C H A P I T R E 3 L'astronomie et l'astrophysique au Canada aujourd'hui L'astronomie moderne est véritablement une entreprise internationale dans laquelle les Canadiens ont joué des rôles exceptionnels et bien définis. En 2000, les astronomes canadiens constituent une communauté de chercheurs certes peu nombreuse, mais jouissant d'un grand prestige scientifique international. Au cours des trois dernières décennies, nos réalisations et innovations ont été impressionnantes, reconnues par nos pairs du monde entier. Mentionnons quelques faits saillants : notre influence sur la conception, l'utilisation scientifique et la technologie des télescopes jumeaux Gemini de 8 mètres, du TCFH de 3,6 mètres et du TJCM de 15 mètres; notre leadership dans d'importants projets de collaboration comme le Canadian Network for Observational Cosmology (CNOC), le Canada-France-Redshift Survey (CFRS), le Relevé canadien du plan galactique (RCPG); nos capacités d'archivage des bases de données cruciales du HST et d'autres sources, grâce au CCDA; notre proéminence en astrophysique théorique, grâce à l’ICAT. Par ailleurs, ces succès ne doivent pas masquer le fait qu’il manque à l'astronomie canadienne plusieurs des installations stratégiques majeures dont profitent nos partenaires internationaux. En effet, par rapport aux astronomes des autres nations industrialisées, les astronomes canadiens ont, en 2000, un accès limité aux observatoires spatiaux, ils disposent de peu de moyens pour former des constructeurs d'instruments et fabriquer de petits instruments pour les futurs observatoires. Leur niveau de financement est anormalement faible et tout à fait insuffisant pour assurer leur participation aux projets des grands observatoires mondiaux qui domineront l'astro-nomie au cours des prochaines décennies. Dans le présent chapitre, nous décrivons en détail l'état actuel de l'astronomie au Canada : nos installations, les réalisations de nos astronomes avec celles-ci, et notre succès dans la formation de nouvelles générations de scientifiques et de techniciens qualifiés. 31 L'ASTRONOMIE ET L'ASTROPHYSIQUE AU CANADA AUJOURD'HUI 3.1 Les observatoires internationaux Les Canadiens travaillent dans des observatoires internationaux érigés sur quelques-uns des meilleurs sites d'observation au monde. Le temps d'observation, dans ces installations de premier plan, s'obtient sur présentation de demandes par les astronomes des pays participants, ces demandes étant évaluées par voie de concours. Dans la plupart des cas, le facteur de surdemande (c'est-à-dire le nombre de nuits d'observation demandées chaque semestre, divisé par le nombre de nuits d'observation disponibles) est en moyenne de 3 pour 1, mais peut atteindre 10 pour 1 à certaines époques, lorsque la visibilité de certains objets importants pour la recherche est optimale. Le télescope CFH Le télescope Canada-France-Hawaii (TCFH) est un instrument optique/infrarouge de 3,6 mètres, sis sur une crête dominant le Mauna Kea, le plus grand des pics volca-niques inactifs de la « grande île » de l'archipel Hawaii, à une altitude de plus de 4 000 mètres. Ce télescope est exploité conjointement par le Canada (42,5 %), la France (42,5 %) et l'Université d'Hawaii (15 %). Depuis sa mise en service en 1979, le TCFH a été le vaisseau amiral de l'astronomie canadienne, et l'un des principaux laboratoires de toute la science canadienne. Le sommet du Mauna Kea culmine au-dessus de près de la moitié de l'atmosphère de la Terre, et il est entouré de tous les côtés par l'océan Pacifique. La qualité de ce site pour l'observation astronomique (le nombre de nuits dégagées, la noirceur du ciel nocturne, et particulièrement la netteté ou la « qualité visuelle » des images des étoiles) est sans égale n'importe où sur la Terre. Le TCFH fonctionne dans les régions visible et proche infrarouge du spectre. Ses caméras Le dôme du télescope CanadaFrance-Hawaii culmine à 4 000 mètres, au sommet du Mauna Kea, sur la « grande île » d'Hawaii. CFHT Corporation. Photographie gracieuseté de Jean-Charles Cuillandre, TCFH et spectrographes numériques – tous construits par les laboratoires partenaires au Canada, en France et à Hawaii – s’améliorent continuellement et sont à la fine pointe des progrès technologiques dans le domaine des détecteurs et de la conception des instruments. Les astronomes canadiens ont accès au TCFH environ 150 nuits par année. Parmi les grandes réalisations des équipes canadiennes avec ce télescope, mentionnons les sui-vantes : 32 L'ASTRONOMIE ET L'ASTROPHYSIQUE AU CANADA AUJOURD'HUI (1) L'utilisation avant-gardiste de techniques permettant de mesurer la vitesse des étoiles proches avec une précision plus grande que ce qui avait été obtenue auparavant (une décennie avant les autres équipes, qui utilisent maintenant ces mêmes techniques pour trouver des planètes autour des étoiles proches). (2) La première preuve observationnelle manifeste que les trous noirs supermassifs sont monnaie courante au centre des grandes galaxies. (3) L'étude des vieilles populations stellaires et des systèmes d'amas globulaires dans la Voie lactée et les autres galaxies proches, ce qui a permis de comprendre les méca-nismes qui étaient à l’œuvre au début de la formation galactique. (4) L'étude du décalage vers le rouge des galaxies, qui a démontré que la population galactique évolue avec le temps à l'échelle cosmique. Ce résultat signifie que le rythme de formation des étoiles a été beaucoup plus intense dans le passé. (5) La preuve d'une « faible » densité cosmologique de matières dans l'espace, Ωo = 0,3, établie à partir de la mesure du mouvement des galaxies dans de grands amas. Un autre apport important du TCFH à l'astronomie mondiale aura été son influence sur la conception des télescopes et sur la qualité des images. Les astronomes ont en effet démontré, à l’aide du TCFH, qu'il était possible d'obtenir des images d'une très grande qualité avec un gros télescope au sol. Cela a été possible grâce à l'utilisation de nouvelles caméras à optique adaptative. Aujourd'hui, tous les nouveaux télescopes au sol incorporent ces mêmes techniques pour contrôler la qualité des images, y compris la nouvelle génération des télescopes optiques/infrarouges de 8 mètres. L'innovation instrumentale sur le TCFH se poursuit. Dans le proche infrarouge, on utilise régulièrement une caméra à optique adaptative, construite conjointement par le Canada et la France, et dont la qualité des images est égale à celle offerte par le télescope spatial Hubble pour de petits champs de vision. La principale mission du TCFH, pour la première moitié de la prochaine décennie, sera l'utilisation de nouvelles caméras (Megaprime, WIRCAM) qui offriront un grand champ de vision, inégalé dans le monde, avec une qualité d'image élevée. Les astronomes canadiens continueront d'employer les spectrographes optiques du télescope pour étudier avec précision les propriétés des étoiles à une résolution extrêmement élevée, ainsi que plusieurs aspects importants de la physique des étoiles, y compris leurs oscillations, leurs champs magnétiques et les vents stellaires. Gemini Le projet Gemini consiste en deux nouveaux télescopes, équipés chacun d'un miroir d'un diamètre de 8 mètres. Il s’agit des installations les plus récentes et, sans conteste, les plus prioritaires pour l'astronomie optique/infrarouge canadienne au cours des prochaines années. Le premier se trouve au sommet du Mauna Kea, et le second au sommet du Cerro Pachon, dans le nord du Chili. Ces deux télescopes permettront aux Canadiens d'étudier tout le ciel, y compris les objets de l'hémisphère sud qui ne peuvent être observés à l'aide du TCFH ou de Gemini Nord. Le Canada détient une part de 14,2 % dans Gemini, ce qui en fait le troisième partenaire en importance dans ce projet, derrière les États-Unis (49,5 %) et le Royaume-Uni (23,7 %). L'Australie, l'Argentine, le Brésil et le Chili détiennent des parts moindres dans ce projet. La part combinée du Canada, pour les deux télescopes, représente environ 90 nuits d'observation par année. 33 L'ASTRONOMIE ET L'ASTROPHYSIQUE AU CANADA AUJOURD'HUI Parmi les télescopes de la classe des 8 mètres actuellement en construction ou en exploitation, le projet Gemini est exceptionnel car on a cherché, dès sa conception initiale, à obtenir une qualité d'image maximale pour une installation au sol. La cons-truction de Gemini Nord, sur le Mauna Kea, est maintenant terminée et on procède actuellement à sa mise en service. Gemini Sud entrera en service au milieu de l'an 2000. L'utilisation scientifique des deux télescopes devrait débuter progressivement pour atteindre son rythme de croisière vers 2005, à mesure que les instruments seront mis en place. Les miroirs primaires des deux télescopes Gemini sont d'une qualité exceptionnelle, et ils sont parmi les plus précis jamais fabriqués. Par exemple, la surface du miroir de Gemini Nord présente une précision de 15 nanomètres (c'est comme si tout l'océan Atlantique n'avait que des vagues de 1 centimètre de hauteur!). Avec les télescopes Gemini, on s’attend à faire des percées scientifiques majeures surtout dans le proche infrarouge, entre 1 et 5 microns, région du spectre qui est beaucoup moins exploitée que la plage optique. Les télescopes Gemini sont conçus pour travailler avec des champs de vision étroits à moyens, à une grande résolution spatiale. Avec leur surface collectrice de lumière beaucoup plus grande et leur qualité d'image supérieure, on prévoit que les télescopes Gemini offriront une performance accrue d'un facteur de 10 au moins par rapport aux télescopes de la classe des 4 mètres. Par l'intermédiaire du CNRC, le Canada conçoit actuellement deux spectrographes multiobjets, ainsi qu'un système d’optique adaptative pour les télescopes Gemini. Le dôme du télescope Gemini Nord, vu du sommet du Mauna Kea, est la dernière recrue de l'astronomie optique et infrarouge canadienne. Ce télescope de 8 mètres permettra de réaliser de nouvelles études, plus détaillées, des nébuleuses où se forment les étoiles, dans la Voie lactée, et donnera des images des galaxies lointaines avec une finesse de détail sans précédent. Entre les mains des astronomes canadiens, les télescopes Gemini seront des instruments puissants, leur permettant de sonder profondément le cosmos et d'étudier de nombreuses questions : le nombre et l'âge des étoiles faiblement lumineuses au sein de notre Voie lactée; les sites de formation d'étoiles et les caractéristiques physiques des protoétoiles; le mouvement interne et la dynamique des disques protostellaires; la composition chimique des étoiles anciennes, et donc l'état du gaz primordial dans les galaxies; la répartition spatiale, la taille et la luminosité des galaxies fortement décalées vers le rouge dans l'univers encore jeune. Image tirée de la Galerie de photographies du site Web Gemini, Bureau canadien de Gemini Le télescope JCM Le télescope James Clerk Maxwell (TJCM), également sis au sommet du Mauna Kea, est le plus grand des radiotélescopes de la génération actuelle conçus pour fonctionner aux longueurs d’onde submillimétriques (0,3 à 1,3 mm, c'est-à-dire à la partie supérieure des fréquences radio). Le diamètre de son miroir primaire est de 15 mètres. Le TJCM a été construit conjointement par les deux grands partenaires de ce projet, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, et il est financé par ces deux pays et par le Canada. Le Canada y est partenaire à raison de 25 % depuis la mise en service du télescope en 1987. La région submillimétrique du spectre électromagnétique est comprise entre l'infrarouge lointain et les micro-ondes. Il y a une dizaine d'années, les longueurs d’onde submillimétriques et millimétriques comptaient parmi les rares régions du spectre qui n'avaient pas encore été bien étudiées par les astronomes, en raison des conditions d'observation spéciales et des 34 L'ASTRONOMIE ET L'ASTROPHYSIQUE AU CANADA AUJOURD'HUI instruments particuliers requis pour ces travaux. Ces régions du spectre constituent cependant des « fenêtres » importantes sur l'univers, car c’est à ces longueurs d’onde que l’on peut obtenir des informations cruciales sur les objets « tièdes », dont les planètes, les disques protostellaires et les nuages moléculaires dans lesquels les nouvelles étoiles se forment. En outre, les objets situés à des distances cosmologiques, comme les galaxies les plus lointaines ou les quasars, s'éloignent de nous à une vitesse tellement élevée que la majeure partie de la lumière qu'ils émettent est décalée vers le rouge jusque dans la région submillimétrique. C'est pourquoi les capacités du TJCM se prêtent extrêmement bien à l'étude de la formation des étoiles et des galaxies. Le TJCM est équipé d'une batterie de détecteurs conçus pour déceler les raies spectrales étroites, caractéristiques des molécules de gaz tièdes dans l'espace. Ces spectres contiennent de l'information sur la composition chimique, la température, la densité et le déplacement des nuages de gaz qui émettent ce rayonnement. Un autre type de détecteur, appelé SCUBA, mesure la quantité de rayonnement qui provient de larges segments du spectre. Ces mesures sont des indicateurs très sensibles de la quantité de poussières interstellaires tièdes à l'intérieur de ces nuages, donnée importante pour déterminer la quantité totale de gaz et la température des nuages. Les Canadiens ont effectué des travaux de première importance avec le TJCM, qu'il s'agisse d'études sur notre système solaire, de la cartographie des complexes de nuages de gaz où se forment les étoiles dans notre propre Voie lactée, ou encore de la compréhension d'aspects importants et nouveaux de la formation des galaxies dans l'univers. Voici quelques exemples représentatifs de découvertes récentes faites par les astronomes canadiens : (1) Les premières images de grande qualité (prises par le détecteur SCUBA) d'un filament poussiéreux remarquable, dans le nuage moléculaire d'Orion, dont la structure permet de croire que les nuages filamenteux sont façonnés par des champs magnétiques hélicoïdaux d'un type nouveau. Le télescope James Clerk Maxwell (TJCM), sur le mont Mauna Kea, est une antenne de 15 mètres de diamètre conçue pour capter le rayonnement radio aux longueurs d'onde extrêmement courtes (submillimétriques). Lorsqu'il est utilisé, le miroir est habituellement recouvert d'une membrane protectrice en mylar (que l'on voit ici déroulée). Photographie gracieuseté de Henry Matthews (TJCM / IHA) 2) Un relevé submillimétrique profond d'un groupe de galaxies fortement décalées vers le rouge, qui a démontré la présence d'une population inconnue de galaxies très lumineuses dans lesquelles se sont formées des étoiles au début de notre univers. 3) L'étude détaillée de la comète Hale-Bopp, qui a récemment traversé nos cieux. Cette étude d’une comète a été la plus complète à ce jour dans les régions spectrales millimétriques/ submillimétriques. Grâce au comportement que nous avons constaté dans l'émission de nombreuses molécules, nous sommes davantage en mesure de comprendre la nature des comètes en tant que structures primitives de notre système solaire. Les Canadiens livrent une forte concurrence à leurs collègues étrangers pour accéder à cette installation exceptionnelle. Par ailleurs, tout comme dans le cas du TCFH et, bientôt, des jumeaux Gemini, le personnel du CNRC/IHA ne fait pas qu'utiliser le télescope, mais il 35 L'ASTRONOMIE ET L'ASTROPHYSIQUE AU CANADA AUJOURD'HUI contribue, au titre de la participation canadienne, à la conception et à la construction de ses détecteurs hautement spécialisés. Ainsi, l'établissement d'un nouveau bassin d'utilisateurs et l'acquisition de compétences technologiques avant-gardistes sont directement attribuables au TJCM. Point tout aussi important : le TJCM a offert au Canada un tremplin stratégique en science et en instrumentation, qui lui permet de passer à la prochaine génération de télescopes millimétriques et submillimétriques, dont le grand réseau millimétrique d’Atacama (ALMA), décrit plus loin dans ces pages. 3.2 Observatoires nationaux Au Canada, on trouve plusieurs observatoires appartenant à des établissements canadiens, qui en assument l'entière exploitation. Ces observatoires sont plus petits et moins coûteux à exploiter que les grands observatoires internationaux que nous venons de décrire, mais ils n'en jouent pas moins un rôle stratégique important : 1) Dans les observatoires internationaux à l'étranger, le temps d'observation est rare et un astronome ne peut obtenir que quelques nuits (voire quelques heures) d’observation par année. Les installations canadiennes offrent aux astronomes d'importants blocs de temps d'observation, pour les programmes de longue durée d'une nature différente, comme les relevés, les programmes de surveillance à long terme ou encore les travaux de thèse des étudiants. 2) Bien que les télescopes nationaux soient modes-tes en taille et en coût, on peut néanmoins les équiper d'instruments de premier rang (caméras, spectrographes et détecteurs), et ils peuvent donc servir de bancs d'essai pour la mise au point d'ins-truments perfectionnés et nouveaux. Les miroirs de 8 mètres de diamètre des télescopes Gemini sont parmi les plus précis jamais construits. Image tirée de la Galerie de photographies du site Web Gemini, Bureau canadien de Gemini 3) Les installations nationales sont un outil irremplaçable pour les chercheurs et pour les étudiants, car ces derniers peuvent y acquérir une formation pratique en techniques d'instrumentation, et ce, à proximité de leurs universités. 4) Ces observatoires se prêtent admirablement bien aux activités de vulgarisation, car ils sont facilement accessibles au public, lequel peut obtenir de première main une juste appréciation de ce qu'est un observatoire professionnel. En outre, les observatoires nationaux exploités par le Conseil national de recherches du Canada constituent un outil efficace permettant aux instrumentistes du CNRC de former à la recherche et aux techniques instrumentales des étudiants et des stagiaires postdoctoraux dans les universités. 36 L'ASTRONOMIE ET L'ASTROPHYSIQUE AU CANADA AUJOURD'HUI L'Observatoire fédéral de radioastronomie (OFRA) L'Observatoire fédéral de radioastronomie (OFRA), une division de l'IHA, est situé à proximité de Penticton (C.-B.). L'observatoire effectue essentiellement de la radio-astronomie dans le domaine décimétrique du spectre; il exploite le télescope de synthèse de l’OFRA et un télescope à antenne unique de 26 mètres. Le télescope de synthèse de l’OFRA est la pièce maîtresse des projets actuels; il consiste en sept antennes paraboloïdes de 9 mètres, disposées selon un axe est-ouest sur une longueur de 600 mètres. Il est sensible au rayonnement émis par l'hydrogène atomique neutre dans les nuages de gaz tièdes de notre galaxie, et aux émissions synchrotron par des sources plus énergétiques, comme les nuages de gaz en expansion provoqués par l'explosion des supernovae (le rayonnement synchrotron est produit par des électrons libres qui tournent en spirale autour des lignes de champ magnétique dans l'espace interstellaire). Son grand champ de vision de 2,5 degrés, jumelé à sa résolution spatiale de l'ordre de la minute d'arc, font de ce télescope un instrument exceptionnel. En ce moment, le télescope de synthèse sert principalement à cartographier, avec une finesse sans précédent, une bande qui chevauche l'équateur de la Voie lactée, sur 70 degrés de longueur et 9 degrés de largeur. Appelée Relevé canadien du plan galactique (RCPG), cette étude représente les efforts d’un consortium de 55 astronomes, dont 43 du Canada et des chercheurs de 11 autres pays. Ce projet assure la formation de 11 étudiants au doctorat, et il a attiré 9 stagiaires postdoctoraux. Il est financé par une Subvention pour projets spéciaux de recherche en collaboration du CRSNG, à raison de 800 000 $ sur cinq ans. Le RCPG est associé à un vaste consortium international, qui combine les données obtenues par d'autres observatoires dans des domaines spectraux différents, le but étant d'obtenir une vue globale et détaillée, à plusieurs longueurs d’onde, du milieu interstellaire dans le plan de notre galaxie. Le télescope de synthèse de l'Observatoire fédéral de radioastrophysique à Penticton. Les nombreuses antennes radio sont toutes pointées vers le même endroit du ciel, et les données qu'elles fournissent permettent de construire une image combinée plus détaillée que ce que pourrait produire une seule antenne. L’OFRA est également un leader dans d'autres domaines : Image gracieuseté de Russ Taylor (Université de Calgary) et c'est un centre mondial pour le développement de la radioinOFRA / IHA terférométrie (technique qui consiste à combiner électroniquement des signaux captés par plusieurs télescopes individuels, afin de construire une image composite d'un objet bien plus détaillée que ce que ne permettraient les télescopes individuels). En outre, des groupes de premier plan travaillent à la mise au point de corrélateurs. Ces groupes constituent une ressource essentielle dans notre plan à long terme, car ils seront au cœur des développements techniques visant à perfectionner davantage les radiotélescopes au cours de la prochaine décennie. Plusieurs autres projets se déroulent à l’OFRA, notamment la mise au point d'un corrélateur pour une matrice de récepteurs hétérodynes placée au plan focal du TJCM, ainsi que des études techniques pour le projet international de construction d'un réseau d'antennes couvrant un kilomètre carré (projet SKA). Le personnel de l’OFRA a été très actif dans la formation d’étudiants des cycles supérieurs et de stagiaires postdoctoraux en radioastronomie dans le cadre de programmes coopératifs, notamment avec l'Université de l'Alberta et l'Université de la Colombie-Britannique. 37 L'ASTRONOMIE ET L'ASTROPHYSIQUE AU CANADA AUJOURD'HUI L'Observatoire fédéral d'astrophysique L'Observatoire fédéral d'astrophysique (OFA), au nord de Victoria (C.-B.), abrite la direction de l'IHA et la plupart de ses sous-divisions. On y trouve également deux télescopes optiques de recherche : le télescope Plaskett de 1,8 mètre (en exploitation continue depuis 1918) et le télescope McKellar de 1,2 mètre (exploité depuis 1962). Le télescope de 1,8 mètre est équipé d'un spectrographe de résolution moyenne pour la spectroscopie stellaire, et de caméras pour l'obtention d'images dans le visible et le proche infrarouge. Le télescope de 1,2 mètre sert aux travaux de spectroscopie à haute résolution, notamment pour mesurer les mouvements et la composition chi-mique des étoiles. On s'en est servi pour mettre au point la technique de recherche des planètes maintenant utilisée dans le monde entier, et ce télescope a joué un rôle central dans l'établissement d'un système international de normes pour l’établissement des vitesses stellaires, grâce à son spectrographe d'une stabilité exceptionnelle. Ouverts au public, les deux télescopes sont actuellement utilisés par des astronomes et leurs frais d'exploitation sont très faibles. Ils conviennent à une large gamme de programmes scientifiques auxquels prennent part des étudiants et des observateurs invités, tant Canadiens qu’étrangers. Un employé de l’OFA, qui a récemment pris sa retraite, a mis au point des techniques novatrices permettant d'offrir aux astronomes du temps « d'observation à contrat », afin de réduire au minimum les frais pour les éventuels clients. Le dôme du télescope Plaskett de 1,8 mètre, à l'Observatoire fédéral de Victoria Photographie gracieuseté de l'IHA / CNRC Avant la Seconde Guerre mondiale, le télescope Plaskett a eu la distinction de compter parmi les trois plus grands télescopes au monde. Même s'il a de nos jours un rôle d'instrument de soutien, il illustre de manière exemplaire la façon dont un télescope peut être constamment rajeuni à peu de frais, grâce à la modernisation ingénieuse de l’équipement existant et à l'installation de nouveaux instruments. Un récent projet réalisé avec le télescope Plaskett a suscité un vif intérêt international : la campagne à long terme visant à déterminer les orbites des astéroïdes qui circulent à proximité de la Terre, c'est-à-dire ceux dont les orbites croisent celle de notre planète. De tels astéroïdes, s'ils venaient à heurter la Terre, pourraient causer des dommages catastrophiques. Bien que plusieurs télescopes permettent de découvrir de tels astéroïdes, le télescope Plaskett est le plus grand à être utilisé dans un programme d’étude systématique de leurs trajectoires, le but étant de calculer les probabilités de collision de notre planète avec ces astéroïdes. Le télescope Plaskett est également au cœur du programme de vulgarisation de l’OFA. Le Centre canadien de données astronomiques (CCDA) Le Centre canadien de données astronomiques (CCDA), qui réunit un groupe petit mais visionnaire à l'Institut Herzberg d'astrophysique du CNRC, reçoit un soutien partiel de l'ASC. C'est l'une des ressources les plus rentables et les plus utilisées de l'astronomie canadienne. Ce groupe a mis au point des techniques novatrices de manipulation des données, à l'avant-garde de l'astronomie mondiale. Comme son nom l'indique, l'archivage des données consiste à stocker des données, mais également à conserver les informations au sujet des données (les métadonnées) et à présenter les archives aux utilisateurs sous une forme intelligible, consultable et permettant leur récupération. 38 L'ASTRONOMIE ET L'ASTROPHYSIQUE AU CANADA AUJOURD'HUI Le CCDA offre à la communauté astronomique des archives de données accessibles électroniquement, provenant des principaux télescopes, dont le TCFH, le TJCM, les télescopes Gemini et le HST, grâce, dans ce dernier cas, à un accord spécial avec le Space Telescope Science Institute. Dans un proche avenir, le CCDA prévoit offrir le traitement en pipeline d'un sous-ensemble de données obtenues par le MEGACAM, une caméra qui équipera le télescope CFH. C’est le projet TERAPIX. Le CCDA participe à ce projet et archivera les produits MEGACAM/TERAPIX pour l'ensemble des astronomes. Outre son mandat premier, le CCDA a également mis au point, au cours de la dernière décennie, des méthodes qui permettent de relier entre elles des bases de données primaires et d'y effectuer des recherches grâce à un large éventail d’outils. L'exploration en profondeur des données, connue aussi sous le nom de « data mining », est une nouvelle initiative du CCDA. Il s’agit de concevoir la prochaine génération d'outils permettant l’accès aux données contenues dans de nombreuses archives, et l’établissement de corrélations entre toutes ces données. En définitive, les archives sont utiles en autant que l'on dispose d'outils puissants qui permettent d'y accéder et de les explorer. Par exemple, l'exploration en profondeur des données permettra à un astronome de regrouper toutes les mesures faites sur un objet donné, à partir de tous les télescopes et à toutes les longueurs d’onde, ou encore d'extraire de toutes les bases de données toute l’information sur toute catégorie définissable d'objets, puis d'établir des corrélations. Ce nouvel outil de recherche utilisera pleinement les capacités combinées de l'informatique, de la gestion des bases de données et des principes modernes d'archivage. Toutefois, le financement de bon nombre de ces excellents programmes du CCDA est fort restreint, et des mesures immédiates s'imposent si on veut voir ces projets aller de l’avant. Les observatoires universitaires Quelques universités canadiennes possèdent des télescopes optiques de petite à moyenne taille, servant essentiellement à leurs groupes de recherche et départements d'astronomie, à la formation des étudiants et aux tests instrumentaux. Mentionnons notamment le télescope de 1,6 mètre de l'Observatoire du Mont-Mégantic, exploité conjointement par l'Université de Montréal et l'Université Laval, le télescope de 1,8 mètre de l'Observatoire David Dunlap exploité par l'Université de Toronto, le télescope de 1,3 mètre de l'Université Western Ontario et le télescope de 1,5 mètre de l'Université de Calgary. Ces observatoires jouent un rôle primordial dans la formation des étudiants des cycles supérieurs et dans les programmes d'information du public, ce dont nous traitons plus en détail au chapitre 7. 3.3 L'astronomie spatiale : Les programmes actuellement financés L'astronomie moderne utilise abondamment les télescopes spatiaux, et la plupart des pays industrialisés participent activement aux programmes nécessitant conjointement des observatoires spatiaux et au sol. Cette approche complémentaire est illustrée de manière éclatante par l'utilisation combinée des observatoires Keck (équipés de télescopes optiques/infrarouges de 10 mètres au sommet du Mauna Kea) et du télescope spatial Hubble (un instrument optique/ultraviolet muni d'un miroir de 2,5 mètres). Tandis que le HST fournit des images optiques superbes, les plus nettes qui soient et contenant les objets les plus lointains actuellement observables, les miroirs des télescopes Keck offrent une surface collectrice de photons beaucoup plus grande, ce qui permet aux astronomes d'étudier les spectres et les caractéristiques physiques des objets très peu lumineux découverts par le HST. 39 L'ASTRONOMIE ET L'ASTROPHYSIQUE AU CANADA AUJOURD'HUI Plusieurs raisons militent fortement en faveur du concept des observatoires combinés sol/ espace. D'une part, on peut utiliser sur les télescopes au sol des instruments très perfectionnés pour détecter et analyser la lumière recueillie par ceux-ci, et on peut les tester, les modifier et les remplacer beaucoup plus rapidement que sur les télescopes spatiaux. De plus, ils peuvent être plus gros et on peut en construire plusieurs variantes, ce qui est impossible pour les télescopes en orbite. Par conséquent, un réseau de télescopes au sol est beaucoup plus polyvalent et plus facile à commander que les missions spatiales, cruciales certes, mais présentant des risques élevés. Enfin, les télescopes au sol présentent des coûts moindres et les défaillances d'instruments ou les problèmes opérationnels ne sont pas catastrophiques, ce qui n’est pas le cas pour les missions spatiales. D’autre part, les observatoires spatiaux offrent le seul moyen de voir des objets célestes dans les domaines spectraux qui sont masqués par l'atmosphère de la Terre : les rayons gamma, les rayons X, la majeure partie du spectre ultraviolet et certaines parties des domaines infrarouge et radio. L'autre avantage, immense, est que les observations au-delà de l'atmosphère de la Terre nous donnent les images les plus nettes qui soient (résolution élevée) aux courtes longueurs d’onde (visible, ultraviolet et au-delà), car l’atmosphère ne dégrade ni ne déforme ces images. De plus, les conditions météorologiques n'ont pas d’effet sur ces observations. Depuis le programme Alouette au début des années 1960, le Canada a joué un rôle dans les sciences de l'espace à l'aide des observations par satellite, rôle qui s'est maintenu grâce à une série de petits satellites conçus pour étudier la haute atmosphère et le milieu spatial près de la Terre. L'industrie canadienne a joué un rôle important dans tous ces programmes, et bon nombre d’entreprises ont participé à des partenariats internationaux. Toutes les initiatives spatiales relèvent maintenant de l'Agence spatiale canadienne (ASC). Voici les missions spatiales en astronomie actuellement soutenues par l'ASC : (a) VSOP - Il s'agit de l’antenne orbitale d’un interféromètre radio à très grande base (VLBI). Ce projet est dirigé par le Japon. Le Canada a joué un rôle avant-gardiste dans ce projet, car il a fourni la technologie cruciale des enregistreurs et corrélateurs de type S2, et il a établi un centre de corrélation des données VSOP à Penticton. Ce projet a ouvert de nouveaux débouchés, l'OFRA ayant obtenu des contrats pour construire des corrélateurs pour le TJCM; il est bien placé pour soumissionner pour d'autres projets internationaux. Les chercheurs canadiens travaillant dans le domaine VLBI effectuent également la majeure partie du relevé céleste VSOP (VSOP Sky Survey). Les techniques VLBI au sol et dans l'espace nous ont donné les meilleures images jusqu'à présent des régions centrales des galaxies actives qui renferment des trous noirs supermassifs. Par exemple, la mission VSOP peut étudier une région donnée à une résolution un millier de fois plus petite que la résolution la plus fine du HST! (b) MOST - Il s'agit d'un nouveau microsatellite conçu pour étudier, la sismologie stellaire, actuellement construit par Dynacon sous la gouverne d'une équipe scientifique de l’Université de la Colombie-Britannique, et financé par le programme des petites charges utiles de l'ASC. Ce satellite aura pour mission de surveiller les faibles oscillations stellaires, jusqu'au niveau des oscillations étudiées sur le Soleil, soit quelques parties par million. Cette résolution est actuellement hors de portée pour les instruments au sol. Ces observations serviront à mieux définir les structures et les âges stellaires, à un degré de précision atteint seulement avec le Soleil jusqu'à présent. 40 L'ASTRONOMIE ET L'ASTROPHYSIQUE AU CANADA AUJOURD'HUI (c) FUSE - Ce télescope spectroscopique fonctionnant dans l'ultraviolet lointain fait partie de la série Explorer de la NASA. L'IHA, travaillant de concert avec la société COMDEV de Cambridge (Ontario) et avec l'aide du HIV, fournit des capteurs sensibles d'écart de position. FUSE, qui a obtenu son premier spectre en août 1999, nous ouvrira de nouvelles fenêtres sur les étoiles et le gaz le plus chaud de notre galaxie. Ce satellite a été spécialement conçu pour mesurer l'abondance de deutérium dans diverses galaxies locales et modérément éloignées. Ces mesures imposeront de très importantes contraintes aux modèles cosmologiques. (d) ODIN - Satellite jumelant l'aéronomie et l'astronomie, il est construit en collaboration avec la Suède, la Finlande et la France. Conçu pour sonder la haute atmosphère de la Terre dans la région submillimétrique du spectre, il observera également depuis l'espace les composantes moléculaires du gaz interstellaire. ODIN permettra aux astronomes de rechercher de l'eau et de l'oxygène dans l'univers, deux des plus importantes molécules dans la trame chimique interstellaire, et deux des ingrédients essentiels à l'origine de la vie. (e) BAM (Mesures de l'anisotropie par ballon) - Le projet BAM est une expérience dirigée par l'Université de la Colombie-Britannique qui mesurera le niveau du rayonnement de fond cosmologique (CMBR) à l'aide d'un télescope de 1,7 mètre emporté par ballon. 3.4 Les chercheurs en astronomie et en astrophysique au Canada – un profil Le CNRC et les universités Au Canada, les astronomes font de la recherche soit dans les universités, soit à l'Institut Herzberg d'astrophysique du CNRC. Les universités constituent le bassin principal de chercheurs et assurent la formation des jeunes astronomes, tandis que le personnel et les laboratoires du CNRC offrent les compétences requises (technologie et recherche) pour la construction et l'exploitation de nos principales installations d'observation. Ces deux volets de l’astronomie au Canada sont essentiels et complémentaires, et leur tradition de collaboration est depuis longtemps établie. Au cours de la dernière décennie, nous avons assisté à une série malheureusement longue de réductions budgétaires par les administrations publiques, aux paliers tant fédéral que provincial, réductions qui ont touché le CNRC et les universités dans tout le pays. Elles ont gravement nui à des secteurs cruciaux de l'astronomie canadienne. Le CPLT a déterminé plusieurs de ces secteurs où le manque à gagner est potentiellement critique, notamment (voir le chapitre 5) : 1. Dans les universités, les travaux expérimentaux en instrumentation sont devenus une véritable peau de chagrin, ce qui s'est traduit par de lourdes pertes pour l'ensemble de nos infrastructures. Seules quelques universités (Laval, Montréal, Toronto, Calgary, UBC) maintiennent encore de petits laboratoires d'instrumentation, où l'on trouve habituellement un scientifique principal, épaulé de deux ou trois techniciens ou attachés de recherche. Dans ces rares laboratoires, le personnel est excellent, mais il ne dispose pas des ressources requises pour assurer une formation poussée des étudiants ou concevoir des programmes, ni pour présenter des soumissions pour les gros travaux d'instrumentation dans le cadre de nos partenariats internationaux. 2. Les possibilités, pour les scientifiques du CNRC, d'effectuer leurs propres travaux de recherche répondant à leurs intérêts premiers se sont grandement amenuisées. Bon nombre de ces 41 L'ASTRONOMIE ET L'ASTROPHYSIQUE AU CANADA AUJOURD'HUI scientifiques sont des chercheurs de très haut niveau, et le fait qu'ils ne soient plus vraiment productifs est une perte réelle pour la communauté scientifique. Au milieu de 1998, l'IHA et ses sites ont fait l'objet d'une évaluation exhaustive par les pairs. Dans les conclusions de son rapport, ce comité d’évaluation soutient fermement que l'IHA joue un rôle technologiquement essentiel et stratégique de haut niveau pour la communauté astronomique, mais que ses activités doivent être rééquilibrées afin d'inclure un volet de recherche plus important et de très grand calibre. Questions de compétitivité : Les atouts de l'astronomie canadienne Pour mesurer la compétitivité internationale des astronomes canadiens, on tient compte des aspects suivants : a) leur capacité de générer des projets de collaboration internationaux et d'obtenir en retour du temps d'observation; b) l'effet multiplicateur des subventions de recherche et autres contributions; c) le nombre relatif d’auteurs canadiens dans la littérature internationale, y compris l’indice de citation des articles publiés. Les astronomes universitaires obtiennent la majeure partie de leur financement par l'intermédiaire des concours réguliers du CRSNG pour l’octroi de subventions de recherche, de subventions d'appareillage et de subventions pour installations majeures. Pour la recherche en sciences spatiales et en astronomie (Comité de sélection des subventions CSS17), quelque 160 professeurs d'université reçoivent des subventions de recherche se chiffrant en moyenne à 36 000 $, ces subventions représentant 2,2 % du budget total des subventions de recherche du CRSNG. Ces subventions de recherche ont un « effet multiplicateur », car les chercheurs reçoivent également des fonds de recherche d'autres sources, que ce soit du CRSNG, du gouvernement ou du secteur privé. (Par « effet multiplicateur », on entend le nombre de dollars additionnels obtenus pour chaque dollar reçu sous forme de subvention de recherche.) Selon les statistiques recueillies en 1997 par le personnel du CRSNG, on constate ce qui suit dans le domaine des sciences spatiales et de l'astronomie : a) l'effet multiplicateur moyen pour tous les chercheurs subventionnés, en 1995-1996, a été de 1,5; b) l'effet multiplicateur pour la tranche supérieure (30 %) des chercheurs subventionnés était de 2,8. Ce groupe se classait quatrième, parmi les 18 disciplines financées par le CRSNG. Qui plus est, ces statistiques ne tiennent pas compte de la valeur équivalente des contributions en temps d'observation obtenues chaque année par les astronomes cana-diens. Les frais d'exploitation d'un grand télescope, comme le TCFH, sont d'environ 20 000 $ par nuit et une session d'observation normale de trois nuits par année équi-vaut donc à une « contribution » de 60 000 $. Une partie importante de cet argent revient aux Canadiens sous forme de salaires versés au personnel des observatoires et de projets de développement d’instruments. Les astronomes canadiens sont polyvalents, et ils recherchent constamment des moyens d'utiliser les ressources publiques disponibles dans les autres pays, notamment les installations américaines (NOAO, NRAO) qui ont de généreuses politiques de libre accès, par voie de concours annuels fondés sur le mérite scientifique des projets. Les Canadiens obtiennent du temps d'observation dans ces observatoires optiques et radio nationaux, ce qui s'ajoute au 42 L'ASTRONOMIE ET L'ASTROPHYSIQUE AU CANADA AUJOURD'HUI temps d’observation sur le TCFH et le TJCM. Le Canada, en retour, applique également une politique de libre accès à sa part d’observation pour les télescopes CFH et JCM, bien que le temps d'observation que nous offrons ne totalise jamais celui que nous gagnons ailleurs par concours. De plus, nous ne pouvons nous attendre à ce que ces politiques généreuses de « ciel ouvert » soient toujours maintenues, car les nouveaux observatoires seront construits dans le cadre de partenariats internationaux plus étendus (voir le chapitre suivant). La réputation internationale des astronomes canadiens est illustrée de manière exemplaire par leur participation à de nombreux projets HST dirigés par des chercheurs américains ou européens. Depuis la mission de réparation du HST en 1994, pas moins de 39 programmes HST ont eu des astronomes canadiens comme chercheurs principaux, ce qui représente 2,3 % du temps total d'observation sur le télescope Hubble (nous devons souligner ici la générosité des États-Unis qui tiennent des concours internationaux ouverts). Les scientifiques financés par le CRSNG se sont également très bien débrouillés côté prix et distinctions de prestige. Au cours des deux dernières décennies, les astronomes ont obtenu des prix et distinctions (bourses et prix Steacie, prix Memorial Killam, postes de professeuresboursières, postes de chercheurs-boursiers universitaires du CRSNG) dans une proportion de 2 à 5 fois plus importante que la part du budget des subventions de recherche du CRSNG allouée aux sciences spatiales et à l'astronomie. Et c'est la cosmologie qui bénéficie des plus important investissements de l’Institut canadien des recherches avancées (ICRA). D’un point de vue tant quantitatif que qualitatif, la productivité scientifique des astronomes canadiens est élevée. Dans les revues américaines Astronomical Journal et Astrophysical Journal, les deux principales publications mondiales dans ces disciplines, le rapport des articles récemment publiés par des auteurs canadiens par rapport aux auteurs américains est de 18 % et 7 % respectivement, même si les astronomes et astrophysiciens américains sont 10 fois plus nombreux. Et selon une récente analyse bibliométrique d’un conseil subventionnaire britannique, la recherche astronomique au Canada se classe troisième en termes du nombre de citations par article (6,0), juste derrière les États-Unis (7,0) et le Royaume-Uni (6,5). Dans une étude hollandaise réalisée en 1993, on a comparé le budget et l'impact de la recherche astronomique dans 15 pays de l'OCDE. Au plan quantitatif, c’est-à-dire la « valeur de la recherche par dollar investi » mesurée par le rapport budget total de recherche / nombre de publications et de citations, le Canada se classe premier dans cette liste, le coût par citation étant d'un facteur de 5 sous la médiane, ce qui est remarquable. Mais en terme de budget de recherche en astronomie par rapport à la population nationale totale ou au PIB, le Canada se classe dernier sur cette liste, par un facteur de 4 sous la médiane (on peut également se reporter aux comparaisons présentées à la section suivante). Ce classement s'explique en partie par le fait que le Canada a investi moins que la plupart des autres pays de l'OCDE dans les observatoires et les infrastructures, notamment en astronomie spatiale et satellitaire, dont le « coût par photon » est plus élevé que pour l'astronomie au sol. 43 L'ASTRONOMIE ET L'ASTROPHYSIQUE AU CANADA AUJOURD'HUI 3.5 Financement de l'astronomie au Canada et à l'étranger Le financement annuel total de l'Institut Herzberg d'astrophysique du CNRC, pour l'exercice 1999-2000, est de 15,5 millions de dollars, somme qui se répartit ainsi : 1. Salaires, avantages sociaux, activités à l'étranger, investissements mineurs : 8,9 M$ 2. Contributions pour les installations à l'étranger : 6,6 M$ Par ailleurs, le financement total du CRSNG pour l'astronomie, pour la section Sciences spatiales et astronomie, pour le même exercice, est de 6,3 millions de dollars. Cette somme se répartit comme suit : A. Subventions de recherche individuelles : 5,9 M$ B. Subventions d'appareillage (appareillage et installations spéciales) : 0,4 M$ Le financement combiné CNRC/CRSNG pour les sciences spatiales et l'astronomie est donc de 21,8 millions de dollars par année. Le financement accordé par l'ASC n’avait pas encore été établi au moment de la rédaction du rapport, mais il est d'environ 8 millions de dollars par année. Tableau 2 : Financement actuel de l’astronomie dans différents pays Dépenses annuelles en astronomie Pays États-Unis PIB par habi- Population tant (millions) 30 200 270,3 Montant (millions) Montant ($ CA par habitant) Observation 5 1 700 NASA 181 NSF Sciences astronomiques Financement privé Très incertain - Carnegie, etc 6,28 CRSNG 0,4 FCAR Sciences spatiales et astronomie (ne comprend pas les fonds proposés pour le plan à long terme) Subvention de recherche et soutien pour l'Observatoire du Mont-Mégantic Dépenses actuelles (ne comprend pas les fonds proposés pour le plan à long terme) 76 1 957 22 700 58,8 370 6,29 Italie 21 500 56,8 320 5,63 R.-U. 21 100 59 288 4,88 Allemagne 20 800 82,1 393 4,79 Australie 21 400 18,6 28 1,51 Canada 21 700 30,7 15,5 CNRC/IHA 8 30,18 Comprend toutes les missions spatiales reliées à l'astronomie et aux sciences planétaires, sauf Mars Surveyor, les missions lunaires et atmosphériques et les services de soutien au lancement 7,24 total France 44 Source ASC 0,98 total L'ASTRONOMIE ET L'ASTROPHYSIQUE AU CANADA AUJOURD'HUI Dans le tableau 2, nous comparons brièvement le niveau de financement de l'astro-nomie au Canada, par rapport à certains pays qui figurent en tête du palmarès mondial. Les chiffres des deux dernières colonnes sont en dollars canadiens, et indiquent les dépenses annuelles totales estimées de chaque pays pour la recherche astronomique, ainsi que le financement par habitant. Comme le PIB par habitant dans chaque pays est similaire, ces comparaisons ne seraient pas grandement modifiées si on les ajustait en fonction du PIB. Les États-Unis ouvrent la marche, dépensant plus de 7 $ par habitant en astronomie chaque année. De plus, le montant total pour les États-Unis est probablement sous-estimé, car il ne tient pas compte entièrement des sommes importantes allouées au financement des projets par des consortiums universitaires et des organisations privées. Suivent ensuite les pays européens, avec des dépenses annuelles moyennes de 4 à 5 $ par habitant. (Comme nous l'avons mentionné précédemment, les États-Unis et le RoyaumeUni se classent aux deux premiers rangs pour ce qui est du nombre moyen de citations d’articles par les astronomes de ces pays, suivis de près par le Canada.) Le Canada, avec des investissements d'environ un dollar par habitant pour la recherche astronomique est loin derrière ces deux nations. Notre pays se compare davantage à l'Australie, qui a toujours eu une forte base d’astronomes utilisant des installations au sol, avec un maigre budget, mais ce pays a très peu participé aux activités astronomiques spatiales. Les États-Unis et les pays de la Communauté européenne investissent beaucoup dans l'astronomie satellitaire et spatiale (avec la NASA aux États-Unis et l'ASE en Europe; soulignons ici que les contributions de ces agences aux missions qui ne sont pas cruciales pour l'astronomie comme les études de la haute atmosphère et de la Terre, les missions lunaires, le programme Mars Surveyor et les services de soutien au lancement, ont été explicitement exclues de ce tableau). Le coût d'un programme spatial complet est évidemment élevé, mais les retombées technologiques, économiques et scientifiques, sous forme de croissance nationale, sont à l'avenant. On doit souligner également qu'il est difficile de comparer avec précision deux pays quelconques, en raison des différences des régimes de financement et des programmes de recherche (p. ex., aux États-Unis, une part du financement octroyé par la NSF et la NASA couvre une partie des salaires des professeurs et des frais généraux, tandis qu'au Canada, ces dépenses relèvent du budget de base des universités). C'est pourquoi on devrait ajouter un facteur d’incertitude d'environ 20 % à tous les chiffres du tableau 2. Toutefois, la différence globale entre le Canada et les nations en tête est telle (par un facteur de 7 avec les États-Unis, de 6 avec la France et de 5 avec le Royaume-Uni) qu'elle dénote des différences fondamentales dans le soutien accordé à l'astronomie. Et même si l'on restreint les comparaisons aux seules installations au sol, le Canada se classe quand même bon dernier sur cette liste. Ces statistiques démontrent bien que les contribuables canadiens profitent d'un rendement supérieur pour chaque dollar investi dans la recherche astronomique. Toutefois, le Canada n'est pas dans la même ligue que les pays qui ont opté d'investir à grande échelle en astronomie. Nos investissements relativement faibles en astronomie n'ont pas permis au Canada de tirer entièrement profit des retombées économiques, culturelles et technologiques qui découlent d’une pleine participation aux grandes missions astronomiques. Dans les chapitres 7 et 8, nous traitons plus à fond de ces questions. 45 L'ASTRONOMIE ET L'ASTROPHYSIQUE AU CANADA AUJOURD'HUI 3.6 Formation, emploi et démographie Les étudiants des cycles supérieurs et les stagiaires postdoctoraux en astronomie et en astrophysique reçoivent leur formation dans quelques 15 universités et instituts au Canada. Loin d'être un domaine ésotérique et abstrait, l'astronomie moderne est l'une des sciences physiques les plus diversifiées. En effet, les étudiants en astronomie et en astrophysique doivent acquérir un vaste éventail d'outils empruntés à toutes les sciences physiques : physique atomique, nucléaire, subatomique, matière condensée; thermodynamique; relativité; chimie moléculaire et atomique; théorie du chaos; géologie physique; voire des éléments de biologie. Pour traiter les énormes quantités de données produites copieusement par les télescopes, les astronomes et les astrophysiciens doivent avoir des compétences exceptionnelles en traitement quantitatif des images, en gestion de bases de données, en techniques d'archivage et en mé-thodes statistiques. Ces techniques informatiques font tomber les frontières entre de nombreuses disciplines en science, en technologie et en médecine. Les techniques sophistiquées en informatique et en mathématiques jouent un rôle crucial pour la modélisation, car elles permettent de simuler sur ordinateur les nombreux processus à l'œuvre dans les systèmes astrophysiques. Par ailleurs, l'astronomie et l'astrophysique modernes enseignent la pensée souple et novatrice, et permettent de résoudre toute une panoplie de problèmes difficiles. En raison de la richesse même des phénomènes astronomiques, les astronomes se doivent d'avoir une vision large, car la recherche de solutions et de réponses nécessite le recoupement des interprétations fournies par des techniques très diversifiées, et des données parfois fragmentaires, toujours incomplètes. Une étude réalisée en 1996 par la CASCA fournit des statistiques sur l'emploi au sein de la communauté astronomique canadienne. L'enquête a porté sur 121 étudiants au doctorat diplômés des programmes d'astronomie au Canada entre 1976 et 1992, ce qui constitue un échantillon presque complet pour cette période. De ce nombre, 42 % ont obtenu un poste lié à la recherche dans des universités ou des observatoires; 7 % ont obtenu un poste d'enseignement dans des collèges ou des écoles; et 27 % ont trouvé divers emplois dans le secteur privé, l'administration publique ou parmi le personnel de soutien universitaire, habituellement en gestion de systèmes informatiques ou comme consultants en informatique. La plupart des étudiants parmi les 23 % restants occupaient des postes de recherche temporaire mais de haut niveau, à titre de stagiaires postdoctoraux ou d'attachés de recherche. Les plus importants débouchés « non astronomiques » pour les diplômés sont des postes en technologie ou dans le secteur privé : analyse des images, gestion des données, optique et techniques informatiques. À ce titre, mentionnons quelques exemples remarquables : a) le Centre canadien de télédétection, à Ottawa, où l'on analyse les données-images de la surface continentale du Canada prises par satellites et aéronefs, a engagé sept détenteurs de doctorat en astronomie depuis sa création; b) l'Institut national d'optique (INO, Université Laval) emploie plus de 30 personnes en instrumentation spatiale et astronomique; c) l'industrie pétrolière à Calgary emploie de nombreux diplômés universitaires ayant une formation en astronomie; d) les groupes d'analyse de risques dans de grandes banques canadiennes et internationales emploient également des diplômés en astromomie. Ceux-ci ont un profil intéressant pour ces entreprises, en raison de leurs grandes compétences techniques et de leurs aptitudes à résoudre des problèmes complexes. 46 L'ASTRONOMIE ET L'ASTROPHYSIQUE AU CANADA AUJOURD'HUI Une galaxie spirale élégante, ESO 269-57, dans le ciel de l'hémisphère sud. Image obtenue avec le Very Large Telescope (VLT), à l'Observatoire européen austral (ESO), Chili. Tous droits réservés ESO Une étude australienne, publiée en 1999, a suivi la carrière de 897 étudiants ayant obtenu un Ph.D. en astronomie entre 1975 et 1994, dans quatre pays (États-Unis, Canada, Australie et Hollande). Selon cette étude, environ 43 % des diplômés obtiennent des postes de longue durée en recherche (professorat permanent à l'université ou scientifique dans des observatoires), 20 % poursuivent leur carrière dans des postes non permanents financés par des subventions de recherche et 34 % travaillent dans des domaines hors astronomie. Ces chiffres correspondent à ceux obtenus par l'étude de la CASCA. À l'heure actuelle, la communauté astronomique au Canada se compose d'environ 160 chercheurs occupant des postes d'employé ou de professeur dans les universités et au CNRC. En outre, on compte quelque 150 jeunes chercheurs : postdoctoraux, attachés de recherche et étudiants des cycles supérieurs, qui tous contribuent fortement aux activités de recherche dans cette discipline. Selon un récent rapport statistique du CRSNG (Programme des subventions de recherche : Dynamique des disciplines, octobre 1997), environ 30 % des chercheurs que le Conseil subventionne en astronomie prendront leur retraite au cours des 10 prochaines années, et quitteront donc le système. Tout semble indiquer que l'astronomie et l'astrophysique sont deux disciplines jouissant d'un grand prestige dans les universités, et que ces postes, une fois vacants, seront rapidement comblés par de jeunes chercheurs de talent et de haut calibre, 47 L'ASTRONOMIE ET L'ASTROPHYSIQUE AU CANADA AUJOURD'HUI qu’ils soient Canadiens ou étrangers. En outre, la mise en œuvre de notre plan nécessitera (et stimulera même) l'augmentation des effectifs en astronomie et en astrophysique dans les universités canadiennes. Bref, la communauté canadienne des astronomes et des astrophysiciens est active, réputée et de haut calibre. Elle travaille à la fine pointe de la recherche dans de nombreuses sousdisciplines, ses réalisations sont éloquentes, et son avenir offre un potentiel de succès encore plus grand, sans précédent. En faisant preuve d'imagination dans l'affectation de nouvelles ressources, le Canada pourra laisser sa marque dans l'ère de l'exploration cosmique qui dominera indéniablement le prochain siècle. Si nous décidons de nous joindre à cette entreprise passionnante, nos laboratoires et nos universités de recherche s'ajusteront et recruteront de nombreux nouveaux chercheurs, à tous les niveaux, afin de concrétiser cette vision. Nous allons maintenant décrire les nouveaux observatoires mondiaux exceptionnels qui rendront cette aventure possible, et auxquels l'astronomie et l'astrophysique canadiennes pourraient contribuer énormément si on leur en donne la chance. 48