La fièvre de Lassa : réponses immunes et pathogenèse

revue
Virologie 2012, 16 (6) : 390-401
La fièvre de Lassa : réponses immunes
et pathogenèse
Marion Russier1
Delphine Pannetier2
Sylvain Baize1
1Institut Pasteur,
unité de biologie des infections virales
émergentes,
21, avenue Tony-Garnier,
69365 Lyon,
France
<sylvain.baiz[email protected]>
2Laboratoire P4 Jean-Mérieux - Inserm,
21, avenue Tony-Garnier,
69365 Lyon,
France
Résumé. La fièvre de Lassa est endémique en Afrique de l’Ouest. Elle est causée
par le virus Lassa, un virus à ARN simple brin bisegmenté de polarité négative
de la famille des arénavirus de l’Ancien Monde. La maladie peut être fatale mais
la plupart des patients survivent après la phase aiguë ou ne développent qu’une
infection asymptomatique. Les mécanismes immunitaires impliqués sont encore
mal connus mais des progrès considérables ont été réalisés à travers les études in
vitro et chez le primate non humain, le seul modèle animal reproduisant la phy-
siopathologie et les réponses immunes survenant lors de la fièvre de Lassa chez
l’homme. Nous discuterons ici des différents compartiments de l’immunité innée
et adaptative intervenant dans le contrôle de l’infection et la pathogenèse ainsi
que de l’implication des cellules présentatrices d’antigènes, des lymphocytes T
et des cellules natural killer ou NK.
Mots clés : virus Lassa, arénavirus, fièvre hémorragique, réponse immunitaire
Abstract. Lassa fever is a hemorrhagic fever endemic to West Africa and caused
by Lassa virus, an Old-World arenavirus. It may be fatal, but most patients recover
from acute disease and some experience asymptomatic infection. The immune
mechanisms associated with these different outcomes have not yet been fully
elucidated, but considerable progress has recently been made, through the use of
in vitro human models and non-human primates, the only relevant animal model
that mimics the pathophysiology and immune responses induced in patients.
We discuss here the roles of the various components of the innate and adaptive
immune systems in Lassa virus infection and in the control of viral replication
and pathogenesis.
Key words: Lassa virus, arenavirus, hemorrhagic fever, immune response
Introduction
Le virus Lassa est un arénavirus de l’Ancien Monde, res-
ponsable de la fièvre hémorragique de Lassa [1]. C’est un
virus enveloppé comportant deux segments d’ARN simple
brin de polarité négative appelés S et L (figure 1).Leseg-
ment L encode une ARN polymérase ARN-dépendante (L)
et une petite protéine à doigt de zinc (Z) jouant un rôle
crucial dans la régulation de la transcription et la réplica-
tion [2] ainsi que dans le bourgeonnement des particules
virales [3]. Le segment S encode la nucléoprotéine (NP) et
les deux glycoprotéines (GP1 et GP2), permettant l’entrée
du virus dans la cellule cible en se liant au récepteur -
dystroglycane [4]. La fièvre de Lassa est endémique en
Tirés à part : S. Baize
Afrique de l’Ouest, au Nigéria, au Libéria, en Guinée et en
Sierra Leone, où elle est responsable de 100 à 300 000 cas et
cinq à 6 000 morts chaque année. L’homme est infecté lors
d’un contact cutané ou muqueux avec les excrétas ou les tis-
sus du Mastomys natalensis, le rongeur réservoir naturel du
virus Lassa qui vit près des habitations [5]. Le virus Lassa
est en effet hébergé de fac¸on persistante et asymptomatique
chez ces animaux avec une prévalence qui peut être élevée
[6]. La contamination peut également survenir après inges-
tion de nourriture ou inhalation de poussières souillées par
ses déjections. La maladie se transmet par la suite d’homme
à homme par contact direct avec des fluides corporels
contaminés et des épidémies nosocomiales sont également
fréquemment observées [7]. L’infection est parfois bénigne
et peut même demeurer asymptomatique, mais certains
malades développent une fièvre hémorragique sévère, voire
fatale. Les premiers signes cliniques observés entre six et
390 Virologie, Vol 16, n6, novembre-décembre 2012
doi:10.1684/vir.2012.0472
Pour citer cet article : Russier M, Pannetier D, Baize S. La fièvre de Lassa : réponses immunes et pathogenèse. Virologie 2012; 16(6) : 390-401 doi:10.1684/vir.2012.0472
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revue
NP
LL
GP GPC
segment S
segment L
5’
5’
LZ
3’
3’
Région
intergénique
ZZZ
ZNP
Figure 1. Organisation des particules virales et du génome des arénavirus. Les arénavirus sont des virus à ARN constitués de deux
segments d’ARN monocaténaires codés selon une stratégie ambisens. Chaque segment code pour deux gènes séparés par une région
intergénique non codante présentant une structure en épingle à cheveux. Le segment court (S), d’une longueur de 3,4 kb, code pour
la nucléoprotéine (NP) et pour le précurseur des glycoprotéines de surface (GPC). La GPC est ensuite clivée en deux sous-unités,
l’ensemble constituant la glycoprotéine de surface (GP). Le segment long (L), d’une longueur de 7,2 kb, code quant à lui pour la protéine Z,
impliquée dans le contrôle de la réplication/transcription et dans le bourgeonnement viral, et pour l’ARN polymérase ARN-dépendante (L).
L’association de l’ARN génomique, de la NP et de la L constitue le complexe ribonucléoprotéique.
12 jours après l’infection sont non spécifiques avec de la
fièvre, une forte fatigue, des maux de tête et des douleurs
musculaires et articulaires. D’autres symptômes tels que
pharyngite, conjonctivite, toux, maux de ventre, diarrhée et
vomissements apparaissent ensuite. Dans les cas les plus
sévères, œdèmes, hémorragies, défaillances hépatique et
rénale et dans certains cas encéphalopathie surviennent [8].
Les patients décèdent dans un contexte de choc hypotensif,
hypovolémique et hypoxique. Dans la plupart des cas, les
symptômes disparaissent après dix à 15 jours, mais 30 %
des survivants développent une surdité hémi- ou bilatérale
temporaire ou définitive [9]. La fièvre de Lassa est un pro-
blème majeur de santé publique dans les pays endémiques,
dont les structures de santé sont précaires et les popula-
tions touchées isolées [7]. Aucun vaccin n’existe à ce jour.
La ribavirine est efficace pour traiter les patients [10] mais
elle est coûteuse, doit être administrée tôt après l’infection
et présente une toxicité notable, particulièrement chez la
femme enceinte, ce qui rend difficile son utilisation dans
les pays endémiques.
La plupart des patients qui contrôlent l’infection par le virus
Lassa développent une immunité protectrice. Au contraire,
les cas fatals semblent être associés à une réponse immuni-
taire défectueuse, voire abolie [8, 11]. La pathogenèse de la
fièvre de Lassa et les réponses immunitaires qu’elle induit
sont encore peu connues. L’isolement des régions endé-
miques affectées et la pathogénicité élevée du virus Lassa
rendent les investigations très difficiles. De plus, il n’existe
pas de modèle de rongeur qui permette de reproduire la
physiopathologie ou les réponses immunes observées chez
l’homme. Le primate non humain (PNH) constitue un bon
modèle d’étude de la fièvre de Lassa mais la manipulation
de ces animaux en laboratoire P4 (BSL-4) reste très oné-
reuse. L’analyse de l’infection chez le PNH et dans des
modèles cellulaires in vitro combinés à des outils de géné-
tique inverse a permis d’améliorer la compréhension des
réponses immunes associées à la fièvre de Lassa.
Pathogenèse de la fièvre de Lassa
Les cellules présentatrices d’antigènes (cellules dendri-
tiques et macrophages) sont probablement les premières
cellules infectées par le virus Lassa [12, 13]. Elles sont
présentes dans la peau et les muqueuses et supportent la
réplication du virus dans les phases précoces de l’infection.
Par la suite, le virus Lassa colonise les organes lymphoïdes
secondaires, ganglions lymphatiques et rate, après migra-
tion des cellules présentatrices d’antigènes et/ou transfert
direct des particules virales via la circulation. À ce stade,
une large proportion des cellules présentatrices d’antigènes
résidentes est infectée et la production massive de parti-
cules virales est à l’origine de l’infection systémique [14].
Le foie est également rapidement le siège d’une réplication
virale intense, par le biais des hépatocytes et des cellules
de Kupffer ciblées par le virus. Ensuite, le tropisme viral
s’étend aux fibroblastes, aux cellules endothéliales et à cer-
taines cellules épithéliales. Malgré l’infection de ces types
cellulaires, les lésions observées dans l’endothélium et les
autres organes ne suffisent pas à expliquer le choc terminal
et la mort, qui semblent plutôt liés à la réponse immune de
l’hôte. Les altérations microscopiques les plus fréquentes
observées chez les patients et chez les PNH infectés sont des
nécroses multifocales des hépatocytes et des cellules corti-
cales des glandes surrénales. Une pneumonie interstitielle,
une myocardite, l’infiltration de cellules mononuclées,
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principalement des macrophages, et des lésions des tis-
sus de l’endothélium vasculaire sont également souvent
observées [15-17]. Une lymphadénopathie et une spléno-
mégalie sont notées ainsi qu’une modification anormale de
l’architecture folliculaire des organes lymphoïdes et une
déplétion des cellules dans la moelle osseuse, la rate et les
ganglions lymphatiques. Une lymphopénie transitoire tou-
chant les lymphocytes T CD4+ et CD8+, les lymphocytes B
et les cellules natural killer (NK) survient rapidement après
l’infection, suivie par une neutrophilie [14, 15, 18, 19].
La lymphopénie ne résulte pas d’un effet direct du virus,
ces types cellulaires résistant à l’infection par le virus
Lassa. Une thrombocytopénie modérée et transitoire appa-
raît également, accompagnée d’un dysfonctionnement des
plaquettes [15, 18, 20]. Cependant, aucun défaut majeur
de coagulation n’est noté et l’on n’observe pas de phé-
nomène de coagulation intravasculaire disséminée comme
c’est le cas pour d’autres fièvres hémorragiques virales
(Ebola, par exemple). Ainsi, les signes hémorragiques et
les fuites de plasma observés lors de la fièvre de Lassa
ne sont sûrement pas dus aux défauts de coagulation mais
plutôt à l’augmentation de la perméabilité vasculaire, pro-
bablement induite par des facteurs cellulaires relâchés en
grande quantité. Les taux des enzymes alanine et aspartate
aminotransférases (ALT/AST) sériques augmentent forte-
ment dans les stades terminaux de la maladie à la fois
chez le PNH et chez l’homme, alors qu’ils augmentent
de fac¸on plus modérée et transitoire chez les survivants
[14, 15, 19, 21, 22]. Ces observations suggèrent une atteinte
hépatique ou/et des dommages tissulaires. En effet, le ratio
AST/ALT élevé suggère que ces enzymes pourraient pro-
venir d’autres organes que le foie. De fac¸on similaire, des
fortes concentrations d’IL-6 sont détectées dans le plasma
dans les cas fatals chez le PNH [14, 15]. La sécrétion
d’IL-6 est souvent associée à la régénération hépatique
[19] mais peut aussi être liée aux dommages d’autres
tissus et muscles. L’IL-6 est également impliquée dans
la neutrophilie [23], suggérant que les dommages tissu-
laires observés pourraient être au moins en partie dus à
l’infiltration des neutrophiles. Les cas sévères de fièvre
de Lassa sont associés à des défaillances multiviscérales
conduisant au syndrome de choc hypoxique, hypotensif,
hypovolémique et à la mort. Cependant, d’autres investi-
gations sont nécessaires afin d’expliquer les mécanismes
de pathogénie lors de la phase aiguë de la maladie et des
stades terminaux. Les paramètres immunologiques pouvant
être impliqués dans la pathogenèse selon l’issue de la fièvre
de Lassa sont récapitulés dans le tableau 1.
Tableau 1. Paramètres immunologiques de la fièvre de Lassa dans un modèle primate non humain en fonction de l’issue de la
maladie (d’après [14, 15]).
Issue de la maladie
Survie Mort
Réponses inflammatoires
Monocytes CD80+ circulants +++ +
Production d’IFN-Précoce et transitoire Retardée
Cytokines inflammatoires Absence Absence, sauf IL-6 tardive
Chimiokines ARNm IP-10, I-TAC, MCP-1,
éotaxine ?
ARNm IP-10, I-TAC, MCP-1,
éotaxine
Réponse humorale
IgG/IgM +++ +++
Anticorps neutralisants - -
Réponse des cellules NK Déplétion des cellules Transitoire +++
Réponse des lymphocytes T
Déplétion des cellules Transitoire +++
Cytokines dérivées Absence Absence
Activation des cellules T CD4+
et CD8+
Forte et précoce Faible et retardée
Prolifération in vitro en réponse
au virus
+ Absence
NK : natural killer.
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Rôle des cellules présentatrices
d’antigènes
Les cellules présentatrices d’antigènes jouent un rôle cru-
cial dans la régulation des réponses immunitaires. Elles sont
des médiateurs clés de l’immunité innée induisant les pre-
mières réponses inflammatoires et le contrôle direct des
infections virales. Elles permettent également d’orchestrer
les réponses immunes adaptatives humorales et cellulaires,
notamment en présentant l’antigène aux lymphocytes B
et T [24]. Lors de l’infection par le virus Lassa, les cel-
lules dendritiques et les macrophages sont les premières
cellules cibles qui répliquent le virus [13-15]. Ces évène-
ments ont des conséquences dramatiques sur les réponses
immunes survenant lors de la fièvre de Lassa. Le tropisme
privilégié du virus Lassa pour les cellules dendritiques et
les macrophages a été montré dans un modèle in vitro sur
des cellules primaires humaines mais aussi in vivo chez le
PNH. L’infection est non cytopathique et aboutit au relar-
gage de fortes quantités de particules virales [12, 19, 25].
Les récentes observations selon lesquelles le virus de la
chorioméningite lymphocytaire (CML), un arénavirus de
l’Ancien Monde proche du virus Lassa, infecte les cellules
dendritiques plasmacytoïdes suggèrent que ces dernières
pourraient également être ciblées par le virus Lassa in vivo
[26]. Chez le PNH, les cellules dendritiques et les macro-
phages sont infectés dès sept jours après l’infection dans
les ganglions lymphatiques, la zone marginale splénique et
dans une moindre mesure, dans la pulpe rouge de la rate, le
thymus et le foie. La charge virale reste élevée tout au long
de la maladie [15, 21].
Malgré le relargage des particules virales, les cellules
présentatrices d’antigènes ne sont pas activées suite à
l’infection in vitro par le virus Lassa. Ainsi, les cellules den-
dritiques infectées par le virus Lassa ne produisent pas de
cytokines pro-inflammatoires et n’expriment pas de molé-
cules d’activation à la leur surface et le virus n’induit
pas non plus leur maturation [12, 13, 27]. L’absence
d’activation/maturation en réponse à l’infection par le
virus Lassa pourrait être associée à l’immunosuppression
observée dans les cas sévères de fièvre de Lassa. En
effet, les cytokines pro-inflammatoires sont cruciales pour
l’induction d’une immunité adaptative et des réponses
immunes défectueuses, voire la tolérance, peuvent être
induites lors de la présentation de l’antigène par des cellules
dendritiques immatures. De plus, l’absence d’activation
semble favoriser la réplication virale dans un modèle in vitro
car les cellules dendritiques immatures produisent de plus
grandes quantités de particules virales que leurs contrepar-
ties matures [12]. De fac¸on similaire, les macrophages ne
s’activent pas non plus lors de l’infection in vitro par le virus
Lassa et ne produisent que de faibles quantité d’IFN-/
[12, 25, 27]. Bien qu’il soit nécessaire de confirmer in vivo
ces résultats, les données disponibles chez les patients et
les PNH infectés par le virus Lassa confirment l’absence de
réponses inflammatoires lors de la fièvre de Lassa, et ce mal-
gré l’infiltration massive des macrophages et neutrophiles
dans la plupart des organes et tissus [14, 15, 19, 21, 28].
La figure 2 schématise la réponse des cellules dendri-
tiques et des macrophages lors de l’infection par le virus
Lassa.
Le virus Mopeia est un arénavirus proche du virus Lassa.
Il possède le même réservoir rongeur et comporte 75 %
d’identité en acides aminés avec le virus Lassa. Cepen-
dant, il n’est pas pathogène chez l’homme et le singe
et est capable de conférer une immunité protectrice chez
ces animaux lors de l’infection expérimentale par le virus
Lassa [16, 29]. Le virus Mopeia est ainsi comparé au virus
Lassa en tant que modèle de fièvre de Lassa non fatale
et d’infection asymptomatique. Le virus Mopeia infecte
aussi les cellules présentatrices d’antigènes sans cytotoxi-
cité apparente [25, 30]. Ces observations démontrent que le
tropisme privilégié des virus Lassa et Mopeia est une carac-
téristique commune à tous les arénavirus indépendamment
de leur pouvoir pathogène. Contrairement à l’infection par
le virus Lassa, le virus Mopeia induit in vitro l’activation des
macrophages via l’augmentation de l’expression des molé-
cules de surface CD86, CD80 et CD54, la production de
grandes quantités d’IFN-/mais sans sécrétion de cyto-
kines pro-inflammatoires [25, 27, 30]. Dans une moindre
mesure, l’infection par le virus Mopeia induit une activation
modérée des cellules dendritiques et une faible transcription
des gènes de l’IFN de type I [27, 30]. L’étude de diffé-
rents variants du virus Pichinde, un arénavirus du Nouveau
Monde, a également montré que l’activation des cellules
présentatrices d’antigènes infectées semblait être corrélée
avec l’absence de pathogénicité de certaines souches du
virus [31].
Réponse IFN de type I
La réponse IFN-/participe à la différence de patho-
génicité entre les virus Lassa et Mopeia. En effet, ces
virus sont tous deux sensibles aux propriétés antivirales
de l’IFN de type I mais seuls les macrophages infectés
par le virus Mopeia sont capables de produire ces cyto-
kines [27, 30, 32]. L’absence de production d’IFN-/est
probablement impliquée dans la différence de pathogenèse
et l’immunosuppression observée lors des cas sévères de
fièvre de Lassa car ces cytokines sont impliquées à la fois
dans le contrôle de la réplication virale mais aussi dans
l’induction de la réponse immune adaptative [33]. Les don-
nées disponibles chez le singe cynomolgus s’accordent avec
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Cellule dendritique
immature
Virus Lassa
Macrophage
Pas d’activation/maturation
pas de
production
d’lFN-α/β
Réplication virale
pas d’effet cytopathique
Pas d’activation
Faible production d’IFN-α/β
Figure 2. Réponse des cellules présentatrices d’antigènes lors de l’infection par le virus Lassa. L’infection in vitro de cellules présentatrices
d’antigènes humaines (cellules dendritiques et macrophages) par le virus Lassa conduit à une réplication virale durable en l’absence d’effet
cytopathique. L’infection n’induit pas non plus l’activation de ces cellules ni la maturation des cellules dendritiques. En revanche, alors
qu’aucune production d’IFN de type I n’est observée dans les cellules dendritiques infectées par le virus Lassa, une synthèse modérée
d’ARNm codant pour les IFN de type I est induite dans les macrophages infectés.
cette hypothèse car une production d’IFN-/est observée
très tôt chez les animaux survivants alors qu’elle n’est détec-
tée qu’aux stades terminaux chez les singes qui décèdent
[15]. L’IFN-détecté à ce moment dans le sang de ces
derniers pourrait ne pas être capable de contrôler l’ample
réplication du virus, relargué massivement à ce stade de
la maladie, et à l’inverse contribuer à la pathogenèse. Les
IFN de type I ont en effet un rôle dual, à la fois béné-
fique, mais aussi délétère lors des infections. Ils sont, par
exemple, impliqués chez la souris lors de l’infection par le
virus de la CML dans la lymphopénie transitoire et les chan-
gements structuraux dans les organes lymphoïdes et dans la
thrombocytopénie et le défaut des plaquettes [34, 35]. Des
investigations supplémentaires chez le PNH sont cepen-
dant nécessaires afin de clarifier le rôle de l’IFN-/dans
la pathogenèse de la fièvre de Lassa et de préciser si leur
sécrétion corrèle avec l’issue de la maladie.
Rôle de la nucléoprotéine
Récemment, des données ont montré que la production
défectueuse d’IFN de type I était liée à la présence de la NP
des arénavirus. En effet, la NP de la plupart des arénavirus, à
l’exception du virus Tacaribe, inhibe l’activation et la trans-
location nucléaire du facteur de transcription IRF3 et ainsi la
production d’IFN-/[36]. De plus, la région C-terminale
de la NP contient un domaine 3-5exonucléasique spéci-
fique des ARN double brins, similaire à celui présent dans
les exonucléases de la famille DEDDh [37]. La NP possède
ainsi une fonction exonucléasique lui permettant de digérer
les ARN, empêchant ainsi la cascade d’activation initiée
via la reconnaissance de ces ARN par l’hélicase RIG-I et
donc l’activation des réponses IFN [38]. Les acides aminés
présents au niveau du site catalytique ont été identifiés et la
mutation des nucléotides correspondant abolit la capacité
de la NP à inhiber la réponse antivirale. Cependant, le virus
Mopeia possède également ce domaine DEDDh et est pro-
bablement capable d’inhiber la réponse IFN, bien que de
fac¸on moins efficace. D’ailleurs, des virus Lassa recombi-
nants contenant des mutations dans ce domaine induisent
des quantités d’IFN de type I bien supérieures à celles
sécrétées lors de l’infection par le virus Mopeia [39]. La
fonction exonucléasique de la NP n’est ainsi pas seule res-
ponsable de la différence de pathogénicité entre ces deux
virus. D’autres données récentes montrent que la NP des
arénavirus empêche la phosphorylation d’IRF3 en se liant à
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