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Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
Des géantes qui en imposent
21/06/11
Dans leur volet «exoplanètes», les missions spatiales CoRoT puis Kepler scrutent des milliers d'étoiles.
Peu d'entre elles ont des compagnons planétaires. Que faire des données recueillies sur toutes ces étoiles
solitaires? Elles ont été récupérées et exploitées par l'astérosismologie, cette branche de l'astrophysique
qui étudie les oscillations sismiques des étoiles. Prises avec une fréquence de quelques dizaines de
minutes, ces données sont trop espacées pour détecter des oscillations dans les étoiles semblables à notre
soleil. Par contre, elles sont adaptées pour mettre en évidence les oscillations des géantes rouges. Et les
surprises n'ont pas tardé!
Lancée en 2009, la mission spatiale américaine Kepler a été conçue pour détecter des planètes autour
d'étoiles appartenant à notre Galaxie. La technologie à bord du télescope le rend capable de détecter
des planètes aussi petites que notre Terre orbitant autour d'étoiles semblables au soleil. Son objectif ?
Déterminer si les terres sont abondantes dans la Voie lactée. Mais voilà, les résultats qui viennent de faire
l'objet de deux publications, l'une dans Nature (1) et l'autre dans Science (2), ne concernent pas du tout
ces exoplanètes. « Pour comprendre le cadre et la portée de ces résultats de Kepler, il faut revenir à la
mission spatiale CoRoT (COnvection ROtation and planetary Transits) du CNES (Lire l'article : Voyage au
coeur des étoiles) et à sa grande découverte relative aux géantes rouges », souligne l'astrophysicienne
Josefina Montalban, chercheuse dans le groupe d'astrophysique stellaire et d'astérosismologie du
département d'Astrophysique, de Géophysique et d'Océanographie de l'ULg et co-auteur des deux
articles.
C'est CoRoT, lancé en décembre 2006, qui a semé le trouble parmi les astrophysiciens au sujet
des géantes rouges. Après avoir épuisé l'hydrogène présent dans son coeur, une étoile commence
la combustion de l'hélium dans ses couches intérieures pendant que son enveloppe se dilate
considérablement. Cette transition de phase se traduit par un changement de couleur vers le rouge. C'est
pourquoi on qualifie alors l'étoile de géante rouge. Même si ce stade sera celui qu'atteindra notre soleil
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dans 5 milliards d'années, il a été peu étudié par l'asterosismologie , qui s'est surtout focalisée sur les
étoiles de type solaire, mais aussi sur les étoiles chaudes et les naines blanches. Notre soleil a fourni
d'excellentes observations grâce à sa proximité, ce qui a créé un engouement en faveur de ses congénères.
De plus, c'est aussi autour d'étoiles semblables à notre soleil que les astrophysiciens cherchent des
exoplanètes et espèrent trouver d'autres terres.
Mais depuis quelques années, CoRoT invite progressivement les chercheurs à porter leur regard sur la
sismologie des géantes rouges, en mettant en évidence leurs potentialités insoupçonnées et ce, pour
de nombreux domaines de l'astrophysique. L'objectif de la mission CoRoT était double : étudier les
oscillations sismiques d'un petit nombre d'étoiles pour sonder leur intérieur et découvrir des exoplanètes en
surveillant un grand champ d'étoiles. Ces deux types d'observations nécessitent tous les deux la détection
de variations photométriques périodiques : de l'ordre du jour ou de la semaine pour le passage d'une
exoplanète devant son étoile ou de l'ordre de la minute pour une sismologie de type solaire.
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Dans son volet «exoplanètes», CoRoT scrute des milliers d'étoiles. Peu d'exoplanètes ont été
démasquées par rapport au nombre total d'étoiles sous surveillance. Mais exoplanète ou pas, les données
photométriques ont été recueillies pour toutes ces étoiles. Alors que faire des données relatives aux
étoiles sans compagnon planétaire apparent ? Qu'à cela ne tienne, elles ont été récupérées pour d'autres
projets et, en particulier, exploitées par l'astérosismologie, cette branche de l'astrophysique qui étudie les
oscillations sismiques d'étoiles. Prises avec une fréquence de quelque dizaines de minutes, ces données
sont trop espacées pour détecter des oscillations de type solaire. Par contre, elles sont adaptées pour
mettre en évidence les oscillations des géantes rouges car leurs temps caractéristiques d'oscillation sont
plus longs.
Déterminer la masse et le rayon d'une étoile
C'est alors que les surprises ont commencé à se succéder. La première a été la découverte d'oscillations
stellaires non-radiales, autrement dit de déformations selon des modes qui ne préservent pas la symétrie
sphérique de l'étoile. Les modes radiaux sont bien connus : ils avaient déjà été observés depuis le sol.
L'existence des modes non-radiaux dans les géantes rouges demeurait théorique jusqu'à ces résultats de
CoRoT, parus dans Nature en mai 2009, article dont Joris de Ridder de la KUL est le premier auteur.
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« Mais avant même d'analyser individuellement chaque fréquence d'oscillation nous avons pu tirer
énormément d'informations rien qu'en observant l'allure générale des spectres en fréquence de centaines
de géantes rouges,our chacun de ces spectre en fréquence, en déterminant le domaine de fréquences
où se situe le maximum de puissance et la séparation en fréquence entre deux modes consécutifs
(périodicité des fréquences), il est possible, grâce à ces deux paramètres, et moyennant la connaissance
de la température effective de l'étoile, d'avoir accès à la masse et au rayon de chaque étoile, et par-là, à
sa luminosité et à sa distance. Obtenir la masse et le rayon d'une étoile n'était jusqu'alors possible que
si elle se trouvait dans un système binaire à éclipse : c'était inimaginable pour une étoile isolée. Avec
la sismologie, nous l'avons fait sans aucune intervention de modèles théoriques ... et pour 900 étoiles
isolées...» précise Josefina Montalban.
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Poursuivons l'aventure... Ce grand nombre de données a permis de surcroît une étude statistique qui a ensuite
pu être comparée aux prédictions des modèles d'évolution stellaire et de synthèse de populations stellaires.
Ces derniers prédisent, a un âge donné de la Galaxie, le nombre d'étoiles et leur luminosité, en fonction
de leur masse et de leur position dans la Galaxie. « La similitude entre les observations et les simulations
est extraordinaire, s'émerveille l'astrophysicienne. De plus, grâce aux distances, nous pouvons construire une
structure tridimensionnelle de la Galaxie. Et ce n'est pas tout. Nous avons ainsi pu montrer que la plupart des
géantes rouges observées avec CoRoT correspondaient à des étoiles du «red clump», un sous-groupe de
géantes rouges caractérisées par une luminosité identique. Ainsi, sans rien connaître de ces étoiles, si ce
n'est leur sismologie, il a été possible de les identifier. C'est la grosse découverte de CoRoT... et elle a été
faite à partir de données considérées comme un sous-produit de la mission. »
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La mission CoRoT à fait entrer les géantes rouges dans la cour des grandes en révélant que non seulement il
est possible d'étudier leur sismologie, mais en plus que celle-ci donne accès à des informations qui dépassent
largement le cadre de l'évolution stellaire : indicateur de distance, modèles de synthèse et de dynamique
stellaire, modèle de formation et d'évolution stellaire de la Galaxie, structure 3D de la Galaxie, etc. Et pour peu
qu'on puisse associer à la sismologie des données spectroscopiques, c'est la porte ouverte à la distribution
3D de la composition chimique de la Galaxie.
Coeur dense et enveloppe diluée
Succédant a CoRoT, une nouvelle mission spatiale a été conçue, avec un télescope d'une nouvelle génération.
Lancé en 2009, le satellite américain Kepler a pour but principal la détection de planètes autour d'étoiles
de notre Galaxie... mais il observe aussi des milliers de géantes rouges qui sont à nouveau exploitées par
des astérosismologues, grâce au consortium KASC (Kepler Asteroseismic Science Consortiumat). Ce groupe
rassemble plusieurs centaines d'astrophysiciens du monde entier qui étudient la variabilité stellaire d'étoiles
de différents types à partir de données photométriques de Kepler.
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« Nous avons appliqué notre expérience acquise avec Corot aux données recueillies par Kepler,» explique
Josefina Montalban. Une nouvelle découverte est venue surprendre les chercheurs : la détection des modes
mixtes prédits par la théorie. En effet, une géante rouge se distingue d'une étoile de type solaire par un
grand contraste en densité entre son coeur très dense et son enveloppe très diluée. Dans l'enveloppe, ces
oscillations se comportent comme des ondes acoustiques : la force de rappel est le gradient de pression.
Lorsque la même onde arrive dans le coeur, elle se comporte comme une onde de gravité : la force de rappel
est la poussée d'Archimède.
«Avec le professeur Marc-Antoine Dupret, du groupe d'astrophysique stellaire et d'astérosismologie du
département d'AGO, nous avions prédit l'existence de ces modes mixtes et même la possibilité de les observer,
reprend l'astrophysicienne. Avec Kepler, ils ont pu être détectés. Ce résultat donne lieu à une publication dans
Science( 1) et une autre dans Nature (2). L'intérêt pour les modes mixtes est évident : les fréquences des
modes mixtes nous informent non seulement sur l'enveloppe des géantes rouges mais aussi sur les régions
centrales. Or, dans une géante rouge, le coeur représente 1/10.000 du rayon total. Il est minuscule par rapport
à l'immense enveloppe qui l'entoure.»
Les observations des modes mixtes permettent également de distinguer entre une étoile qui brûle l'hélium
dans son coeur et une autre qui en est encore à brûler l'hydrogène en couche. L'astérosismologie permet
donc également de distinguer deux étoiles qui ont même masse et même rayon... et qui ont pourtant des
comportements très différents à l'intérieur. L'une brûle l'hydrogène et l'autre a déjà passé le flash de l'hélium
et brûle l'hélium. « Nous avons été les premiers surpris par cette succession de résultats tant avec CoRoT
qu'avec maintenant Kepler, confie la chercheuse. C'était tout simplement inimaginable. »
(1) Timothy R. Bedding et al., Gravity modes as a way to distinguish between hydrogen- and helium-burning red giant stars, Nature 471, 608-611 (31 March
2011).
(2) P. G. Beck et al., Kepler Detected Gravity-Mode Period Spacings in a Red Giant Star, Science (2011).
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(1) Timothy R. Bedding et al., Gravity modes as a way to distinguish between hydrogen- and helium-burning red giant stars, Nature 471, 608-611 (31
March 2011).
(2) P. G. Beck et al., Kepler Detected Gravity-Mode Period Spacings in a Red Giant Star, Science (2011).
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