sés selon un monopole naturel (6). Il faut
distinguer entre la collecte des déchets
ménagers et la collecte des déchets
industriels, le transport, le traitement par
mise en décharge ou par incinération.
La structure du secteur va dépendre de
l’organisation de chaque maillon. Quelle
est la part prise par les collectivités
locales (font-elles le ramassage ? ont-
elles acquis des décharges ?) et celle
confiée aux entreprises privées sous
forme de franchises ? Ces dernières ne
sont pas toujours exclusives, de sorte
qu’au début du développement des
tournées de collecte plusieurs compa-
gnies peuvent se trouver en compétition
dans un même quartier. Autrement dit,
l’absence de monopole territorial, com-
binée à une diversité locale, caractéris-
tique de la démocratie américaine, font
de l’industrie des déchets américains
une industrie complexe (7). On peut la
lire comme une structure souple qui
croise des maillons techniques (assem-
blés de façon spécifique) et une variable
territoriale (une répartition locale entre
intervention publique et firmes privées).
À l’origine, ce secteur relevait totale-
ment des communes elles mêmes
encadrées par leur charte accordée par
les états et c’était un domaine à très
faible technologie. La prise en compte
croissante des questions de pollution à
partir des années 1960, va entraîner
une intervention nouvelle et grandissan-
te du niveau fédéral avec la mise en
place d’une réglementation de plus en
plus précise ayant pour effet une techni-
cisation de tout le secteur. Ces régle-
mentations publiques ont suivi des
cycles. Dans les années 1960 sous la
présidence Johnson, l’agence fédérale
pour la protection de l’environnement
(EPA) a tenté de s’appuyer sur les insti-
tutions municipales avec de faibles
résultats. Puis des pollutions indus-
trielles ont déplacé les priorités vers des
programmes ciblés sur les toxic waste
et hazardous waste. Au milieu des
années 1990 la politique fédérale s’inté-
resse à nouveau au niveau municipal
avec comme priorités : l’air, les déchets
des ménages, les déchets industriels.
Ces programmes ont été de puissants
incitateurs pour les firmes.
La collecte
Selon Martin Melosi, la phase de
collecte représente entre 70 et 90 % du
budget total du secteur contre 30-10 %
pour le traitement qui occupe pourtant
une grande partie de l’attention et des
discours. Son organisation a peu chan-
gé. Cette activité reste avant tout une
industrie de main-d’œuvre même si des
camions compacteurs ont été mis au
point, même si existent des centres de
transfert. Claire Beyeler rapporte qu’à
Pittsburg, il faut attendre 1984 pour que
« la collecte des déchets ménagers se
fasse entièrement par des conteneurs et
non par le ramassage de toiles char-
gées de déchets de jardins ; la collecte
hermétique ou mécanisée a été lente à
s’implanter ». De ce fait, ce service a
toujours joué un rôle dans les politiques
municipales d’emploi en faveur des
minorités. Les salariés du secteur ont
tour à tour été les Italiens ou les
Polonais, puis les Noirs à partir du milieu
des années 1960 pour s’étendre aux
Hispanisants. Cette dimension sociale
reste très importante pour les municipa-
lités et pour les organisations syndi-
cales ; il est de tradition d’avoir un quota
d’emplois réservés pour les minorités.
Jusqu’aux années 1960, donc, la
gestion des déchets reste perçue
comme un enjeu local s’inscrivant dans
la tradition américaine de capacité à
régler soi-même ses propres affaires :
the american city governement is res-
ponsible. Cet arrière plan intellectuel
explique que, même en cas de recours
à l’entreprise privée, les communes
soient restées jalouses de leur compé-
tence ; les relations ont parfois été diffi-
ciles ; les contrats étaient signés pour
des durées courtes. Si bien que dans
cet environnement critique, les entre-
prises ont mis longtemps à se dévelop-
per. On comprend alors l’atomicité du
marché et surtout son instabilité carac-
térisée à la fois par des disparitions
d’entreprises et un flux continuel de
nouveaux entrants.
Deux données opposées, la très
grande taille du marché et une extrême
fragmentation de l’offre, font que
quelques entreprises ont pu se dévelop-
per à très grande vitesse pendant
toutes les années 1960 et 1970, par
consolidation. Elles ont racheté des
exploitants locaux plus petits, souvent
des entreprises familiales qui détenaient
des contrats avec des municipalités ou
directement avec des habitants. Elles se
sont solidement installées sur le marché
des déchets industriels et commerciaux
et dans le transport (hauling). Elles ont
repris des services en régie. Comme le
rappelle Martin Melosi entre 1964 et
1973, 65 % des villes enquêtées men-
Flux n° 43 Janvier - Mars 2001
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