Voyage au coeur des étoiles

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Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
Voyage au coeur des étoiles
06/05/07
Lancé l'an dernier, le satellite CoRoT vient de livrer ses premières données. Sa mission : permettre l'étude
du centre des étoiles et découvrir de nouvelles planètes en dehors de notre système solaire et, pourquoi pas,
d'autres terres habitables.
Les étoiles sont les briques de base qui structurent l'Univers. Comprendre les mécanismes qui font battre leur
cœur est donc essentiel à notre connaissance du cosmos. Pourtant, les intérieurs stellaires restent mystérieux :
des modèles théoriques existent mais les observations réalisées jusqu'à ce jour ne renseignent que sur la toute
fine couche superficielle des étoiles, appelée photosphère. Les profondeurs stellaires restent non sondées.
C'est dans l'espoir de combler cette lacune que l'Agence Spatiale Française (CNES) a lancé au début
des années nonante le projet CoRoT (COnvection ROtation and planetary Transits). Elle a été très vite
rejointe dans l'aventure par de nombreux partenaires internationaux dont la Belgique, l'Allemagne, l'Autriche,
l'Espagne, le Brésil et l'Agence Spatiale Européenne (ESA). Le projet était à l'époque entièrement dédié à
l'astérosismologie observationnelle. De quoi s'agit-il ? Une étoile ressemble à un cœur qui bat. Sa surface est
animée en permanence d'un mouvement de vibration qui dépend de ce qu'elle a dans les tripes… de la même
manière que les tremblements de terre nous renseignent sur les conditions physiques qui règnent à l'intérieur
de notre planète. Ainsi, l'observation de ces ondulations à la surface des étoiles est une porte ouverte sur
la physique stellaire.
Une variation infime
Sur le plan observationnel, les vibrations d'une étoile se traduisent par une variabilité périodique de son
éclat. Cependant, l'amplitude de cette variabilité lumineuse est tellement infime que les mesures doivent être
précises au millionième près. La seule manière d'atteindre cette précision est de collecter un maximum de
lumière en provenance des étoiles à scruter et donc d'augmenter la durée de leur observation en continu. Cet
objectif est difficile à réaliser avec un télescope cloué au sol car les données, déjà polluées par l'atmosphère,
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sont hachées au rythme du cycle jour-nuit et de la météo. Par contre, des périodes d'observation allant jusqu'à
150 jours sans interruption sont envisageables avec un télescope spatial.
La mission CoRoT dispose d'un tel télescope lancé le 27 décembre 2006 depuis la base de Baïkonour
et placé sur une orbite à près de 900 kilomètres au-dessus de nos têtes. Au programme : deux phases
exploratoires de 30 à 60 jours chacune, suivies de cinq phases centrales de 150 jours chacune alternant
avec des phases courtes de 20 jours environ. Durant ses deux ans et demi de fonctionnement (espérons
plus),
le satellite CoRoT mesurera pour
des dizaines d'étoiles les faibles variations d'éclat induites par leur physique interne et devrait ainsi ouvrir
l'accès à leur coeur.
Les variations d'éclat à mesurer étant infimes, il importe non seulement que le télescope tourne en permanence
le dos au Soleil, mais également que ses détecteurs soient protégés de toute lumière parasite, principalement
d'origine terrestre. La relative proximité de CoRoT vis-à-vis de notre planète et la longue durée des
observations continues qu'il effectuera ont été de véritables défis technologiques pour les concepteurs du
satellite. Ils ont été relevés par Centre Spatial de Liège qui a mis au point le baffle optique qui offre une
protection optimale aux instruments.
Premiers résultats
En mai 2007, CoRoT livrait déjà un jeu de données sismologiques issu de la première phase exploratoire.
Elles concernent une étoile de type solaire. Du point de vue de l'astrophysique, elles n'apportent rien de
révolutionnaire : on retrouve une gamme de fréquences de vibration analogues à celles de notre Soleil. C'est
sur le plan technique que ces résultats se distinguent : une précision inférieure au millionième est atteinte, ce
qui est déjà supérieur aux prévisions… alors que ces données ont été prises sur 60 jours seulement et n'ont
pas encore été entièrement traitées. Les astrophysiciens espèrent encore gagner un facteur 10 en précision
avec des observations sur 150 jours d'affilée et complètement corrigées.
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Dans les prochains mois, les arrivées de données nouvelles devraient se succéder. Lorsqu'elles auront été
complètement nettoyées des bruits parasites, l'équipe liégeoise qui entoure le Professeur Arlette Noels
participera activement à leur interprétation. Au total, les observations recueillies par CoRoT nécessiteront
plusieurs années de travail à notre équipe de théoriciens [1]… et à d'autres équipes belges dont celle du
professeur Conny Aerts de la KULeuven, en étroite collaboration au sein du Belgian Asteroseismology Group,
le BAG. Mais CoRoT n'est pas exclusivement dédié à l'astérosismologie…
Exomondes
Dès la fin des années nonante, la mission CoRoT s'est vue dotée d'un second volet. Cette époque-là voyait
en effet la découverte des premières planètes en orbite autour d'étoiles autres que notre Soleil. On les appelle
les exoplanètes. Les scientifiques comprenaient alors qu'en plus de sa vocation sismologique initiale, le
satellite CoRoT allait être capable de détecter un très grand nombre de ces exoplanètes par la méthode des
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transits.
Quel est le principe ?Lorsqu'une
planète orbitant autour de son étoile passe devant le disque stellaire de celle-ci, elle provoque une légère
éclipse partielle de son étoile et donc une infime baisse de sa luminosité apparente.
Nous avons pu observer ce phénomène dans le Système solaire, lors du transit de Mercure en 2003 et celui
de Vénus en 2004. Dans chacun des cas, la planète s'est interposée entre le Soleil et la Terre, donnant lieu
à la traversée d'un petit disque noir sur le disque solaire.
Les astronomes s'attendent à ce qu'une exoplanète fasse baisser la luminosité apparente de son étoile de 1%
si c'est une planète géante de type Jupiter ou de 0,01% dans le cas d'une petite Terre. Or, CoRoT a justement
été conçu pour mesurer les très faibles variations de luminosité. C'est donc naturellement que la recherche
d'exoplanètes est venue se greffer à la mission initiale de CoRoT.
Terres à l'horizon
Ce satellite sera le premier suffisamment sensible pour démasquer de petites planètes susceptibles d'abriter
la vie ailleurs dans l'Univers. En une dizaine d'années, les astronomes ont déjà découvert quelque deux cents
exoplanètes autour d'autres soleils, mais dans leurs filets, rien de semblable à notre bonne vieille Terre ou
même aux planètes du Système solaire : ce sont majoritairement des Jupiters chauds, autrement dit de grosses
planètes gazeuses gravitant très près de leur étoile.
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Il ne faudrait cependant pas conclure à la singularité de notre Système solaire : les technologies utilisées
jusqu'à présent ne permettaient de détecter que des exoplanètes qui induisaient des effets observables
importants, ce que sont les Jupiters chauds. Pour espérer repérer des exoterres, il fallait des instruments plus
puissants et spatiaux. Bref, il fallait CoRoT.
Les observations concernant la première exoplanète, décelée lors de la première phase exploratoire de
CoRoT, ont été rendues publiques au mois de mai… Pas de chance : ce n'est pas une Terre. C'est une géante
de type Jupiter, d'une masse équivalente à 1,3 fois celle de Jupiter et dont le rayon vaut 1,78 fois celui de
Jupiter. L'étoile-hôte est une étoile de type solaire. Bref, rien de bien alléchant sur le plan de l'astrophysique.
Mais, à nouveau, la précision avec laquelle le transit de cette exoplanète a été observé est déjà supérieure
à celle prévue dans les spécifications techniques du satellite, alors que le traitement des données n'est pas
encore achevé. Pour le volet «exoplanètes» aussi, l'avenir s'annonce donc prometteur… et des chercheurs
liégeois [2] pourraient aussi bientôt faire partie des découvreurs.
Au total, CoRoT devrait découvrir des centaines, voire des milliers, d'exoplanètes. Cet accroissement
considérable de l'échantillon d'exoplanètes fournira des informations statistiques capitales sur la formation
des systèmes planétaires : quelle est la proportion d'étoiles entourées d'un système planétaire ? Y a-t-il une
corrélation entre les types d'exoplanètes gravitant autour d'une étoile et le type de celle-ci ? Etc.
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L'après-CoRoT
Parmi toutes ces exoplanètes, les astronomes espèrent bien en trouver quelques dizaines qui soient
«habitables», autrement dit des planètes rocheuses situées à une distance de leur étoile telle que le
développement de la vie est possible. Bien sûr, «habitables» ne signifie pas «habitées». Pour franchir cette
ultime étape dans la recherche de la vie extraterrestre, il faudra encore attendre ses successeurs, comme
Kepler et Darwin, qui fourniront des images spectroscopiques des atmosphères exoplanétaires afin d'y
détecter des traces de CO2, d'eau et d'ozone. Ces missions pourraient prendre leur envol d'ici un à deux ans
pour la mission Kepler et une bonne dizaine d'années pour la mission Darwin. En attendant, tous les regards
sont tournés vers CoRoT…
[1] Pierre-Olivier Bourge, Patrick Eggenberger, Mélanie Godart, Andrea Miglio, Josefina Montalban, Olga
Moreira, Arlette Noels, Richard Scuflaire, Sylvie Théado, Anne Thoul
[2] Michael Gillon, Pierre Magain
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