58 - Le livre blanc de l’acoustique en France en 2010
dustriels de faire progresser les concepts théoriques nécessaires à
la compréhension du fonctionnement de ces transducteurs, mais
aussi et surtout leur technologie. La bonne qualité de certains
produits à très bas coût commercialisés aujourd’hui ne pouvait
probablement pas être envisagée il y a seulement vingt ans, et
de nouveaux brevets concernant les transducteurs sont déposés
chaque mois.
Pourtant, même les meilleurs produits souffrent encore de nom-
breuses limitations, et les travaux de recherche continuent donc
dans certains laboratoires. Ainsi, en restant dans le cadre des sour-
ces sonores audibles, des exemples encore « d’actualité » sont par
exemple le transducteur ionique (Klein, 1946) où le couplage
avec des particules ionisées est lié à la viscosité et à la conduc-
tion thermique de l’air, ou la source « paramétrique » (Wester-
velt, 1951) dans laquelle deux champs ultrasonores de grande
amplitude interagissent non-linéairement pour créer une sour-
ce audible au sein d’un volume d’air distant. Le caractère « im-
matériel » de telles sources permet de réaliser des géométries
de volume source très particulières, conduisant à des propriétés
inhabituelles (sources directionnelles, etc.). Ces deux exemples
assez caractéristiques relèvent aujourd’hui plutôt du domaine
de « l’acoustique physique », bien qu’ils soient tout à fait dans
la lignée des travaux autrefois classifiés dans la spécialité « élec-
troacoustique ». De tels principes sont par ailleurs plutôt expé-
rimentaux et leur dynamique est limitée, ce qui les cantonne
encore dans les laboratoires comme leurs prédécesseurs l’ont
été pendant longtemps autrefois.
Les technologies « classiques » restent donc encore largement les
plus répandues, leur évolution étant liée à la fois à la demande du
marché et à des avancées dans d’autres domaines. Cette évolu-
tion ne doit pas être sous-estimée : la technologie électrostatique
doit beaucoup de son succès au principe de « prépolarisation »,
par exemple par un film électret (Sessler, 1962), qui a permis la
production de masse de capsules microphones à très faible coût
– le flambeau pouvant être repris par les MEMS. Dans le même
esprit, le développement de films piézoélectriques (PVDF) porte
de grands espoirs, que l’industrie pourra éventuellement concré-
tiser si un marché suffisant se manifeste. Même le vétéran des
haut-parleurs alimente encore la recherche, car un des principaux
points faibles du haut-parleur électrodynamique s’avère être son
comportement magnétique, longtemps ignoré par une descrip-
tion principalement électrique. De nouvelles structures de mo-
teurs basées sur des matériaux modernes (aimants néodyme, fer-
rofluides) ont ainsi permis de réduire significativement plusieurs
sources de non-linéarité majeures, ouvrant la voie à une repro-
duction sonore a priori plus fidèle.
Les travaux effectués en ce sens relèvent de multiples spécialités
(science des matériaux, magnétisme, etc.). Leurs avancées alimen-
tent aussi une réflexion scientifique à plus long terme : la réponse
à un besoin du marché justifie un investissement technologique,
qui conduit à des configurations nouvelles (c’est à dire miniature),
faisant éventuellement émerger un nouveau problème scientifi-
que à résoudre. Cependant, les résultats de tels développements
technologiques ne sont pas toujours diffusés rapidement car les
acteurs du domaine cherchent souvent à valoriser au préalable
des investissements importants. Schématiquement, on peut ainsi
estimer que le dynamisme technologique actuel en matière de
transducteurs « audio » est en partie responsable d’une diminu-
tion de l’intérêt de la communauté scientifique. Ceci devrait par
contre être passager, et même annoncer un regain d’intérêt pour
ces transducteurs lorsque la propriété industrielle associée se sera
éteinte – comme cela a déjà été le cas dans le passé.
1.3 La reproduction sonore
Parmi les applications « audio », la reproduction sonore repré-
sente une part très importante des marchés actuels. Mais c’est
aussi un domaine où la recherche scientifique est très active, avec
de nombreux partenariats entre laboratoires et entreprises. Une
des raisons de ce dynamisme est l’engouement actuel pour la re-
production spatiale du champ, qui passe de la stéréophonie aux
différentes variantes du « multicanal ». Là encore, une des raisons
est la disponibilité des technologies, à la fois en termes de trans-
ducteurs (à la fois petits et fidèles) et de moyens de traitement
audionumérique. Par contre l’émergence de ce thème résulte
aussi de raisons plus profondes : il permet la cristallisation autour
d’un même sujet de nombreuses spécialités scientifiques, parmi
lesquelles la vibroacoustique, l’acoustique des locaux, le con-
trôle actif, le traitement du signal, la perception, etc. Il ne s’agit
pas d’une simple application, mais bien d’un thème scientifique
transverse – comme l’était l’étude des transducteurs au temps de
« l’électroacoustique ».
Un aspect critique de la reproduction sonore spatiale est celui de
la représentation des champs : dans un problème spatial audio
3D, il est impossible de respecter rigoureusement les critères
d’échantillonnage usuels, compte tenu de la très large gamme
des fréquences audio (3 décades). La discrétisation spatiale du
problème acoustique ne peut donc être que très imparfaite, et
il est d’autant plus important de bien choisir et respecter les ca-
ractéristiques jugées essentielles dans le champ à reproduire (ce
qui définit des paradigmes tels que WFS, HOA, etc.). Il s’agit bien
là d’un problème fondamental d’acoustique, mais qui ne corres-
pond par contre pas (encore ?) à une « spécialité » reconnue.
Deux écoles coexistent depuis longtemps en ce domaine : soit
une synthèse rigoureuse basée sur une représentation compacte
du champ, soit une approche créant plutôt une illusion sonore,
basée elle aussi sur des méthodes rigoureuses, mais relevant
autant d’une dimension artistique que scientifique. L’arbitrage
entre les deux relève de l’étude de la perception, qui n’a pas en-
core produit de modèles suffisants pour orienter les choix. Ce-
pendant le scientifique se heurte aussi à la réalité économique :
les formats commerciaux actuels constituent une norme de fait,
que les partenaires industriels ne peuvent pas ignorer, alors que
l’expérimentation dans ce domaine nécessite des moyens que
peu de laboratoires peuvent dégager sans partenariat. Heureu-
sement, le dialogue reste aujourd’hui assez ouvert sur ce thème,
permettant d’identifier progressivement les problèmes scientifi-
ques à aborder.
Parmi ceux-ci, l’interaction entre les transducteurs avec leur en-
vironnement sonore prend de l’importance quand leur nombre
augmente, ce qui renforce les couplages entre objets adjacents.
Les transducteurs réels ont une réponse qui dépend de leur
charge acoustique, ce que l’on peut négliger tant que celle-ci
reste mineure comparée à leur impédance mécanique propre.
Cette dernière est en général minimisée dans les transducteurs
très performants, qui s’écartent ainsi paradoxalement de sources
idéalisées, en ce sens que leur « entrée » comporte alors deux
degrés de libertés indépendants (tension et courant), là où l’utili-
sateur n’en pilote en général qu’un seul. Ceci pose des problèmes
nouveaux et très intéressants en termes de stratégies de synthèse
de champ, mais aussi de modélisation et de mesure de transduc-
teurs agissant simultanément dans de petits locaux.
De multiples concepts visent à traiter les parois d’un local d’écou-
te pour améliorer la restitution sonore, soit par des méthodes
classiques (traitements absorbants, etc.), soit par des méthodes