L'Echange de Paul Claudel
Tirade de Lechy Elbernon
Introduction
(Ouverture) Né en 1868, à quinze ans il écrivait son premier essai dramatique : L’Endormie, puis,
dans les années 90, ses premiers drames symbolistes (Tête d’Or, La Ville). Mais c’est l’année 1886
qui allait se révéler décisive pour le jeune Claudel, par sa rencontre avec Dieu, lors d’une fulgurante
conversion, la nuit de Noël à Notre-Dame. Parallèlement à ses activités d’écrivain, Paul Claudel
devait mener pendant près de quarante ans une carrière de diplomate.Il ira notamment en Amérique
et en Asie...
(Situation) Sous le titre L'Arbre, Claudel en 1901 réunit pour la publication l'ensemble de ce qu'il
entend conserver de son premier théâtre, c'est-à-dire Tête d'Or, La Ville et La Jeune Fille
Violaine ainsi que L'Échange et Le Repos du Septième Jour jusque-là inédits. Composé à New
York et Boston en 1893-1894, L'Échange est la pièce la plus dépouillée de Claudel: trois actes, un
décor naturel unique, deux couples, l'infidélité qui rôde et entraîne la mort. Ces deux couples, ce
sont Lechy Elbernon, l'actrice et Thomas Pollock Nageoire, le financier de Wall Street aussi jovial
que cynique, et le couple formé par Louis Laine le jeune métis d'indien, et Marthe, la jeune
française qu'il a enlevée et ramenée d'Europe.
(Problématique) :Au coeur de ce premier acte, cette affirmation de Lechy comme actrice apparaît
comme une revendication de l'illusion théâtrale. Il s'agira donc de voir dans quelle mesure la
dénonciation de l'illusion théâtrale ne rompt pas le charme du théâtre.
(Annonce de plan) Après avoir étudié la mise en place de la mise en abyme dans ce texte, nous
verrons les multiples adresses au public présente dans cet extrait, pour enfin aborder le problème du
rapport entre théâtre et vérité.
I La mise en abyme
A) Le personnage de Lechy : une actrice jouée par une actrice :
Ce texte, maintes fois cité pour la définition du théâtre qu’il nous livre, se déroule sur une scène,
provoquant un phénomène de mise en abyme la scène évoquée sur scène, le théâtre dans le théâtre, une
actrice jouant une actrice. Au delà de cet effet très saisissant de théâtre dans le théâtre, le texte de Lechy
Elbernon peut lui aussi être lu comme une didascalie interne. C'est-à-dire qu'il correspond à une
description du métier d'Actrice. Tout d'abord cette actrice se définit par le regard :
« Je les regarde » (l.11), « Et je les regarde aussi» (l.11), souligné par l'anaphore.
A ce regard répond l'exibition : « Et c'est ainsi que je me montre sur la scène » (l. 29).
Pourquoi je parle d'exhibition ?
2ème version nous renseigne : « c'est ainsi » ??? est devenu :
« Et je suis là qui leur arrive à tous, terrible, toute nue ! »(suite de la comparaison avec l'oignon.)
Autre aspect de l'actrice, elle est multiple, elle incarne toutes les femmes en même temps :
« C'est moi qui joue les femmes :
La jeune fille, et l'épouse vertueuse qui a une veine bleue sur la tempe, et la courtisane trompée. »
Et justement parce qu'elle est toutes à la fois, elle parvient à émouvoir l'ensemble du public :
« Et quand je crie, j'entends toute la salle gémir. »
Lechy Elbernon est « toute nue ». En acceptant d’ôter le masque, ou plutôt le costume qui la
dissimulait, l’Actrice admet la réalité des procédés scéniques et touche le spectateur. Finalement le
costume de l’Actrice s’apparente au rideau du théâtre.
B) Les réalités concrêtes du théâtre
Cette scène évoque très concrêtement le lieu du théâtre, lieu divisé : « Il y a la scène et la
salle ». La scène est plus particulièrement crite : « le rideau de la scène », me si cet aspect du
rideau sera davantage précisé dans la deuxième version. Mais la salle est également décrite : « ils
sont assis par rangées les uns derrière les autres, regardant » (l. 3-4), se prolongeant par une
description du public.
C) L'adresse au public
Marthe, spectatrice privilégiée : suite de la mise en abyme, mais également Thomas
Pollock Nageoire.
Multiplicité de spectateurs décrits : Tout d'abord dans l'anonymat et le pluriel :
« les gens » (l. 3), « ils »(l. 3), « les uns derrière les autres »(l. 3-4), « ils »(l. 6, 9),
« les »(l. 11), «la chair vivante habillée»(l. 11), « Et ils garnissent les murs comme des
mouches, jusqu'au plafond. » (l. 12) « Et je vois ces centaines de visages blancs. » (l. 13)
Cette désignation en une masse se prolonge par une série de portraits plus
caractérisés
« L'homme s'ennuie, et l'ignorance lui est attachée depuis sa naissance.
Et ne sachant de rien comment cela commence ou finit, c'est pour cela qu'il va au théâtre.
Et il se regarde lui-même, les mains posées sur les genoux.
Et il pleure et il rit, et il n'a point envie de s'en aller » (l. 14-17)
« le caissier qui sait que demain.
On vérifiera les livres, »(l. 18-19)
« la mère adultère dont l'enfant vient de tomber malade. » (l. 19)
« Et celui qui vient de voler pour la première fois, »(l. 20)
« et celui qui n'a rien fait de tout le jour ». (l. 20)
Quels sont les particularités/ points communs de ces personnages ?
- Faiblesse humaine (faute / pitié)
N'oublions pas que cette description des spectateurs est faite devant des spectateurs
par le fonctionnement de la mise en abyme, elle joue donc sur la réalité de la situation
théâtrale et donc sur la vérité.
II) Théâtre et Vérité
A) « Comme si c'était vrai » (l.6-7)
Comparaison / Hypothèse.
Phrase de V. Hugo « Le théâtre ce n'est pas le pays du réel... le théâtre c'est le pays
du vrai ! »
Ici, Claudel va plus loin : « Le théâtre c'est le pays du réel.(réalité physique de
l'actrice, du rideau...).. le théâtre cela n'est pas le pays du vrai ! (on ment, on joue un
rôle...) mais pourtant, parce qu'on admet ce mensonge, le théâtre c'est finalement le pays du
vrai ! » (vérité des sentiments).
Champ lexical du rêve, temps la nuit
B) Le dévoilement de la vérité
Comparaison de l'oignon (l.24)
Différence entre connaissance et réel
traitement différent deuxième version :
La seconde version introduit, avec insistance, un nouvel élément théâtral : le rideau.
« LECHY ELBERNON.- D’un côté et de l’autre du rideau. Tout le temps d’un côté et de l’autre du
rideau. »
Et plus loin :
« LECHY ELBERNON. - Le vrai ! Le vrai ! tout le monde sent bien que c’est un rideau !
Tout le monde sent bien qu’il y a quelque chose derrière.
THOMAS POLLOCK NAGEOIRE. - Un autre rideau ?
LECHY ELBERNON.- Une patience ! Ce que nous appelons une patience !
Quelque chose qui fait prendre patience ! Un rideau qui bouge ! ».
Ce rideau va remplacer l’oignon dans la métaphore de la vérité que Lechy Elbernon
développait dans la première version de L’Echange. Ainsi, le monde du théâtre a pris entre la
première et la deuxième version une apparence plus concrète.
C) Dénonciation de l'artifice : vérité plus absolue
Claudel cherche à montrer au grand jour les « ficelles » de l’illusion scénique. Le spectateur
qui acceptera de passer de l’autre côté du miroir en étant conscient du caractère factice du théâtre
fera le voyage avec plus de force qu’un spectateur naïf.Cette vérité absolue : vérité du sentiment.
Conclusion :
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