8 THÉÂTRE
JANVIER 2016 / N°239
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errasse JANVIER 2016 / N°239 THÉÂTRE 9
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© Sylvain Duffard
© Jean-Louis Fernandez
CRITIQUE
théâtre Gérard-philipe, cdn de saint-denis
de BERNARD-MARIE KOLTÈS / Mes RICHARD BRUNEL
ROBERTO ZUCCO
Créé en novembre dernier à la Comédie de Valence, le Roberto Zucco
opératique mis en scène par Richard Brunel parcourt les routes de
France. Un enthousiasmant spectacle de troupe qui fait halte, pour trois
semaines, au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis.
Le théâtre de Bernard-Marie Koltès (publié aux
Editions de Minuit) aura brillé de deux beaux
feux en cette saison 2015/2016. Après la ver-
sion du
Retour au Désert
créée par Arnaud
Meunier à la Comédie de Saint-Étienne*, c’est
au tour de Richard Brunel de faire résonner la
langue dense et charnelle du dramaturge dis-
paru, en 1989, des suites du sida. Pour ce faire,
le directeur de la Comédie de Valence a choisi
de mettre en scène
Roberto Zucco
, dernière
œuvre de Koltès qui s’inspire du parcours de
mort du célèbre tueur en série italien. C’est le
comédien Pio Marmaï – que l’on connaît sur-
tout pour sa carrière au cinéma – qui incarne
ici ce personnage trouble, lumineux et ambiva-
lent. Et il le fait magnifiquement, à travers une
composition à la fois puissante et extrêmement
précise, tout en sensibilité, confirmant sur un
plateau de théâtre le talent qu’on lui connaît sur
grand écran. Mais l’admirable spectacle conçu
par Richard Brunel n’a rien d’une mécanique
tournant autour d’une figure-star.
UN SOLEIL NOIR PORTÉ HAUT PAR PIO MARMAÏ
Equilibrée, fluide, profondément vivante, la
vision de
Roberto Zucco
portée par le directeur
de la Comédie de Valence privilégie au contraire
le groupe, la choralité. Dans l’ingénieuse scéno-
graphie signée Anouk Dell’Aiera (qui invente et
réinvente sans cesse l’espace à l’aide d’écha-
faudages et de parois coulissantes, les lumières
de Laurent Castaingt, les costumes de Ben-
jamin Moreau et la création-son de Michaël
Pio Marmaï et Luce Mouchel,
formidables interprètes
de Roberto Zucco.
Selam contribuent à la réussite esthétique de
la représentation), chaque voix retentit, chaque
individualité apporte sa pierre à l’édifice du
théâtre qui s’élève sous nos yeux. Car la troupe
constituée par le directeur de la Comédie de
Valence est rare. Axel Bogousslavsky, Noémie
Develay-Ressiguier, Evelyne Didi, Valérie Lar-
roque, Babacar M’Baye Fall, Laurent Meininger,
Luce Mouchel, Tibor Ockenfels, Lamya Regragui,
Christian Scelles, Samira Sedira, Thibault Vin-
çon, Nicolas Hénault : tous sont remarquables.
Aux côtés du soleil noir qu’incarne Pio Marmaï,
ils donnent chair et amplitude à cette succes-
sion de tableaux aux inflexions complexes.
Entre grâce et mystère. Rigueur et inspiration.
Manuel Piolat Soleymat
* Critique dans
La Terrasse
n° 237, novembre 2015.
Théâtre Gérard-Philipe/Centre dramatique
national de Saint-Denis, 59 bd. Jules-Guesde,
93200 Saint Denis. Salle Roger-Blin. Du 29 janvier
au 20 février 2016. Du lundi au samedi à 20 h, le
dimanche à 15h30. Relâches les mardis. Durée :
1h40. Spectacle vu à la Comédie de Valence.
Tél. 01 48 13 70 00. www.theatregerardphilipe.com
Également les 6 et 7 janvier 2016 au Théâtre de
Lorient, du 13 au 16 janvier au Théâtre national
de Toulouse, du 1er au 3 mars au Théâtre de
Caen, du 10 au 12 mars au Centre dramatique
national Orléans-Loiret-Centre, les 17 et
18 mars à la Comédie de Clermont-Ferrand.
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CRITIQUE
théâtre de la coMMune
de FALK RICHTER / Mes VICTOR GAUTHIER-MARTIN
SOUS LA GLACE
Dans le cadre de son cycle thématique « Théâtre et économie mondiale », le
Théâtre de la Commune présente Sous la glace, de l’auteur allemand Falk
Richter. Une pièce sur les pathologies du monde ultra-libéral à laquelle
le metteur en scène Victor Gauthier-Martin ne parvient pas à donner vie.
Né en 1969 à Hambourg, l’auteur et metteur en
scène allemand Falk Richter place les lignes
de failles de notre époque contemporaine,
l’analyse de ses pathologies, au centre de son
théâtre. Dans des textes en prise directe avec
le réel, entre projections intimes et satires
politiques, surgissent par exemple le visage
d’une Amérique guerrière engluée dans la
société du spectacle (
Sept Secondes – In God
we trust
), d’une Allemagne post-hitlérienne
gangrénée par le consumérisme (
My Secret
Garden
), d’êtres contemporains soumis à la
tyrannie de sociétés sécuritaires et producti-
vistes (
Etat d’urgence
)… Les dérives de l’idéo-
logie ultralibérale sont également au cœur
de
Das System
, ensemble de pièces auquel
appartient
Sous la glace
*. Œuvre protubérante
associant longs monologues, scènes dialo-
guées et numéros de cabaret, le texte de Falk
Richter mis en scène par Victor Gauthier-Mar-
tin au Théâtre de la Commune nous ouvre les
portes d’une entreprise de consulting. Entre
programmes managériaux et digressions ima-
ginaires, s’expriment les impasses de l’hyper-
rationalité, de la standardisation aveugle, de
l’objetisation de l’individu.
TOUS LES PIONS DU MÊME SYSTÈME
« Face au flot d’images et d’informations,
Richter avoue et revendique une écriture du
chaos, de la confusion et du trop-plein, une
façon de jouer avec la profusion »
déclarait il y
a quelques années dans nos colonnes** Sta-
Philippe Awat, Pascal Sangla et Martin Seve dans Sous la glace.
nislas Nordey, metteur en scène qui a révélé
en France l’œuvre du dramaturge allemand.
Dans le spectacle interprété par Philippe Awat,
Pascal Sangla et Martin Seve (Alban Challier
et Marcello Codraro incarnent, en alternance,
un rôle d’enfant), la profusion évoquée par
le nouveau directeur du Théâtre national de
Strasbourg sombre dans la pesanteur. Direc-
tion d’acteurs sans vision et effets de mise en
scène malhabiles étouffent, en effet, l’ardeur
et le tranchant politique de la pièce de Falk
Richter. Ne reste de la profonde vitalité de
Sous la glace
qu’une énergie mal maîtrisée.
Qu’une impression de délayage qui aura sans
doute bien du mal à nourrir les réflexions sur
les fantasmes et la violence inhérents à notre
monde que souhaite déployer, à l’occasion de
son cycle « Théâtre et économie mondiale »,
le Centre dramatique national d’Aubervilliers.
Manuel Piolat Soleymat
* Pièce publiée chez L’Arche Éditeur.
**
La Terrasse
n° 156, mars 2008.
Théâtre de la Commune/Centre dramatique
national d’Aubervilliers, 2 rue Edouard-Poisson,
93300 Aubervilliers. Du 22 au 31 janvier 2016.
Les mardis et mercredis à 19h30, les jeudis
et vendredis à 20h30, les samedis à 18h, les
dimanches à 16h. Durée : 1h30. Spectacle vu lors
de sa création au Théâtre de Chelles.
Tél. 01 48 33 16 16. www.theatredelacommune.com
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CRITIQUE
Maison des arts de créteil
ARM / Mes DAVID GAUCHARD
INUK
Créé au Festival des Francophonies
à Limoges, Inuk traite avec
originalité du devenir des Inuit.
Un spectacle tout public de grande
actualité.
Après dix ans de Shakespeare, David Gauchard
a voulu changer d’air et s’atteler à un spectacle
tout public. Et comme son grand-père était un
pêcheur terre-neuvien, c’est de famille chez lui
que de vouloir partir dans le Grand Nord. David
Gauchard a donc choisi de rallier Kangiqsujuaq,
dans le Nunavik, région arctique rattachée au
Québec, pour s’y imprégner de la culture et de
l’histoire des Inuit. Lui et ses collaborateurs
en sont revenus avec un spectacle composite,
entre documentaire et poésie, qui traverse avec
délicatesse et efficacité bon nombre des problé-
matiques de cette tribu esquimau : disparition
des traditions, dissensions générationnelles,
invasion du monde moderne, rapport dégradé
à la Nature, le tout sur fond, naturellement, de
réchauffement climatique. Bien sûr, tout ceci
n’est jamais dit en ces termes d’adulte, mais
évoqué, suggéré dans une suite de séquences,
souvent sans paroles, qui donnent toute son
importance à l’environnement sonore et visuel
de la scène, ainsi qu’au langage des corps.
INUIT, CELA VEUT DIRE « LES HOMMES »
Par moments, on se dit que c’est bien joli mais
un peu lisse. Puis rapidement l’audace des choix
esthétiques ramène à des pensées positives.
Entre le pingouin, le morse, le caribou et l’ours
blanc, il y avait pourtant de quoi faire un spec-
tacle à la mode Disney. Mais on en est loin. Car si
le bestiaire est bien présent, à travers masques
et costumes aux présences étranges, presque
absurdes, on découvre aussi l’artisanat, l’art, le
mode de vie, l’histoire d’une région colonisée et
exploitée à des fins industrielles, les croyances
et les contes qui s’éteignent sous l’emprise de
l’Occident. Autour d’un rectangle qui souvent
représente la banquise, les trois comédiens
enchaînent les chorégraphies et les tableaux
sans oublier d’être drôles. Assis sur une gla-
cière, ils font du kayak entre le beat-box de L.O.S
et la musique de Arm, jusqu’à ce que se lève une
ultime aurore boréale. Le tout entrecoupé de
témoignages audio et filmés, avec notamment
quelques extraits du fameux documentaire de
1922,
Nanouk l’esquimau
, signé Robert Flaherty.
Au cours de cette odyssée, on découvre égale-
ment la langue inuit, ses signes et sa pronon-
ciation gutturale. Dans cette langue, Inuit n’est
rien d’autre que le pluriel d’Inuk, et Inuk signifie
« l’Homme ». Un titre parfaitement trouvé. Car
à travers l’histoire des Inuit, c’est bien sûr celle
des hommes qui se joue, celle d’une Humanité
tout entière oublieuse de son inscription dans
la Nature, et qui risque fort de le payer demain.
Éric Demey
Maison des Arts de Créteil, place Salvador-
Allende, 94000 Créteil. Du 20 au 22 janvier pour
les scolaires. Le 22 janvier à 20h en famille.
Tél. 01 45 13 19 19. Durée : 1h. Également les
7 et 8 janvier à Compiègne, du 11 au 13 à
Draguignan, puis à Kingersheim, Montbéliard,
Meylan, Chambéry, Le Creusot, Sorbiers,
Villefranche, Tours et Genève.
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© D. R.
Inuk à la MAC.
« Entre une saga familiale, où la destruction
d’un pays se discute autour d’un thé,
et une analyse chirurgicale de la politique
et du pouvoir aujourd’hui. »
The Guardian
Photo : Jan Versweyveld
Kings of War
D’après Henri V, Henri VI
et Richard III
22 au 31 janvier 2016
W. Shakespeare
Ivo van Hove
Toneelgroep Amsterdam
www.theatre-chaillot.fr
01 53 65 30 00
theatrefirmingemier-lapiscine.fr
zaoum – © V. Berthe Pommery – Licences : 1-1063253 - 1-1063254 - 2-1063255 - 3-1063256
maintenant
ou jamais
22 janvier/
14 février 2016