
SOiNS AIDES-SOIGNANTES - no 65 - juillet/août 2015 9
Les bactéries multi- ou hautement résistantes
dossier
consé
quences (absence d’antibiotiques effi caces)
expliquent les recommandations nationales mises
en place[3].
Ces bactéries sont déjà très répandues dans divers
pays étrangers, comme dans le Sud-Est asiatique,
le Proche et Moyen-Orient et l’Afrique, et plus
récemment, des pays proches de nous sont endé-
miques comme les pays du Maghreb, la Grèce ou
encore l’Italie [4]. Plusieurs épidémies régionales
ont lieu en France [2]. Face à cette menace,
encore rare dans notre pays, des mesures d’isole-
ment, de suivi des transferts et de dépistages sont
recommandées et justifi ées.
MODE DE TRANSMISSION
ET CONSÉQUENCES
z
Les mains sont les vecteurs essentiels des
bactéries,
et particulièrement des BMR et BHRe.
L’acquisition se fait de façon directe (directement
à partir du patient) ou indirecte (à partir de l’en-
vironnement du patient). Les principales bacté-
ries contre lesquelles nous luttons (EBLSE,
BHRe) ont comme réservoir le tube digestif
(nous excrétons plus d’un milliard de bactéries
par jour dans nos selles).
z
Certains soins sont donc particulièrement à
risque.
En effet, les soins incluant le périnée (toi-
lette, pansements, autres), la gestion de la sonde
urinaire et la gestion des excreta nécessitent de
redoubler de vigilance. D’autres soins exposent
eux aussi à l’acquisition de ce type de bactéries
telles la gestion des plaies et pansements et la ges-
tion des cathéters.
COMMENT MAÎTRISER LE PHÉNOMÈNE?
z
Les moyens de maîtrise des risques infec-
tieux existen
t et sont à notre portée. La France
a réussi à maîtriser la diffusion des SARM [2]. Cela
a nécessité la mise en place de politiques d’iden-
tification et d’isolement des patients porteurs
ou infectés, ainsi qu’une amélioration de l’obser-
vance de l’hygiène des mains grâce à l’introduc-
tion des solutions hydro-alcooliques (annexeA).
z
Toutefois, les efforts effectués restent insuf-
fi sants
pour maîtriser le phénomène lié aux bac-
téries du tube digestif. En effet, pour les EBLSE et
les BHRe, du fait des quantités importantes excré-
tées par les patients porteurs ou infectés, leur maî-
trise nécessite un niveau de respect des précautions
standard, et notamment une observance de l’hy-
giène des mains qui doit dépasser les 80%.
z
Le manuportage joue un rôle crucial dans la
transmission croisée;
c’est pourquoi il est pri-
mordial, au cours des soins, de respecter une
hygiène des mains selon les cinq indications de
l’Organisation mondiale de la santé [5]: avant de
toucher le patient, avant un geste aseptique, après
un risque d’exposition à un liquide biologique,
après avoir touché un patient, après avoir touché
l’environnement du patient (fi gure 1).
z
La diffusion en ville du phénomène
et la diffi -
culté d’identifi er les patients porteurs sont les
deux raisons pour lesquelles il est important de
mieux observer les précautions standard, quel
que soit le type de patient pris en charge et quel
que soit le type de soin. Il est évident que certaines
situations nécessitent de faire plus[3].
QUE FAUT-IL FAIRE EN PRATIQUE?
Risques liés aux soins
z
Face à une charge en soins qui ne cesse de
croître,
l’aide-soignant est amené à réaliser des
soins complexes avec une durée de contact lon-
gue et un risque élevé de contamination des
mains, donc de transmission secondaire. En effet,
réaliser une toilette au lit chez un patient présen-
tant des plaies, des dispo
sitifs médicaux invasifs
(sonde urinaire, voie veineuse ou sous-cutanée,
etc.) auxquels peut s’ajouter une incontinence
urinaire et/ou fécale, sont des situations à haut
risque de contamination. De plus, si des aléas
de type “rupture de procédure” viennent per-
turber les soins, le risque de ne pas réaliser une
hygiène des mains adéquate (bon moment et
de manière effi ciente) est un facteur de risque
de transmission.
Lexique
• Commensal: qui est naturellement présent dans
l’organisme sans provoquer de maladie.
• Endémie: persistance d’une maladie dans une
région géographique donnée.
• Excreta: substances rejetées hors de l’organisme,
constituées de déchets de la nutrition et du
métabolisme (selles, urines, vomissements).
• Manuportage: transmission de germes d’un
individu à un autre par l’intermédiaire des mains.
• Observance de l’hygiène des mains (HDM):
réalisation d’une hygiène des mains, chaque fois
qu’elle est nécessaire.
• Patient porteur: patient colonisé par une bactérie
résistante avec un risque de transmission secondaire.
• Rupture de procédurede soins : interruption
pendant la réalisation d’un soin.
NOTES
1
Staphylocoques dorés.
2
Antibiotique du genre des
β-lactamines.
3
Enzymes sécrétées par
les bactéries qui dégradent
les antibiotiques du genre
β-lactamines.
4
Ensemble d’espèces de
bactéries sensibles à un
antibiotique; plus le spectre est
large, plus le nombre d’espèces
contre lesquelles l’antibiotique
est réputé effi cace est important.
RÉFÉRENCES
[1] Organisation mondiale
de la santé. Premier rapport
de l’OMS sur la résistance aux
antibiotiques: une menace grave
d’ampleur mondiale. Avril 2014.
www.who.int/mediacentre/news/
releases/2014/amr-report/fr
[2] Arnaud I, Jarlier V, groupe de
travail BMR-Raisin. Surveillance
des bactéries multirésistantes
dans les établissements de santé
en France. Réseau BMR-RAISIN.
Données 2012. Saint-Maurice:
Institut de veille sanitaire; 2014.
www.invs.sante.fr/Publications-
et-outils/Rapports-et-syntheses/
Maladies-infectieuses/2014/
Surveillance-des-bacteries-
multiresistantes-dans-les-
etablissements-de-sante-francais
[3] Haut Conseil de la santé
publique (HCSP). Prévention
de la transmission croisée
des “Bactéries Hautement
Résistantes aux antibiotiques
émergentes” (BHRe). Juillet
2013. www.hcsp.fr/explore.cgi/
avisrapportsdomaine?clefr=372
[4] Nordmann P.
Carbapenemase-producing
Enterobacteriaceae: overview of
a major public health challenge.
Med Mal Infect. 2014; 44(2): 51-6.
[5] Organisation mondiale de
la santé. Les 5 indications de
l’hygiène des mains. Mai 2009.
www.who.int/gpsc/5may/
tools/workplace_reminders/
affi che_5indications_hygiene_
mains.pdf
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