilles et Marie,
dans sa correspondance, se souvient avec émotion des fêtes de son enfance, des
mazurkas effrénées et des fous-rires irrévérencieux. De même, laisser penser que la
frénésie de leurs recherches ne devait rien à la compétition internationale ni à la
pression hiérarchique n'est pas leur rendre hommage mais les trahir en les situant
hors du temps, hors de l'humain. Tenter de rendre plus proche, plus explicite, la na-
ture du combat scientifique qui fut le leur m'a paru un défi intéressant à relever.
Prendre le contre-pied des idées reçues qui faussaient leur souvenir m'a semblé sa-
lutaire. Je n’ai jamais cherché, bien évidemment, à faire croire que les époux Curie
aient existé tels qu'ils apparaissent dans cette pièce. Ils n'ont jamais eu, ni aucun
des protagonistes, cette dimension burlesque. Mais le cadre historique auquel il est
fait référence est authentique.
Les péripéties humoristiques qui entourent leurs travaux sont - est-il besoin de le pré-
ciser ? - totalement inventées, mais les faits scientifiques fondamentaux sont exacts.
Légende pour légende, j'ai la naïveté d’espérer que celle développée dans Les
Palmes de M.Schutz, et interprétée par des comédiens aussi jeunes qu'eux-mêmes
l'étaient en 1898, trouverait chez deux êtres d'exception, dont je révère la mémoire,
un écho plus favorable que celle qui se perpétue trop souvent dans nos manuels
d'Histoire. […]Je suis ravi, ému et très excité qu'on remonte Les Palmes de M. Schutz
dans l'esprit exact de leur création parisienne il y a 24 ans.
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