Prise en charge pratique des patients sous abatacept 1 Abatacept dans les maladies auto-immunes (lupus érythémateux et autres maladies auto-immunes systémiques) Evidence Based Medicine Recommandations officielles Avis des experts Rationnel Au cours du lupus érythémateux systémique, les lymphocytes T contribuent à l’initiation et à la pérennisation de la réponse auto-immune (1). Ils semblent directement impliqués dans le développement des lésions tissulaires. L’interaction entre les lymphocytes T et B intervient dans la production des auto-anticorps de forte affinité impliqués dans la pathogénie de la maladie. Les lymphocytes T activent également les lymphocytes B et d’autres cellules effectrices, en particulier les cellules dendritiques, qui produisent des cytokines associées aux poussées de la maladie (2). L’activation des lymphocytes B et T est associée aux poussées de la maladie (3). Des travaux expérimentaux sur des modèles murins lupiques ont montré une survie prolongée après modulation de la réponse des lymphocytes T par le CTLA4-Ig (abatacept) dans le modèle de la souris NZB/NZW (4) tandis que dans un autre modèle (Lyn-/-) l’inhibition de la costimulation T n'empêchait pas les dépôts de complexes immuns ni la survenue des lésions tissulaires (5). Données cliniques Peu de données sont actuellement disponibles. • Une étude prospective contrôlée en double aveugle a évalué l’efficacité et la tolérance de l’abatacept versus placebo, en association à un traitement conventionnel, chez des patients atteints de lupus érythémateux systémique avec polyarthrite, lésions discoïdes ou atteinte des séreuses (6). Les patients avec manifestations neurologiques centrales ou rénales ne pouvaient pas être inclus. Un schéma préétabli de corticothérapie était parallèlement administré, débutant par 30 mg/j d’équivalent prednisone pendant 1 mois. Le critère principal d’efficacité était la proportion de patients avec nouvelle poussée pendant l’année de traitement définie par un BILAG A ou B. L’étude n’a pas permis de montrer de bénéfice de l’abatacept sur ce critère ni sur les critères secondaires d’efficacité. De plus, aucune efficacité n’a pu être mise en évidence en ce qui concerne la fréquence de nouvelles poussées (BILAG A/B ou BILAG A) dans chacun des 3 sous groupes de patients avec polyarthrite, lésions discoïdes ou atteintes séreuses. En revanche, en analyse post-hoc, dans le sous-groupe des patients avec atteintes articulaires où il a été observé une diminution de la proportion de nouvelles poussées BILAG A dans l’année : 36,5% dans le groupe abatacept versus 62,5% dans le groupe placebo (différence liée au traitement -26,1 [IC95% : -47,4 ; -4,8]). • D'autres analyses post-hoc ont montré que le taux de patients présentant selon l'avis du médecin une nouvelle poussée à 1 an était plus faible sous abatacept (63,6% dans le groupe abatacept versus 82,5% dans le groupe placebo (différence liée au traitement = -19,3 [IC95%: -30,6 ; -8,0]) (6). L'effet du traitement a encore été plus prononcé en faveur de l'abatacept dans le sous-groupe de patients avec polyarthrite à l'inclusion (différence liée au traitement=-28,3 [IC95%:-46,1 ; -10,5]) (6). L'analyse exploratoire des évaluations effectuées par le patient (composante physique et psychique de la SF-36, évaluation de la fatigue et des troubles du sommeil) a montré une amélioration significative sous abatacept de la composante physique de la SF-36, de la fatigue et des troubles du sommeil (6). Décembre 2015 Prise en charge pratique des patients sous abatacept 2 • Par contre, on observait une augmentation de la fréquence des événements indésirables graves chez les patients ayant reçu de l'abatacept (19,8%) comparativement au groupe placebo (6,8%), en particulier au cours du premier semestre de traitement et en règle dans le contexte d'une poussée lupique. L’efficacité et la tolérance de l’abatacept prescrit pendant 24 semaines chez des patients atteints de néphrite lupique ont été évaluées dans l’étude de phase 2 ACCESS (7) menée en double aveugle. Ainsi, 134 patients ont été enrôlés et ont reçu soit de l’abatacept soit un placebo en association à du cyclophosphamide (protocole Eurolupus) suivie d’un traitement par azathioprine. Aucune différence statistiquement significative n’a été observée entre les groupes, que ce soit en terme d’efficacité (33 et 31% respectivement dans les deux groupes) ou de tolérance. Recommandations officielles Les inhibiteurs de la co-stimulation T ne figurent pas dans l’arsenal thérapeutique utilisé dans le traitement des patients atteints de lupus érythémateux systémique selon les recommandations de l’EULAR, mais sont mentionnés dans le programme de recherche en cours (8). L’abatacept n’est pas non plus mentionné dans le Protocole National de Diagnostic et de Soins dans la liste des traitements utilisables chez les patients atteints de lupus érythémateux systémique (9), mais il est utilisé par des centres expert dans des situations très particulières. Avis des experts En raison de l’absence d’efficacité démontrée dans la première étude contrôlée et de l’augmentation de la fréquence des événements indésirables graves sous abatacept, il n’est pas recommandé de traiter par abatacept les patients atteints de lupus érythémateux systémique. Néanmoins, dans la situation d’un lupus surtout articulaire et cortico-dépendant, ce traitement peut se discuter avec un centre de référence ou de compétences si le patient est en échec de l’ensemble des autres stratégies. Références 1. Crispin JC, Kyttaris VC, Terhorst C, et al. T-cells as therapeutic targets in SLE. Nat Rev Rheumatol 2010;6:317-25. 2. Rahman A, Isenberg DA. Systemic lupus erythematosus. N Engl J Med 2008;358:929-39. 3. Spronk PE, Horst G, van der Gut RT, et al. Anti-dsDNA production coincides with concurrent B and T cell activation during development of active disease in systemic lupus erythematosus (SLE). Clin Exp Immunol 1996;104:446-53. 4. Daikh DI, Wofsy D. Cutting edge: reversal of murine lupus nephritis with CTLA4Ig and cyclophosphamide. J Immunol 2001;166:2913-6. 5. Oracki SA, Tsantikos E, Quillici C, et al. CTLA4Ig alters the course of autoimmune disease development in Lyn-/- mice. J Immunol 2010;184:757-63. 6. Merrill JT, Burgos-Vargas R, Westhovens R, et al. The efficacy and safety of abatacept in patients with non-life-threatening manifestations of systemic lupus erythematosus: results of a twelve-month, multicenter, exploratory, phase IIb, randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Arthritis Rheum 2010;62:3077-87. 7. Askanase AD et ACCESS Trial Group. Treatment of lupus nephritis with abatacept: the Abatacept and Cyclophosphamide Combination Efficacy and Safety Study. Arthritis Rheum 2014;66:3096-104. 8. Bertsias G, Loannidis JP, Boletis J, et al. EULAR recommendations for the management of systemic lupus erythematosus. Report of a Task Force of the EULAR Standing Committee for International Clinical Studies Including Therapeutics. Ann Rheum Dis 2008;67:195-205. 9. Lupus érythémateux systémique : Protocole National de Diagnostic et de Soins. Janvier 2010. http://www.hassante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2010-03/ald_21_pnds_lupus_web.pdf Décembre 2015