Comment concrètement, se fera cette « différenciation », cette adaptation, sinon par un
alignement sur les programmes, selon les critères fixés par les profils de sortie qui
déterminent nos étudiants en clientèle et les catégorisent en fonction des besoins d’un
marché sans cesse en mouvement et de plus en plus violent (concurrentiel)?
La volonté actuelle du ministre Blais de « ne pas former de chômeurs » (propos tenus
par son attachée politique Caroline Trottier lors de notre rencontre mi-mai) est certes
louable.
On peut toutefois poser alors une question toute bête : le maintien de la philosophie
comme discipline commune et obligatoire, en quoi favoriserait-il la formation de
chômeurs? Il y a ici un préjugé si tenace que même ceux qui se déclarent en faveur de
la philosophie collégiale et qui s’en proclament les défenseurs semblent le reprendre tel
quel, sans discussion…
Il s’agit plutôt, en fonction d’objectifs repensés, d’enrichir l’offre en la modulant, de créer
des partenariats, de donner à la philosophie son plein potentiel d’interpellation des
disciplines présentes dans les programmes. Il s’agit de sortir de cette forteresse où nous
sommes liés et de nous ouvrir à la demande de philosophie qui s’exprime partout, dit
Georges Leroux par exemple dans un ouvrage qui vient de paraître… (329, mais aussi
346)
Dans ce discours convenu autour de notre soi-disant obsolescence et de notre
prétendu enfermement, de notre manque d’adaptabilité alléguée, de notre rigidité
supposée, se manifeste l’idéologie de notre époque et se manifeste aussi sa forme de
pouvoir (Virilio parle de la dromocratie, de dromos, la course), qui s’exerce sur notre
société, via la mise au pas de son principal lieu de reproduction, l’école.
Ce qui est visé, outre cette mise au pas administrative de la philosophie, qui pourra
enfin être intégrée aux programmes, c’est le gommage du sens du mouvement :
en premier lieu son sens « politique », soit comme sens de l’exercice du pouvoir;
en second lieu son sens « ontologique » si l’on veut, comme possibilité même de le
nommer et de le comprendre comme déterminant de notre époque, et donc, de pouvoir
dire si cela est en effet désirable, si cette vitesse ne nous emmène pas aveuglément
dans un mur ou un abîme; aussi de pouvoir mettre en évidence ce mouvement comme
ayant une histoire qui concerne tout le monde et qui l’a rendu possible;
en troisième lieu son sens « éthique » comme ce qui pose les limites concrètes de notre
agir (les manifestations de 2012, comme prises de la rue, comme ce qui a limité le
mouvement – des personnes et des véhicules – en sont l’expression concrète. Les
règlement adoptés à cette occasion par la ville de Montréal, qui exige notamment que
soit connu le trajet de la manifestation, manière de contrôlé cet autre mouvement,
celui de la foule, montre que le mouvement et la vitesse sont un enjeu majeur de notre
époque, comme l’avait compris Paul Virilio).
Bref, le mouvement (le changement si vous voulez), c’est juste, c’est vrai, c’est bien et
donc il faut s’y adapter. Tout ce qui y fait obstacle est considéré comme injuste, d’où le
recours à l’argument du choix de l’étudiant dans les divers rapports et avis
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