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« Ça, c’est philosophique ». Une rencontre avec un
maître, un maître étant un être au contact duquel on se
sent redressé, on a envie de se redresser en découvrant
ce que peut être la droiture intérieure. Notre propre
intériorité peut aussi nous révéler la philosophie. Nous
avons soif de plénitude sans le savoir. Nous mourons
sans le savoir faute de plénitude. Jusqu’à ce que dans la
grisaille du monde soudain quelque chose vienne
déchirer cette grisaille et cette mort pour étancher
notre soif avec la fraîcheur de l’eau et de l’ombre dans
une oasis en plein désert.
Une pensée, c’est un climat, une atmosphère, un
milieu, comme le dit Vladimir Jankélévitch. Comme
l’air que l’on respire, une pensée permet de vivre. Un
être vivant vit non pas simplement quand il respire
dans la vie mais quand il respire la vie, celle-ci
respirant à travers lui. Un être pensant pense non pas
simplement quand il respire dans la pensée mais
quand celle-ci respire à travers lui parce qu’il respire
la pensée. En philosophie, un livre qui nous frappe
apprend à respirer dans la pensée parce qu’il respire la
pensée. Pour parvenir à un tel stade, il faut travailler.
C’est ce que fait tout vrai philosophe. Un philosophe
est un travailleur. Il travaille ses pensées en se
donnant une pensée et en revenant sur celle-ci pour se
laisser travailler et habiter par elle.
En 1785, quand Kant propose sa première version
de La critique de la raison pure celui-ci pose la
question de fond de la philosophie moderne. Où est la