Portrait d’entreprise tration supplémentaire. Tout d’abord, et PORTRAIT D’ENTREPRISE globalement, des schémas institutionnels différents de ceux que nous connaissons y produisent une structure d’offre différente. Ensuite, l’histoire de Le secteur des déchets aux États-Unis (I) ce secteur au cours des trente dernières années ne peut se comprendre sans introduire en permanence le rôle des règles et des normes édictées par la puissance publique ; elles ressortent comme un puissant structurateur même si ces marchés en première lecture semblent être animés par des entreprises privées. Enfin, si on examine uni- Dominique Lorrain quement les firmes, leur histoire et leurs mouvements, le résultat qui ne manque pas de frapper est celui de la très granDans une typologie mondiale des soit un écart de 1 à 2,5. En l’an 2000 le de vitesse de transformation de l’offre. entreprises de réseaux, nous avions volume national correspondant est Autant de caractéristiques qui nous invi- plusieurs raisons de nous intéresser aux d’environ 200 millions de tonnes (3). tent à sortir à nouveau de notre référen- entreprises américaines de déchets et à Cette « ressource » a donné naissance tiel européen. la à une industrie privée, la plus puissante première d’entre elles, Waste Management (1). au monde, organisée autour d’une très grande firme Waste Management Nous présenterons successivement les institutions, les transformations de Les États-Unis, première puissance ($ 13bn d’activités), suivie par cinq l’offre et les trajectoires de plusieurs économique mondiale, sont aussi le autres qui font toutes plus d’un milliard firmes qui illustrent cette rencontre ten- premier producteur mondial de déchets, de dollars de chiffre d’affaires et com- sionnelle entre les règles et les marchés. que ce soit les déchets ménagers, plétée par un très grand nombre d’en- Dans le numéro suivant nous présente- industriels ou toxiques. Il s’agit d’une treprises régionales qui réalisent entre rons exclusivement le cas de Waste situation ancienne correspondant à un 50 et 500 millions de dollars. Dans ce Management. niveau de consommation élevé qui n’a continuum d’offre, seules quatre firmes cessé Martin européennes viennent s’intercaler : Sita Melosi, entre 1970 et 1990, la produc- du groupe Suez ($ 4bn), Onyx la filiale tion quotidienne de déchets solides est de Vivendi ($ 3,2bn), Rwe-Entsorgung passée de 3,3 à 4,3 pounds par habi- ($ 1bn) (4) et le groupe anglais Biffa (5). d’augmenter. Selon tants. Dans les comparaisons interna- Institutions et marchés Des règles générales différentes de ce que nous connaissons en Europe continentale se traduisent par une tionales, le pays est très largement en Si l’on admet que les marchés résul- tête. Tous les pays européens à l’excep- tent de la combinaison des quatre l’exception de New structure d’offre elle-même différente. À quelques états tion de l’Allemagne et des Pays-Bas se grands facteurs que sont les besoins, (Colorado, situent à un ratio annuel compris entre les technologies, les institutions et les Washington), les déchets ne relèvent 550 et 650 pounds par tête, contre comportements des firmes, celui des pas en droit du régime des utilities ce 1 600 pounds pour les États-Unis (2), déchets aux États-Unis en est une illus- qui veut dire qu’ils ne sont pas organi- Jersey, Virginie, 73 Flux n° 43 Janvier - Mars 2001 sés selon un monopole naturel (6). Il faut présidence Johnson, l’agence fédérale lités et pour les organisations syndi- distinguer entre la collecte des déchets pour la protection de l’environnement cales ; il est de tradition d’avoir un quota ménagers et la collecte des déchets (EPA) a tenté de s’appuyer sur les insti- d’emplois réservés pour les minorités. industriels, le transport, le traitement par tutions municipales avec de faibles mise en décharge ou par incinération. résultats. Puis des pollutions indus- Jusqu’aux années 1960, donc, la La structure du secteur va dépendre de trielles ont déplacé les priorités vers des gestion des déchets reste perçue l’organisation de chaque maillon. Quelle programmes ciblés sur les toxic waste comme un enjeu local s’inscrivant dans est la part prise par les collectivités et hazardous waste. Au milieu des la tradition américaine de capacité à locales (font-elles le ramassage ? ont- années 1990 la politique fédérale s’inté- régler soi-même ses propres affaires : elles acquis des décharges ?) et celle resse à nouveau au niveau municipal the american city governement is res- confiée aux entreprises privées sous avec comme priorités : l’air, les déchets ponsible. Cet arrière plan intellectuel forme de franchises ? Ces dernières ne des ménages, les déchets industriels. explique que, même en cas de recours sont pas toujours exclusives, de sorte Ces programmes ont été de puissants à l’entreprise privée, les communes qu’au début du développement des incitateurs pour les firmes. soient restées jalouses de leur compé- tournées de collecte plusieurs compagnies peuvent se trouver en compétition tence ; les relations ont parfois été diffiLa collecte ciles ; les contrats étaient signés pour dans un même quartier. Autrement dit, Selon Martin Melosi, la phase de des durées courtes. Si bien que dans l’absence de monopole territorial, com- collecte représente entre 70 et 90 % du cet environnement critique, les entre- binée à une diversité locale, caractéris- budget total du secteur contre 30-10 % prises ont mis longtemps à se dévelop- tique de la démocratie américaine, font pour le traitement qui occupe pourtant per. On comprend alors l’atomicité du de l’industrie des déchets américains une grande partie de l’attention et des marché et surtout son instabilité carac- une industrie complexe (7). On peut la discours. Son organisation a peu chan- térisée à la fois par des disparitions lire comme une structure souple qui gé. Cette activité reste avant tout une d’entreprises et un flux continuel de croise des maillons techniques (assem- industrie de main-d’œuvre même si des nouveaux entrants. blés de façon spécifique) et une variable camions compacteurs ont été mis au territoriale (une répartition locale entre point, même si existent des centres de Deux données opposées, la très intervention publique et firmes privées). transfert. Claire Beyeler rapporte qu’à grande taille du marché et une extrême Pittsburg, il faut attendre 1984 pour que fragmentation de l’offre, font que À l’origine, ce secteur relevait totale- « la collecte des déchets ménagers se quelques entreprises ont pu se dévelop- ment des communes elles mêmes fasse entièrement par des conteneurs et per à très grande vitesse pendant encadrées par leur charte accordée par non par le ramassage de toiles char- toutes les années 1960 et 1970, par les états et c’était un domaine à très gées de déchets de jardins ; la collecte consolidation. Elles ont racheté des faible technologie. La prise en compte hermétique ou mécanisée a été lente à exploitants locaux plus petits, souvent croissante des questions de pollution à s’implanter ». De ce fait, ce service a des entreprises familiales qui détenaient partir des années 1960, va entraîner toujours joué un rôle dans les politiques des contrats avec des municipalités ou une intervention nouvelle et grandissan- municipales d’emploi en faveur des directement avec des habitants. Elles se te du niveau fédéral avec la mise en minorités. Les salariés du secteur ont sont solidement installées sur le marché place d’une réglementation de plus en tour à tour été les Italiens ou les des déchets industriels et commerciaux plus précise ayant pour effet une techni- Polonais, puis les Noirs à partir du milieu et dans le transport (hauling). Elles ont cisation de tout le secteur. Ces régle- des années 1960 pour s’étendre aux repris des services en régie. Comme le mentations publiques ont suivi des Hispanisants. Cette dimension sociale rappelle Martin Melosi entre 1964 et cycles. Dans les années 1960 sous la reste très importante pour les municipa- 1973, 65 % des villes enquêtées men- 74 Portrait d’entreprise tionnaient une implication dans le servi- ristique explique que les opérateurs res- l’énergie autorise le transport des ce de collecte sous une forme ou une tent encore aujourd’hui spécialisés dans déchets en dehors des villes. À la fin autre mais la proportion de services leur secteur d’origine et qu’ils n’aient des années 1970 EPA et les experts en avec une collecte exclusivement munici- pas fait leur entrée dans l’énergie, l’eau environnement questionnent l’aspect pale a décliné de 45 à 39 % (op. cité potable ou d’autres réseaux urbains. La sanitaire de ces décharges pour établir 1993, p. 115). Plusieurs auteurs vont tendance en faveur d’une gestion privée qu’un grand nombre ne sont pas fustiger les méthodes peu orthodoxes va se poursuivre au long des années conformes ; progressivement le niveau de ce capitalisme sauvage qui débou- 1990. Selon la National Solid Waste des normes environnementales est aug- chera dans les années 1970 sur la Association, plus de 80 % des déchets menté. Une décharge va devoir com- constitution de conglomérats cotés en du pays seraient collectés par des porter : une bâche, des dispositifs de bourse (8). Malgré tout, la technique entreprises privées que ce soit à partir récupération des lixiviats, une récupéra- reste fruste : des camions, des stations de contrats publics ou privés ; pour la tion du méthane, une mesure de la pol- de transfert, des gros porteurs et des partie municipale leur prépondérance lution de l’air et du sol. Au terme de l’ex- décharges que l’on nomme dumps et est moindre comme le montre le tableau ploitation, une couverture de surface pas encore sanitary landfills. Entre ces publié par l’International City Managers doit être posée et un contrôle sur 20 deux mots il y a plus qu’une nuance ; ils Association sur les modes de gestion ans (after care) est prévu. Selon Martin témoignent de deux âges de cette en 1984. Melosi, les experts avancent un coût de industrie. $ 330/400 millions par an pour respecLe traitement Les possibilités de développement ter ces normes. À cela vient s’ajouter le La technologie dominante depuis phénomène de rareté des terres pour étaient alors telles que cela suffisait les années 1920 a été celle de la ouvrir de nouvelles décharges. Aucune amplement à la croissance des firmes ; décharge mise au point par les ingé- communauté, que ce soit à la cam- il n’était pas nécessaire pour elles nieurs anglais. Elle se développe rapide- pagne ou en périphérie de la ville, n’ac- d’imaginer des actions de diversification ment car il y a des terres disponibles et cepte ce type d’installation : Not In My dans d’autres secteurs. Cette caracté- à bon marché ; de plus le faible coût de Backyard. Les modes de collecte et de traitement des déchets Gouvernement Intercommunalité local en totalité privée Contrat au secteur Contrat à des associations Franchise Nombre de villes et comtés Déchets ménagers 49 % 8% 35 % 0 15 % 1 376 Déchets industriels 29 % 7% 44 % 0 19 % 1 106 Traitement 38 % 31 % 28 % 2% 5% 1 123 Source : ICMA, Contracting and Volunteerism in Local Government, a Self Help Guide, Appendix A, Washington DC, 1988. Remarque : le fait d’introduire les accords d’intercommunalité explique que le total ne fasse pas 100. Cette rubrique comprend à la fois des intercommunalités qui interviennent comme opérateur et d’autres qui sont autorité organisatrice. 75 Flux n° 43 Janvier - Mars 2001 Le traitement par mise en décharge iii) développement de solutions alter- - D’une manière générale, les infor- se trouve sérieusement remis en cause natives : l’incinération et le recyclage. Le mations diffusées par la puissance et avec lui tout le système des déchets. problème toutefois vient du fait que ces publique et les incitations en direction Sur la période 1978-1990 quatorze mille méthodes ne sont pas parfaites dans le des consommateurs contribuent à sites, soit 70 % des décharges, sont contexte américain. modifier les comportements. Les chan- fermés car ils ne remplissent pas les cri- - Le pays compte 176 incinérateurs gements d’habitude en faveur du recy- tères (9). Ces fermetures ne sont pas vers 1990 ; ils traitent 3 % des déchets clage compensées par des ouvertures. À la fin ménagers et se répartissent selon deux volumes ; il est vrai que la très forte des années 1980 les prix vont augmen- technologies, l’une qui consiste à brûler croissance économique de la période ter (10). On évoque alors une disposal les déchets (mass burn) et l’autre qui va avoir l’effet inverse. aboutissent à réduire les crisis. Cette restructuration renforce les récupère combustion - Au moment de la crise du pétrole, grandes entreprises. Selon une autre (waste to energy) pour produire de la vers 1975, la réglementation s’est inté- statistique de la National Solid Waste vapeur et de l’électricité. Cette dernière ressée à des procédés permettant technique d’économiser l’énergie. Les entreprises l’énergie Répartition du traitement 1990 Objectif de reste décharges incinération recyclage 85 % 65 % 3% 15 % en hausse 10 % 20 % en hausse peu de déchets qui traditionnellement ne fai- développée saient que du ramassage ou du stocka- car les coûts ge ont recherché des procédés plus de techniques. C’est ainsi que Waste l’énergie — pétrole, Management a acquis l’entreprise Association, 36 % des 2 800 décharges gaz ou nucléaire — restent trop faibles Wheelabrator spécialiste de ces procé- du pays sont privées et 500 appartien- pour être incitatifs. dés. D’autres firmes de déchets suivent nent aux plus grands groupes : 300 - Pour le recyclage, la question pour Waste Management et 170 pour demeure de savoir comment constituer Ref-Fuel filiale de BFI). On a vu aussi Allied-BFI (11). un marché qui soit rentable dans le arriver quelques électriciens et des ingé- recyclage. Quelles sont les évolutions possibles ? la même voie (Ogden-Martin, American nieristes (Parsons, Bechtel). L’intérêt réaffirmé pour l’incinération incite aussi On retiendra de ce qui précède le rôle des industriels à mettre au point des i) nouvelle réduction du nombre des très important joué par les réglementa- équipements : fabricants de brûleurs décharges pour ne conserver que les tions publiques dans la formation de industriels, cimentiers. plus grandes gérées industriellement ces marchés. En suivant les grands pro- - En édictant des normes, les selon parfaitement grammes fédéraux on voit très bien agences des états, ou du niveau fédéral contrôlées mais ceci aura un coût bien fonctionner une séquence dans laquelle ont ouvert les marchés de la dépollution des méthodes plus élevé. Les grandes entreprises qui la puissance publique intervient directe- industrielle ; de même avec le program- maîtrisent ces procédés et qui par natu- ment dans la construction des mar- me re ne sont pas liées à un territoire vont chés : elle rend problématique une nucléaires et toxiques — Superfund — être dans une position favorable. question en définissant des normes et et la séquence se répète avec le dossier de dépollution des déchets ii) exporter les déchets sur de elle crée une incitation à sa résolution en de la pollution de l’air. Cette priorité longues distances, là où les décharges mettant en place des procédures et des accordée par l’administration à l’envi- sont politiquement acceptables (12). financements. Ces interventions mul- ronmental clean up aboutit à l’arrivée de C’est ce qui se fait déjà vers le Canada tiples permettent de comprendre le nouveaux entrants. C’est ainsi que les et le Texas et sans doute demain vers le panorama au début de la décennie ingénieristes (Bechtel, Earth Tech, Mexique. 1990 : Foster Wheeler, Morrison Knudsen, 76 Portrait d’entreprise Panorama de l’offre - tableau de synthèse Parsons) et que des industriels ayant travaillé pour le Département de la Défense (Westinghouse, General Electric) sont engagés dans les programmes du Superfund. - La réglementation a aussi joué une action structurante en organisant le transport longue distance des déchets et en édictant les normes techniques de mise en décharge qui, en modifiant les coûts rendent plus ou moins avanta- rang 1990 rang 2000 Déchets solides 1. Waste Management $ 6,03bn 1. Waste Management $ 13,1bn (Illinois) Prise de contrôle en mars 1998 du n° 1 du secteur par une entreprise qui émerge du paysage en 1994 seulement : USA Waste. Témoigne des problèmes des sociétés historiques qui doivent provisionner des charges et des pertes sur leurs décharges. 2. Browning Ferries Industries $ 2,97bn (Houston) 3. Republic Services $ 1,84bn filières de traitement. Faut-il stocker ? et prises de déchets ; la hausse des 4. Onyx-Superior Services $ 400m Entreprise créée en 1993, acquise par la filiale de Vivendi. normes disqualifie les entreprises les Produits dangereux et industriels plus faibles. Le Resource Conservation 3. Laidlaw $ 1,74bn & Recovery Act (RCRA) d’octobre 1983, et en particulier son subtitle B, a conduit à la fermeture d’un grand nombre de (Floride) Entreprise constituée en 1995, se développe très rapidement. - Ces contraintes technologiques modifient les équilibres entre les entre- 2. Allied-BFI $ 6,00bn Scénario analogue, en juillet 1999 le n° 2 est repris par le n° 3 de l’époque qui se situait au dixième rang dix ans plus tôt. Le groupe est en perte en 1998 et 1999. geux les différents sites et les différentes où ? Est-il préférable d’incinérer ? (Houston) Safety Kleen $ 1,69bn (Ontario) Groupe canadien de transport scolaire qui se développe dans les déchets dangereux, absorbe plusieurs sociétés dont Safety Kleen en 1998. Mise en faillite au début 2000. décharges avec des effets en chaîne sur 4. Ogden $ 1,85bn Ogden $ 1,00bn toute l’industrie. Les grandes entre- Entreprise de services pour les aéroports, les complexes de loisirs et l’incinération. Quitte ces secteurs en 1999 pour se concentrer sur l’environnement et la production d’électricité. prises privées ont été les plus à même Philip Services $ 2,00bn de tirer parti de cette situation car elles ont des moyens financiers, un savoir (Ontario) Entreprise créée en 1990 qui se concentre sur le recyclage ; croissance fulgurante. Se déclare en faillite en 1999. technologique, l’expérience de plusieurs procédés (13). Elles ont les moyens d’acquérir les décharges, maillon stratégique, soit pour les besoins de leurs contrats d’enlèvement, soit pour d’autres opérateurs du ramassage qui n’ont pas les moyens de stocker. Disparus 5. Safety Kleen $ 795m en 1992 ; reprise par Laidlaw entreprise créée en 1968 pour la récupération des huiles 6. Chambers Development reprise par USA Waste $ 260m ; entreprise créée dans les années 1960, spécialisée dans le rectclage des produits d’incinération. 7. Rollins Environmental reprise par Laidlaw Entreprise de traitement des déchets dangereux - Ces règles publiques vont même ébranler les plus grandes entreprises qui quelquefois, dans leur période de croissance « sauvage » avaient pris quelques libertés par rapport au respect de la législation sanitaire et par rapport Nouveaux entrants Allied Waste Se constitue au début des années 1990 ; prend le contrôle de BFI, le n° 2, après une politique de croissance externe. USA Waste Firme dont l’histoire débute vraiment en 1994 ; croissance fulgurante à coups de fusions, prend le contrôle du n° 1 mondial Waste Management en 1998. aux règles comptables. Les trois plus 77 Flux n° 43 Janvier - Mars 2001 grandes, pour ne citer qu’elles, se sont poser en trois grandes étapes : expan- Dès son arrivée, Drury réalise la vu condamnées lourdement pour ne sion sans frein, digestion difficile, fusion fusion avec Envirofil une entreprise de pas avoir respecté la réglementation : imposée. Waste Management, Laidlaw, Browning même taille ; sa firme double de taille et passe à $ 175m. À la fin de l’année par Ferris Industries. Elles ont de plus des Le groupe qui n’a été coté en bour- démêlés avec les associations de se qu’en 1971 (14) connaît une crois- tion consommateurs et les mouvements sance externe très rapide tout au long (Pittsburg) pour former le quatrième écologistes. des années 1970 et 1980, son chiffre groupe du pays avec un chiffre d’af- d’affaires de $ 656m en 1980 passe à faires combiné de $ 450m. Les activités $ 6,03bn en 1990. La décennie 1990 communes comprennent alors : 25 Les bouleversements dans l’offre une opération de $ 750m il fait l’acquiside Chambers Development est celle de la digestion de ces acquisi- décharges, 37 entreprises de collecte et Les années 1990 sont marquées de tions multiples, de la mise en conformi- 13 stations de transfert. La direction va façon contradictoire par l’expansion des té des décharges avec les nouvelles poursuivre cette politique d’acquisition firmes privées au détriment de la ges- normes sanitaires et de la rationalisa- avec comme rapprochements nota- tion publique, par la poursuite de la tion. Le groupe paie le prix de sa crois- bles : Western Waste Industries, Sanifill. consolidation et par des fautes de par- sance exponentielle. Il poursuit ses En avril 1997, alors que Waste cours pour plusieurs des leaders. La acquisitions, se développe à l’internatio- Management traverse des difficultés et conjugaison de toutes ces forces nal ; son chiffre d’affaires de 1997 s’éta- doit revoir sa politique sous la pression explique la transformation considérable blit à $ 9,2bn mais il rencontre des diffi- des fonds de pension, USA Waste se de l’offre et des hiérarchies. C’est une cultés sérieuses. Il annonce des pertes hisse au troisième rang ($ 3bn) en situation très différente de celle de de $ 160m pour le seul dernier trimestre fusionnant avec United Waste Systems l’Europe continentale où, à partir de de l’année. Sous la pression des fonds toujours par la technique des échanges monopoles locaux, nous nous sommes de pension (dont celui de Georges d’action ; tant que les actionnaires sont habitués à une certaine stabilité du pay- Soros) la direction doit revoir toute sa d’accord et que le marché est porteur sage même si ensuite les points fixes politique. Cela ne suffit pas. En 1998, la cette méthode permet de croître sans que sont les grands groupes historiques direction soumise à la pression de ses mobiliser trop de fonds. Cette opération se transforment par le jeu des fusions et actionnaires doit accepter l’offre de avait été précédée par le rachat des acquisitions. Aux États-Unis, les mouve- fusion de USA Waste, une entreprise activités ments sont bien plus rapides. Comme construite en cinq ans. Industries et de Waste Management. canadiennes de Laidlaw dans la nouvelle économie des hiérarchies peuvent se trouver inversées en USA Waste très peu de temps ; le nouvel entrant est une entreprise de Dallas dont on jusqu’à cette annonce de fusion avec peut racheter l’entreprise installée. Les fera remonter l’origine à juin 1994, Waste Management en mars 1998. Le dernières années ont été marquées par lorsque John Drury en prend la direction « petit » USA Waste propose de rache- On croit alors le paysage stabilisé trois méga-fusions, par quelques faillites après avoir été limogé de Browning ter les actions du numéro 1 pour $ 13bn qui aboutissent à un nouveau paysage. Ferris Industries où il était directeur et de prendre le contrôle de 400 filiales n°1 Waste Management Inc. adjoint. À cette époque c’est une petite de collecte, de 137 décharges et de entreprise de transport de déchets 164 stations de transfert. Les action- Waste Management est indiscuta- (hauling) qui a une activité de $ 78m. naires de Waste Management détien- blement le premier groupe mondial de Ensuite, son histoire est celle d’une dront 60 % de la nouvelle société qui déchets avec un chiffre d’affaires 1999 expansion fulgurante qui en quatre gardera le nom de Waste Management de $ 13bn. Son histoire peut se décom- années la conduit au sommet. mais le siège social sera déplacé de 78 Portrait d’entreprise l’Illinois à Houston. Belle revanche pour sée à ce niveau. Sa force malgré la que ces échanges ne conduisent pas à Drury qui fut renvoyé de BFI pour une vitesse de croissance a été de cibler ses fausser la concurrence dans certains différence d’analyse stratégique lorsque acquisitions afin d’obtenir un taux d’in- comtés. D’autres cessions volontaires le président Ruckelshauss décida de se tégration élevé. Cet indicateur corres- visent à réduire la dette. C’est ainsi que développer dans le recyclage (15). pond à la part de déchets collectés par le groupe cède sa participation de 20 % une firme et traités dans un équipement dans Sita ; elle sera reprise par Suez ; Chambers Development qu’elle contrôle ; il donne une idée de un an plus tôt BFI avait cédé ses activi- est une entreprise créée dans les son indépendance et de sa maîtrise de tés internationales au groupe français et années 1960 par M. John Rangos qui la chaîne de la valeur. Dans les années cette entrée au capital faisait partie de la reste le principal actionnaire jusqu’à la 1970, les acteurs les plus clairvoyants transaction. Inversement, Allied se fusion. L’entreprise a débuté dans le avaient compris que le traitement allait retrouve en position d’acheteur d’actifs recyclage des cendres de la combus- devenir stratégique et que les firmes qui pour $ 85m, cédés cette fois par Waste tion de coke, puis avec les déchets ne seraient présentes que dans le seul Management dans le cadre de son sidérurgiques en les transformants en ramassage s’exposeraient à une haus- acquisition d’Eastern Environmental produits pour construire les voiries ; puis se ruineuse des coûts de mise en Services en avril 1999. s’est intéressée aux résidus des cen- décharge tandis que leurs recettes trales électriques. Dans les années d’enlèvement fixées par des contrats Malgré tout, le nouveau groupe 1970, anciens ne suivraient pas, ce qui reste très endetté : plus de $ 9bn en l’an décharges qu’elle met progressivement conduirait à les affaiblir financièrement. 2000 (17) ; il doit assurer un rembourse- aux normes ce qui lui permet d’entrer C’est ce qui s’est passé et qui explique ment de dette de $ 1,2bn pour cet exer- dans le traitement des déchets. Elle est le mouvement très rapide de consolida- cice. Les comptes fin mars 1999 cotée en bourse en 1985 ; elle avait fait tion. l’entreprise achète des un chiffre d’affaires de $ 260m en 1990. Elle fusionne avec USA Waste en 1994. Pour cette n°2 Allied-BFI fusion Au printemps 1999, le même scéna- Allied rio se répète. Le « petit » Allied Waste reçoit le Industries Chiffre d’affaires – Allied BFI en 2000 1995 581,8 1996 619,5 1997 1 341 1998 1 576 1999 3 341 2000 6 000 Source rapport annuel 1999, estimation pour 2000 L’exercice 1999 intègre une partie de BFI ($ 4bn en annuel) et l’activité d’Allied. L’exercice 2000 intègre totalement les deux groupes. de soutien de deux de ses actionnaires ins- comme ceux de 1998 font ressortir des l’Arizona prend le contrôle du numéro 2 titutionnels : Blackstone Group et Apollo pertes nettes d’environ $ 250m. mondial BFI ($ 4bn, Texas), bien plus Management. L’opération aboutit en ancien et de plus grande taille. L’écart juillet 1999 et se décompose en une ($ 1,6bn) originaire Browning Ferris Industries entre les deux protagonistes ressort acquisition pour $ 7,7bn et une reprise déjà numéro 2 du secteur avant d’autant plus que l’on examine les par- de dette pour environ $ 1,9bn (16). La cette fusion (transport et enlèvement), cours. En 1990, Allied n’était pas même fusion donne naissance à un ensemble est une entreprise de Houston très évoquée dans la liste des entreprises du de $ 6bn d’activités. Elle est suivie aus- décentralisée qui a connu divers pro- secteur ; à cette époque BFI réalisait sitôt par un programme de cession blèmes de mise en conformité avec la déjà $ 3bn d’activités. En 1995, Allied d’actifs pour $ 1,7bn. Certaines impo- réglementation à la fin des années s’approchait des 600 millions de dollars sées par le Département de la Justice ; 1980. L’arrivée en 1988 de l’ancien de chiffre d’affaires. C’est à marche for- c’est ainsi que $ 230m d’actifs seront directeur d’EPA, Mr Ruckelshaus, a cée, à coups de fusions souvent payées cédés à Republic Services après appro- marqué un tournant. En 1989 le groupe en échanges d’actions, qu’elle s’est his- bation du Département qui veille à ce constitue des provisions importantes 79 Flux n° 43 Janvier - Mars 2001 conduisant à une perte comptable. lement, cette entreprise mène une poli- au quatrième rang des entreprises de L’année suivante il cède sa filiale de trai- tique active d’acquisitions sur le seul déchets ménagers avec $ 500 millions tement des déchets toxiques avec une marché des déchets non toxiques. Elle d’activités. provision de $ 300m. Il doit reconnaître connaît une croissance fulgurante et se un délit d’initié par deux directeurs hisse au troisième rang avec un chiffre d’une filiale (9/91). Tout cela, combiné à d’affaires de $ 1,84bn (19) pour l’année Laidlaw est une autre figure repré- des résultats inférieurs aux prévisions 1999. Son introduction en bourse date sentative du secteur. Vers 1990 elle était pour 1992, a réduit la confiance. de juillet 1998. Elle s’est implantée dans considérée comme la troisième firme du Laidlaw - Safety Kleen les états à forte croissance du sunbelt et secteur après Waste Management et veille à élever son taux d’intégration en BFI ; puis à la suite de déboires elle va reprend une politique de croissance complétant ses propres contrats de se recentrer sur le segment des déchets externe. En 1993, il acquiert une centai- ramassage par des décharges. En industriels et dangereux avant de ren- ne d’entreprises, en renforçant sa poli- 1999, selon une pratique qui se généra- contrer une nouvelle fois de sérieuses tique d’intégration. Ce contrôle des lise elle procède à des échanges d’ac- difficultés. Cette firme de Burlington décharges est doublement stratégique tifs avec les deux majors : Waste mana- (Ontario) a été crée vers 1959 par M. de car il permet de maîtriser tout le cycle gement (16 décharges, 11 stations de Groote qui l’a développée dans le trans- des déchets et donc la formation des transfert et plus de 130 circuits de col- port scolaire puis dans les déchets. Elle coûts et surtout cette maîtrise permet lecte) et Allied-BFI (20). est rachetée en 1988 par le grand grou- n° 4 Superior Services diversifié dans le transport, l’énergie, les Après une remise à plat, le groupe d’asphyxier les petites entreprises de collecte qui n’ont pas leur décharge et pe canadien Canadian Pacific (Montréal) qui peuvent être reprises à meilleur prix. En juin 1999, la filiale américaine À l’étranger BFI fait deux acquisitions d’Onyx (Vivendi) fait l’acquisition du significatives en 1994 avec 50 % numéro 4 du secteur des déchets, d’Otto, entreprise allemande au chiffre Superior Services, pour un montant de d’affaire de 2,4 MdsF, et le rachat de $ 1bn (21). de des années 1980 dans le secteur des l’entreprise anglaise Attwoods, cédée Milwaukee qui a 750 000 clients dans déchets ne se produit pas. Laidlaw C’est une société produits forestiers, l’immobilier, l’hôtellerie (22). La forte croissance annoncée à la fin par Laidlaw. Une fois les marges réta- les états du Midwest. Elle a été consti- cumule les problèmes à travers deux blies le directeur oriente BFI vers le mar- tuée en 1993 et n’a été introduite en filiales : ADT (sécurité) et Attwoods Chiffre d’affaires de BFI 1990 1992 2,97 3,20 1999 4,00 bourse qu’en mars 1996. Depuis elle (déchets). Cette dernière intervient sur le s’est développée par une croissance marché anglais pour 25 % de son acti- externe que l’on qualifiera de raison- vité ; son Deputy Chairman est alors Sir nable par rapport à d’autres concur- Denis rents ce dont témoigne la progression ministre anglais). Ces sociétés rencon- de son chiffre d’affaires. Avec l’acquisi- trent des problèmes liés au respect des ché nouveau du recyclage (papier). Le tion cette même année des activités de réglementations. Attwoods connaît plu- chiffre de cette division passe de $ 9,6m déchets spéciaux et de déchets liquides sieurs en 1990 à $ 370m en 1994 (18). de Waste Management, Onyx se hisse en milliards de dollars (billion) n°3 Republic Services Inc Republic Services (Floride) constitue un autre exemple de la vitesse de transformation de l’offre. Créée en 1995 seu- 80 Chiffre d’affaires 1996 1997 180,7 253,2 Thatcher procès (mari en du 1991 premier (Floride, Maryland, Montréal) dont le plus important fait suite à une investigation du 1998 319,7 1999 400,0 en millions de dollars, source rapport annuel 1998 et Waste Age op. cité. Pentagone concernant des facturations illicites de la filiale de Caroline du Sud. Ce procès va renforcer certaines accusations faisant état de liens entre la Portrait d’entreprise Mafia et Industrial Waste Services. La prunt de $ 1,35bn qui lui permettrait de réputation du groupe va en souffrir. En remporter l’offre. outre, la filiale spécialisée dans le recyclage des métaux doit faire face à une Un an plus tard, en 1999, nouveau revirement. La direction de Laidlaw annonce sa décision de vendre son Rollins est une entreprise du département santé (transport par chute des prix qui occasionne des Delaware spécialisée dans l’incinération ambulance) et les 44 % qu’il détient pertes importantes. Chute du cours. des produits dangereux. Elle rachète en dans le nouveau SK. Elle en attend 1993 une filiale de Westinghouse spé- $ 2bn qui après réduction de dette lui cialisée dans ce même domaine (chiffre laisserait $ 1bn pour se concentrer sur Laidlaw connaît des déboires à répétition et reste la filiale à problèmes d’affaire $ 85m) ce qui porte son activi- le seul transport par bus. C’est à plus du groupe Canadian Pacific. Ceci té à $ 214m. Avec ces échanges qui d’un titre un changement de stratégie. conduit à la vente d’Attwoods en 1994 impliquent Westinghouse ou Union Un an auparavant, le groupe bataillait (repris par BFI), puis à celle d’ADT en Pacific on relèvera que la consolidation pour le contrôle de SK. Et c’est en 1997 1995 (cédée à un électricien du Kansas, du secteur peut se faire par reprise de qu’il décidait de rentrer dans le secteur Western Union). Le groupe ne se retire contrats publics et ou de sociétés pri- santé en prenant le contrôle de pas pour autant du marché des vées mais aussi par rachat de filiales de American Medical Response, premier déchets. Il se renforce dans les déchets groupes dont ce n’est pas le métier groupe américain d’ambulances (24). dangereux en reprenant les décharges central. Safety Kleen, créée en 1968, Ce plan n’aura pas le temps de se et les centrales d’incinération de la est le leader sur le marché américain de mettre en place. compagnie de chemin de fer Union la récupération des huiles et des sol- Pacific. vants par différents types de procédés L’activité gagne ainsi $ 800m/an. En 1997, Laidlaw acquiert Rollins Environmental Services, pour former par en particulier par aspiration. Elle détient Au printemps 2000 Laidlaw annon- 50 % du marché des stations services ce une perte énorme de $ 1,46bn liée à en 1992 et à cette date son chiffre d’af- ses activités déchets et ambulances. faires était de $ 795m. Les premières ont été touchées six mois regroupement avec les actifs de sa divi- plus tôt par des révélations concernant sion déchets dangereux une nouvelle Grâce à cette acquisition, le nou- des irrégularités comptables dans la entité : Laidlaw Environmental Services veau groupe Laidlaw-Safety Kleen pèse filiale de Caroline du Sud (25) ; tandis Inc qui intervient dans trois segments : $ 1,6bn de chiffre d’affaires, détient que le groupe ne parvient pas à vendre i) la collecte pour l’industrie et les collec- 50 % du marché des déchets dange- les ambulances. Le groupe réévalue la tivités locales, ii) le traitement (traitement reux valeur de SK de $ 560m à $ 43,8m ce thermique et services spéciaux) et la centres de collecte) et peut se dévelop- qui donne une idée des pertes et il pour- mise en décharge, iii) les interventions per grâce à Safety Kleen vers des rait être obligé de revoir les comptes en Europe (23). Un an plus tard, tou- clients plus petits (garagistes). Le nouvel pour les trois années passées. En juin jours dans une stratégie de croissance ensemble va prendre le nom de Safety SK annonce un défaut de paiement de externe, Laidlaw Environmental livre une Kleen ; c’est une filiale de Laidlaw àhau- $ 60m et se place sous la protection de bataille de $ 2bn qui l’oppose à Philip teur de 44 %. la loi sur les faillites (26). Services pour le contrôle de Safety Kleen. L’affrontement va rapidement tourner court car le second protagoniste affaibli par irrégularités dans son activité de commerce sur les métaux ne sera pas en mesure de monter l’em- (incinérateurs, décharges Chiffre d’affaires Laidlaw Environmental Services 1994 1995 1996 517,8 599,2a 653,0 et 1997 678,6b 1998 1 186 SK 1999 1 687 a : ce chiffre concerne le département déchets ; Laidlaw fait alors un chiffre d’affaires de $ 2,2bn b : Les activités de Rollins Environmental Services ont été intégrées à partir de 5/1997. Celles de Safety Kleen à partir de 4/1998. 81 Flux n° 43 Janvier - Mars 2001 Ogden Chine, Philippines, Thaïlande, Inde, moins $ 60m (29). La valeur du titre Ogden (New-York) a été créée en Costa-Rica (27). Un an plus tard ce sera chute rapidement de $ 13 par action à 1939 et a fonctionné jusqu’en 1953 chose faite avec la vente des conces- $ 8. L’année sera catastrophique et se comme une société d’investissement. sions de restauration et des parcs de terminera sur une perte de $ 1,6bn (30). Elle a été introduite en bourse en 1966. loisirs. Un an plus tard la firme est au plus mal Au début des années 1990 on pouvait la définir comme un leader de l’incinéra- et se met sous la protection de la loi sur Philip Services les faillites pour préparer un plan de tion (waste-to-energy) au même titre que Wheelabrator et comme une socié- restructuration. La valeur du titre n’est En 1994, Philip Environmental plus que de 42 cents canadiens (31). té de service travaillant pour les aéro- (Ontario) annonçait un chiffre d’affaires ports et les complexes sportifs. Elle de C$ 253m en hausse de 61 % grâce Au printemps 2000, les activités n’abordait le marché des déchets que à plusieurs acquisitions. Cette entrepri- sont reprises par une société de droit par cette seule composante incinéra- se, contrôlée par les frères Fracassi de américain, Philip Services Corporation. tion. Elle se développe alors rapidement Toronto, n’était entrée sur le marché Grâce à la vente d’actifs, la dette a été dans ses métiers de départ et se diver- qu’en 1990 en se concentrant sur le réduite de $ 1bn à $ 235m ; 10 % des sifie ; c’est ainsi qu’elle signe en 1994 recyclage tout en ayant quelques activi- actions nouvelles sont acquises par un un accord de partenariat avec Yorkshire tés de collecte ; elle était introduite en fond basé aux Bahamas : Cerberus Water, cinquième compagnie d’eau bourse l’année suivante. International (32). Le groupe se anglaise, en vue de se développer dans le secteur des eaux usées. Elle va poursuivre dans cette direction. Des acquisi- 1996 Chiffre d’affaires 333 Résultats d’exploitation -3,4 1997 1998 1 181 2 001 -56,2 -1 214 Diverses cessions vont conduire à tions aux États-Unis lui per- une forte réduction du chiffre d’affaires mettent d’y réaliser 40 % de qui après son maximum de 1993 s’éta- son activité. L’entreprise est blit à 0,97bn en 1997. Le groupe se sur une courbe exponentielle (voir son et sur les services aux entreprises aux développe vigoureusement dans la pro- chiffre d’affaires) (28). Pour la seule États-Unis, au Canada et en Europe. En millions de dollars concentre sur le recyclage des métaux duction d’énergie indépendante par année 1997 elle acquiert 30 sociétés Ogden Energy. En 1999, le groupe déci- pour $ 1,3bn et en mars 1998 elle $$$$$ de de céder toutes ses activités dans annonce un partenariat avec deux les services à l’aviation et les loisirs et de sociétés (Apollo Quels enseignements à portée d’investissements se recentrer sur l’environnement, ce qui Advisors et Blackstone Management) générale pouvons-nous tirer de ce par- comprend : l’incinération, les services pour fusionner avec Safety Kleen, le cours ? En dix ans la transformation de d’environnement, le traitement de l’eau numéro 5, soumise par ailleurs à une l’offre est considérable. Deux entre- et la production d’électricité. Dans cette offre Environmental prises qui n’existaient pas en 1990 par- de Laidlaw dernière activité le groupe exploite un Services. Cette décision semble mar- tent à la conquête des marchés, rachè- parc de 1 735 MW avec des centrales quer le point haut dans cette histoire. Le tent et consolident et finissent par en Amérique du Nord et à l’étranger : même mois l’entreprise doit annoncer reprendre les numéros 1 et 2 histo- une perte de $ 95,8m pour 1997 et riques. Derrière elles d’autres nouveaux Chiffre d’affaires 1990 1993 1997 1,55 2,04 0,96 en milliards de dollars 82 1998 0,90 1999 1,00 recalcule ses résultats pour les deux venus tentent le même parcours. Dans années précédentes après avoir décou- le secteur des déchets industriels les vert une dissimulation de pertes dans le amplitudes sont toutes aussi grandes. commerce des métaux recyclés pour au Plusieurs entreprises créées elles aussi Portrait d’entreprise dans les années 1990 montent, mon- de pension, quand on observe les déci- les forces du marché (les firmes et les tent et chutent. Une autre bifurque. Ce sions d’entrée dans un secteur suivie le consolidateurs) peuvent s’exprimer plei- marché des déchets américains est tout lendemain par une sortie. Dans ce nement avec tous les effets de débor- sauf un univers paisible. grand mouvement de consolidation qui dement. C’est une grande différence passe le plus souvent par des rappro- avec l’Europe continentale La pression Ces fluctuations énormes, parfois chements entre firmes et par des des marchés financiers avec la sanction destructrices, portent la marque de échanges d’actions, certains fonds spé- des rapports trimestriels constitue un fonds financiers et de « consolidateur » cialisés sur « l’or vert » jouent un rôle autre facteur de mouvement. Et puis on spécialisés dans la reprise de firmes du analogue à celui des banques d’affaires peut penser que l’introduction des secteur pour leur revente (33). Elles en Europe ; ils cherchent à rapprocher réglementations fédérales a été un der- témoignent aussi du pouvoir des action- des entreprises. Mais il semble bien nier facteur de bouleversement. Le sec- naires par rapport à celui des dirigeants. qu’ils l’aient fait plus dans une logique teur des déchets américains ressemble Les reprises des deux leaders histo- financière (faire monter la valeur des à un objet chaud en formation, plein de riques ne s’expliquent pas autrement. titres) que dans une logique industrielle turbulences. Cette expérience est cer- La force des deux « petits » est d’avoir visant à mieux utiliser des actifs. C’est tainement à étudier à l’heure ou de d’abord convaincu les marchés et les seulement à la fin des années 1990, nombreux pays émergents cherchent fonds de pension de la crédibilité de leur après les méga-fusions, que cette voie des références pour organiser leurs ser- politique en mettant en avant les syner- industrielle est parcourue par les firmes vices d’environnement. gies d’intégration et le respect des nou- avec des échanges d’actifs surveillés velles réglementations. par les autorités publiques. Ces fluctuations conduisent aussi à On peut enfin s’interroger sur la part se demander quelle est la clairvoyance imputable au cadre institutionnel. Le fait des marchés par « la main visible » des de traiter ce domaine comme une com- dirigeants de Laidlaw ou celle des fonds modity crée une situation dans laquelle Dominique Lorrain est chercheur au CEMS-CNRS/EHESS 54 boulevard Raspail 75006 Paris [email protected] Notes (1) La première version de ce texte a été enrichie par la lecture attentive de O. COUTARD, comme pour les autres portraits d’entreprises. (2) M. MELOSI, The Sanitary City, The John Hopkins University Press, Baltimore, 2000, p 397. (3) M. MELOSI, Down in the Dumps : Is There a Garbage Crisis in America ? Journal of Policy History, vol. 5, n° 1, 1993. Ce chiffre concerne les Municipal Solid Waste (MSW). (4) Pour les deux français il s’agit des chiffres du rapport annuel 1999, pour RWE il s’agit du chiffre 1997/1998, Flux n° 39/40, p 102. (5) Filiale de Severn Trent (n° 2 anglais de l’eau) qui a repris en août 2000 la filiale anglaise de Waste Management : UK Waste. (6) Voir Claire BEYELER, Les acteurs et les réseaux aux États-Unis : le cas de l’eau et des déchets, in Les opérateurs de réseaux, GDR-réseaux, ENPC, 1990. (7) La complexité institutionnelle résultant d’une organisation en trois grands niveaux — municipalités, états, fédération —, se trouve accentuée si on prend en compte le niveau supra-communal et le rôle joué par les comtés et les special district, équivalents d’outre atlantique de nos syndicats à vocation unique. (8) H. CROOKS, La bataille des ordures, éditions Borel Express, Québec, 1984. Voir aussi le roman de Stephen DIXON, Ordures, éditions Balland 10-18, Paris, 1992, traduit de l’américain (Garbage, 1988). (9) M. MELOSI, 1993, op. cité. Waste Age, june 2000, A down-to-earth look at landfill markets ; cet article apporte des précisions. Le nombre de décharges serait passé de 20 000 dans les années 1970, à 7 575 en 1988 et serait de 2 500 environ en 1999. (10) Voir M. MELOSI, 2000, op. cité, p 406. (11) Waste Age, July 1999, Consolidation, Rearranging the pieces. (12) On notera ici la différence avec l’Europe continentale où la densité y étant plus grande et le maillage des vil- 83 Flux n° 43 Janvier - Mars 2001 lages historiques plus serré, ce type de solution a peu de chance d’être adopté. (13) Voir l’analyse de Republic Services, rapport annuel 1999, Industry Overview. Le marché des déchets non toxiques représente $ 37bn qui se répartit entre des grandes entreprises cotées en bourse ($ 21bn) et des petites entreprises ou des services municipaux ($ 16bn) ; le processus de concentration n’est pas prêt de s’arrêter. (14) À cette époque le chiffre d’affaires est de $ 17m. (15) Biocycle, Apr 1998. (16) Rapport annuel 1999. (17) Wall Street Journal Apr 3, 2000. (18) Forbes Dec 5, 1994. (19) Source rapport annuel 1999. (20) Waste Age, Nov 1999. (21) Waste Age, Nov 1999. La Tribune 10-6-1999. Rapport annuel 1998. (22) CP, groupe de transport et d’énergie est en 1997 la première compagnie de transport par conteneurs en Amérique du nord. (23) Source, rapport annuel 1998. (24) FT, sept 14, 1999. (25) C’était un actif provenant du département déchets de laidlaw : la décharge de Pinewood, source de problèmes depuis 1994. (26) SEC, document 8K, june 9, 2000. (27) Rapport annuel 1999. (28) Une filiale Philip Utilities Management a quelques petits contrats dans l’eau et l’assainissement. (29) Wall Street Journal, Mar 6, 1998. Il semblerait que le négoce sur les marchés à terme des métaux non ferreux ait été à risque. Ce sont déjà des pertes sur ces marchés qui déstabilisent le grand groupe allemand Metallgesellschaft vers 1993/4. (30) Annual Report 1998. (31) Wall Street Journal, Jan 14, 1999. (32) Document SEC, 13D April 24, 2000. (33) The Wall Street Journal, Nov. 27, 2000, Rolling into Trouble : Consolidating firms. Portraits d’entreprises Cheung Kong, Flux n° 36/37, avril-septembre 1999, pp. 61-66 Bechtel, Flux n° 38, octobre-décembre 1999, pp. 72-78 RWE AG, Flux n° 39/40, janvier-juin 2000, pp. 94-103 Les entreprises anglaises de l’eau : Thames Water et Kelda Group, Flux n° 41, juillet-septembre 2000, pp. 71-84 84