INITIATION A LA MICROSCOPIE ELECTRONIQUE A BALAYAGE par François GOUTENOIRE et Vincent MAISONNEUVE MEB MEB MEB MEB MEB MEB MEB MEB MEB MEB MEB MEB MEB MEB MEB MEB MEB MEB MEB Micrographie par MEB d’une fourmi tenant une "puce" entre ses mandibules (x30; ceci n’est pas un photo-montage ! - Source Philips) Institut Universitaire de Technologie du Mans - Département chimie Licence Professionnelle : Industries Chimiques et Pharmaceutiques Spécialité : Analyse Chimique et Contrôle des matériaux (année 2008-09) version du 15/09/2008 2 PLAN I - Introduction ....................................................................................3 II - Interaction électrons-matière.........................................................5 III - Matériel et Préparation d’échantillons.........................................8 A - Constitution d’un MEB ..............................................................8 1- Sources d'électrons accélérés.....................................................8 2 - Système de balayage...............................................................10 3 - Détecteurs ...............................................................................10 B - Préparation d'échantillon ..........................................................12 IV - Images - Analyses......................................................................13 A - Images ......................................................................................13 1 - Images avec les électrons secondaires ....................................13 2 - Images avec les électrons retrodiffusés ..................................14 3 - Cartographies X ......................................................................14 B - Analyses ...................................................................................15 V - Applications ................................................................................16 VI - Autres techniques ......................................................................17 Notes .................................................................................................18 Bibliographie.....................................................................................19 Livres..............................................................................................19 Sites Internet ...................................................................................19 3 I - INTRODUCTION Depuis l’aube de la science, la vision a joué un rôle majeur dans le développement de l’ensemble des sciences expérimentales. L’œil, premier outil de la vision, n’offre malheureusement qu’un champ d’exploration très limité, qu’il s’agisse de l’infiniment petit ou de l’infiniment grand. C’est ainsi que l’expérimentateur a engagé une recherche afin d’élargir ce champ d’exploration. De ce travail sont nés, au début du XVIIième siècle, les premiers instruments optiques appelés microscopes permettant d’atteindre des grossissements jusqu'à 500 fois (x500). Le terme de microscope dérive du grec mikros (petit) et skopein (observer). Comme pour l’œil, le microscope optique (MO) présente également des limites. En présence d’un éclairage suffisant et sans aide extérieure, l’œil humain est capable de distinguer deux points distants de 0,2 mm. Deux points plus proches seront perçus comme un seul. Cette distance est appelée pouvoir séparateur ou résolution. A l’aide d’un microscope optique moderne, ce pouvoir séparateur est abaissé à 0,0002 mm. Ceci correspond à un grossissement x1000 (rapport 0,2/0,0002). Dans la lutte incessante pour une meilleure résolution, on s’est aperçu que la limite optique était non seulement fixée par la qualité intrinsèque des lentilles de verre mais aussi par la longueur d’onde (λ) de la lumière utilisée pour l’éclairage. Ainsi, il est possible de calculer ce pouvoir séparateur ε à l’aide de la formule suivante : 0,61. λ ε= n.sin α λ : longueur d’onde n.sinα : ouverture numérique de l’objectif n : indice de réfraction du milieu entre l’objectif et l’objet α : demi-angle au sommet du cône émergeant de la lentille de l'objectif On remarque que pour une ouverture d’objectif fixée si λ diminue, ε diminue également. Ainsi, l’utilisation de la lumière bleue, voire des ultraviolets (UV) associés à des techniques telles que l’immersion de l’objectif au sein d’un fort indice de réfraction (huile) a permis de procurer un léger gain en résolution et d’atteindre 0,0001 mm, soit 100 nm. Ceci correspond à un grossissement x2000. Un rappel du spectre du rayonnement électromagnétique est reporté sur la Figure 21 dans les notes à la fin du polycopié. Figure 1 : Comparaison entre le microscope électronique à transmission et un projecteur de diapositives. 4 Dans les années vingt, on s’est rendu compte que, dans le vide, des électrons accélérés présentaient certains comportements analogues à ceux de la lumière. Ainsi, le déplacement des électrons s’effectue en ligne droite. De même, l’application d’un champ électrique et magnétique sur les électrons engendre un effet similaire à celui des lentilles sur la lumière visible (Figure 1). Notez que leur λ est environ 100000 fois inférieure à celle de la lumière. Le premier microscope électronique à balayage a été inauguré en Allemagne vers 1930 par Knoll et Van Ardenne puis développé par Zworykin, Hillier et Snyder aux USA (1940). Nonobstant, son véritable essor ne s’opérera que grâce aux progrès techniques réalisés pour la télévision et dans la détection des électrons. Aujourd’hui, un microscope électronique à balayage (MEB) intègre plusieurs lentilles magnétiques et permet d’atteindre une résolution de 1 nm. Le microscope électronique à transmission (MET) permet quant à lui de "titiller" une résolution de 0,1 nm (1 Å), soit l’échelle atomique. Retrouvez les limites de résolution du moins au plus performant, soit de l’œil au MET (Figure 2) ainsi que la représentation schématique des microscopes optique (MO) et électroniques, le MEB et le MET (Figure 3). Figure 2 : Limites de résolution pour chaque instrument. 5 Figure 3 : Comparaison entre les microscopes optique (a) et électroniques à transmission (b) et à balayage (c). II - INTERACTION ELECTRONS-MATIERE Le bombardement d’un échantillon par un faisceau d’électrons, dit primaire, entraîne l’émission de divers signaux électroniques et électromagnétiques suite à l’interaction électronsmatière (Figure 4): Figure 4 : Représentation schématique de l'interaction entre un faisceau d'électrons et la surface d'un échantillon. émission d’électrons secondaires : selon le concept moderne de la matière, l’atome se compose d’un noyau positif autour duquel gravite un cortège d’électrons. Un électron entrant peut interagir avec des électrons en orbite. Ils peuvent alors être éjectés hors de l’atome et constituent l’émission d’électrons secondaires. Seuls les électrons émis près de la surface seront détectés (zone d’épaisseur de 1 à 10 nm). Ceux provenant d’une plus grande profondeur seront presque tous absorbés compte tenu de leur faible énergie (<50 eV). Ces électrons arrachés au solide étudié forment des images avec une résolution pouvant atteindre 3 à 5 nm. Le contraste de l’image est principalement donné par le relief de l’échantillon mais peut aussi provenir de la présence d’éléments dans l’échantillon possédant de grandes différences de numéro atomique. 6 émission d’électrons rétrodiffusés : les électrons primaires accélérés venant frapper l'échantillon et le pénétrant peuvent parcourir une trajectoire aléatoire dans la matière qui leur fera perdre une fraction de leur énergie. Après ce parcours au sein de la matière, ils peuvent resurgir à la surface de l’échantillon puis être détectés. Du fait de leur plus grande énergie (>>50 eV), les électrons rétrodiffusés peuvent provenir d'une profondeur plus importante. La résolution de l'image en électrons rétrodiffusés sera moins bonne qu'en électrons secondaires (6-10 nm). Suivant le type de détecteur utilisé, les électrons rétrodiffusés fournissent une image topographique (contraste en fonction du relief) ou une image de composition (contraste en fonction du numéro atomique). Le faisceau d'électrons primaire est suffisamment énergétique pour ioniser l’atome par arrachement d’électrons présents sur les premières couches électroniques (couches profondes). L’atome se retrouvera dans un état excité instable qui entraînera un retour vers son état d’équilibre. Ce retour à l’équilibre peut se faire de deux façons : émission de rayons X (transition radiative) : un photon X est émis par transfert d’un électron d’une couche supérieure vers le trou laissé par l’électron arraché sur la couche profonde (Figure 6). Ces transitions doivent respecter des règles de sélection liées aux différents nombres quantiques (Δn>0; Δl=±1; Δj=0 ou ±1 sachant que j=l+s). Un exemple de transitions autorisées pour un élément donné, le cuivre, est reporté sur la Figure 5. La résolution spatiale d'analyse dépend de l'énergie de la raie X détectée, de la nature du matériau, de la fluorescence secondaire. Elle est d’une façon générale supérieure au micromètre. Figure 5 : Ensemble des transitions permises entre les niveaux d’énergie du cuivre. émission d’électrons Auger (transition non radiative) : un électron Auger sera émis suite à un transfert électronique similaire au cas de l’émission X mais suivi du départ d’un autre électron d’une couche moins profonde que celui ayant servi à combler le trou (Figure 6). Ces électrons de faible énergie sont caractéristiques de l'élément émetteur (utilisés pour l'analyse élémentaire) et du type de liaison chimique. Ils proviennent de la couche superficielle de l’échantillon (au maximum 25 Å de la surface) 7 électron Auger photon X (a) (b) Figure 6 : Représentation schématique de l’émission de rayons X (a) et d’un électron Auger (b). La Figure 7 montre un spectre de distribution d'énergie selon le type d'électron émis. Figure 7 : Représentation schématique de la distribution en énergie des électrons réémis par un échantillon (E0 : énergie du faisceau incident). Pour clore cette liste de phénomèmes émergeant de l’échantillon, il peut être ajouté : cathodoluminescence : lorsque des matériaux isolants ou semi-conducteurs sont bombardés par le faisceau d'électrons, des photons de grande longueur d'onde (ultraviolet, visible) sont émis. Le spectre obtenu dépend du matériau étudié et de sa pureté. électrons transmis : ces électrons apparaissent dans le cas d’utilisation d’échantillons minces (épaisseur de 10 nm à 1 μm). Ils concernent la microscopie électronique à transmission (MET). Ils ne correspondent donc pas au MEB, qui est une étude des signaux réfléchis. 8 En pénétrant dans l'échantillon, le fin pinceau d'électrons diffuse peu et constitue un volume d'interaction (Figure 8) dont la forme dépend principalement de la tension d'accélération et des numéros atomiques des différents éléments formant l'échantillon. Dans ce volume, les électrons et les rayonnements électromagnétiques produits sont utilisés pour former des images ou pour effectuer des analyses physico-chimiques. Pour être détectés, les particules et les rayonnements doivent pouvoir atteindre la surface de l'échantillon. La profondeur maximale de détection, donc la résolution spatiale, dépend de l'énergie des rayonnements. Figure 8 : Poire de diffusion. III - MATERIEL ET PREPARATION D’ECHANTILLONS A - Constitution d’un MEB Le MEB est constitué d’une source d'électrons accélérés, de lentilles électromagnétiques appelées condenseurs, d’un système de balayage, de lentilles électromagnétiques objectives, de divers détecteurs (électrons secondaires, électrons rétrodiffusés, spectromètre de rayons X...) et d'une électronique pour traiter et former l'image (Figure 7). 1- Sources d'électrons accélérés Il existe trois sortes de filaments se regroupant en deux familles de sources: - Famille des sources thermoioniques: Un matériau chauffé par effet Joule est soumis à un fort champ électrique qui entraîne l’arrachement d’électrons. Ceux-ci sont alors fortement accélérés par une différence de potentiel appelée tension d’accélération dont la gamme peut varier de 5 à 25kV. 9 Figure 9 : Représentation schématique du MEB. - Famille des canons à émission de champ Une pointe très fine soumise à une différence de potentiel importante génère un champ électrique ( E = − dV ). Le gradient de champ sera fortement influencé par la dx géométrie de la pointe et sera maximum à son extrémité. De celle-ci, des électrons seront arrachés puis accélérés par la tension d’accélération. Tableau récapitulatif 10 brillance A/cm2 Filament de tungstène 5.104 LaB6 2∼3.105 pointe à émission de champ ∼107 durée de vie vide (Pa) 50-100 h 10-4 300-500h 10-2 1 an 10-8 température (°C) 2800 1800 30-50 2 - Système de balayage Le faisceau électronique balaye la surface de l’échantillon selon une trame rectangulaire. Les électrons secondaires produits sont collectés par un détecteur qui les convertit en un signal. Ce signal est amplifié puis utilisé pour moduler la brillance d’un tube cathodique. Ce dernier est également balayé de façon synchrone avec le faisceau d’électrons. Il s’établit ainsi une correspondance entre la brillance d’un élément d’image sur l’écran du tube cathodique et le nombre d’électrons secondaires émis par un point de l’échantillon. Le rapport entre la surface balayée sur le moniteur et la surface balayée sur l’échantillon constitue le grandissement ou grossissement (en anglais, magnification). La modulation de la vitesse de balayage permet de faire varier le temps de mesure sur un point de l'échantillon. Une vitesse rapide suffira pour l’imagerie vidéo tandis qu’une vitesse lente sera requise pour l'obtention de film photographique ou polaroïd. 3 - Détecteurs Il est possible de "fabriquer" des images avec l'ensemble des électrons ou des rayonnements réémis par le matériau (voir interaction électrons-matière). On utilise généralement les électrons secondaires, les électrons rétrodiffusés et les photons X pour obtenir des images, car ceux-ci sont réémis de façon préférentielle (Figure 7). a - Détecteurs d'électrons secondaires Les détecteurs sont formés d’un scintillateur et d'un photomultiplicateur (Figure 10). Les électrons secondaires de faible énergie émis sont soumis à un faible potentiel de l'ordre de 200V qui les attire. Le scintillateur les transforme alors en photons. Ils sont ensuite à nouveau convertis en électrons par le photomultiplicateur. Une suite de dynodes les amplifie de façon à fournir un signal détectable. électrons incidents E=5-25keV scintillateur photomultiplicateur signal collecteur (200V) Figure 10 : Représentation schématique du détecteur d’électrons secondaires. b - Détecteurs d'électrons rétrodiffusés Ils sont formés d'un semi-conducteur (jonction pn) ayant une forme de disque. Les électrons de forte énergie (E≈E0) ne sont pas déviés par un faible potentiel. En effet, leur grande énergie cinétique (5-20keV) les rend insensibles à un champ électrique tel que celui créé par le collecteur de 200V du détecteur des électrons 11 secondaires. Le détecteur ne reçoit que les électrons rétrodiffusés issus de parties visibles de l’échantillon (Figure 11). électrons incidents E=5-25keV détecteur Figure 11 :Représentation schématique de la détection des électrons rétrodiffusés. c - Détecteurs de rayons X Il existe deux types de détecteurs : les détecteurs à dispersion d'énergie à semiconducteur Si (Li) notés EDX ou EDS (Energy Dispersive X-Ray or Spectrometer) et les détecteurs à cristal analyseur notés WDX ou WDS (Wavelength Dispersive X-ray or Spectrometer). - détecteur à dispersion d'énergie Si(Li) : Les photons X pénètrent par la fenêtre de béryllium puis frappe une jonction pn polarisée en inverse (Figure 12). Ils excitent les électrons des atomes de Si de la bande valence vers la bande de conduction et génèrent des trous dans la bande de valence. L’association de l’électron au trou qu’il a laissé constitue une paire électrontrou. Leur énergie moyenne est Wm=3,8 eV. Chaque photon X d’énergie E0 produit donc E0/Wm paires. Par exemple, pour un photon X du cuivre Cu-Kα d’énergie 8040eV, il y aura création de 8040/3,8=2115 paires, soit 3,4.10-16 C en énergie électrique. La mesure des photons est obtenue par l’amplitude des impulsions (courants) qu’ils produisent et donc proportionnelle au nombre d’événements N (paires). Il s’agit ensuite de sélectionner ces impulsions suivant leur amplitude. Ceci est réalisé via l’analyseur multicanal qui affecte à chaque impulsion un canal. En général, il possède 2048 ou 4096 canaux. L’ensemble des canaux représente le spectre d‘énergie sous forme d’histogramme (Figure 13). fenêtre en berrylium paire électron-trou FET Field Effect Transistor Photon X P I N - + Vide + Température (77K) Figure 12 : Détecteur à dispersion d’énergie (EDX). - détecteur à cristal analyseur : 12 Dans ce détecteur, les photons X sont discriminés en longueur d’onde (c.a.d aussi en énergie ; E=hν=hc/λ) par un monocristal selon le principe de diffraction et la relation de Bragg. Le spectre est obtenu via une rotation du cristal analyseur ; ceci entraîne un temps d’acquisition un peu plus long. Pour les deux types de détecteurs, on obtient une distribution de photons X (intensité correspondant à un nombre de photons X) en fonction de leur énergie (de l’ordre de 0 à 1025keV) (Figure 13). Cette intensité est proportionnelle non seulement à la quantité des différents éléments présents au sein du matériau étudié mais aussi à la population des niveaux électroniques intervenant dans les transitions. Il existe des tables donnant l’ensemble des raies d’émission X possibles pour les différents éléments de la classification périodique. Dans l’exemple donné ci-dessous, on observe les raies d’émission pour un matériau donné. L’analyse est reportée sous forme d’un tableau à la suite de la Figure 13. Ceci est la partie visible du spectre. A savoir qu’il existe d’autres raies d’émission X ayant des énergies soit très faibles (<200eV), soit très fortes (>25KeV). Ces raies ne sont pas observables par ce type de détecteur. Figure 13 : spectre de distribution en énergie des photons X. Elément oxygène silicium plomb cuivre étain type de raies Kα Kα Mα1 L3α1 L2β1 Kα L3α1 L3β2 position en énergie (eV) 523 1740 2346 10549 12611 8047 3444 3904 4 - Lentilles électromagnétiques Elles sont formées d’une bobine électrique et de pièces polaires en fer doux. Lorsqu’un courant électrique passe par la bobine, il se crée un champ magnétique entre les pièces polaires. En faisant varier ce courant, il est possible de modifier le grandissement fourni par la lentille. De façon identique aux lentilles optiques, les lentilles magnétiques présentent des aberrations sphériques et d’astigmatisme. L’aberration sphérique se produit lorsque le grossissement au centre de la lentille diffère de celui des bords. L’astigmatisme se rencontre en présence d’une différence entre le 13 grossissement horizontal et le vertical ; c’est à dire qu’à un cercle de l’échantillon correspond un ovale sur l’écran. Ces deux aberrations sont corrigibles par des moyens électroniques. B - Préparation d'échantillon Beaucoup d’échantillons ne nécessitent aucune préparation préalable sinon leur pose sur un support adéquat. En revanche, dans le cas d’échantillons contenant des composés volatils tels que l’eau, leur élimination sera indispensable étant donné la présence d’un vide secondaire (10-4 Pa). Le processus de lyophilisation est fréquemment utilisé sur les matériaux biologiques. Le nature conductrice de l’échantillon sera aussi un critère très important pour l’étude par microscopie électronique à balayage. En effet, le bombardement de l’échantillon par un faisceau intense d’électrons peut provoquer des phénomènes de charges locales. Dans le cas d’un matériau conducteur, il évacuera ces charges rapidement via le porte échantillon relié à la masse (notez qu'il est possible d'obtenir des images à partir de ce courant de "fuite" d’électrons). Par contre, si le matériau est isolant, il se chargera avec accumulation de charges négatives à la surface balayée de l’échantillon. Ces charges négatives formeront un potentiel qui aura tendance à repousser les électrons du faisceau incident. On crée alors une zone non visible due à la déviation des électrons incidents, "un blanc", qui s’amplifie et donne l’impression d’une image se déplaçant toute seule. Pour remédier à ce problème, il suffit de déposer une fine couche d’un matériau conducteur : du carbone amorphe ou de l'or. Le dépôt de carbone est obtenu par évaporation sous vide primaire d'un fil de carbone. Celui d’or se fait par une pulvérisation cathodique. Notez que d’une façon générale, le dépôt de carbone est utilisé dans le cadre d’analyse EDX et celui d’or pour l’obtention d’images de grande qualité à des fins photographiques. Le faisceau incident d'électrons très énergétique peut être aussi à l’origine d’une détérioration du matériau. Pour pallier cette fragilité, une réduction de la tension d’accélération (énergie) du faisceau incident à quelques keV peut suffire. Un complément peut être obtenu via un refroidissement de l’échantillon. IV - IMAGES - ANALYSES A - Images Les électrons secondaires et les électrons rétrodiffusés produisent des images ayant des contrastes différents, on distingue plusieurs types de contraste dont les principaux : le contraste d'ombrage, le contraste d'inclinaison et le contraste de numéro atomique. 1 - Images avec les électrons secondaires Le contraste d’ombrage est obtenu à partir des électrons secondaires. En effet, ceux-ci peuvent provenir d’une (ou des) partie(s) "cachée(s)" de l’échantillon car leur trajectoire n’est pas forcément rectiligne (Figure 15). Le contraste d’inclinaison est obtenu à partir de faces plus ou moins inclinées par rapport au faisceau incident d’électrons. Le taux de réémission des électrons secondaires est plus important si la face est inclinée car la diffusion des électrons incidents surviendra dans une zone de l’échantillon moins profonde (Figure 14). Il en découle une image vidéo présentant une partie inclinée de l’échantillon plus blanche que celle horizontale (Figure 15). 14 électrons incidents E=5-25keV scintillateur photomultiplicateur signal collecteur (200V) Figure 14 : Mécanisme du contraste d’inclinaison. Figure 15 : Photographies de divers contrastes possibles. Contrastes d’inclinaison (a), d’ombrage (b), d’arêtes (d), d’inclinaison et d’arêtes (e), de pointes (f) fournis par un détecteur d’électrons secondaires et contraste d’ombrage (c) fourni par un détecteur d’électrons rétrodiffusés. 2 - Images avec les électrons rétrodiffusés Le contraste de numéro atomique est obtenu avec les électrons rétrodiffusés car le taux de réémission est proportionnel au numéro atomique. Par conséquent, deux éléments de valeur Z très éloignés fourniront une image très contrastée (Figure 15). La partie blanche de l’image 15 correspondra à l’élément le plus lourd (Z grand) et la partie sombre à l’élément le plus léger (Z petit). 3 - Cartographies X A l’aide d’un détecteur à dispersion d’énergie, il est possible de faire une cartographie X. Elle est obtenue par un balayage point à point de la surface du matériau avec détection synchrone de l’émission X de l’élément choisi. Un traitement informatique du signal permet d’extraire une image propre à chaque élément constituant l’échantillon. Un exemple d’étude d’un alliage étainplomb est donné sur la Figure 16. Dans un premier temps, une analyse qualitative permet de repérer l’élément constituant chaque grain. Puis, une cartographie X, ici du plomb et de l’étain, de la même surface permet d’identifier et d’associer chaque grain à son élément. a b c d e Figure 16 : cartographie X d’un échantillon - image en électrons secondaires (a) - analyses sur deux points différents de la surface (b et c ; indiqués par les flèches) - images X du plomb et de l’étain (d et e). B - Analyses L’émission de rayons X permet de remonter à la composition élémentaire de l’échantillon étudié (voir interaction électrons-matière et détecteurs). Une analyse rapide permet d’identifier qualitativement les éléments contenus dans l’échantillon (analyse qualitative). Il est possible également grâce à des programmes informatiques d’extraire du spectre obtenu le pourcentage en poids de chaque élément, voire le pourcentage en poids de différents composés (analyse quantitative). Un exemple est reporté sur la Figure 17. 16 Figure 17 : Spectre d’un échantillon contenant différents composés complété par l’analyse quantitative (tableau). V - APPLICATIONS La plupart des matériaux peuvent être étudié au moyen d'un microscope électronique à balayage. On peut citer : les métaux : étude de la structure d'un alliage, mise en évidence de défauts, étude de faciès de fracture, étude de corrosion, état de surface... les céramiques : observation et analyse de matériaux... les textiles , le bois : identification de fibre, de substance.. des échantillons biologiques : insectes, micro-crustacés.... etc... On retrouve des microscopes électroniques à balayage dans de nombreux centres de recherche publics et privés, mais aussi dans des industries (microélectronique, Renault...), des musées et au sein de la police scientifique. Un exemple : applications des images en électrons rétrodiffusés et de la microanalyse de rayons X pour l'étude de la matière picturale. L’étude du prélèvement vert de l’oeuvre de Paolo Veneziano, la Vierge et l'Enfant (musée du Louvre), a démontré qu’il était formé de 3 couches : gesso, bleu d'azurite + jaune de plomb et d'étain variété II, feuille d'or (Figure 18). Figure 18 : Images en électrons rétrodiffusés de l ‘épaisseur (gauche) et spectre d'un grain de jaune de plomb et d'étain variété II (plomb, étain, silicium) (Paolo Veneziano, la Vierge et l'Enfant, Louvre). 17 VI - AUTRES TECHNIQUES Le MEB n’est pas le seul instrument qui découle des phénomènes liés aux interactions électrons-matière. On peut citer également : • microscope électronique à transmission (MET ou en anglais TEM) : nous en avons parlé précédemment dans le cadre de la course à l’infiniment petit (voir introduction). Les principales informations retirées du MET proviennent essentiellement des électrons transmis (voir interaction électrons-matière). Ils permettent d’obtenir à très fort grossissement des images (dites haute résolution) de l’enchaînement des atomes mais aussi des clichés de diffraction électronique fonction de la structure cristalline de l’échantillon étudié (Figure 19 : Image haute résolution (gauche) et cliché de diffraction électronique (droite).). Figure 19 : Image haute résolution (gauche) et cliché de diffraction électronique (droite). • STEM En fait, cette technique correspond à l’incorporation d’un balayage dans la colonne du MET. Elle augmente considérablement les possibilités d’acquisition d’informations. Très souvent, cet ajout fait aujourd’hui partie intégrante des nouveaux MET. • Spectromètre AUGER Cette technique est apparue dans les années 80 et s’est développée très rapidement. Comme son nom l’indique, elle correspond à la détection des électrons Auger émis par le matériau (voir interaction électrons-matière). Elle constitue un outil puissant pour l’étude de couches minces et des contaminants de surface (profondeur <25 Å). En particulier, elle trouve une place très importante dans le domaine de la microélectronique. Cependant, elle nécessite la technique de l’ultravide (10-8 Pa) . La microscopie à champ proche Contrairement aux microscopes à champ lointain (MEB, MET...), ou le comportement de la source de particules est totalement indépendant de celle de l’échantillon, il existe en microscopie à champ proche une interaction directe entre l’échantillon et l’appareil de mesure. En fait, cette appellation caractérise les techniques microscopiques qui obtiennent des images de surfaces via un balayage par un capteur. Les capteurs peuvent être de divers types, et selon leur nature, le nom de la méthode change. Les principaux sont les suivants : 18 • microscope à effet tunnel (STM, en anglais Scanning Tunnelling Microscopy) : en 1986, Binning et Rohrer de la IBM à Zurich, en Suisse ont été récompensés du prix Nobel pour l'invention de ce microscope. Le principe de cet instrument est simple : il consiste à balayer la surface d'un échantillon solide ou liquide, mais conducteur, à l'aide d'une pointe très fine. Cette dernière est séparée de la surface de l'échantillon de quelques angströms. Une tension d'un centième de volt est appliquée entre la pointe et la surface, et (-Cd) où It est le cela créé un courant tunnel qui obéit à une loi de la forme : It = V.e courant tunnel, V la tension de polarisation et C une constante dépendant du matériau. d représente l'espace entre le dernier atome de la pointe et l'atome le plus élevé de la surface de l'échantillon. La sensibilité du terme exponentiel fait que des variations de distance pointe/échantillon de l'ordre de 1'angström peuvent multiplier le courant par un facteur 10. Cette propriété permet d'accéder à des résolutions verticales de l'ordre du dixième d'angström, ce qui était jusqu'alors impossible. Cette technique fut une des premières à fournir des images en 3D. • microscope à force atomique (AFM) : ce microscope est en fait une des premières évolutions du STM (1985) qui se base sur les interactions et les forces entre atomes. Son fonctionnement consiste à déplacer un levier surmonté d’une petite pointe à la surface de l'échantillon et de mesurer la déviation verticale du levier. Pour ce faire, on utilise soit une pointe de STM, soit une méthode de détection optique. Les forces mises en jeu dans ce type de microscopes sont typiquement de l'ordre de 10-7 à 10-9 N. L'AFM, contrairement au STM, ne nécessite pas d'échantillon conducteur, ce qui permet de visualiser toutes sortes de matériaux, même isolants. De plus, son utilisation en milieu fluide est facilitée par l'absence de problèmes d'interférence "ionique", ce qui en fait un très bon outil d'investigation dans le domaine biologique. Un exemple d’image montrant la topographie d’une surface est donnée à la Figure 20. Figure 20: image AFM d’un cristal à croissance "polygonisée" (face 010) de l’hydrogénophtalate de K. NOTES Les techniques microscopiques et d’analyses se retrouvent très souvent sous leur sigle anglais : SEM : Scanning Electron Microscopy (Microscope) TEM : Transmission Electron Microscopy (Microscope) STEM : Scanning Transmission Electron Microscopy (Microscope) STM : Scanning Tunnelling Microscopy (Microscope) AFM : Atomic Force Microscopy (Microscope) SNOM ou SNFOM : Scanning Near-Field Optical Microscopy EDX : Energy Dispersive X-ray EDS : Energy Dispersive Spectrometer WDX : Wavelength Dispersive X-ray 19 WDS : Wavelength Dispersive Spectrometer AES : Auger Electron Spectrometer p y g q Fréquence (Hz) Longueur d'onde (angströms) Photon (eV) -3 1022 1021 10 rayons gamma 107 20 Durs 10 6 1019 rayons X 105 1018 Mous 104 10 17 10 16 3 10 10-2 10-1 1 angström 10 Ultra 10 Violet 102 102 101 103 1 104 micron 10-1 10 5 1012 10-2 106 1011 10-3 107 1010 10-4 108 centimètre 1015 lumière visible 1014 1013 10 infra rouge 9 10 -5 109 10-6 1010 mètre 107 10-7 1011 106 10-8 1012 10-9 1013 kilomètre 10-10 1014 10-11 10 108 Télé FM 105 104 103 grandes ondes 15 Figure 21 : Spectre du rayonnement électromagnétique BIBLIOGRAPHIE Ce polycopié a été rédigé grâce à l’aide combinée d’ouvrages et de sites internet sur lesquels nous avons prélevé des photos et des graphiques. Livres EBERHART J.P. : Analyse structurale et chimique des matériaux (Dunod). REIMER L. : Transmission Electron Microscopy, Physics of Image Formation and Microanalysis (Springer, Berlin, 3rd ed., 1993). REIMER L. : Scanning Electron Microscopy, Physic of Image Formation and Microanalysis (Springer, Berlin, 3rd édition, 1993). Sites Internet Yellow pages : http://cimewww.epfl.ch/emyp/ Laboratoire de recherche des musées de France (LRMF), vulgarisation de cours sur plusieurs techniques d'analyse (MEB, Spectrométrie ...) : http://www.culture.fr/culture/conservation/fr/laborato/lrmf.htm#Retour_2 une page canadienne, qui s'ouvre sur de bonnes adresses : http://www.nrcan.gc.ca/~atsai/links_f.html Société Française des Microscopies : http://sivet1.glvt-cnrs.fr/sfm/index.htmlx Merci à Jean RENAUDIN et Hélène GENETAY pour la correction du polycopié.