revue
Rôle des cellules présentatrices
d’antigènes
Les cellules présentatrices d’antigènes jouent un rôle cru-
cial dans la régulation des réponses immunitaires. Elles sont
des médiateurs clés de l’immunité innée induisant les pre-
mières réponses inflammatoires et le contrôle direct des
infections virales. Elles permettent également d’orchestrer
les réponses immunes adaptatives humorales et cellulaires,
notamment en présentant l’antigène aux lymphocytes B
et T [24]. Lors de l’infection par le virus Lassa, les cel-
lules dendritiques et les macrophages sont les premières
cellules cibles qui répliquent le virus [13-15]. Ces évène-
ments ont des conséquences dramatiques sur les réponses
immunes survenant lors de la fièvre de Lassa. Le tropisme
privilégié du virus Lassa pour les cellules dendritiques et
les macrophages a été montré dans un modèle in vitro sur
des cellules primaires humaines mais aussi in vivo chez le
PNH. L’infection est non cytopathique et aboutit au relar-
gage de fortes quantités de particules virales [12, 19, 25].
Les récentes observations selon lesquelles le virus de la
chorioméningite lymphocytaire (CML), un arénavirus de
l’Ancien Monde proche du virus Lassa, infecte les cellules
dendritiques plasmacytoïdes suggèrent que ces dernières
pourraient également être ciblées par le virus Lassa in vivo
[26]. Chez le PNH, les cellules dendritiques et les macro-
phages sont infectés dès sept jours après l’infection dans
les ganglions lymphatiques, la zone marginale splénique et
dans une moindre mesure, dans la pulpe rouge de la rate, le
thymus et le foie. La charge virale reste élevée tout au long
de la maladie [15, 21].
Malgré le relargage des particules virales, les cellules
présentatrices d’antigènes ne sont pas activées suite à
l’infection in vitro par le virus Lassa. Ainsi, les cellules den-
dritiques infectées par le virus Lassa ne produisent pas de
cytokines pro-inflammatoires et n’expriment pas de molé-
cules d’activation à la leur surface et le virus n’induit
pas non plus leur maturation [12, 13, 27]. L’absence
d’activation/maturation en réponse à l’infection par le
virus Lassa pourrait être associée à l’immunosuppression
observée dans les cas sévères de fièvre de Lassa. En
effet, les cytokines pro-inflammatoires sont cruciales pour
l’induction d’une immunité adaptative et des réponses
immunes défectueuses, voire la tolérance, peuvent être
induites lors de la présentation de l’antigène par des cellules
dendritiques immatures. De plus, l’absence d’activation
semble favoriser la réplication virale dans un modèle in vitro
car les cellules dendritiques immatures produisent de plus
grandes quantités de particules virales que leurs contrepar-
ties matures [12]. De fac¸on similaire, les macrophages ne
s’activent pas non plus lors de l’infection in vitro par le virus
Lassa et ne produisent que de faibles quantité d’IFN-␣/
[12, 25, 27]. Bien qu’il soit nécessaire de confirmer in vivo
ces résultats, les données disponibles chez les patients et
les PNH infectés par le virus Lassa confirment l’absence de
réponses inflammatoires lors de la fièvre de Lassa, et ce mal-
gré l’infiltration massive des macrophages et neutrophiles
dans la plupart des organes et tissus [14, 15, 19, 21, 28].
La figure 2 schématise la réponse des cellules dendri-
tiques et des macrophages lors de l’infection par le virus
Lassa.
Le virus Mopeia est un arénavirus proche du virus Lassa.
Il possède le même réservoir rongeur et comporte 75 %
d’identité en acides aminés avec le virus Lassa. Cepen-
dant, il n’est pas pathogène chez l’homme et le singe
et est capable de conférer une immunité protectrice chez
ces animaux lors de l’infection expérimentale par le virus
Lassa [16, 29]. Le virus Mopeia est ainsi comparé au virus
Lassa en tant que modèle de fièvre de Lassa non fatale
et d’infection asymptomatique. Le virus Mopeia infecte
aussi les cellules présentatrices d’antigènes sans cytotoxi-
cité apparente [25, 30]. Ces observations démontrent que le
tropisme privilégié des virus Lassa et Mopeia est une carac-
téristique commune à tous les arénavirus indépendamment
de leur pouvoir pathogène. Contrairement à l’infection par
le virus Lassa, le virus Mopeia induit in vitro l’activation des
macrophages via l’augmentation de l’expression des molé-
cules de surface CD86, CD80 et CD54, la production de
grandes quantités d’IFN-␣/mais sans sécrétion de cyto-
kines pro-inflammatoires [25, 27, 30]. Dans une moindre
mesure, l’infection par le virus Mopeia induit une activation
modérée des cellules dendritiques et une faible transcription
des gènes de l’IFN de type I [27, 30]. L’étude de diffé-
rents variants du virus Pichinde, un arénavirus du Nouveau
Monde, a également montré que l’activation des cellules
présentatrices d’antigènes infectées semblait être corrélée
avec l’absence de pathogénicité de certaines souches du
virus [31].
Réponse IFN de type I
La réponse IFN-␣/participe à la différence de patho-
génicité entre les virus Lassa et Mopeia. En effet, ces
virus sont tous deux sensibles aux propriétés antivirales
de l’IFN de type I mais seuls les macrophages infectés
par le virus Mopeia sont capables de produire ces cyto-
kines [27, 30, 32]. L’absence de production d’IFN-␣/est
probablement impliquée dans la différence de pathogenèse
et l’immunosuppression observée lors des cas sévères de
fièvre de Lassa car ces cytokines sont impliquées à la fois
dans le contrôle de la réplication virale mais aussi dans
l’induction de la réponse immune adaptative [33]. Les don-
nées disponibles chez le singe cynomolgus s’accordent avec
Virologie, Vol 16, n◦6, novembre-décembre 2012 393
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