TECHNIQUE INSTRUMENTALE M. FESER1, S. SESHADRI1, Y. WANG1, W. YUN1 Traduction et adaptation : P. ROLLAND2 Cartographie élémentaire haute résolution en microscopie à balayage RÉSUMÉ L’imagerie en fluorescence X est une nouvelle méthode non destructive permettant d’obtenir des répartitions d’éléments avec une résolution inférieure à 100 nm et en des temps d’acquisition courts. Cette méthode présente un fort potentiel d’application dans le domaine de la fabrication des semi-conducteurs et d’analyse de leur fiabilité. L’imagerie des interconnexions de cuivre pour localiser les courts circuits et les interruptions est particulièrement intéressante en analyse des défauts et inspection en tant que contrôle non destructif. MOTS-CLÉS fluorescence X, imagerie, réseau zoné de Fresnel, semi-conducteur X-ray fluorescence imaging for high resolution elemental mapping SUMMARY X-ray fluorescence imaging is a novel non-destructive method to obtain sub-100nm spatial resolution elemental maps with short data acquisition times. The method has a wide range of applicability in the field of semiconductor manufacturing and semiconductor failure analysis. Imaging of copper interconnects on ICs for the location of voids and shorts is one particular application that is relevant for current and future needs of non-destructive inspection and failure analysis of backend processes. KEYWORDS Outils X ray flurorescence, imaging, Fresnel zone plate, semiconductor I - Introduction La fluorescence X est largement utilisée dans le domaine des semi-conducteurs pour caractériser les films minces. La mesure de l’épaisseur avec une précision nanométrique et la détermination de la composition des films est possible sur les appareils commerciaux disponibles sur le marché de l’instrumentation. Toutefois, il n’existe pas d’appareil pour visualiser ces paramètres avec une résolution spatiale élevée sur des échantillons massifs. La résolution spatiale est actuellement limitée, sur les instruments classiquement utilisés, par le volume de la zone excitée : elle peut être d’une taille de quelques dizaines 1 2 44 de microns pour une excitation par des rayons X ou de l’ordre du micron pour une excitation par des électrons. Des efforts sont faits pour diminuer la taille du spot d’excitation en diminuant la tension d’accélération des électrons (1), mais ceci limite l’analyse aux rayons X de très basse énergie et la résolution reste supérieure à 300 nm. Une autre approche pour améliorer la résolution consiste à réaliser des échantillons minces (de l’ordre de 100 nm) ce qui réduit le volume de diffusion. Toutefois, elle nécessite la préparation de films minces autoportants et ne peut être véritablement utilisée que dans le domaine de la recherche. Xradia - 5052 Commercial Circle - Concord, CA 94520 – Etats-Unis - http://xradia.com Alprimage - 11, rue de Savoie - 91940 Les Ulis – Tél. /Fax : 01 69 86 91 37 – Mobile : 06 84 56 09 92 - www.alprimage.com SPECTRA ANALYSE n° 251 • Septembre - Octobre 2006 Technique instrumentale Cartographie élémentaire haute résolution en microscopie à balayage II - Imagerie par réseau zoné de Fresnel Figure 1 Schéma montrant le principe d’un réseau de Fresnel. Les rayons X passent par les zones ouvertes et sont en interférence constructive au point focal. La résolution spatiale est pratiquement égale à la distance ∆Rn de l’ouverture la plus externe Pour atteindre des résolutions inférieures à 100 nm dans le domaine de l’analyse en fluorescence X, il faut disposer d’un système d’imagerie dont la résolution propre est très inférieure à la taille du spot d’excitation. Ceci peut être réalisé en utilisant un réseau zoné de Fresnel comme système optique. Dans ce cas, un faisceau d’électrons de diamètre plus large peut-être utilisé, sans compromettre la résolution du système d’imagerie et en préservant tous les avantages de l’imagerie en fluorescence X comme une très grande sensibilité aux faibles concentrations d’éléments et la mesure quantitative des films fins. Figure 2 Vue au MEB d’un réseau zoné de Fresnel en or fabriqué par Xradia Inc. L’espace entre les colonnes externes est de 100 nm et la hauteur du réseau de 1600 nm. Le système d’imagerie décrit ci-dessous peut être utilisé sur un microscope électronique à balayage (MEB) ou sur un système de fluorescence X. Sur un MEB, son utilisation est similaire à celle d’un système de microanalyse en dispersion d’énergie (EDS) ou de longueur d’onde (WDS). Le système d’imagerie de cet instrument est basé sur une lentille de haute résolution ou réseau zoné de Fresnel. Un réseau zoné est un système optique qui a la forme d’un réseau circulaire (figure 1) qui diffracte le rayonnement transmis. Il consiste en une série d’anneaux concentriques faits de métal et de vide. Le support de ce réseau est constitué d’une membrane très mince qui absorbe très peu les rayons X. L’épaisseur de la partie métallique est choisie pour absorber (réseau absorbant) ou pour réaliser un déphasage de 180 degrés (réseau en phase). L’utilisation des réseaux de Fresnel dans le domaine de l’imagerie X est bien établie et la théorie des réseaux zonés de Fresnel est bien comprise (2, 3). Leur résolution a été constamment améliorée et se trouve directement liée avec les améliorations de la technologie de nanofabrication. Une résolution inférieure à 20 nm a déjà été démontrée (4) et des avancées sont encore attendues. Si la diffraction de premier ordre est arrêtée en utilisant un masque central, le système fonctionne essentiellement comme une lentille mince et suit l’Equation 1. 1 1 1 + = i o f' où i et o sont les distances respectivement à l’objet et à la l’image et f la distance focale. L’agrandissement géométrique M est alors donné par l’Equation 2. M= Figure 3 Schéma montrant la nature chromatique d’un réseau zoné de Fresnel. A) le réseau focalise la longueur d’onde λ0 . B) le réseau est approché de la source de telle façon que la longueur d’onde λ1 soit focalisée. On note que dans l’un ou l’autre des cas une seule longueur d’onde est focalisée sur le détecteur. Equation 1 i o Equation 2 Une micrographie MEB d’un réseau zoné est présentée dans la Figure 2. Contrairement aux lentilles réfractives, les lentilles zonées sont hautement chromatiques et leur distance focale est inversement proportionnelle à la longueur d’onde de la radiation. L’utilisation d’un réseau zoné en imagerie de fluorescence X nécessite ainsi que le réseau respecte l’Equation 1 pour la longueur d’onde précise utilisée. Les autres longueurs d’onde ne sont pas focalisées. La Figure 3 illustre ceci pour deux longueurs d’onde λ1 > λ0 . Une zone obturée au centre est ajoutée pour disposer d’une zone libre de bruit de fond sur le détecteur. Les distances entre la source et le réseau (L1) et le détecteur (L2) sont ajustées pour réaliser l’image à la longueur d’onde désirée. Les deux longueurs d’onde peuvent être par exemple celles du cuivre et du silicium comme dans l’exemple décrit plus loin (voir III – Résultats expérimentaux et discussion). SPECTRA ANALYSE n° 251 • Septembre - Octobre 2006 45 TECHNIQUE INSTRUMENTALE Il est important de noter que la résolution spatiale de l’image sur le détecteur n’est pas limitée par la taille du spot d’excitation. En fait, on emploie généralement une taille de spot supérieure au champ visualisé pour avoir une vue globale. III - Implantation du système d’imagerie de rayons X Le système présenté dans cet article a été implanté sur une colonne standard d’une microsonde JEOL-8600. Le système a simplement utilisé un port de spectromètre de longueur d’onde disponible sans aucune modification de l’instrument. Il utilise l’angle d’émergence de 40 degrés standard sur ce MEB. La Figure 4 présente le système d’imagerie tel qu’il est installé sur le JEOL-8600. Le MEB apporte tous ses avantages dans cette installation car il permet de localiser le point d’intérêt à imager et de choisir les paramètres d’excitation. Dans ce cas, un microscope classique à filament de tungstène est recommandé pour pouvoir disposer d’un faisceau de courant intense. Ce niveau de courant n’est pas incompatible avec la résolution spatiale élevée car la résolution de la répartition des éléments est dans ce cas un paramètre intrinsèque du système d’imagerie et non pas de la taille de spot. Les paramètres typiques utilisés en imagerie de rayons X sont une tension d’accélération de 2 à 25kV, des courants de 50 nA à 5μA et des tailles de spot de quelques μm à 40 μm. Le système d’imagerie de rayons X est équipé d’une lentille de distance focale de 2 mm à 930 eV (longueur d’onde 1,33 nm) et d’une résolution de 50 nm fabriquée par Xradia Inc. Il est utilisé avec un grandissement x400 (à 930 eV). L’image de fluorescence est formée sur un détecteur CCD qui est efficace à quasiment 100% jusqu’à une énergie de 5 keV. Le système dispose d’ajustements pour aligner le système optique sur le faisceau et d’une motorisation de l’axe de focalisation pour sélectionner la longueur d’onde de différents éléments. Figure 5 Image de fluorescence X d’un réseau de cuivre. Les lignes ont 120 nm de large et des défauts inférieurs à 100 nm sont clairement visibles. Figure 6 Image d’un réseau de cuivre. La largeur des lignes varie de 60 à 70 nm. Figure 7 Image d’un circuit multicouche Cu. Les régions de Cu sont brillantes, les régions Si sombres. Les lignes de Cu ont une largeur de 250 nm. Figure 4 Photographie du système expérimental. La portion mise en évidence dans l’image est le système d’imagerie nanoXFi de Xradia installé sur une microsonde standard JEOL-8600 46 SPECTRA ANALYSE n° 251 • Septembre - Octobre 2006 Technique instrumentale Cartographie élémentaire haute résolution en microscopie à balayage IV - Résultats expérimentaux et discussion. Une utilisation spécifique du système d’imagerie est la visualisation haute résolution de défauts d’interconnections de cuivre. La résolution inférieure à 100 nm permet de détecter des ruptures et des courts circuits après le polissage chimique et mécanique. Cette perte de résolution se comprend très bien car l’image de répartition des éléments en EDS/ WDS est limitée par le volume d’émission dans l’échantillon. La résolution du système d’imagerie est déterminée par la résolution de la lentille zonée. La taille du spot fixe seulement la largeur du champ visualisé. Figure 8 Dans les exemples suivants, le système a été utilisé pour réaliser les images des raies de Cu Lα1 (930 eV) et Si Kα1 (1,74 KeV). En règle générale, le système fonctionne mieux pour les énergies inférieures à 5 kV. Ces conditions fournissent le meilleur rendement et le meilleur rapport pic sur fond. Pour démontrer la résolution spatiale, une structure de lignes de cuivre de largeurs variables et d’une épaisseur de 50 nm a été fabriquée. La Figure 5 montre l’image du cuivre dans une zone défectueuse (mise en évidence dans le cercle blanc). Elle présente des objets de cuivre de taille et de distribution variables. Le pas du réseau varie de 180 à 240 nm, des regroupements inférieurs à 100 nm sont clairement résolus. Le MEB était utilisé à 10 kV et une taille de spot de 8 μm, pour un courant de 0,5 μA. La taille de pixel est de 30 nm. Le temps de pause était de 10 minutes. Pendant l’acquisition de l’image, une légère dérive de l’image électronique a été observée, mais étant donné la nature du procédé utilisé pour acquérir l’image, cette dérive n’affecte pas la résolution de l’image en fluorescence X. La Figure 6 montre une région où les lignes du réseau sont encore plus fines. Les conditions expérimentales sont les mêmes que précédemment. Le pas du réseau varie de 120 à 140 nm. Ensuite, le réseau de cuivre a été remplacé par un échantillon multicouche. Les conditions étaient les suivantes : tension 25 kV, courant 0,4 μA. La Figure 7 présente l’image de fluorescence de la raie Cu Lα. La Figure 8 montre un agrandissement de la zone mise en évidence dans la Figure 7. Dans les Figures 7 et 8, trois couches de cuivre peuvent être vues. Le nombre de couches visibles dépend de la tension d’accélération des électrons qui détermine le volume d’émission des rayons X. Pour la raie Cu Lα, profondeur d’émission maximale est de 1,5 μm et se trouve limitée par l’absorption de cette raie dans l’échantillon. La valeur exacte dépend de la structure spécifique de l’échantillon. Pour avoir une information plus profonde que 2 μm, il faut à la fois appliquer une tension supérieure et choisir de réaliser l’image avec les raies Cu Kα. La résolution spatiale obtenue peut être comparée à la résolution obtenue en utilisant le système EDS ou WDS. Pour ce faire, une image a été calculée en supposant une résolution spatiale de 1 μm pour une tension de 10 à 25 kV. La convolution de la Figure 7 est présentée dans la Figure 9. L’information fine disponible dans la Figure 7 est complètement absente dans la Figure 9. Zone agrandie de la zone mise en évidence dans la Figure 7. Figure 9 Convolution de la Figure 7 avec une résolution de 1.0 μm et une taille de pixel de 0.5 μm. Figure 10 Image de la même région que celle présentée sur la Figure 7 en utilisant la raie Si Kα Ici les zones riches en Si apparaissent en clair car les zones de cuivre absorbent les rayons X produits par le silicium. SPECTRA ANALYSE n° 251 • Septembre - Octobre 2006 47 TECHNIQUE INSTRUMENTALE En prenant le même échantillon, le système d’imagerie a été réglé sur la raie Si Kα à 1,74keV. Dans ce mode, le constituant principal de l’échantillon, le silicium, a été visualisé. Etant donné que les rayons X générés par Si sont absorbés par les lignes de cuivre, cette image est décrite comme une image en rétro éclairage. Le résultat présenté dans la Figure 10 (voir page précédente) est exactement le même que celui obtenu en direct dans la Figure 7, les conditions opératoires sont également les mêmes. V - Conclusion et perspectives Ces résultats expérimentaux montrent les performances d’un système d’imagerie en fluorescence X en termes de résolution spatiale comparée à une cartographie par un système EDS/WDS. Il est important de remarquer que le gain de résolution spatiale est d’une décade. Autre caractéristique essentielle : cette technique d’imagerie non destructive peut être appliquée un échantillon massif tel qu’un wafer entier. Cette résolution ouvre un nouveau domaine d’application dans les domaines de l’industrie des semi-conducteurs et de la nanotechnologie : la distribution élémentaire avec une résolution meilleure que 100 nm de films minces structurés de toutes sortes. Au-delà de l’imagerie des interconnexions de cuivre présentée dans cet article, cette technologie ouvre de nouvelles possibilités dans la visualisation des films minces et leur taux de couverture, la répartition des contaminants et plus globalement tout autre type d’application nécessitant une résolution meilleure que 100 nm. Des couches multiples peuvent être facilement observées et l’utilisation d’une calibration appropriée permet d’obtenir des informations de profondeur non accessibles par les techniques conventionnelles. Les temps d’acquisition sont le plus souvent de l’ordre de quelques minutes alors qu’en comparaison les techniques traditionnelles nécessitent plusieurs heures. Des cartes spécifiques de chaque élément peuvent être obtenues une par une et ensuite superposées afin d’obtenir une vue complète de la distribution des éléments sélectionnés dans l’échantillon. L’intégration d’un tel système sur une colonne de MEB est particulièrement intéressante car elle rend inutile l’investissement dans un système dédié dispendieux. Les progrès dans le domaine de la fabrication des lentilles zonées pousseront encore les limites de résolution vers des objets de plus en plus petits, comme ceux prévus sur les « Roadmap » de l’industrie des semiconducteurs (voir à ce sujet le site de www.itrs.net). Ces progrès devrait donc contribuer à positionner l’imagerie de fluorescence X comme une technique essentielle pour la métrologie de fabrication et l’analyse de défauts. BIBLIOGRAPHIE (1) SPARKS C. J., “X-Ray Fluorescence Microprobe for Chemical Analysis.” Synchrotron Radiation Research, H. Winick &S. Doniach, Eds., Plenum, New York, 1980, pp. 459-512. (2) SPILLER E., Soft X-Ray Optics, SPIE, Washington, 1994, 81-97. (3) ERKO, A. I. et al, Diffraction X-Ray Optics, IOP Publishing, Philadelphia, 1996, 16-43. (4) CHAO, W. et al, “Soft X-ray Microscopy at a spatial resolution better than 15nm,” Nature, 2005, 435, 1210-1213. 48 SPECTRA ANALYSE n° 251 • Septembre - Octobre 2006