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Le Soufisme : voie spirituelle et initiatique
P l a n
Introduction................................................................................................ 1
Avant propos ............................................................................................. 2
Les sources qui ont pu influencer la doctrine
et les pratiques des soufis....................................................................... 3
Les conditions historiques d’apparitions du soufisme ........................ 5
L’Occident, lui, ne découvre le Coran
que cinq siècles après sa parution. ....................................................... 7
La dimension spirituelle et initiatique du soufisme.............................. 7
« La Voie de l’excellence du comportement »................................... 10
La confrérie & l'Initiation soufie............................................................. 11
Cette initiation comprend trois éléments : .......................................... 11
Comment accède-t-on au Soufisme ?................................................. 13
Notes ........................................................................................................ 14
Epilogue ................................................................................................... 14
Introduction
Le Soufisme est depuis près de mille ans au coeur de l'expérience spirituelle
d'innombrables musulmans amoureux sincères de la Vérité… Dès qu'il est question des
grandes traditions spirituelles de l'Humanité, le soufisme est presque toujours évoqué.
Maçonnerie et Soufisme ne pouvaient donc pas ne pas se rencontrer. Depuis quelques
années déjà, le soufisme suscite un intérêt plus large dans nos sociétés occidentales en
quête de sens, notamment chez des musulmans nés ou installés en Europe. Cette
tradition islamique, cette voie ésotérique de l’islam qui attire, voire fascine, n'est pas
sans poser aujourd’hui des interrogations sur son avenir face à la vague
fondamentaliste et intégriste qui a déferlé dans le monde musulman ces dernières
décennies.
Cette vague inquiétante par certains aspects invite les intellectuels, les chercheurs
occidentaux ainsi que les membres d’une tradition initiatique d’inspiration judéo-
chrétienne - dont la franc-maçonnerie… à comprendre les enjeux du maintien, voire du
développement de la tradition soufie dans ce nouveau monde turbulent que traverse les
musulmans à l’aube du XXI
ème
siècle de l’ère chrétienne.
Le Soufisme s’est ellement fait connaître en France tout au long du XX
ème
siècle
auprès d’une élite intellectuelle passionnée d’ésotérisme grâce notamment aux travaux
de chercheurs éminents, comme les orientalistes Louis MASSIGNON et René
GUENON ainsi que le philosophe Henri CORBIN, sans oublier Michel CHODKIEWICZ,
Titus BURCKHARDT ou Madame Eva de VITRAY-MEYEROVITCH pour ne citer
qu’eux.
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L’écho de la posture soufie de l’Emir Abdelkader durant la deuxième moitié du XIX
ème
siècle, a par ailleurs contribué à personnifier cette spiritualité musulmane longtemps
méconnue en Occident.
Sans prétention aucune que de tenter ici d’éclairer l’aspect spirituel et initiatique, qui
structure cette tradition soufie…
après une brève introduction, j’évoquerai les conditions historiques d’apparitions
du soufisme dans le monde musulman ainsi que les sources qui ont pu
l’influencer ; avant et après l’avènement de l’Islam.
j’aborderai ensuite plus longuement la dimension spirituelle que perpétue cette
tradition - en explorant plus particulièrement son caractère initiatique à travers
l’enseignement des confréries et des maîtres qui les ont initiés. Je dresserai à
cette occasion une topologie des principales confréries soufies, dont certaines
ont des liens aujourd’hui en France, en Europe et aux Etats-Unis.
Avant propos
Rappelons que l'origine du mot "soufi", tassawouf en arabe,
demeure mystérieuse. Aussi mystérieuse que le soufisme lui-
même. Mais on admet le plus souvent qu'il vient de « suf » qui
désigne la laine, en arabe. On aurait appelé ainsi, au départ, un
groupe d'ascètes musulmans portant des manteaux de laine
blanche et l'appellation se serait étendue ensuite à tous les
mystiques de l'Islam... La laine évoque le détachement, mais
aussi la plus haute réalisation spirituelle : le Coran précise que
lorsque Dieu s'adressa à Moïse, ce dernier était entièrement
revêtu de laine
La racine étymologique arabe du mot soufi, dont le sens de base est "pureté", possède
aussi une identité secrète selon la science des lettres substituées, dite « abjab » en
arabe. Avec les mêmes consonnes, on peut en effet obtenir un mot qui signifie " il a été
choisi comme ami intime ". Cependant, les soufis préfèrent généralement s'appeler eux
mêmes " les pauvres ", qui en arabe donne « al fukara", pluriel de fakir ; on dit aussi
"darvish"en persan. Il est d’ailleurs coutume de dire que « le soufi ne possède rien, et
n’est possédé par rien ». Ces deux termes ont donné respectivement "fakir" et "
derviche" en français, avec une connotation parfois magico spirituelle.
L’Islam, comme vous le savez, est en Arabie au VII
ème
siècle de l’ère chrétienne, qui
correspond au I
er
siècle de l’Hégire dans le calendrier musulman. Comme toutes autres
religions, l'Islam est constitué de lois, de doctrines, d’obligations, d’interdits et de
préceptes moraux. Mais depuis des siècles, des générations de musulmans attirés et
initiés dans la voie soufie ne s’en tiennent pas à cette vision restrictive du message
coranique. Voir la religion comme une contrainte est pour eux la plus grande des
aberrations. Ils ont voulu aller plus loin pour éprouver leur foi dans un Amour et une voie
de Connaissance censés les mener vers l'esprit qui anime la lettre même du message
coranique : « Al Qor’àn » signifiant le « Message » ou « l’Appel » en arabe.
La quête spirituelle de ces soufis semble vouloir invariablement répondre à un élan, un
appel du centre de leur être vers un Divin ressenti intensément comme un don d’Amour
et de Lumière. Ce poème écrit par l’un des grands maîtres du soufisme, IBN ARABI
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en 1165 à Murcie en Espagne et mort en 1240 à Damas, en témoigne « Mon cœur, dit-
il, est capable de devenir toutes les formes : il est le cloître du moine chrétien, un
temple pour les idoles, une prairie pour les gazelles, la Ka'ba du pèlerin, le Coran,
les Tables de la Loi de Moïse... L’Amour est mon credo ; De quelque côté que se
tournent mes chamelles, l’Amour est toujours mon credo et ma foi. Ma religion
est la religion de l’Amour où s’orientent les lumières. L’amour reste ma religion et
ma patrie. »
Djalal ud din RÛMI, autre soufi célèbre du XIII
ème
siècle (1207-1273), dans son célèbre
« Methnawi », une immense somme poétique et spirituelle de 47.000 vers, traduite par
Mme Eva de Vitray-Meyerovitch, dit aussi dans un ton lyrique : « Dieu a créé le monde
par Amour,… et sa première manifestation fut la beauté… ». C’est ainsi, comme l’a
si bien remarqué le philosophe et orientaliste ReGuénon, que « le soufisme est la
voie de ceux pour qui le Paradis céleste est encore une prison ».
DANS CETTE PERSPECTIVE, le rôle fondamental du soufisme n'est pas d'affirmer une
doctrine ni de présenter une voie toute tracée de salut pour l'au-delà. Mais bien, selon
les textes fondateurs, d'offrir à ceux qui en ressentent le besoin des méthodes
spirituelles permettant de vaincre son individualité pour s'ouvrir à la connaissance intime
de la réalité divine. Considéré comme la voie ésotérique de l'islam, le soufisme
trouve idéalement sa vocation au coeur de la religion musulmane en présentant
une démarche initiatique encadré par un enseignement ésotérique dispensé à des
disciples.
Cette voie d’élévation spirituelle s’est enrichie par les écrits et les hagiographies de
nombreux maîtres et lettrés soufis qui ont ainsi contribué en leur temps à produire un
corpus doctrinal dont ont bénéficié les principales confréries qui se sont ensuite
répandues dans l’ensemble du monde musulman, surtout à partir du XII
ème
siècle. Ces
confréries sont également présentent aujourd’hui en Afrique du Nord, au Mali et au
Sénégal, avec parfois des liens en Europe et aux Etats-Unis.
Bien que la plupart des soufis aient été à l'origine des sunnites, le soufisme n'est pas
pour autant un mouvement confessionnel. L'on y trouve aussi bien des chiites que des
confréries issues des différentes écoles de pensées islamiques. L'islam compte
notamment d'autres mouvements à tendance mystique, tels que les Ismaïliens avec à
leur tête l’Aga Khan ; ou l'école philosophique illuministe des Ishraqiûn, beaucoup plus
structurés, plus élitistes et plus sectaires que les soufis.
Les documents les plus anciens sur le soufisme datent seulement du X
ème
siècle, et l'on
sait très peu de choses sur ce mouvement avant cette période.
Les sources qui ont pu influencer la doctrine et les pratiques des soufis
Selon toute vraisemblance historique, le Soufisme spiritualisa les mythes et les
légendes des périodes préislamiques constitués de sources persanes, arabes et
hindouiste, tout en cherchant à en dévoiler le sens caché. Quant aux sources
coraniques proprement dites, les grands prophètes de l’Ancien Testament, en même
temps que les textes attribués par la tradition à David et Salomon eurent une
importance significative pour l’Islam en général et le Soufisme en particulier. La Vierge
Marie et l’Incarnation du Christ, le Verbe de Dieu, tels qu’ils figurent dans le Coran, sont
de grands symboles soufis. Et la naissance du Verbe en la Vierge Marie correspond à la
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naissance de la Parole dans le Prophète «illettré » de l’Islam. En un sens, le Miracle de
l’Islam est le Coran, de la même façon que le miracle du christianisme est le Christ.
Beaucoup de textes hermétiques rédigés entre le 1
er
et le 4ème siècle après J.-C. , qui
avaient retenu le sens profond des traditions de l’Égypte ancienne et de la Grèce
Antique, furent traduits en arabe. Nous voyons apparaître dans ces traductions le
« Poi-mandre » , un texte attribuée à Hermès Trismégiste, fondateur de l’hermétisme.
La tradition soufie a toujours rattaché Hermès (3) à noch qui figure dans le Coran
sous les traits du Prophète Idris (4). Les « Ennéades » de PLOTIN Alexandrie (1) ont
constitué quant à elles un traité métaphysique extrêmement complet par lequel on
rejoignait l’Islam en passant par la philosophie grecque. Les « Ennéades », traduit du
grec vers l’arabe, comporte effectivement les théories de l’émanation et de l’unité. Cette
traduction des « Ennéades » a joué un rôle considérable dans la construction de la
métaphysique soufie. Les musulmans accordaient d’ailleurs à Plotin le titre de Cheikh,
ou maître spirituel.
Le Soufisme absorba également les enseignements pythagoriciens, en particulier ceux
de Niomaque, tandis que les écrits d’Empédocle (2) sur la cosmologie et les sciences
naturelles étaient, eux aussi, accueillis avec un grand intérêt. On trouve dans ces
traductions de la pensée grecque vers l’arabe des paragraphes et des chapitres
apocryphes attribués à Platon, Socrate et d’autres philosophes grecs dont les oeuvres
ont marqué les soufis qui estiment que la connaissance de Dieu uniquement par la
raison est une chose impossible. L’histoire de la philosophie démontre que la pensée
grecque de la Réalité, qui fait parfois de l'Etre, et même de l'au-delà de l'être, le
fondement divin du monde, cette pensée s'est trouvée intégrée par étapes successives
dans les références intellectuelles des civilisations islamiques, juives et chrétiennes,
transformant considérablement les fondements intellectuels strictement théologiques
issus des différentes révélations des religions concernées.
La pensée taphysique et la pensée théologique se sont ainsi trouvées
indissociablement liées durant toute la période scolastique du Moyen-âge, dont participe
le soufisme en Islam. Cette influence théologique sur la métaphysique s'est veloppée
en Occident au moins jusqu'à Hegel et Schopenhauer, et fut violemment dénoncée par
Nietzsche à la fin du XIX
ème
siècle. « Dieu est mort », proclamait-il, résumant ainsi le
«nihilisme passif » de la civilisation moderne.
Mais revenons à notre sujet. La religion de l’Iran antique, avec le zoroastrisme (5) puis
le mazdéisme, a également influencé le Soufisme. Certains concepts contribuèrent à
l’élaboration des grands thèmes cosmiques soufis. Le Maître de l’Illumination, le Perse
Yahyâ Sohravardi, introduisit certaines notions mazdéennes dans son « Angélologie
des lumières » . Il en revanche difficile de préciser l’influence sur le soufisme de
courants ascétiques et mystiques antérieurs à l'islam : tels que le nestorianisme du
christianisme oriental, le gnosticisme, le néoplatonisme, le manichéisme et le
bouddhisme. Mais ces traditions étant bien ancrées dans les régions sont apparus
les premiers soufis.
Quelque mot cependant sur L’INFLUENCE HINDOUISTE : Les éléments de cette
influence ne se sont pas mélangés rapidement au soufisme. Ils y sont rentrés au cours
d’une évolution historique qui a duré plusieurs siècles. Parmi ces éléments, on peut citer
le chapelet, ainsi que le symbole de la pauvreté et du renoncement aux plaisirs du
monde. Il y a aussi le Nirvana, ou l’extase absolue de l’âme, qui chez les
Hindouistes a presque le même sens que l’extase soufie. La différence est que le
Nirvana est une dissolution absolue du moi qui aboutis au « vide », alors que l’extase
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soufie est une dissolution du moi vers la survivance en Dieu ; au sentiment de l’union
avec Lui. L’âme du soufi devenant ainsi le miroir de l’âme de Dieu.
Quelque mot également sur L’INFLUENCE PERSE : On remarque qu’une partie des
fondateurs de l’école soufie sont mages ou perses, comme Marùf al-KARKHI et A
Yazid al-BASTAMI. Certains orientalistes ont pu dire aussi que le soufisme serait
d’origine perse vu l’origine d’un grand nombre de maîtres soufis issus de la
région du Khorasan. Cette influence s’est probablement accentuée au milieu du VIII
ème
siècle, après le transfert du pouvoir califal de Damas à Bagdad. Le centre du pouvoir de
l’Empire arabe musulman s'en trouve déplacé. D’avantage influencé par Byzance et
l'hellénisme, le califat de Damas, nettement arabe, se retrouve ainsi évincé par un
Califat Abbasside de Bagdad où le ton est donné par les Turcs et les Perses. On notera
surtout que L'Avesta, le code sacerdotal du zoroastrisme, daté du X
ème
siècle avant
Jésus Christ, a é le plus important ouvrage perse que les arabes aient connu
dans la région. La doctrine fondamentale du manichéisme (III
ème
siècle après Jésus
Christ) a d’ailleurs offert dans la région une puissante alternative au christianisme
pendant plusieurs siècles.
Je ne pouvais pas - ne pas reparler de L’INFLUENCE CHRETIENNE en précisant
que l’ascétisme chrétien était répandu dans le désert syrien et le Sinaï, avant et après
l’Islam. Dans le désert du Sinaï, le couvent de Sainte Catherine était le plus grand
rassemblement des moines ascétiques avant l’Islam. Il est d’ailleurs toujours visible et
visitable. Il faut aussi savoir que beaucoup de tribus arabes étaient chrétiennes ou
juives avant leur islamisation. La première épouse de Mohamed, Khadija, qu’il
épousa à l’âge de 25 ans et avec qui il cut près de 15 ans, était elle-même de
confession chrétienne. Elle lui donnera une fille avant de mourir : Fatima. Le Coran a
décrit les moines qui voyagent comme “ceux qui reviennent à Dieu, ceux qui l’adorent,
ceux qui le louent, ceux qui se livrent à des exercices de piété, ceux qui s’inclinent, ceux
qui interdisent ce qui est blâmable”. De ces moines chrétiens, les soufis auraient pris le
froc, cet habit fait de laine (sùf). Certains d’eux se sont même privés du mariage, même
si cela contredit les enseignements de l’Islam.
Mais, avant toute autre référence, le Coran et la figure du Prophète Mohamed
reste la source essentielle du soufisme. Toutes les expériences s’y appuient. Toutes
les situations s’y reflètent.
Les conditions historiques d’apparitions du soufisme
Si le soufisme est avec l'Islam, le terme n'est apparu que relativement tard, au
IX
ème
siècle à Kufa en Irak sous le califat des Abbasside. Lorsque Muhammad
apparaît au VII
ème
siècle après J.-C., le judaïsme comme le christianisme sont en pleine
crise. Et plus particulièrement peut-être en Arabie. Les minuscules communautés
rivales de juifs et de chrétiens établies à La Mecque ou à Médine sont loin de
représenter alors les plus hautes valeurs de leurs religions. Les Hébreux épuisés
viennent de clore en Palestine et en Mésopotamie la rédaction du Talmud. Les
épreuves de leur « Exil » leur laissent à peine assez de force pour se survivre. Ils se
referment sur eux-mêmes et doivent se défendre à la fois contre la tentation du
christianisme, mais aussi contre le polythéisme triomphant en Arabie à cette époque.
Au premier siècle de l’Islam, un groupe de spirituels chi'ites aurait été le premier
désigné sous le nom de soufis. Mais au début de l’expansion de l’islam le pouvoir
califal qui succéda au Prophète Mohamed (né en 570 – mort en 632) était très
sourcilleux sur l'orthodoxie sunnite. Ce pouvoir califale qui se met en place en Arabie à
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