Homélie de Monseigneur Gérald Cyprien Lacroix
Évêque auxiliaire à Québec et Administrateur diocésain
lors de la célébration de
LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR MESSE DU JOUR
En la chapelle des Ursulines de Québec, Québec, 25 décembre 2010
« Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous »
Très chères sœurs Ursulines, chers invités,
Bonne nouvelle, inouïe, incroyable : « Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous »
et il nous a fait connaître le Père.
Mauvaise nouvelle, aussi inouïe et incroyable : « Le Verbe était dans le monde, il est ve-
nu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reconnu » et ne l’ont pas reçu. Mais bonne nouvelle
quand même car à tous ceux qui l’ont reçu, qui croient en son nom, il a donné de pouvoir devenir
enfants de Dieu. Oui, dans les derniers temps, dans ces jours nous sommes, Dieu nous a parlé
par son Fils.
Chers sœurs, chers frères, voilà les idées maîtresses des lectures de cette messe du jour.
La fête de Noël nous convie à faire le point sur notre relation à ce fils de Dieu, à ce Verbe de
Dieu devenu homme, ayant habité parmi nous. Noël nous fait découvrir la signification et la ré-
percussion de l’Incarnation dans notre vie quotidienne.
L’Avent est terminé, notre attente est comblée car Dieu lui-même s’est mis en route vers
nous. Dieu aime tellement l’humanité qu’Il s’est fait homme. Dieu désire être en relation avec
nous au point de devenir lui-même un homme. Le Fils de Dieu est venu habiter parmi nous pour
partager notre condition humaine.
2
Durant le temps de l’Avent, à deux reprises, l’Évangile du dimanche nous a confrontés à
Jean-Baptiste. Ce dernier parcourait la région du Jourdain en invitant les gens à préparer le che-
min du Seigneur et à recevoir un baptême de conversion. Les foules étaient touchées par son in-
terpellation et lui demandaient : « Que devons-nous faire ? » (Lc 3, 10) Jean-Baptiste donnait des
consignes adaptées à chaque catégorie de personnes. L’évangéliste Luc nous dit que pour les
gens, sa prédication fut une bonne nouvelle. Tout à l’heure, nous avons entendu que pour
l’évangéliste Jean, le Baptiste était venu rendre témoignage à la Lumière afin que tous croient par
lui. Mais le monde n’a pas reconnu la vraie Lumière et les siens n’ont pas reçu la Parole de Dieu
devenue homme. L’Évangile selon saint Jean anticipe ainsi, dès le premier chapitre, la fin de non-
recevoir que Jésus rencontrera tout au long de sa vie, jusqu’à être cloué sur une croix.
Curieusement, il me semble que la messe du jour de Noël nous invite non pas à nous
baisser vers la crèche, mais à nous tenir debout devant la croix qui pointe déjà à l’horizon, derriè-
re la crèche. L’Eucharistie n’est pas le mémorial de la naissance de Jésus, mais de sa mort et de
sa résurrection.
La messe de la nuit de Noël que nous avons célébrée hier soir, nous parlait abondam-
ment de la naissance du Sauveur à Bethléem, laissant notre imagination construire les plus belles
crèches et décors entourant l’Enfant Jésus, emmailloté dans une mangeoire. Aujourd’hui, en ce
matin de Noël, c’est autre chose. Où sont donc passés les bergers, les chœurs angéliques, la grotte
de Bethléem ? Les lectures de la Parole de Dieu ne nous en parlent pas. C’est que l’on veut nous
amener encore plus en profondeur, pour contempler le mystère de l’Incarnation, celui de la venue
du Sauveur, le Verbe fait chair qui a habité parmi nous. L’auteur de la Lettre aux Hébreux nous le
rappelait : « Souvent, dans le passé, Dieu a parlé à nos pères par les prophètes sous des formes
fragmentaires et variées ; mais, dans les derniers temps, dans ces jours nous sommes, il nous
a parlé par ce Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes. »
Le jour même de Noël, alors que nos maisons sont encore enveloppées de chants festifs
et d’odeur de pâtés à la viande, la Parole de Dieu nous interpelle en nous incitant à être des hom-
mes et des femmes qui accueillent la Parole, le Verbe fait chair en la personne de Jésus, et qui
annoncent la Bonne Nouvelle qu’est l’Évangile : « Comme il est beau de voir courir sur les mon-
tagnes le messager qui annonce la paix, le messager de la bonne nouvelle, qui annonce le salut »,
nous prédisait le prophète Isaïe.
« Contempler » l’Enfant-Dieu doit rapidement se convertir pour nous en « annoncer » le
Salut et la vie en abondance offerts par notre Dieu. D’ailleurs, vous le savez, la liturgie du temps
de Noël ne nous permettra pas de demeurer longtemps devant la crèche du « petit Jésus » à chan-
tonner « Sainte nuit, ô nuit de paix ».
Le 26 décembre, nous célébrons la fête de saint Étienne, premier martyr pour sa fidélité
au Christ et à l’Évangile. Cette année, cette fête fait place à la Sainte Famille qui tombe un di-
manche. Le 28 décembre, nous faisons mémoire des saints Innocents qui nous rappellent que la
souffrance et la croix accompagnent nécessairement le salut apporté par Jésus.
3
En ce Noël 2010, nous avons encore tout frais à la mémoire la dernière exhortation apos-
tolique de Benoît XVI sur « La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Église », signée
le 30 septembre. Le pape place en trame de fond le texte de l’Évangile que nous venons
d’entendre, le Prologue de l’Évangile selon saint Jean. Il fait constamment référence à ce « Pro-
logue » dans lequel nous est communiqué le fondement de notre vie : le Verbe, qui depuis le
commencement est auprès de Dieu, s’est fait chair et a habité parmi nous. […] Suivant l’exemple
de l’Apôtre Jean et des autres auteurs inspirés, laissons-nous guider par l’Esprit Saint afin de
pouvoir aimer toujours plus la Parole de Dieu (Verbum Domini, No 5).
Dès son enfance et sa jeunesse, la Bienheureuse Marie de l’Incarnation est attirée par la
Parole de Dieu et elle cherche à la partager. Aujourd’hui, elle peut nous aider à goûter la Parole, à
en vivre et à accueillir le Verbe fait chair pour que Sa Lumière fasse toute son œuvre en nous.
Écoutons son témoignage :
« Dieu me donnait de grandes lumières dans cette assiduité d’entendre
sa sainte parole, et mon cœur en était embrasé jour et nuit : ce qui me faisait
parler à lui d’une façon intérieure qui m’était nouvelle et inconnue. Car, comme
j’avais entendu dire qu’il fallait méditer pour faire l’oraison mentale, je ne pen-
sais pas que ce que mon cœur disait à Dieu le fût, de manière que je suivais cet
attrait intérieur, ne sachant autre chose sinon que c’était de bons mouvements
que la parole de Dieu produisait dans mon âme et qui me poussait à aller de
plus en plus entendre, et à la pratique de la vertu, qui se rencontrait en la condi-
tion à laquelle la divine Majesté m’avait appelée » (Le témoignage de Marie de
l’Incarnation, Dom Albert Jamet 1 ;3. Pages 8-9).
Chères religieuses, vous qui avez répondu à l’appel du Seigneur à Lui consacrer tout vo-
tre vie pour être avec le Verbe fait chair, pour le suivre et pour l’annoncer. Que ce Noël soit pour
vous une célébration qui vous renouvelle dans votre vie consacrée, et que vous puissiez procla-
mer avec les mots de saint Augustin : « S’éloigner de lui, c’est périr ; se trouver avec lui, c’est
ressusciter ; demeurer avec lui, c’est être inébranlable ; retourner à lui, c’est renaître ; habiter
avec lui, c’est vivre. »
Et que notre Dieu puisse dire de vous : « Il est venu chez les siennes, les Ursulines de
Québec, et elles l’ont reconnu et accueilli. »
Gérald Cyprien Lacroix
Évêque auxiliaire à Québec
Administrateur diocésain
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