La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXV - n° 6 - novembre-décembre 2010 | 215
Résumé
Plusieurs nouveaux virus respiratoires ont été décrits ces 10 dernières années, parmi lesquels les méta-
pneumovirus, les nouveaux coronavirus humains, le bocavirus humain, les rhinovirus du groupe C et les
polyomavirus respiratoires. Parallèlement, de nouvelles techniques de détection des génomes viraux ont
été développées, améliorant significativement la sensibilité du diagnostic des viroses respiratoires. L’objet
de cet article est de résumer les connaissances actuelles sur les virus respiratoires identifiés récemment ;
nous précisons leur prévalence, leur rôle pathogène et les mécanismes expliquant leur émergence, et
discutons l’intérêt de leur dépistage en pratique clinique.
Mots-clés
Bocavirus
Coronavirus
Métapneumovirus
Polyomavirus
Rhinovirus
Summary
Several new respiratory viruses
were described these past ten
years, including metapneumo-
virus, new human coronavi-
ruses, human bocavirus, clade
C rhinoviruses and respiratory
polyomaviruses. Along this
growing list, new molecular
diagnostic tools increase the
diagnosis sensitivity for respi-
ratory viral infections. The aim
of this article is to summarize
recent data on newly discov-
ered respiratory viruses, espe-
cially on their prevalence, their
pathogenic potential and the
mechanisms that explain their
emergence, and to discuss the
usefulness of their screening in
clinical practice.
Keywords
Bocavirus
Coronavirus
Metapneumovirus
Polyomavirus
Rhinovirus
La découverte de ces virus fait suite au développement
parallèle des techniques de biologie moléculaire et
de bio-informatique, permettant d’analyser automa-
tiquement des centaines de milliers d’informations.
Elle fait également suite à plusieurs alertes sanitaires
majeures, entraînant un renouveau de l’étude des
virus respiratoires dans le monde. Parmi ces alertes,
on peut relever la découverte de cas mortels, chez
l’homme, d’infections par de nouveaux variants de
grippe aviaire H5N1 à Hong Kong en 1997 (7) et H7N7
aux Pays-Bas en 2003 (8), et la circulation fin 2002
d’un nouveau coronavirus respiratoire (SARS-CoV)
responsable d’une épidémie de syndrome respira-
toire aigu sévère (SRAS) ayant causé le décès de
800 personnes dans le monde (9). L’épidémie du
nouveau variant de grippe H1N1, responsable de la
pandémie en cours depuis le printemps 2009, est le
dernier épisode en date nous rappelant l’importance
de l’étude des virus respiratoires (10).
Parallèlement à la découverte de ces nouveaux virus,
de nouveaux tests diagnostiques sont apparus, dont la
plupart sont fondés sur des méthodes moléculaires. À
côté des méthodes traditionnelles de culture cellulaire
et d’immunofluorescence, plusieurs tests molécu-
laires standardisés sont désormais disponibles sur le
marché, élargissant l’éventail des cibles détectées et
améliorant la sensibilité (11).
Nouveaux virus respiratoires
Coronavirus humain
Les coronavirus, décrits dès les années 1930 chez
l’animal, constituent un genre à part entière depuis
1967. Ils rassemblent des virus de la famille des Coro-
naviridae présentant des caractères morphologiques
communs, notamment leur aspect en couronne visible
en microscopie électronique. Les coronavirus infectent
les mammifères – dont l’homme – et les oiseaux. Leur
génome est constitué d’une molécule d’ARN comptant
27 000 à 31 000 nucléotides, soit le plus long ARN viral
connu à ce jour. Ils sont divisés en 3 genres distincts :
alphacoronavirus, betacoronavirus et gammacorona-
virus – ex-groupes 1, 2 et 3 –, selon des critères séro-
logiques et moléculaires. Depuis 2003, 24 nouveaux
coronavirus ont été identifiés, dont 3 chez l’homme.
Au sein du genre alphacoronavirus, représenté par la
souche prototype HCoV-229E isolée en 1966, a été
décrit le coronavirus NL-63 isolé sur lignée LLC-MK2
en 2004 (5). Le genre betacoronavirus comprend la
souche prototype HCoV-OC43 – isolée en 1967 – et
le coronavirus HKU-1, dont seul le génome a été mis
en évidence en 2005 (6), celui-ci n’ayant jamais été
isolé en culture. Il comprend également le SARS-CoV
et l’ensemble des virus apparentés SARS-Like-CoV
(SL-CoV) décrits chez différentes espèces animales,
notamment les chauves-souris, qui semblent consti-
tuer le réservoir principal de ces virus. On ne connaît
pas de virus du genre gammacoronavirus qui infec-
terait l’homme ; ceux-ci touchent les oiseaux et les
mammifères marins. Parmi les nouveaux coronavirus
humains, seul le SARS-CoV semble être apparu récem-
ment ; les autres virus (NL-63 et HKU-1) nouvellement
découverts circulent probablement depuis longtemps
dans la population humaine : le virus NL-63 est en
effet décrit dans des prélèvements vieux de plus de
20 ans.
La découverte de nombreux coronavirus capables d’in-
fecter l’homme et l’émergence de nouvelles espèces
s’explique par le haut potentiel d’évolution de ces
virus dotés d’une plasticité génomique importante.
L’apparition de mutations ponctuelles non corrigées
par l’ARN polymérase ARN-dépendante permet l’éta-
blissement d’une quasi-espèce au sein même d’un
organisme. Chacun des virus qui la compose constitue
un réservoir permettant à l’espèce de s’adapter aux
changements de son environnement. La taille impor-
tante du génome des coronavirus permet également
d’observer des délétions d’une grande partie du
génome, sans conséquence majeure sur sa viabilité
ou ses capacités réplicatives, mais pouvant conduire,
par exemple, à un changement de tropisme du virus.
L’évolution du génome peut également s’observer via
des phénomènes de recombinaison génétique, homo-
logue (entre 2 coronavirus) ou hétérologue (avec
d’autres virus ou des gènes cellulaires). La plasticité
du génome implique une adaptabilité des protéines
virales, notamment des protéines externes du virus
(responsables de l’attachement et cibles de la réponse
immunitaire), permettant au virus d’échapper à une
augmentation de la pression immunitaire (synthèse
d’anticorps neutralisants) ou de s’adapter à un chan-
gement d’hôte. Récemment, l’hypothèse de l’acqui-
sition du domaine d’attachement de la protéine S
d’un virus proche du HCoV-NL63 par recombinaison
à un SL-CoV animal pourrait expliquer en partie son
émergence et son évolution chez l’homme. De même,
l’existence du gène HE codant pour une hémaggluti-
nine-estérase chez certains coronavirus du groupe 2