Chapitre 8 Exposition à du sang ou à d’autres liquides biologiques Transfusion sanguine La transfusion sanguine est une intervention vitale. Utilisée correctement, elle sauve des vies et améliore l’état de santé. Mais elle présente un risque de contamination et de réaction aiguë ou retardée et elle ne doit être prescrite que pour des pathologies associées à une morbidité importante qui ne peuvent être évitées ou soignées efficacement par d’autres moyens. Pour les voyageurs, la nécessité de recourir à une transfusion sanguine résulte presque toujours d’une urgence médicale entraînant une perte soudaine et abondante de sang comme : – – – – un accident de la circulation ; une urgence gynécologique ou obstétricale ; une hémorragie gastro-intestinale grave ; une intervention chirurgicale urgente. La sécurité du sang et des produits sanguins repose sur deux grands piliers : ● Un approvisionnement en sang et en produits sanguins provenant de donneurs bénévoles non rémunérés, rigoureusement sélectionnés parmi une population à faible risque et qui font régulièrement des dons de sang ; la recherche d’agents infectieux transmissibles par transfusion dans tous les dons ; et des conditions d’entreposage et de transport correctes à tous les stades, depuis la collecte jusqu’à la transfusion, grâce à un système de qualité adéquat. ● La prescription appropriée (uniquement quand il n’y a pas d’autre solution) ; le contrôle de la compatibilité entre l’unité de sang et le sang du receveur ; et l’administration en toute sécurité du sang ou des produits sanguins au chevet du receveur, qui doit être correctement identifié. Dans de nombreux pays en développement, tous les établissements de santé ne disposent pas de sang et de produits sanguins sûrs. De plus, les données provenant des différentes régions du monde révèlent des variations considérables de l’usage clinique du sang entre les hôpitaux, les spécialités cliniques et même les cliniciens 181 voyages internationaux et santé 2010 d’une même spécialité, laissant à penser que les transfusions de sang et de produits sanguins sont souvent superflues. Effectuées comme il convient, les transfusions sanguines sauvent la vie de millions de personnes chaque année, mais les transfusions non sécurisées – incompatibilité du sang, volume inadéquat de sang transfusé ou transmission d’infections comme l’hépatite B, l’hépatite C, l’infection à VIH, le paludisme, la syphilis ou la maladie de Chagas – peuvent provoquer des réactions graves chez le receveur. La prise en charge d’une hémorragie grave consiste dans un premier temps à stopper l’écoulement sanguin et à rétablir la volémie aussi vite que possible pour maintenir la perfusion et l’oxygénation tissulaires. Pour cela, il faut administrer au patient d’importants volumes de liquides de remplacement jusqu’à ce que l’hémorragie soit maîtrisée. Certains sujets répondent rapidement et restent stables après injection de cristalloïdes ou de colloïdes et n’ont pas besoin d’une transfusion sanguine. Dans les pays d’endémie palustre, le risque de contracter le paludisme par transfusion est important et il peut être nécessaire d’administrer le traitement antipaludique classique au transfusé (voir le chapitre 7). Précautions à prendre ● Les voyageurs doivent se munir d’une fiche médicale ou d’un autre document indiquant leur groupe sanguin et contenant des informations sur tout problème médical actuel ou traitement en cours. ● Les personnes souffrant de pathologies susceptibles de nécessiter une transfusion sanguine doivent éviter tout voyage inutile. ● Les voyageurs doivent prendre toutes les précautions possibles pour éviter d’être victimes d’accidents de la circulation (voir le chapitre 4). ● Les voyageurs doivent obtenir à l’avance une adresse de contact au lieu de destination pour solliciter conseil et assistance en cas d’urgence médicale. ● Les voyageurs souffrant d’affections chroniques telles qu’hémophilie ou thalassémie qui nécessitent régulièrement la transfusion de sang ou de produits dérivés du plasma doivent obtenir l’avis d’un médecin sur la prise en charge de leur pathologie avant de partir en voyage. Ils doivent aussi avoir les coordonnées d’un établissement médical compétent au lieu de destination et emporter, au besoin, une réserve de produits sécurisés. 182 Chapitre 8. exposition à du sang ou à d’autres liquides biologiques Exposition accidentelle à du sang ou à d’autres liquides biologiques On peut être exposé à des agents pathogènes véhiculés par le sang dans les cas suivants : – contact entre du sang ou des liquides biologiques et une surface de peau lésée ou les muqueuses ; – perforation de la peau par une aiguille ou un instrument piquant ou tranchant souillé de sang ou de liquides biologiques. L’exposition accidentelle peut se produire : – lors de l’utilisation de seringues et d’aiguilles contaminées pour s’injecter des drogues ; – lors d’accidents ou d’actes de violence, y compris d’agressions sexuelles ; – lors de rapports sexuels sans préservatif ou au cours desquels le préservatif s’est rompu ; – lors d’un accident professionnel, en milieu médical ou autre, dont sont victimes des agents de santé ou d’autres types de personnel (secouristes, policiers) dans le cadre de leur travail, ou les personnes dont ils s’occupent ; – lors de catastrophes d’origine naturelle ou humaine. Une exposition accidentelle présente un risque de contamination par des agents pathogènes transmis par le sang, en particulier les virus des hépatites B et C et le VIH. Le risque moyen de séroconversion après une seule exposition percutanée à du sang contaminé par le virus de l’hépatite C est d’environ 2 %, chiffre qui est compris entre 6 et 60 % pour l’hépatite B. Pour du sang contaminé par le VIH, le risque oscille entre 0,1 et 0,3 %. Vaccination pré-exposition. La vaccination anti-hépatite B peut protéger les voyageurs contre l’infection avant qu’ils n’y soient exposés (voir le chapitre 6). Il n’existe pas de vaccin contre le virus de l’hépatite C ni contre le VIH. Prophylaxie post-exposition (PPE). La PPE est une intervention médicale d’urgence visant à réduire le risque de transmission d’agents pathogènes véhiculés par le sang après une exposition possible. Elle existe pour le VIH et le virus de l’hépatite B. L’exposition accidentelle à du sang ou à d’autres liquides biologiques potentiellement contaminés est une urgence médicale. Il convient de prendre au plus vite les mesures suivantes : 1. Consulter un prestataire de services et signaler l’accident. 2. Premiers secours. 3. PPE, le cas échéant. 183 voyages internationaux et santé 2010 Premiers secours en cas d’exposition à des agents pathogènes transmis par le sang Effraction cutanée ● Laissez saigner la plaie. ● Ne pincez pas et ne frottez pas la lésion. ● Lavez la plaie immédiatement au savon ou avec une solution douce qui n’irrite pas la peau. ● En l’absence d’eau courante, lavez la plaie avec un gel ou une solution nettoyante pour les mains. ● N’utilisez pas de solutions fortes (eau de javel, iode ou produits à base d’alcool) car elles risquent d’irriter la plaie et d’aggraver la blessure. Projection de sang ou de liquides biologiques sur la peau intacte ● Lavez immédiatement la surface de peau souillée sous l’eau courante. ● En l’absence d’eau courante, lavez la surface souillée avec une solution nettoyante pour les mains. ● N’utilisez pas d’antiseptiques à base d’alcool. ● Ne frottez pas la peau. Projection dans les yeux ● Irriguez immédiatement l’œil touché avec de l’eau ou un soluté physiologique. ● Asseyez-vous, penchez la tête en arrière et demandez à quelqu’un de verser lentement de l’eau ou un soluté physiologique sur l’œil, en soulevant et en abaissant doucement la paupière pour bien nettoyer l’œil. ● Si vous portez des lentilles de contact, ne les retirez pas pour nettoyer l’œil, car elles forment une barrière protectrice. Retirez-les une fois l’œil lavé et nettoyez les de la façon habituelle. Vous pourrez les remettre ensuite sans risque. ● N’appliquez pas de savon ni de désinfectant sur l’œil. Projection dans la bouche ● Crachez immédiatement. 184 Chapitre 8. exposition à du sang ou à d’autres liquides biologiques ● Rincez-vous soigneusement la bouche avec de l’eau ou un soluté physiologique et crachez de nouveau. Répétez l’opération plusieurs fois. ● N’utilisez pas de savon ni de désinfectant dans la bouche. Dans tous les cas, contactez immédiatement un agent de santé. Prophylaxie post-exposition (PPE) VIH S’agissant du VIH, la prophylaxie post-exposition (PPE) désigne un ensemble complet de services destinés à prévenir l’infection à VIH chez une personne qui a été exposée au virus. Ces services englobent des conseils avec évaluation du risque de contamination, des tests de dépistage du VIH fondés sur le consentement éclairé et, selon les résultats de l’évaluation du risque, la prescription d’un bref traitement antirétroviral, accompagné d’un soutien et d’un suivi. Le conseil et l’évaluation du risque sont des étapes indispensables avant l’administration de la PPE. Le test de dépistage du VIH est vivement recommandé pour la personne exposée et pour la personne source (si elle est connue). Le test ne doit jamais être obligatoire ni exigé pour l’administration de la PPE ; toutes les personnes exposées accidentellement doivent bénéficier d’un service de conseil approprié et la PPE doit être administrée avec le consentement éclairé de l’intéressé. La PPE doit être instaurée le plus tôt possible après l’exposition, de préférence moins de 2 h après. La décision de mettre en route le traitement antirétroviral dépend de plusieurs facteurs, notamment le statut VIH de la personne exposée et de la personne source (si elle est connue), la nature du liquide biologique en cause, la gravité de l’exposition et le délai entre l’exposition et le début du traitement. La PPE ne doit pas être administrée aux personnes dont on sait qu’elles sont VIHpositives ou dont le test de dépistage est positif. Dans la plupart des cas, le schéma prophylactique recommandé associe deux médicaments antirétroviraux à prendre en continu pendant 28 jours. On peut y ajouter un troisième médicament quand on suspecte une résistance médicamenteuse chez la personne source. Il est particulièrement important de consulter un spécialiste en cas d’exposition à un virus pharmacorésistant. Pour plus d’informations, voir le site www.who.int/hiv/topics/prophylaxis/en/. Si un test de dépistage du VIH a été effectué initialement, il doit être renouvelé 8 semaines après l’exposition, puis à nouveau 6 mois après l’exposition si l’intéressé a suivi un traitement antirétroviral. Si le résultat est positif à n’importe quel stade, l’intéressé doit bénéficier d’un soutien psychologique et d’un traitement adapté. 185 voyages internationaux et santé 2010 Même si elle prend une PPE antirétrovirale après une exposition accidentelle au VIH, la personne exposée ne doit pas avoir de rapports sexuels non protégés ni faire don de son sang jusqu’à ce que le test effectué 6 mois après l’exposition confirme qu’elle est séronégative. Les femmes éviteront de tomber enceintes pendant cette période. La question de l’allaitement doit être étudiée avec un soignant ; l’allaitement est à éviter s’il existe d’autres solutions sûres. Hépatite B En cas de risque de contamination par le virus de l’hépatite B, on peut prévenir l’infection par la vaccination avant l’exposition et par une PPE après l’exposition. On suivra des algorithmes recommandés pour les tests de dépistage et l’administration post-exposition du vaccin anti-hépatite B et/ou d’immunoglobuline anti-hépatite B. Hépatite C Il n’existe pas de vaccin contre le virus de l’hépatite C. En cas d’exposition au VHC, on peut effectuer initialement un test de mise en évidence de l’ARN du virus et le renouveler 4 à 6 semaines, puis 4 à 6 mois après l’exposition. Hépatite E Aucun vaccin contre le virus de l’hépatite E n’est distribué dans le commerce. En cas d’exposition au VHE, on peut effectuer un test de mise en évidence des IgM anti-VHE ou de l’ARN du virus. Pour en savoir plus Prophylaxie post-exposition pour prévenir l’infection à VIH : www.who.int/topics/prophylaxis/en/ Updated U.S. Public Health Service guidelines for the management of occupational exposures to HBV, HCV, and HIV and recommendations for postexposure prophylaxis. Morbidity and Mortality Weekly Report, 2001, 50(RR-11):1–42 (disponible à l’adresse : www.cdc.gov/ mmwr/PDF/rr/rr5011.pdf). 186