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du parlement contre l’oppression d’un seul. Mais on a également pu rapprocher ces deux figures
comme étant représentatives du libéralisme naissant, dit de l’« individualisme possessif »
. De même,
on a rassemblé James Harrington et Algernon Sidney au sein d’un courant dit républicain, par leur
commun rejet de l’absolutisme royal. Je souhaite adopter ici une perspective qui rassemble ces
auteurs et lire leurs œuvres comme une réflexion sur la nature du politique travaillé par des forces
contradictoires et tendu entre deux pôles : l’Empire des lois et l’Empire des hommes
.
Aujourd’hui, faire se confronter ces penseurs dans le cadre d’une étude sur le pouvoir civil à l’aube
de l’ère moderne permet de remonter aux origines de nos conceptions et de nos pratiques politiques
actuelles. Ainsi, il convient de les extraire des courants réifiés dans lesquels on a coutume de les
enfermer au prix de certaines simplifications, pour montrer que loin d’appartenir à des sphères
intellectuelles distinctes, leurs constructions théoriques présentent de nombreux points communs.
Deux pistes principales se présentent alors.
L’une consiste à réévaluer les catégories du républicanisme et du libéralisme et à étudier la
particularité de ces penseurs au-delà d’une parenté idéologique communément admise. Par exemple,
au sein du républicanisme, l’historien Jonathan Scott a montré ce qui distinguait radicalement James
Harrington de ses congénères, examen qui nous amène à reconsidérer la physionomie du paysage
républicain en Angleterre durant l’Interrègne
.
L’autre consiste à croiser les appellations de « libéral » et de « républicain » au lieu de les opposer.
L’historien Jeffrey Collins nous y invite dans son récent ouvrage consacré à la pensée théologico-
politique de Hobbes :
Les historiens et les théoriciens modernes (en particulier dans le monde anglo-saxon) se sont
entichés de l’axe idéologique divisant les libéraux tournés vers la notion d’intérêt et les républicains
concernés par le bien de la communauté. Le républicanisme, comme modèle politique, est censé
mieux s’accommoder des biens communaux et des vertus morales. Mais une meilleure
John Locke, Cambridge : Cambridge UP, 1969 ; J.G.A. Pocock, The Machiavellian Moment : Florentine Political Thought and the
Atlantic Republican Tradition, Princeton : Princeton UP, 1975 ; Nathan Tarcov, Locke’s Education for Liberty, Chicago : University of
Chicago Press, 1984 ; Susan Mendus, Toleration and the Limits of Liberalism, Basingstoke : Macmillan, 1989.
.– Cf. C.B. Macpherson, The Political Theory of Possessive Individualism, Oxford : Oxford Paperbacks, 1964.
.– Pour cette hypothèse, je suivrai également la piste indiquée par John Dunn dans son ouvrage Interpreting Political
Responsibility, Cambridge et Oxford : Polity Press et Basil Blackwell, 1990. Dans le premier essai de ce recueil intitulé « What is
Living and What is Dead in the Political Theory of John Locke ? », John Dunn revient sur la thèse principale de son ouvrage
paru en 1969, The Political Thought of John Locke (Oxford : Oxford UP). Il y défendait l’idée que toute la pensée politique de Locke
était non seulement empreinte de spiritualité mais façonnée par sa croyance en Dieu et que la politique était pour lui
essentiellement ordonnée par le Créateur. Ainsi définie, cette conception ne semblait plus rien avoir en commun avec notre
conception moderne de la politique. Dans cet article plus récent, John Dunn reconnaît avoir sous-estimé « à quel point était
pénétrante la compréhension qu’avait Locke de la nature de la politique comme activité purement humaine » (p. 13). Il convient
avoir vu à l’époque « la perception qu’avait Locke de la noirceur d’une telle condition : sa fragilité, son caractère d’urgence et
son absence totale de réconfort existentiel pour les êtres humains en tant que créatures sociales. » (ibid., p. 13) Ce qu’il admet en
revanche avoir totalement ignoré, c’est « la force imaginative et vivifiante de cette vision constante et dépourvue de toute
superstition, son réalisme sombre, mais qui est une source potentielle d’énergie. » (ibid., p. 14).
.– Jonathan Scott, “The Rapture of Motion : James Harrington’s Republicanism” in N. Philipson et Q. Skinner (dir.), Political
Discourse in Early Modern Britain, Cambridge : Cambridge UP, 1993, p. 139-163; Republican Writing of the English Revolution,
Cambridge : Cambridge UP, 2004 ; Myriam-Isabelle Ducrocq, “La controverse Harrington/Milton : perspectives sur le
républicanisme anglais pendant l’Interrègne” in J. Terrel et C. Miqueu (dir.), James Harrington et la pensée républicaine anglaise,
Pessac : PU Bordeaux, à paraître.