Les entreprises américaines de déchets

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Portrait d’entreprise
tration supplémentaire. Tout d’abord, et
PORTRAIT D’ENTREPRISE
globalement, des schémas institutionnels différents de ceux que nous
connaissons y produisent une structure
d’offre différente. Ensuite, l’histoire de
Le secteur des déchets
aux États-Unis (I)
ce secteur au cours des trente dernières
années ne peut se comprendre sans
introduire en permanence le rôle des
règles et des normes édictées par la
puissance publique ; elles ressortent
comme un puissant structurateur même
si ces marchés en première lecture
semblent être animés par des entreprises privées. Enfin, si on examine uni-
Dominique Lorrain
quement les firmes, leur histoire et leurs
mouvements, le résultat qui ne manque
pas de frapper est celui de la très granDans une typologie mondiale des
soit un écart de 1 à 2,5. En l’an 2000 le
de vitesse de transformation de l’offre.
entreprises de réseaux, nous avions
volume national correspondant est
Autant de caractéristiques qui nous invi-
plusieurs raisons de nous intéresser aux
d’environ 200 millions de tonnes (3).
tent à sortir à nouveau de notre référen-
entreprises américaines de déchets et à
Cette « ressource » a donné naissance
tiel européen.
la
à une industrie privée, la plus puissante
première
d’entre
elles,
Waste
Management (1).
au monde, organisée autour d’une très
grande
firme
Waste
Management
Nous présenterons successivement
les institutions, les transformations de
Les États-Unis, première puissance
($ 13bn d’activités), suivie par cinq
l’offre et les trajectoires de plusieurs
économique mondiale, sont aussi le
autres qui font toutes plus d’un milliard
firmes qui illustrent cette rencontre ten-
premier producteur mondial de déchets,
de dollars de chiffre d’affaires et com-
sionnelle entre les règles et les marchés.
que ce soit les déchets ménagers,
plétée par un très grand nombre d’en-
Dans le numéro suivant nous présente-
industriels ou toxiques. Il s’agit d’une
treprises régionales qui réalisent entre
rons exclusivement le cas de Waste
situation ancienne correspondant à un
50 et 500 millions de dollars. Dans ce
Management.
niveau de consommation élevé qui n’a
continuum d’offre, seules quatre firmes
cessé
Martin
européennes viennent s’intercaler : Sita
Melosi, entre 1970 et 1990, la produc-
du groupe Suez ($ 4bn), Onyx la filiale
tion quotidienne de déchets solides est
de Vivendi ($ 3,2bn), Rwe-Entsorgung
passée de 3,3 à 4,3 pounds par habi-
($ 1bn) (4) et le groupe anglais Biffa (5).
d’augmenter.
Selon
tants. Dans les comparaisons interna-
Institutions et marchés
Des règles générales différentes de
ce que nous connaissons en Europe
continentale se traduisent par une
tionales, le pays est très largement en
Si l’on admet que les marchés résul-
tête. Tous les pays européens à l’excep-
tent de la combinaison des quatre
l’exception
de
New
structure d’offre elle-même différente. À
quelques
états
tion de l’Allemagne et des Pays-Bas se
grands facteurs que sont les besoins,
(Colorado,
situent à un ratio annuel compris entre
les technologies, les institutions et les
Washington), les déchets ne relèvent
550 et 650 pounds par tête, contre
comportements des firmes, celui des
pas en droit du régime des utilities ce
1 600 pounds pour les États-Unis (2),
déchets aux États-Unis en est une illus-
qui veut dire qu’ils ne sont pas organi-
Jersey,
Virginie,
73
Flux n° 43 Janvier - Mars 2001
sés selon un monopole naturel (6). Il faut
présidence Johnson, l’agence fédérale
lités et pour les organisations syndi-
distinguer entre la collecte des déchets
pour la protection de l’environnement
cales ; il est de tradition d’avoir un quota
ménagers et la collecte des déchets
(EPA) a tenté de s’appuyer sur les insti-
d’emplois réservés pour les minorités.
industriels, le transport, le traitement par
tutions municipales avec de faibles
mise en décharge ou par incinération.
résultats. Puis des pollutions indus-
Jusqu’aux années 1960, donc, la
La structure du secteur va dépendre de
trielles ont déplacé les priorités vers des
gestion des déchets reste perçue
l’organisation de chaque maillon. Quelle
programmes ciblés sur les toxic waste
comme un enjeu local s’inscrivant dans
est la part prise par les collectivités
et hazardous waste. Au milieu des
la tradition américaine de capacité à
locales (font-elles le ramassage ? ont-
années 1990 la politique fédérale s’inté-
régler soi-même ses propres affaires :
elles acquis des décharges ?) et celle
resse à nouveau au niveau municipal
the american city governement is res-
confiée aux entreprises privées sous
avec comme priorités : l’air, les déchets
ponsible. Cet arrière plan intellectuel
forme de franchises ? Ces dernières ne
des ménages, les déchets industriels.
explique que, même en cas de recours
sont pas toujours exclusives, de sorte
Ces programmes ont été de puissants
à l’entreprise privée, les communes
qu’au début du développement des
incitateurs pour les firmes.
soient restées jalouses de leur compé-
tournées de collecte plusieurs compagnies peuvent se trouver en compétition
tence ; les relations ont parfois été diffiLa collecte
ciles ; les contrats étaient signés pour
dans un même quartier. Autrement dit,
Selon Martin Melosi, la phase de
des durées courtes. Si bien que dans
l’absence de monopole territorial, com-
collecte représente entre 70 et 90 % du
cet environnement critique, les entre-
binée à une diversité locale, caractéris-
budget total du secteur contre 30-10 %
prises ont mis longtemps à se dévelop-
tique de la démocratie américaine, font
pour le traitement qui occupe pourtant
per. On comprend alors l’atomicité du
de l’industrie des déchets américains
une grande partie de l’attention et des
marché et surtout son instabilité carac-
une industrie complexe (7). On peut la
discours. Son organisation a peu chan-
térisée à la fois par des disparitions
lire comme une structure souple qui
gé. Cette activité reste avant tout une
d’entreprises et un flux continuel de
croise des maillons techniques (assem-
industrie de main-d’œuvre même si des
nouveaux entrants.
blés de façon spécifique) et une variable
camions compacteurs ont été mis au
territoriale (une répartition locale entre
point, même si existent des centres de
Deux données opposées, la très
intervention publique et firmes privées).
transfert. Claire Beyeler rapporte qu’à
grande taille du marché et une extrême
Pittsburg, il faut attendre 1984 pour que
fragmentation de l’offre, font que
À l’origine, ce secteur relevait totale-
« la collecte des déchets ménagers se
quelques entreprises ont pu se dévelop-
ment des communes elles mêmes
fasse entièrement par des conteneurs et
per à très grande vitesse pendant
encadrées par leur charte accordée par
non par le ramassage de toiles char-
toutes les années 1960 et 1970, par
les états et c’était un domaine à très
gées de déchets de jardins ; la collecte
consolidation. Elles ont racheté des
faible technologie. La prise en compte
hermétique ou mécanisée a été lente à
exploitants locaux plus petits, souvent
croissante des questions de pollution à
s’implanter ». De ce fait, ce service a
des entreprises familiales qui détenaient
partir des années 1960, va entraîner
toujours joué un rôle dans les politiques
des contrats avec des municipalités ou
une intervention nouvelle et grandissan-
municipales d’emploi en faveur des
directement avec des habitants. Elles se
te du niveau fédéral avec la mise en
minorités. Les salariés du secteur ont
sont solidement installées sur le marché
place d’une réglementation de plus en
tour à tour été les Italiens ou les
des déchets industriels et commerciaux
plus précise ayant pour effet une techni-
Polonais, puis les Noirs à partir du milieu
et dans le transport (hauling). Elles ont
cisation de tout le secteur. Ces régle-
des années 1960 pour s’étendre aux
repris des services en régie. Comme le
mentations publiques ont suivi des
Hispanisants. Cette dimension sociale
rappelle Martin Melosi entre 1964 et
cycles. Dans les années 1960 sous la
reste très importante pour les municipa-
1973, 65 % des villes enquêtées men-
74
Portrait d’entreprise
tionnaient une implication dans le servi-
ristique explique que les opérateurs res-
l’énergie autorise le transport des
ce de collecte sous une forme ou une
tent encore aujourd’hui spécialisés dans
déchets en dehors des villes. À la fin
autre mais la proportion de services
leur secteur d’origine et qu’ils n’aient
des années 1970 EPA et les experts en
avec une collecte exclusivement munici-
pas fait leur entrée dans l’énergie, l’eau
environnement questionnent l’aspect
pale a décliné de 45 à 39 % (op. cité
potable ou d’autres réseaux urbains. La
sanitaire de ces décharges pour établir
1993, p. 115). Plusieurs auteurs vont
tendance en faveur d’une gestion privée
qu’un grand nombre ne sont pas
fustiger les méthodes peu orthodoxes
va se poursuivre au long des années
conformes ; progressivement le niveau
de ce capitalisme sauvage qui débou-
1990. Selon la National Solid Waste
des normes environnementales est aug-
chera dans les années 1970 sur la
Association, plus de 80 % des déchets
menté. Une décharge va devoir com-
constitution de conglomérats cotés en
du pays seraient collectés par des
porter : une bâche, des dispositifs de
bourse (8). Malgré tout, la technique
entreprises privées que ce soit à partir
récupération des lixiviats, une récupéra-
reste fruste : des camions, des stations
de contrats publics ou privés ; pour la
tion du méthane, une mesure de la pol-
de transfert, des gros porteurs et des
partie municipale leur prépondérance
lution de l’air et du sol. Au terme de l’ex-
décharges que l’on nomme dumps et
est moindre comme le montre le tableau
ploitation, une couverture de surface
pas encore sanitary landfills. Entre ces
publié par l’International City Managers
doit être posée et un contrôle sur 20
deux mots il y a plus qu’une nuance ; ils
Association sur les modes de gestion
ans (after care) est prévu. Selon Martin
témoignent de deux âges de cette
en 1984.
Melosi, les experts avancent un coût de
industrie.
$ 330/400 millions par an pour respecLe traitement
Les possibilités de développement
ter ces normes. À cela vient s’ajouter le
La technologie dominante depuis
phénomène de rareté des terres pour
étaient alors telles que cela suffisait
les années 1920 a été celle de la
ouvrir de nouvelles décharges. Aucune
amplement à la croissance des firmes ;
décharge mise au point par les ingé-
communauté, que ce soit à la cam-
il n’était pas nécessaire pour elles
nieurs anglais. Elle se développe rapide-
pagne ou en périphérie de la ville, n’ac-
d’imaginer des actions de diversification
ment car il y a des terres disponibles et
cepte ce type d’installation : Not In My
dans d’autres secteurs. Cette caracté-
à bon marché ; de plus le faible coût de
Backyard.
Les modes de collecte et de traitement des déchets
Gouvernement Intercommunalité
local en totalité
privée
Contrat au
secteur
Contrat à des
associations
Franchise
Nombre de villes
et comtés
Déchets ménagers
49 %
8%
35 %
0
15 %
1 376
Déchets industriels
29 %
7%
44 %
0
19 %
1 106
Traitement
38 %
31 %
28 %
2%
5%
1 123
Source : ICMA, Contracting and Volunteerism in Local Government, a Self Help Guide, Appendix A, Washington DC, 1988.
Remarque : le fait d’introduire les accords d’intercommunalité explique que le total ne fasse pas 100. Cette rubrique comprend à la fois des intercommunalités qui
interviennent comme opérateur et d’autres qui sont autorité organisatrice.
75
Flux n° 43 Janvier - Mars 2001
Le traitement par mise en décharge
iii) développement de solutions alter-
- D’une manière générale, les infor-
se trouve sérieusement remis en cause
natives : l’incinération et le recyclage. Le
mations diffusées par la puissance
et avec lui tout le système des déchets.
problème toutefois vient du fait que ces
publique et les incitations en direction
Sur la période 1978-1990 quatorze mille
méthodes ne sont pas parfaites dans le
des consommateurs contribuent à
sites, soit 70 % des décharges, sont
contexte américain.
modifier les comportements. Les chan-
fermés car ils ne remplissent pas les cri-
- Le pays compte 176 incinérateurs
gements d’habitude en faveur du recy-
tères (9). Ces fermetures ne sont pas
vers 1990 ; ils traitent 3 % des déchets
clage
compensées par des ouvertures. À la fin
ménagers et se répartissent selon deux
volumes ; il est vrai que la très forte
des années 1980 les prix vont augmen-
technologies, l’une qui consiste à brûler
croissance économique de la période
ter (10). On évoque alors une disposal
les déchets (mass burn) et l’autre qui
va avoir l’effet inverse.
aboutissent
à
réduire
les
crisis. Cette restructuration renforce les
récupère
combustion
- Au moment de la crise du pétrole,
grandes entreprises. Selon une autre
(waste to energy) pour produire de la
vers 1975, la réglementation s’est inté-
statistique de la National Solid Waste
vapeur et de l’électricité. Cette dernière
ressée à des procédés permettant
technique
d’économiser l’énergie. Les entreprises
l’énergie
Répartition du traitement
1990
Objectif
de
reste
décharges
incinération
recyclage
85 %
65 %
3%
15 % en hausse
10 %
20 % en hausse
peu
de déchets qui traditionnellement ne fai-
développée
saient que du ramassage ou du stocka-
car les coûts
ge ont recherché des procédés plus
de
techniques. C’est ainsi que Waste
l’énergie
— pétrole,
Management a acquis l’entreprise
Association, 36 % des 2 800 décharges
gaz ou nucléaire — restent trop faibles
Wheelabrator spécialiste de ces procé-
du pays sont privées et 500 appartien-
pour être incitatifs.
dés. D’autres firmes de déchets suivent
nent aux plus grands groupes : 300
- Pour le recyclage, la question
pour Waste Management et 170 pour
demeure de savoir comment constituer
Ref-Fuel filiale de BFI). On a vu aussi
Allied-BFI (11).
un marché qui soit rentable dans le
arriver quelques électriciens et des ingé-
recyclage.
Quelles sont les évolutions possibles ?
la même voie (Ogden-Martin, American
nieristes (Parsons, Bechtel). L’intérêt
réaffirmé pour l’incinération incite aussi
On retiendra de ce qui précède le rôle
des industriels à mettre au point des
i) nouvelle réduction du nombre des
très important joué par les réglementa-
équipements : fabricants de brûleurs
décharges pour ne conserver que les
tions publiques dans la formation de
industriels, cimentiers.
plus grandes gérées industriellement
ces marchés. En suivant les grands pro-
- En édictant des normes, les
selon
parfaitement
grammes fédéraux on voit très bien
agences des états, ou du niveau fédéral
contrôlées mais ceci aura un coût bien
fonctionner une séquence dans laquelle
ont ouvert les marchés de la dépollution
des
méthodes
plus élevé. Les grandes entreprises qui
la puissance publique intervient directe-
industrielle ; de même avec le program-
maîtrisent ces procédés et qui par natu-
ment dans la construction des mar-
me
re ne sont pas liées à un territoire vont
chés : elle rend problématique une
nucléaires et toxiques — Superfund —
être dans une position favorable.
question en définissant des normes et
et la séquence se répète avec le dossier
de
dépollution
des
déchets
ii) exporter les déchets sur de
elle crée une incitation à sa résolution en
de la pollution de l’air. Cette priorité
longues distances, là où les décharges
mettant en place des procédures et des
accordée par l’administration à l’envi-
sont politiquement acceptables (12).
financements. Ces interventions mul-
ronmental clean up aboutit à l’arrivée de
C’est ce qui se fait déjà vers le Canada
tiples permettent de comprendre le
nouveaux entrants. C’est ainsi que les
et le Texas et sans doute demain vers le
panorama au début de la décennie
ingénieristes (Bechtel, Earth Tech,
Mexique.
1990 :
Foster Wheeler, Morrison Knudsen,
76
Portrait d’entreprise
Panorama de l’offre - tableau de synthèse
Parsons) et que des industriels ayant
travaillé pour le Département de la
Défense
(Westinghouse,
General
Electric) sont engagés dans les programmes du Superfund.
- La réglementation a aussi joué une
action structurante en organisant le
transport longue distance des déchets
et en édictant les normes techniques de
mise en décharge qui, en modifiant les
coûts rendent plus ou moins avanta-
rang 1990
rang 2000
Déchets solides
1. Waste Management
$ 6,03bn
1. Waste Management
$ 13,1bn
(Illinois)
Prise de contrôle en mars 1998 du n° 1 du secteur par une entreprise qui émerge du paysage en
1994 seulement : USA Waste. Témoigne des problèmes des sociétés historiques qui doivent provisionner des charges et des pertes sur leurs décharges.
2. Browning Ferries Industries
$ 2,97bn
(Houston)
3. Republic Services
$ 1,84bn
filières de traitement. Faut-il stocker ? et
prises de déchets ; la hausse des
4. Onyx-Superior Services
$ 400m
Entreprise créée en 1993, acquise par la filiale de Vivendi.
normes disqualifie les entreprises les
Produits dangereux et industriels
plus faibles. Le Resource Conservation
3. Laidlaw
$ 1,74bn
& Recovery Act (RCRA) d’octobre 1983,
et en particulier son subtitle B, a conduit
à la fermeture d’un grand nombre de
(Floride)
Entreprise constituée en 1995, se développe très rapidement.
- Ces contraintes technologiques
modifient les équilibres entre les entre-
2. Allied-BFI
$ 6,00bn
Scénario analogue, en juillet 1999 le n° 2 est repris par le n° 3 de l’époque qui se situait au dixième
rang dix ans plus tôt. Le groupe est en perte en 1998 et 1999.
geux les différents sites et les différentes
où ? Est-il préférable d’incinérer ?
(Houston)
Safety Kleen
$ 1,69bn
(Ontario)
Groupe canadien de transport scolaire qui se développe dans les déchets dangereux, absorbe plusieurs sociétés dont Safety Kleen en 1998. Mise en faillite au début 2000.
décharges avec des effets en chaîne sur
4. Ogden
$ 1,85bn
Ogden
$ 1,00bn
toute l’industrie. Les grandes entre-
Entreprise de services pour les aéroports, les complexes de loisirs et l’incinération. Quitte ces secteurs en 1999 pour se concentrer sur l’environnement et la production d’électricité.
prises privées ont été les plus à même
Philip Services
$ 2,00bn
de tirer parti de cette situation car elles
ont des moyens financiers, un savoir
(Ontario)
Entreprise créée en 1990 qui se concentre sur le recyclage ; croissance fulgurante. Se déclare en
faillite en 1999.
technologique, l’expérience de plusieurs procédés (13). Elles ont les
moyens d’acquérir les décharges,
maillon stratégique, soit pour les
besoins de leurs contrats d’enlèvement,
soit pour d’autres opérateurs du ramassage qui n’ont pas les moyens de stocker.
Disparus
5. Safety Kleen
$ 795m en 1992 ;
reprise par Laidlaw
entreprise créée en 1968 pour la récupération des huiles
6. Chambers Development
reprise par USA Waste
$ 260m ; entreprise créée dans les années 1960, spécialisée dans le rectclage des produits d’incinération.
7. Rollins Environmental
reprise par Laidlaw
Entreprise de traitement des déchets dangereux
- Ces règles publiques vont même
ébranler les plus grandes entreprises
qui quelquefois, dans leur période de
croissance « sauvage » avaient pris
quelques libertés par rapport au respect
de la législation sanitaire et par rapport
Nouveaux entrants
Allied Waste
Se constitue au début des années 1990 ; prend le contrôle de BFI, le n° 2, après une politique de
croissance externe.
USA Waste
Firme dont l’histoire débute vraiment en 1994 ; croissance fulgurante à coups de fusions, prend le
contrôle du n° 1 mondial Waste Management en 1998.
aux règles comptables. Les trois plus
77
Flux n° 43 Janvier - Mars 2001
grandes, pour ne citer qu’elles, se sont
poser en trois grandes étapes : expan-
Dès son arrivée, Drury réalise la
vu condamnées lourdement pour ne
sion sans frein, digestion difficile, fusion
fusion avec Envirofil une entreprise de
pas avoir respecté la réglementation :
imposée.
Waste Management, Laidlaw, Browning
même taille ; sa firme double de taille et
passe à $ 175m. À la fin de l’année par
Ferris Industries. Elles ont de plus des
Le groupe qui n’a été coté en bour-
démêlés avec les associations de
se qu’en 1971 (14) connaît une crois-
tion
consommateurs et les mouvements
sance externe très rapide tout au long
(Pittsburg) pour former le quatrième
écologistes.
des années 1970 et 1980, son chiffre
groupe du pays avec un chiffre d’af-
d’affaires de $ 656m en 1980 passe à
faires combiné de $ 450m. Les activités
$ 6,03bn en 1990. La décennie 1990
communes comprennent alors : 25
Les bouleversements dans l’offre
une opération de $ 750m il fait l’acquiside
Chambers
Development
est celle de la digestion de ces acquisi-
décharges, 37 entreprises de collecte et
Les années 1990 sont marquées de
tions multiples, de la mise en conformi-
13 stations de transfert. La direction va
façon contradictoire par l’expansion des
té des décharges avec les nouvelles
poursuivre cette politique d’acquisition
firmes privées au détriment de la ges-
normes sanitaires et de la rationalisa-
avec comme rapprochements nota-
tion publique, par la poursuite de la
tion. Le groupe paie le prix de sa crois-
bles : Western Waste Industries, Sanifill.
consolidation et par des fautes de par-
sance exponentielle. Il poursuit ses
En
avril
1997,
alors
que
Waste
cours pour plusieurs des leaders. La
acquisitions, se développe à l’internatio-
Management traverse des difficultés et
conjugaison de toutes ces forces
nal ; son chiffre d’affaires de 1997 s’éta-
doit revoir sa politique sous la pression
explique la transformation considérable
blit à $ 9,2bn mais il rencontre des diffi-
des fonds de pension, USA Waste se
de l’offre et des hiérarchies. C’est une
cultés sérieuses. Il annonce des pertes
hisse au troisième rang ($ 3bn) en
situation très différente de celle de
de $ 160m pour le seul dernier trimestre
fusionnant avec United Waste Systems
l’Europe continentale où, à partir de
de l’année. Sous la pression des fonds
toujours par la technique des échanges
monopoles locaux, nous nous sommes
de pension (dont celui de Georges
d’action ; tant que les actionnaires sont
habitués à une certaine stabilité du pay-
Soros) la direction doit revoir toute sa
d’accord et que le marché est porteur
sage même si ensuite les points fixes
politique. Cela ne suffit pas. En 1998, la
cette méthode permet de croître sans
que sont les grands groupes historiques
direction soumise à la pression de ses
mobiliser trop de fonds. Cette opération
se transforment par le jeu des fusions et
actionnaires doit accepter l’offre de
avait été précédée par le rachat des
acquisitions. Aux États-Unis, les mouve-
fusion de USA Waste, une entreprise
activités
ments sont bien plus rapides. Comme
construite en cinq ans.
Industries et de Waste Management.
canadiennes
de
Laidlaw
dans la nouvelle économie des hiérarchies peuvent se trouver inversées en
USA Waste
très peu de temps ; le nouvel entrant
est une entreprise de Dallas dont on
jusqu’à cette annonce de fusion avec
peut racheter l’entreprise installée. Les
fera remonter l’origine à juin 1994,
Waste Management en mars 1998. Le
dernières années ont été marquées par
lorsque John Drury en prend la direction
« petit » USA Waste propose de rache-
On croit alors le paysage stabilisé
trois méga-fusions, par quelques faillites
après avoir été limogé de Browning
ter les actions du numéro 1 pour $ 13bn
qui aboutissent à un nouveau paysage.
Ferris Industries où il était directeur
et de prendre le contrôle de 400 filiales
n°1 Waste Management Inc.
adjoint. À cette époque c’est une petite
de collecte, de 137 décharges et de
entreprise de transport de déchets
164 stations de transfert. Les action-
Waste Management est indiscuta-
(hauling) qui a une activité de $ 78m.
naires de Waste Management détien-
blement le premier groupe mondial de
Ensuite, son histoire est celle d’une
dront 60 % de la nouvelle société qui
déchets avec un chiffre d’affaires 1999
expansion fulgurante qui en quatre
gardera le nom de Waste Management
de $ 13bn. Son histoire peut se décom-
années la conduit au sommet.
mais le siège social sera déplacé de
78
Portrait d’entreprise
l’Illinois à Houston. Belle revanche pour
sée à ce niveau. Sa force malgré la
que ces échanges ne conduisent pas à
Drury qui fut renvoyé de BFI pour une
vitesse de croissance a été de cibler ses
fausser la concurrence dans certains
différence d’analyse stratégique lorsque
acquisitions afin d’obtenir un taux d’in-
comtés. D’autres cessions volontaires
le président Ruckelshauss décida de se
tégration élevé. Cet indicateur corres-
visent à réduire la dette. C’est ainsi que
développer dans le recyclage (15).
pond à la part de déchets collectés par
le groupe cède sa participation de 20 %
une firme et traités dans un équipement
dans Sita ; elle sera reprise par Suez ;
Chambers Development
qu’elle contrôle ; il donne une idée de
un an plus tôt BFI avait cédé ses activi-
est une entreprise créée dans les
son indépendance et de sa maîtrise de
tés internationales au groupe français et
années 1960 par M. John Rangos qui
la chaîne de la valeur. Dans les années
cette entrée au capital faisait partie de la
reste le principal actionnaire jusqu’à la
1970, les acteurs les plus clairvoyants
transaction. Inversement, Allied se
fusion. L’entreprise a débuté dans le
avaient compris que le traitement allait
retrouve en position d’acheteur d’actifs
recyclage des cendres de la combus-
devenir stratégique et que les firmes qui
pour $ 85m, cédés cette fois par Waste
tion de coke, puis avec les déchets
ne seraient présentes que dans le seul
Management dans le cadre de son
sidérurgiques en les transformants en
ramassage s’exposeraient à une haus-
acquisition d’Eastern Environmental
produits pour construire les voiries ; puis
se ruineuse des coûts de mise en
Services en avril 1999.
s’est intéressée aux résidus des cen-
décharge tandis que leurs recettes
trales électriques. Dans les années
d’enlèvement fixées par des contrats
Malgré tout, le nouveau groupe
1970,
anciens ne suivraient pas, ce qui
reste très endetté : plus de $ 9bn en l’an
décharges qu’elle met progressivement
conduirait à les affaiblir financièrement.
2000 (17) ; il doit assurer un rembourse-
aux normes ce qui lui permet d’entrer
C’est ce qui s’est passé et qui explique
ment de dette de $ 1,2bn pour cet exer-
dans le traitement des déchets. Elle est
le mouvement très rapide de consolida-
cice. Les comptes fin mars 1999
cotée en bourse en 1985 ; elle avait fait
tion.
l’entreprise
achète
des
un chiffre d’affaires de $ 260m en 1990.
Elle fusionne avec USA Waste en 1994.
Pour
cette
n°2 Allied-BFI
fusion
Au printemps 1999, le même scéna-
Allied
rio se répète. Le « petit » Allied Waste
reçoit le
Industries
Chiffre d’affaires – Allied BFI en 2000
1995
581,8
1996
619,5
1997
1 341
1998
1 576
1999
3 341
2000
6 000
Source rapport annuel 1999, estimation pour 2000
L’exercice 1999 intègre une partie de BFI ($ 4bn en annuel) et l’activité d’Allied.
L’exercice 2000 intègre totalement les deux groupes.
de
soutien de deux de ses actionnaires ins-
comme ceux de 1998 font ressortir des
l’Arizona prend le contrôle du numéro 2
titutionnels : Blackstone Group et Apollo
pertes nettes d’environ $ 250m.
mondial BFI ($ 4bn, Texas), bien plus
Management. L’opération aboutit en
ancien et de plus grande taille. L’écart
juillet 1999 et se décompose en une
($ 1,6bn)
originaire
Browning Ferris Industries
entre les deux protagonistes ressort
acquisition pour $ 7,7bn et une reprise
déjà numéro 2 du secteur avant
d’autant plus que l’on examine les par-
de dette pour environ $ 1,9bn (16). La
cette fusion (transport et enlèvement),
cours. En 1990, Allied n’était pas même
fusion donne naissance à un ensemble
est une entreprise de Houston très
évoquée dans la liste des entreprises du
de $ 6bn d’activités. Elle est suivie aus-
décentralisée qui a connu divers pro-
secteur ; à cette époque BFI réalisait
sitôt par un programme de cession
blèmes de mise en conformité avec la
déjà $ 3bn d’activités. En 1995, Allied
d’actifs pour $ 1,7bn. Certaines impo-
réglementation à la fin des années
s’approchait des 600 millions de dollars
sées par le Département de la Justice ;
1980. L’arrivée en 1988 de l’ancien
de chiffre d’affaires. C’est à marche for-
c’est ainsi que $ 230m d’actifs seront
directeur d’EPA, Mr Ruckelshaus, a
cée, à coups de fusions souvent payées
cédés à Republic Services après appro-
marqué un tournant. En 1989 le groupe
en échanges d’actions, qu’elle s’est his-
bation du Département qui veille à ce
constitue des provisions importantes
79
Flux n° 43 Janvier - Mars 2001
conduisant à une perte comptable.
lement, cette entreprise mène une poli-
au quatrième rang des entreprises de
L’année suivante il cède sa filiale de trai-
tique active d’acquisitions sur le seul
déchets ménagers avec $ 500 millions
tement des déchets toxiques avec une
marché des déchets non toxiques. Elle
d’activités.
provision de $ 300m. Il doit reconnaître
connaît une croissance fulgurante et se
un délit d’initié par deux directeurs
hisse au troisième rang avec un chiffre
d’une filiale (9/91). Tout cela, combiné à
d’affaires de $ 1,84bn (19) pour l’année
Laidlaw est une autre figure repré-
des résultats inférieurs aux prévisions
1999. Son introduction en bourse date
sentative du secteur. Vers 1990 elle était
pour 1992, a réduit la confiance.
de juillet 1998. Elle s’est implantée dans
considérée comme la troisième firme du
Laidlaw - Safety Kleen
les états à forte croissance du sunbelt et
secteur après Waste Management et
veille à élever son taux d’intégration en
BFI ; puis à la suite de déboires elle va
reprend une politique de croissance
complétant ses propres contrats de
se recentrer sur le segment des déchets
externe. En 1993, il acquiert une centai-
ramassage par des décharges. En
industriels et dangereux avant de ren-
ne d’entreprises, en renforçant sa poli-
1999, selon une pratique qui se généra-
contrer une nouvelle fois de sérieuses
tique d’intégration. Ce contrôle des
lise elle procède à des échanges d’ac-
difficultés. Cette firme de Burlington
décharges est doublement stratégique
tifs avec les deux majors : Waste mana-
(Ontario) a été crée vers 1959 par M. de
car il permet de maîtriser tout le cycle
gement (16 décharges, 11 stations de
Groote qui l’a développée dans le trans-
des déchets et donc la formation des
transfert et plus de 130 circuits de col-
port scolaire puis dans les déchets. Elle
coûts et surtout cette maîtrise permet
lecte) et Allied-BFI (20).
est rachetée en 1988 par le grand grou-
n° 4 Superior Services
diversifié dans le transport, l’énergie, les
Après une remise à plat, le groupe
d’asphyxier les petites entreprises de
collecte qui n’ont pas leur décharge et
pe canadien Canadian Pacific (Montréal)
qui peuvent être reprises à meilleur prix.
En juin 1999, la filiale américaine
À l’étranger BFI fait deux acquisitions
d’Onyx (Vivendi) fait l’acquisition du
significatives en 1994 avec 50 %
numéro 4 du secteur des déchets,
d’Otto, entreprise allemande au chiffre
Superior Services, pour un montant de
d’affaire de 2,4 MdsF, et le rachat de
$ 1bn (21).
de
des années 1980 dans le secteur des
l’entreprise anglaise Attwoods, cédée
Milwaukee qui a 750 000 clients dans
déchets ne se produit pas. Laidlaw
C’est
une
société
produits forestiers, l’immobilier, l’hôtellerie (22).
La forte croissance annoncée à la fin
par Laidlaw. Une fois les marges réta-
les états du Midwest. Elle a été consti-
cumule les problèmes à travers deux
blies le directeur oriente BFI vers le mar-
tuée en 1993 et n’a été introduite en
filiales : ADT (sécurité) et Attwoods
Chiffre d’affaires de BFI
1990
1992
2,97
3,20
1999
4,00
bourse qu’en mars 1996. Depuis elle
(déchets). Cette dernière intervient sur le
s’est développée par une croissance
marché anglais pour 25 % de son acti-
externe que l’on qualifiera de raison-
vité ; son Deputy Chairman est alors Sir
nable par rapport à d’autres concur-
Denis
rents ce dont témoigne la progression
ministre anglais). Ces sociétés rencon-
de son chiffre d’affaires. Avec l’acquisi-
trent des problèmes liés au respect des
ché nouveau du recyclage (papier). Le
tion cette même année des activités de
réglementations. Attwoods connaît plu-
chiffre de cette division passe de $ 9,6m
déchets spéciaux et de déchets liquides
sieurs
en 1990 à $ 370m en 1994 (18).
de Waste Management, Onyx se hisse
en milliards de dollars (billion)
n°3 Republic Services Inc
Republic Services (Floride) constitue
un autre exemple de la vitesse de transformation de l’offre. Créée en 1995 seu-
80
Chiffre d’affaires
1996
1997
180,7
253,2
Thatcher
procès
(mari
en
du
1991
premier
(Floride,
Maryland, Montréal) dont le plus important fait suite à une investigation du
1998
319,7
1999
400,0
en millions de dollars, source rapport annuel
1998 et Waste Age op. cité.
Pentagone concernant des facturations
illicites de la filiale de Caroline du Sud.
Ce procès va renforcer certaines accusations faisant état de liens entre la
Portrait d’entreprise
Mafia et Industrial Waste Services. La
prunt de $ 1,35bn qui lui permettrait de
réputation du groupe va en souffrir. En
remporter l’offre.
outre, la filiale spécialisée dans le recyclage des métaux doit faire face à une
Un an plus tard, en 1999, nouveau
revirement. La direction de Laidlaw
annonce sa décision de vendre son
Rollins est une entreprise du
département
santé
(transport
par
chute des prix qui occasionne des
Delaware spécialisée dans l’incinération
ambulance) et les 44 % qu’il détient
pertes importantes. Chute du cours.
des produits dangereux. Elle rachète en
dans le nouveau SK. Elle en attend
1993 une filiale de Westinghouse spé-
$ 2bn qui après réduction de dette lui
cialisée dans ce même domaine (chiffre
laisserait $ 1bn pour se concentrer sur
Laidlaw connaît des déboires à
répétition et reste la filiale à problèmes
d’affaire $ 85m) ce qui porte son activi-
le seul transport par bus. C’est à plus
du groupe Canadian Pacific. Ceci
té à $ 214m. Avec ces échanges qui
d’un titre un changement de stratégie.
conduit à la vente d’Attwoods en 1994
impliquent Westinghouse ou Union
Un an auparavant, le groupe bataillait
(repris par BFI), puis à celle d’ADT en
Pacific on relèvera que la consolidation
pour le contrôle de SK. Et c’est en 1997
1995 (cédée à un électricien du Kansas,
du secteur peut se faire par reprise de
qu’il décidait de rentrer dans le secteur
Western Union). Le groupe ne se retire
contrats publics et ou de sociétés pri-
santé en prenant le contrôle de
pas pour autant du marché des
vées mais aussi par rachat de filiales de
American Medical Response, premier
déchets. Il se renforce dans les déchets
groupes dont ce n’est pas le métier
groupe américain d’ambulances (24).
dangereux en reprenant les décharges
central. Safety Kleen, créée en 1968,
Ce plan n’aura pas le temps de se
et les centrales d’incinération de la
est le leader sur le marché américain de
mettre en place.
compagnie de chemin de fer Union
la récupération des huiles et des sol-
Pacific.
vants par différents types de procédés
L’activité
gagne
ainsi
$ 800m/an.
En 1997, Laidlaw acquiert Rollins
Environmental Services, pour former par
en particulier par aspiration. Elle détient
Au printemps 2000 Laidlaw annon-
50 % du marché des stations services
ce une perte énorme de $ 1,46bn liée à
en 1992 et à cette date son chiffre d’af-
ses activités déchets et ambulances.
faires était de $ 795m.
Les premières ont été touchées six mois
regroupement avec les actifs de sa divi-
plus tôt par des révélations concernant
sion déchets dangereux une nouvelle
Grâce à cette acquisition, le nou-
des irrégularités comptables dans la
entité : Laidlaw Environmental Services
veau groupe Laidlaw-Safety Kleen pèse
filiale de Caroline du Sud (25) ; tandis
Inc qui intervient dans trois segments :
$ 1,6bn de chiffre d’affaires, détient
que le groupe ne parvient pas à vendre
i) la collecte pour l’industrie et les collec-
50 % du marché des déchets dange-
les ambulances. Le groupe réévalue la
tivités locales, ii) le traitement (traitement
reux
valeur de SK de $ 560m à $ 43,8m ce
thermique et services spéciaux) et la
centres de collecte) et peut se dévelop-
qui donne une idée des pertes et il pour-
mise en décharge, iii) les interventions
per grâce à Safety Kleen vers des
rait être obligé de revoir les comptes
en Europe (23). Un an plus tard, tou-
clients plus petits (garagistes). Le nouvel
pour les trois années passées. En juin
jours dans une stratégie de croissance
ensemble va prendre le nom de Safety
SK annonce un défaut de paiement de
externe, Laidlaw Environmental livre une
Kleen ; c’est une filiale de Laidlaw àhau-
$ 60m et se place sous la protection de
bataille de $ 2bn qui l’oppose à Philip
teur de 44 %.
la loi sur les faillites (26).
Services pour le contrôle de Safety
Kleen. L’affrontement va rapidement
tourner court car le second protagoniste affaibli par irrégularités dans son activité de commerce sur les métaux ne
sera pas en mesure de monter l’em-
(incinérateurs,
décharges
Chiffre d’affaires
Laidlaw Environmental Services
1994
1995
1996
517,8
599,2a
653,0
et
1997
678,6b
1998
1 186
SK
1999
1 687
a : ce chiffre concerne le département déchets ; Laidlaw fait alors un chiffre d’affaires de $ 2,2bn
b : Les activités de Rollins Environmental Services ont été intégrées à partir de 5/1997. Celles de
Safety Kleen à partir de 4/1998.
81
Flux n° 43 Janvier - Mars 2001
Ogden
Chine, Philippines, Thaïlande, Inde,
moins $ 60m (29). La valeur du titre
Ogden (New-York) a été créée en
Costa-Rica (27). Un an plus tard ce sera
chute rapidement de $ 13 par action à
1939 et a fonctionné jusqu’en 1953
chose faite avec la vente des conces-
$ 8. L’année sera catastrophique et se
comme une société d’investissement.
sions de restauration et des parcs de
terminera sur une perte de $ 1,6bn (30).
Elle a été introduite en bourse en 1966.
loisirs.
Un an plus tard la firme est au plus mal
Au début des années 1990 on pouvait
la définir comme un leader de l’incinéra-
et se met sous la protection de la loi sur
Philip Services
les faillites pour préparer un plan de
tion (waste-to-energy) au même titre
que Wheelabrator et comme une socié-
restructuration. La valeur du titre n’est
En
1994,
Philip
Environmental
plus que de 42 cents canadiens (31).
té de service travaillant pour les aéro-
(Ontario) annonçait un chiffre d’affaires
ports et les complexes sportifs. Elle
de C$ 253m en hausse de 61 % grâce
Au printemps 2000, les activités
n’abordait le marché des déchets que
à plusieurs acquisitions. Cette entrepri-
sont reprises par une société de droit
par cette seule composante incinéra-
se, contrôlée par les frères Fracassi de
américain, Philip Services Corporation.
tion. Elle se développe alors rapidement
Toronto, n’était entrée sur le marché
Grâce à la vente d’actifs, la dette a été
dans ses métiers de départ et se diver-
qu’en 1990 en se concentrant sur le
réduite de $ 1bn à $ 235m ; 10 % des
sifie ; c’est ainsi qu’elle signe en 1994
recyclage tout en ayant quelques activi-
actions nouvelles sont acquises par un
un accord de partenariat avec Yorkshire
tés de collecte ; elle était introduite en
fond basé aux Bahamas : Cerberus
Water, cinquième compagnie d’eau
bourse l’année suivante.
International (32).
Le
groupe
se
anglaise, en vue de se développer dans
le secteur des eaux usées.
Elle va poursuivre dans
cette direction. Des acquisi-
1996
Chiffre d’affaires
333
Résultats d’exploitation -3,4
1997 1998
1 181 2 001
-56,2 -1 214
Diverses cessions vont conduire à
tions aux États-Unis lui per-
une forte réduction du chiffre d’affaires
mettent d’y réaliser 40 % de
qui après son maximum de 1993 s’éta-
son activité. L’entreprise est
blit à 0,97bn en 1997. Le groupe se
sur une courbe exponentielle (voir son
et sur les services aux entreprises aux
développe vigoureusement dans la pro-
chiffre d’affaires) (28). Pour la seule
États-Unis, au Canada et en Europe.
En millions de dollars
concentre sur le recyclage des métaux
duction d’énergie indépendante par
année 1997 elle acquiert 30 sociétés
Ogden Energy. En 1999, le groupe déci-
pour $ 1,3bn et en mars 1998 elle
$$$$$
de de céder toutes ses activités dans
annonce un partenariat avec deux
les services à l’aviation et les loisirs et de
sociétés
(Apollo
Quels enseignements à portée
d’investissements
se recentrer sur l’environnement, ce qui
Advisors et Blackstone Management)
générale pouvons-nous tirer de ce par-
comprend : l’incinération, les services
pour fusionner avec Safety Kleen, le
cours ? En dix ans la transformation de
d’environnement, le traitement de l’eau
numéro 5, soumise par ailleurs à une
l’offre est considérable. Deux entre-
et la production d’électricité. Dans cette
offre
Environmental
prises qui n’existaient pas en 1990 par-
de
Laidlaw
dernière activité le groupe exploite un
Services. Cette décision semble mar-
tent à la conquête des marchés, rachè-
parc de 1 735 MW avec des centrales
quer le point haut dans cette histoire. Le
tent et consolident et finissent par
en Amérique du Nord et à l’étranger :
même mois l’entreprise doit annoncer
reprendre les numéros 1 et 2 histo-
une perte de $ 95,8m pour 1997 et
riques. Derrière elles d’autres nouveaux
Chiffre d’affaires
1990 1993 1997
1,55
2,04
0,96
en milliards de dollars
82
1998
0,90
1999
1,00
recalcule ses résultats pour les deux
venus tentent le même parcours. Dans
années précédentes après avoir décou-
le secteur des déchets industriels les
vert une dissimulation de pertes dans le
amplitudes sont toutes aussi grandes.
commerce des métaux recyclés pour au
Plusieurs entreprises créées elles aussi
Portrait d’entreprise
dans les années 1990 montent, mon-
de pension, quand on observe les déci-
les forces du marché (les firmes et les
tent et chutent. Une autre bifurque. Ce
sions d’entrée dans un secteur suivie le
consolidateurs) peuvent s’exprimer plei-
marché des déchets américains est tout
lendemain par une sortie. Dans ce
nement avec tous les effets de débor-
sauf un univers paisible.
grand mouvement de consolidation qui
dement. C’est une grande différence
passe le plus souvent par des rappro-
avec l’Europe continentale La pression
Ces fluctuations énormes, parfois
chements entre firmes et par des
des marchés financiers avec la sanction
destructrices, portent la marque de
échanges d’actions, certains fonds spé-
des rapports trimestriels constitue un
fonds financiers et de « consolidateur »
cialisés sur « l’or vert » jouent un rôle
autre facteur de mouvement. Et puis on
spécialisés dans la reprise de firmes du
analogue à celui des banques d’affaires
peut penser que l’introduction des
secteur pour leur revente (33). Elles
en Europe ; ils cherchent à rapprocher
réglementations fédérales a été un der-
témoignent aussi du pouvoir des action-
des entreprises. Mais il semble bien
nier facteur de bouleversement. Le sec-
naires par rapport à celui des dirigeants.
qu’ils l’aient fait plus dans une logique
teur des déchets américains ressemble
Les reprises des deux leaders histo-
financière (faire monter la valeur des
à un objet chaud en formation, plein de
riques ne s’expliquent pas autrement.
titres) que dans une logique industrielle
turbulences. Cette expérience est cer-
La force des deux « petits » est d’avoir
visant à mieux utiliser des actifs. C’est
tainement à étudier à l’heure ou de
d’abord convaincu les marchés et les
seulement à la fin des années 1990,
nombreux pays émergents cherchent
fonds de pension de la crédibilité de leur
après les méga-fusions, que cette voie
des références pour organiser leurs ser-
politique en mettant en avant les syner-
industrielle est parcourue par les firmes
vices d’environnement.
gies d’intégration et le respect des nou-
avec des échanges d’actifs surveillés
velles réglementations.
par les autorités publiques.
Ces fluctuations conduisent aussi à
On peut enfin s’interroger sur la part
se demander quelle est la clairvoyance
imputable au cadre institutionnel. Le fait
des marchés par « la main visible » des
de traiter ce domaine comme une com-
dirigeants de Laidlaw ou celle des fonds
modity crée une situation dans laquelle
Dominique Lorrain est chercheur au
CEMS-CNRS/EHESS
54 boulevard Raspail
75006 Paris
[email protected]
Notes
(1) La première version de ce texte a
été enrichie par la lecture attentive de O.
COUTARD, comme pour les autres portraits d’entreprises.
(2) M. MELOSI, The Sanitary City, The
John Hopkins University Press,
Baltimore, 2000, p 397.
(3) M. MELOSI, Down in the Dumps :
Is There a Garbage Crisis in America ?
Journal of Policy History, vol. 5, n° 1,
1993. Ce chiffre concerne les Municipal
Solid Waste (MSW).
(4) Pour les deux français il s’agit
des chiffres du rapport annuel 1999,
pour RWE il s’agit du chiffre 1997/1998,
Flux n° 39/40, p 102.
(5) Filiale de Severn Trent (n° 2
anglais de l’eau) qui a repris en août
2000 la filiale anglaise de Waste
Management : UK Waste.
(6) Voir Claire BEYELER, Les acteurs
et les réseaux aux États-Unis : le cas de
l’eau et des déchets, in Les opérateurs
de réseaux, GDR-réseaux, ENPC,
1990.
(7) La complexité institutionnelle
résultant d’une organisation en trois
grands niveaux — municipalités, états,
fédération —, se trouve accentuée si on
prend en compte le niveau supra-communal et le rôle joué par les comtés et
les special district, équivalents d’outre
atlantique de nos syndicats à vocation
unique.
(8) H. CROOKS, La bataille des
ordures, éditions Borel Express,
Québec, 1984. Voir aussi le roman de
Stephen DIXON, Ordures, éditions
Balland 10-18, Paris, 1992, traduit de
l’américain (Garbage, 1988).
(9) M. MELOSI, 1993, op. cité. Waste
Age, june 2000, A down-to-earth look at
landfill markets ; cet article apporte des
précisions. Le nombre de décharges
serait passé de 20 000 dans les années
1970, à 7 575 en 1988 et serait de
2 500 environ en 1999.
(10) Voir M. MELOSI, 2000, op. cité,
p 406.
(11) Waste Age, July 1999,
Consolidation, Rearranging the pieces.
(12) On notera ici la différence avec
l’Europe continentale où la densité y
étant plus grande et le maillage des vil-
83
Flux n° 43 Janvier - Mars 2001
lages historiques plus serré, ce type de
solution a peu de chance d’être adopté.
(13) Voir l’analyse de Republic
Services, rapport annuel 1999, Industry
Overview. Le marché des déchets non
toxiques représente $ 37bn qui se
répartit entre des grandes entreprises
cotées en bourse ($ 21bn) et des petites
entreprises ou des services municipaux
($ 16bn) ; le processus de concentration
n’est pas prêt de s’arrêter.
(14) À cette époque le chiffre d’affaires est de $ 17m.
(15) Biocycle, Apr 1998.
(16) Rapport annuel 1999.
(17) Wall Street Journal Apr 3, 2000.
(18) Forbes Dec 5, 1994.
(19) Source rapport annuel 1999.
(20) Waste Age, Nov 1999.
(21) Waste Age, Nov 1999. La
Tribune 10-6-1999. Rapport annuel
1998.
(22) CP, groupe de transport et
d’énergie est en 1997 la première compagnie de transport par conteneurs en
Amérique du nord.
(23) Source, rapport annuel 1998.
(24) FT, sept 14, 1999.
(25) C’était un actif provenant du
département déchets de laidlaw : la
décharge de Pinewood, source de problèmes depuis 1994.
(26) SEC, document 8K, june 9,
2000.
(27) Rapport annuel 1999.
(28) Une filiale Philip Utilities
Management a quelques petits contrats
dans l’eau et l’assainissement.
(29) Wall Street Journal, Mar 6,
1998. Il semblerait que le négoce sur les
marchés à terme des métaux non ferreux ait été à risque. Ce sont déjà des
pertes sur ces marchés qui déstabilisent
le
grand
groupe
allemand
Metallgesellschaft vers 1993/4.
(30) Annual Report 1998.
(31) Wall Street Journal, Jan 14,
1999.
(32) Document SEC, 13D April 24,
2000.
(33) The Wall Street Journal, Nov.
27, 2000, Rolling into Trouble :
Consolidating firms.
Portraits d’entreprises
Cheung Kong, Flux n° 36/37, avril-septembre 1999, pp. 61-66
Bechtel, Flux n° 38, octobre-décembre 1999, pp. 72-78
RWE AG, Flux n° 39/40, janvier-juin 2000, pp. 94-103
Les entreprises anglaises de l’eau : Thames Water et Kelda Group, Flux n° 41, juillet-septembre 2000, pp. 71-84
84
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