La richesse proverbiale de l’Empire Moghol se traduisit également par des monnaies de
prestige. On y monnaiera au XVII
e
siècle les plus grosses monnaies d’or jamais frappées, des
multiples pouvant correspondre à 200 mohurs sous le règne de Shah Jahan (1628-1658)! Les
Moghols prirent également de nombreuses libertés avec l’Islam officiel. Akbar soucieux de
conciliation avec ses sujets, envisagea même l’adoption d’une nouvelle religion syncrétique
unifiant l’Hindouisme et l’Islam et ressemblant au Sikhisme. Il abandonnera ainsi le comput de
l’Hégire pour adopter son ère personnelle à partir de 1586. A sa mort, l’expérience religieuse ne
se poursuivra pas. Son successeur Jahangir (1605-1628), brisera l’interdit islamique de la
représentation humaine sur les monnaies en y représentant son père. Ce tabou n’en était pas un
pour les souverains Moghols et leurs miniatures nous le prouvent, mais il s’agit des premières
monnaies islamiques rompant vraiment avec l’interdit de la figuration humaine. On représentera
non pas une figure de souverain caractérisé par ses attributs comme on a pu en voir parfois dans
cette zone, mais bien d’un portait individualisé, proche de l’esprit de la Renaissance européenne.
Jahangir frappera également des mohurs représentant les signes du zodiaque. Ces monnaies
singulières ne circulaient que dans le cercle étroit de la cour et furent sans doute peu connues du
grand public. Les potentats voisins suivirent cette mode dans leurs Etats en frappant des pièces
d’hommage moins dispendieuses mais mieux frappées que les ordinaires. On parle de monnaies
nazanara. On les retrouvait surtout déclinée en roupies et en paisa encore frappé parfois au début
du XX
e
siècle par certains états princiers.
Le règne d’Akbar correspond à l’âge d’or de l’empire Moghol, s’inscrivant dans la
politique de tolérance et de bonne administration de Sher Khan. L’apogée territoriale de l’empire
Moghol correspondra au long règne d’Aurangzeb (1658-1707), mais celui-ci, par ses campagnes
militaires inutiles et son fanatisme religieux contribuera à disloquer l’empire. A sa mort, l’empire
Moghol entamera une lente agonie qui n’est pas sans faire penser à l’empire Romain tardif. Les
aventuriers extérieurs venant d’Asie Centrale ou d’Iran feront maintes incursions. Le fanatisme
religieux musulman forcera les Hindous et les Sikhs à s’armer et sera à l’origine de la
confédération mahratte en Inde centrale et de l’empire Sikh au Pendjab qui deviendront des
acteurs importants du XVIII
e
siècle indien. Plus largement, les gouverneurs provinciaux prirent
beaucoup de liberté et le monnayage s’en ressentit. Il était temps pour les Européens d’entrer en
scène par la grande porte.
Vasco de Gama arriva en 1498, et dans son sillage les Portugais s’installent à Goa,
Cochin, et d’autres comptoirs sur la côte occidentale. Leur désir de conquête était peu de chose
comparé à leur ardeur commerciale et ils se contentèrent principalement du rôle d’intermédiaire
commercial privilégié. L’arrivée des Européens au début du XVI
e
siècle contribua ainsi à
alimenter l’Inde en métaux précieux. Une bonne part de l’argent monnayé sous forme de roupie
eut son origine dans les entrailles des montagnes mexicaines ou péruviennes. Dès le départ, les
Portugais émirent des monnaies pour leurs comptoirs à plusieurs usages. L’usage interne
nécessitait de la petite monnaie frappée au départ en étain, l’or était monnayé pour les valeurs
plus fortes servant d’échange, se calant sur la monnaie locale que les Européens dénommaient la
pagode. Cette pièce d’or était la monnaie principale d’Inde du Sud, sur le modèle de la pagode
monnayée par le royaume de Vijayanagar, un royaume hindou important qui se maintint jusqu’à
la fin du XVI
e
siècle.