Pierre Bonte , Figures historiques de sainteté dans la société maure

FIGURES
HISTORIQUES
DE
SAINTETÉ
DANS
LA
SOCIÉTÉ MAURE
Pierre
BONTE*
La
notion
de wilaya, de
«sainteté
»,
joue
un
rôle
central
dans
l'islam
maure
contemporain
profondément
marqué
par
la
tradition
soufiste.
On
ne
relève
pas
cependant
dans
la
société
maure
le
foisonnement
des
cultes
de
saints
que
l'on
observe
dans
les
pays
voisins
du
Maghreb.
La
seule
occasion
(1)
il
m'ait
été
donné
d'
assister
à
une
rencontre
regroupant
plusieurs
milliers
de
personnes
a
utour
du
tombeau
d'un
personnage
sanctifié concerne Sayl].
Sa'ad
Buh,
décédé il y a
quelques
dizaines
d'années
et
enterré
à
Nimjat
au
sud
de
Nouakchott,
encore
fût-ce
pour
m'
apercevoir
que
l'immense
majorité
des
présents
venait
du
Sénégal!
C'est
sur
ces
caractères
spécifiques de
la
wilaya
dan
s
l'islam
maure
que
je
m'
interrogerai
en
évoquant
quelques
figures
historiques
de
la
sainteté,
re-
connues
dans
toute
la
société, ceci avec
un
double objectif :
comprendre
le
stat
ut
contemporain
de
ces figures
historiques
,
et
ava
ncer
quelques
hypothèses
sur
cette
évo
lution
particulière
,
en
comparaison
du
Maghreb,
de
l'islam
populaire
maure
.
Figures
de
sainteté
La
première
de ces figures de
sainteté,
et
la
plus
ancienne
historique-
me
nt
,
est
celle d'
un
saint
en
quelque
sorte
malgré
lui,
al-imam
al-HadramI,
dont
la
tombe
située
près
d'Atar
fait
l'objet
d'une
grande
vénération
(2). Ce
que
J'
on
sait
historiquement
de ce
personnage,
appelé
en
fait
Abu
Bakr
ibn
al-~asan
a
l-MuradI
, évoque
un
e
démarche
bien
éloignée
du
soufisme (3). Il
s'agit
d'un
laq
ïh
qui
séjourna
dans
la seconde
partie
du
XIe
siècle
en
Andalousie
avant
de
s'
installer
à
Agmat
et
de
rejoindre
le
leader
du
mouvement
almoravide
Abu
Bakr
ibn
'Umar.
Il
aurait
suivi celui-ci
au
Sahara
en
1072
et
il
mourut
qadI
d'AzugI
(Adrar)
en
1096. Son
œuvre
est
connue
pour
son
strict
juridisme
empruntant
à
un
malikisme
qui, à l'époque
almoravide,
se
démarque
nettement
du
soufisme.
Il
est
possible qu'il
ait
contribué
à
répandre
cette
tradition
religieuse
au
Sahara
occidental.
;,
Directeur
de recherche
au
CNRS (Laboratoire d
'a
nthropologie sociale
Pari
s).
(1)
En
mars
1994.
(2) Elle
est
régulièrement
visitée
par
des
per
so
nn
es
qu
i
cherchent
la protection
du
sa
int
, m
ais
il
s'
agit
de d
émarches
individuelles
et
non
pa
s d'
un
cu
lt
e collectif
organis
é
sur
la
ba
se d'
un
calendrier.
(3) Que l'on se souvie
nn
e
par
exemple de la condamnation d
es
oeuvres d'al-Ghaza
li
par
les
l
eaders
almor
av
ides.
Annuaire
de l'Afrique
du
Nord, tome XXXIII, 1994, CNRS Éditions
284
PIERRE BONTE
La
sa
inteté d
'a
l-imam al-Hadramï
dan
s
la
société
maure
se cons
truisit
ultérieurement, vers les XVIe-XVIle siècles dans
un
double mouvement.
Le premier concerne le mouvement almoravide considéré dans la tradi-
tion
maure
comme fondateur de l'islam
au
Sahara
occidental. Cette
tradition
fait d
'a
l-imam al-Hadramï le compagnon
et
guide sp
iritu
el d'Abü Ba
kr
ibn
'Umar, la seule
réf
érence historique de
ce
mouvement qu'elle re
tienn
e.
Sans
êt
re totaleme
nt
attesté,
le fait
est
vraisemblable. Une véritable légende se fonde
par
contre
sur
les circonstances de la
mort
du
sa
int:
al-H
adramï
a
urait
été
tu
é,
mort
en martyr,
en
menant
les troupes almoravides à
l'a
ssa
ut
de
la
ville de
Madïnat
al-kilab (4)
la
« ville des chiens
",
peuplée des mystérieux Bavours,
é
pi
sode dans lequel,
par
ailleurs, j'ai cru retrouver la trace d'une
lutte
e
ntr
e
ibadites
et
sunn
ites
au
Sahara
occidental (5). Six siècles plus
tard,
au
milieu du
XVlle scle, la redécouverte du tombeau de l'imam
par
un
saint
des Smasïd,
al-Majdüb,
reprend
à l'identique les motifs de la précédente
tradition
. Les
Smasïd, en provenance de Singïtï, s'
installent
dans
la
région d'
Atar
et
combat-
tent, dans les mêmes conditions
(6),
les Bavours : peut-
êt
re
s'agit-il de la me
tradition de « reconversion» à l'islam que dans le cas de
la
lutte
des s
unnit
es
contre les ibadites
sa
hariens
(7).
Les liens
entre
les deux épisodes
sont
en
tou
t
cas évide
nts
. Peu après,
au
cours d'un songe,
un
homme des Smâsïd, al-imâm
al-Majdüb a la révélation
de
la localisation de
la
tombe d
'a
l-imam al-Hadramï,
loca
li
sée
au
terme du parcours d'
un
li
er
sacrifié qui égorgé, a
pr
ès une
ul
time
co
urs
e,
s'
éc
roule à cet emplacement : le corps du sai
nt
y
est
trouvé miraculeuse-
me
nt
intact.
En
même temps le bras d'al-Majdüb enfle et ne
peut
êt
re guéri
qu'en délivrant le message d'
un
ouvrage, le Kitab al-Minna, le « Livre de la
Grâce
",
d'inspiration fortement messianique
(8).
La seconde figure de s
aintet
é que j'évoquerai est beaucoup plus floue
et
sa
ns doute légendaire. On ne
sait
même pas,
en
effet, se trouve
la
tombe de
Muhamma
d Gallü, l'ancêtre de
la
tribu des Aglal de Singïtï et selon eux l'un des
fondate
ur
s de cette ville.
Ce
tt
e
impr
écision renvoie à l'un
de
s caractères les plus ré
pandu
s de la
wi
la
ya
dans la société
maure
. Mu9.ammad Gallü
est
un
« s
aint
errant
",
comme
l'a
urait
été son père Brarum, d'ascendance qurayshite renvoyant à Abü
Bakr
,
(4)
Il
s'ag
it
très
vraisembla
bl
e
men
t d'Azug
i.
Les
pr
e
mi
ers tr
ava
ux arch
éo
logiques
sur
le
site
sem
bl
ent effectiveme
nt
at
t
es
ter
d'une
mi
se
à
sac
à lpoque almoravide, suivi d'une recon
st
ruction.
Cette
occupation p-almoravide
est
limitée à
qu
elques
constructions
assez
somma
ir
es, accomp
agnées
d'outils
li
thi
que
s (m
eu
les) et de sco
ri
es de fer et de cuivr
e.
(5)
La férence aux chiens
pourrait
êt
re
un
indice de
cette
pr
ésence ibadi
te
dans
la région. La
soci
été
berbè
re
pr
éislamique
co
nn
ai
ssa
it
la cynographie,
sa
ns
dout
e sacrifie
ll
e, qui
s'est
perp
ét
uée
dan
s
l'isla m ibadite. Lors
que
l
es
Almorav
ides
conquièrent
la
vi
ll
e de Sijilm
asa,
d
'o
bédi
ence
ibadite,
il
s
massac
rent les
habitants
et
les
chiens
(PF
. de M
oraes
F
AR
I
AS
, "
The
Almo
ra
v
id
s : Some Q
uestions
Conce
rn
ing the Char
acte
r of
the
Moveme
nt
During
its P
er
iod
s
of
C
lo
sest
Co
nta
ct wi
th th
e W
este
rn
Sahara
..
in Bulletin
de
l'IF
AN,
1967,
XXIX
(3
-4
):
pp. 794-878
).
Ces
oppositions religieuses s'inSCrivent
d
ans
le
ca
dr
e de f
ortes
riva
li
tés
commercial
es
à
trav
ers le S
aha
ra.
(6)
y c
ompri
s
l'
épisode de la d
est
ruction de
Madinat
al-Kilab, défe
ndu
e
par
d
es
chiens dr
essés
au
co
mbat
.
(7 )
Il
es
t possible
qu
e d
es
influences ibadites se soie
nt
perpé
tu
ées
en
Adr
ar occidental, ainsi
que
dans
la zone côtière,
asse
z tardivement. Cf. à ce sujet ma
th
èse à ve
nir
.
(8) S
ur
cet
épis
od
e, cf. Abdel Wedoud
OULD
CHEIKH
et
B. SAI
SON
, "
Vi
e(s) et mort(s) de al-Im
am
al-Ha
dr
ami.
Autour
de la
po
sté
rit
é
sa
harie
nn
e du mou
ve
m
ent
almoravide ()(Je-
XV
II
e s
cl
e)
", Arabica,
1987,
XXX
I
V.
pp. 48-79.
FIGURES
HISTORIQUES
DE
SAINTETÉ
DANS
LA
SOCIÉTÉ
MAURE 285
compagnon
du
Prophète
et
Khalife.
Brahrm
s'installe
chez les
Soninké
dont
il
aurait
épousé
une
femme, d'où le nomgallu
porté
par
son fils qui
signifierait
« le
blanc"
dans
cette
langue
. Au cours de ses
propres
errances
Mul;1ammad
Gallû
s'
établit
à proximité d'Abwayr,
une
riche cité
commerçante
qui
aurait
précédé
Singltf(9). Abwayr
était
corrompue
par
les biens
matériels
et
la
diversité
des
groupes
qui
y
étaient
installés
(10);
l'un
des
habitants
de
cette
ville,
Ya
l;1y
a ,
ancêtre
des
Idaw'all,
une
autre
tribu
fondatrice de Singlt],
s'installa
(11)
auprès
de Mul;1ammad Gallû
et
ils
décidérent
avec
deux
autres
compagnons de fonder
une
nouvelle ville, Singltl,
dont
la
sainteté
restera
établie
à
travers
les siècles.
Le
caractère
spirituel
de
l'errance
est
fortement
affirmé. Selon
certaines
traditions,
Mul;1ammad,
ou
son ancêtre,
aurait
été
miraculeusement
transporté
d'Iraq
dans
un
tourbillon;
selon
d'autres
il
serait
venu
à
l'emplacement
de
Singltl à
la
recherch~
d'une
feuille
perdue
de
son
Quran;
après
la
fondation de
la
ville, Mul;1ammad
Gallû
disparut
tout
aussi
miraculeusement
et
sans
que l'on
ne
sache
rien
de
son
destin;
ses
descendants
Talib
Mûstav
et
son fils Talib
Ahm
ed
seront
de
même
transportés
dans
un
tourbillo~
mystérieux
à l'origine de
la
migration
des Aglal vers le sud(12). Mul;1ammad
Gallû
est
aussi
un
ascète
(z
dhid),
un
homme
qui
ne dort
pas
et
jeûne
tous les
jours
.
On
notera
avec
intérêt
le
statut
de
son
épouse, «
une
sainte,
rapporte
la
tradition
, de la race des génies,
une
s
ainte
femme de
la
race d'Adam,
errante
comme lui» ; de
même
celui de
sa
fille
ijadlja,
qui
porte
aussi
le
nom berbère
de
Tamerzagat,
épouse de
Yal;1ya,
ancêtre
des Idaw'all,
et
réputée
pour
sa
piété
.
Le
récit
de
création
de Singlt]
est
en
définitive fondé
sur
l'opposition
entre
la
souillure
de l'ancien Abwayr, corrompu
par
la
richesse
et
le
mélange
des
populations
,
et
«l'absence de souillure" de Mul;1ammad qui
retentit
sur
la
nouvelle
umma
qu'il
constitue
avec ses compagnons,
umma
qui
fonde
la
nouvelle ville
sur
les
valeurs
de
la
foi
, de
la
prière
(13)
et
du
travail
(14).
En
un
sens
,
la
troisième figure de
sainteté
dont
je
voudrais
parler, celle
du
Sarlf
Bûbazzûl,
partage
certains
traits
avec la
précédente
tout
en
ajoutant
une
autre
dimension, celle de l'origine
sharifienne
,
et
un
autre
message, celui des
fondements
de
l'arabité
généalogique
dans
une
société
berbère
.
(9)
L'
emplace
ment
d'
Abwayr
, for
te
ment
en
sa
blé,
se
trouve
à
qu
elqu
es
kilomètr
es
à
l'
es
t de
Sing
it
i.
L
es
férences à Abw
ay
r, Azug
i,
et
bien d'
autre
s
site
s, témoigne
nt
de
l'an
cie
nn
eté dans l'
Adr
ar
d'
un
habit
at "
qsuri
en ", associé à
un
mode de vie
plus
sé
dent
a
ire
(
cf.
sur
ce
thème
,
P.
BO
NTE
, " L'
habitat
dent
a
ir
e 'qsurien' en
Mauritanie
sahari
e
nne
",
Nomad
es et
dentair
es en
Asi
e
ce
ntral
e.
Apports
de
l'arc
h.
éologie et de
l'
ethnologie, te
xtes
ré
uni
s
par
H.P
FRAN
CF
OR
T,
1990, Éd.
du
CNRS,
Paris
, pp. 57-68.
(10) La
corruption
de
la ville
es
t conçue c
omme
la consé
quenc
e de la
diver
s
it
é
du
na
sab, d
es
orig
in
es
néalogiques,
des
tribus
qui
l'occ
upent
.
(
11
)
Aprè
s
avoir
tué
l'un de
ses
cousins
dont
la
conduite
ne
répondait
pas
aux
règles
de l'islam ;
il
d
eva
it
ê
tr
e lui-même
mis
à
mort
mais
fut
, compte te
nu
de
sa
rigueur
morale
et
religieu
se
, co
ndamn
é
à l'exil. (12) Ils s'
in
s
tall
ère
nt
dan
s l'As
sa
ba d'où
il
s se
répandir
e
nt
dans
l'
es
t de
la
Mauritani
e.
On
peut
se
dema
nd
er, les ca
ractères
de le
ur
origine (alliance avec les
Soninké
)
iraient
aussi
en ce
sen
s,
s'
ils ne
s
ont
pa
s
or
i
ginair
es
du
sud
et
install
és
ancienn
e
ment
à
Singip
dans
le
cadre
des
mouv
e
ment
s
c
omm
erciaux
et
re
li
gieux
qui
associent
fortement
ju
s
qu
'
aux
XVI
e
_XVII
e scles
qsur
de l'Adrar à ceux de
la zone
sa
hélienn
e (Tis
it
, Wala
ta
,
Timbouctou
).
(1
3) Le
pr
e
mier
acte
des
fondat
e
urs
est
la
construction
de la mosquée.
(
14
)
Il
e
xi
ste d'
autr
es
ré
cits
de la fondation de
Singip
qui
reprenn
e
nt
les mê
mes
élém
e
nts
mais
l
es
a
r·ti
cule
nt
différe
mment
se
lon les
origine
s
tribal
es
des
locuteurs
(cf.
ma
thè
se).
28
6 PIERRE BONTE
Nous sommes à
peu
près
dans
l~
même période de référenc
e,
autour
du
xve siècle.
De
même que
M~ammad
Gallü, fondateur de la
tribu
des Aglal, le
S
arlf
Bübazzül
est
un
fondateur de
tribus:
les Smasld, IkumlaylIn, plusie
ur
s
fractions des Tandga, ldablahsen, Tasumsa, etc.
et
même
un
groupe de langue
wolof, les Falat.
Contrairement
à celle du premier, la tombe
du
second
ce
penda
nt
est
connue, à Wayrejiyya, à 40
km
au
sud
de Nouakchott.
L'hagiographie du sarIf, sous plusieurs versions, selon les
tribu
s de
référenc
e,
répète les mêmes
traits
. D'origine idrisside, chas
du
Maghr
eb p
ar
les Zénètes
et
les Fatimides,
réf
érence
naturellement
apocryph
e,
il s'in
sta
lle
dans une tribu berbère, ou chez
un
peuple africain, épouse une femme, qu'il
gué
rit
d'
un
e possession
par
lesjnün
dangereu
se pour ses
mari
s(
15), ou par
fo
is
gué
rit
son
fil
s,
entre
en
conflit avec le groupe d'accueil
et
part
avec son (ses)
fil
s
qu'il
nourrit
miraculeusement de son
lait
, d'où son nom bazzül, «l'ho
mm
e
a
ux
sein
s".
Sa
int
fondateur de tribu, le SarlfBübazzül
est
aus
si le personnage ce
ntr
al
d'
un
myth
e légitimant
la
transformation d'une société berbère (16) cognatique
en une société arabe patrilinéaire à laquelle
il
donne
la
prestigieuse référence
d'
un
n
as
ab
sharifien. Le «
lait
du père" déplace définitivement à ce
tt
e ép
oq
ue
ve
rs
l'
ag
natisme
les valeurs de
la
société maure. Le thème de
la
gu
érison de la
possession féminine, danger du commerce sexuel féminin avec les
jnün
, renvoie
aussi vraisemblablement
aux
mythes d'origine berbère qui place
nt
ce commerce
a
ux
origines d'
un
e société fondée
sur
des ancêtres féminines, et qui soulignent
i
ol
ogiqueme
nt
ce
tte
relation, à
trav
ers
la
divination féminine par exem-
pl
e (
17
).
Quoi qu'il
en
soit cette guérison de
la
possession féminine restera lui
aussi un
tr
a
it
distinctif de la
sainteté
maure
et
l'objet de miracles ré
curr
en
ts
dans l'hagiographie ancienne comme dans
la
pratique contempo
rai
ne de
l'islam (18).
La dernière figure de s
aintet
é que
j'
évoquerai est ce
ll
e
du
Kun
ta
Sld'A\unad al-Bakka'l, le <<larmoyant
..
, ainsi appelé parce qu'
un
jo
ur
,
ayant
ma
nqu
é
un
e prière,
il
versa des larmes qui coulèrent toute sa
vi
e.
Elle
pr
ésen
te
ce
tte particularité,
par
rapport
aux
précédentes, d
tr
e liée à
l'
origine du
mo
u
ve
me
nt
co
nfrérique soufiste
au
Sahara
occidental, de
la
Qadiriyya do
nt
la
tr
ibu des
Kunta
est considérée comme l'initiatrice dans cette région.
(J5)
Le
th
ème
est
réc
ur
ent
et
ancien
da
ns la tradition ma
ur
e.
Dans l'
un
des p
lu
s anciens
docu ments
éc
ri
ts
de l'islam
sa
ha
ri
en, qui con
ce
rn
e
vr
aisembla
bl
eme
nt
la Mauri
ta
nie, la l
ett
re d'un
celta
in al-La
mtün
î au
sava
nt
al-Su)'1ltî au Ca
ir
e, à
pr
op
os
des d
év
ia
nc
es de l'islam d
ans
la société
de
l'
é
poq
ue, le dé
but
du
XV
Ie s
cl
e, on
li
t:
,,(section 32)
(i
ls dise
nt
au
ss
i que) si
vo
us épousez une femme
qui est veuve de trois maris, e
ll
e
vo
us apportera le malhe
ur
", J.O. H
UNW
ICK, "Notes on a
lat
e
fifteent
h-
ce
ntu
ry d
oc
u
ment
conce
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g a
l-T
a
krur
",
African Persp
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tives. P
ap
ers
Ln
the history, poli/ics
a
nd
eco
nomi
cs
of
Af
rican Prese
nt
ed ta Thomas H
odgkin
, C.
ALLEN
and R.W.J. JOH
NSON
(eds), Cambridge
University Press, 1
970:
19
,
pp
. 7-33). La m
ort
des
ma
ris
est
co
nçue en effet comme la conséquence
du
commerce qu'en
tret
ient la femme avec les j
nün
.
(16) Dans les mythes d
'o
rigine
co
rr
espond
an
t à
un
e
st
r
ate
pr
éisl
am
ique, l
es
Touaregs
explique
nt
la nai
ssa
n
ce
des
fil
s de la femme, d
ans
le
co
uple fre-sœ
ur
originel,
pa
r les rel
at
ions qu
'e
ll
e
a avec des géan
ts
, des j
nün
, etc.
Cf.
s
ur
ce
po
int
D.
CASAJUS,
La Ten
te
dans
la solitude. La sociéet les
m.or
ts chez les Thuaregs Kel Ferwan, 1987,
Ca
mbridge University
Pr
ess et Éd. de la MSH, Paris.
(17)
T.
L
EW
IC
Kl
,"
Survivances chez les Berbèr
es
diévaux d'ère musulmane de
cu
l
te
~
anciens
et
de
croyances païe
nn
es ", Folia Oie
n/al
ia, 1967, VIII : pp.
5-
40.
(18)
JI
existe des sp
éc
ialistes en ce domain
e.
FIGURES
HISTORIQUES DE SAINTETÉ DANS
LA
SOCIÉTÉ
MAURE
287
encore les
éléments
d'un culte existent, ou
ont
existé,
car
les
manifestations
n'
en
sont
guère spectaculaires. Le
say!}
est
enterré
à
Walata
il
mourut
en
1515.
Un
miracle posthume
est
d'ailleurs lié à
cette
tombe:
le
tombeau
du
saint
était
menacé
par
les caprices
du
cours
d'un
oued, les pluies
s'a
rr
êtè
rent
alors
sur
une
longue période de
tomber
sur
Walata. Des
savants
de
la
ville
eurent
la
révélation de
la
nécessité de déplacer
la
tombe, ce
qu
'ils
firent
,
l
'o
n
s'aperçut
que le corps
était
resté
intact. Les pluies
recommencèrent
alors.
Sld'Al).mad
Bakka'i
s'inscrit
dans
la silsila, coïncidant ici avec
la
chaine
généalogique, des
Kunta,
reconstruite
après
coup, de la diffusion de
la
Qadiriyya
au
Sahara.
Issu
de l'Adrar il
vint
s'installer
à Walata, alors
en
partie
occupée
par
les '
ulama
chassés de Timbouctou
par
les Songhay
et
il imposa,
selon
la
tradition
hagiographique, son pouvoir spirituel
sur
cette ville
en
la
débarrassant
des
bêtes
sauvages
(lions) qui
infestaient
ses
alentours
.
Sa
tombe,
toujours selon
la
tradition
, fut
très
fréquentée
par
les commerçants
maghrébins
dont
cette
ville re
présentait
un
port
méridional (19).
En
fait,
cette
tradition
semble reconstruite deux siècles
plus
tard
lorsque
le fameux Sayl) Sidl al-Mul)tar al-Kunti, qui
me
semble
être
le véritable
initiateur
de
la
Qadiriyya
kunta
au
Sahara
dans
la
seconde
partie
du
XV
IIIe siècle, effectue
un
travail
généalogique pour faire coïncider ses origines
avec celle de
la
confrérie. Si
la
figure
du
saint
est
attestée
,
ses
liens avec
la
tarlqa
Qadiriyya
sont
loin d'
être
évidents : la
tradition
kunta
elle-même oscille
s
ur
ce
point
l'attribuant
à Sidi Al).mad al-Bakka'l ou à son fils Sidi '
Umar
al-Sayl) (20).
Éléments
d'interprétation
Les figures historiques de
la
sainteté
que
je
viens
rapidement
d'évoquer,
s'inscrivent
dans
un
temps
historique lointain,
entre
le
xv
e
et
le XVIIe siècle. Ce
sont
aussi
des figures contemporaines.
J'en
tirerai
trois conclusions, d'ordre
plutôt
méthodologique, qui
mériteraient
de plus amples développements :
1 -
La
société
tribale
maure
s'inscrit idéologiquement
dans
l'histoire,
celle
du
na
sa
b, des origines généalogiques qui
créent
les légitimités so-
ciales (21
);
les
saints
cités s'inscrivent
dans
cette perspective ; ce
sont
des
saints
fondateurs
, de l'islam, des confréries, de
l'arabité
généalogique,
des
tribus
.
(19) "
Sa
tombe
est
visitée
en
tous
temps
par des le
rin
s,
.
~
raf
d,
homm
es
sa
in
ts
et
a
utr
es
mais
surtout
par
des
par
en
ts
, ceux
du
Nord
et
des voyageurs engagés
dan
s le commerce
du
Nord,
en
raison
de l'efficacité de sa baraka. Ils
ap
portent
des dons et ils sacrifient s
ur
sa
tombe en dis
tribuant
des
a
um
ones
aux
pa
uvre
s
",
H.T. N
ORR
ls, "
Sanh
a
ja
Scholars
ofMauritania
",
Studies
in
West Africa l
slamie
History
1.
Th
e Culti
vators
ofIslam,
J.
R.
WILU
S (ed.), 1979, London, Cass, pp. 147·1
59:
154).
(20)
Il
e
st
douteux que le premier,
mort
à Wala
ta
en
1515,
ait
pu
rencontrer
al-Magïlï, p
as
plu
s
que le second (
WI
TCOMB
, «New Evidences on
th
e Origins of
th
e
Kunta
".
Bull
e
tin
of
the School of
Orie
ntal
and
African
Studies,
1975
,3
7 : pp. 102-12
3;
38:
pp. 403-417).
En
o
utr
e
aucu
ne des
ét
ud
es
réce
nt
es
su
r al-Magili ne prouve son
af
fili
at
ion à la Qadiriyya ;
quant
à l'affiliation d'al-Suyûti, qui
selon la
tradition
kun
ta
a
ur
ait
tr
ansmis le wird à al-Magil
i,
à
cette
mêm
e confrérie, elle
est
plus
douteu
se
encore.
(
211
P
BONTE
, E.
CONTE
, C. H
AM
ÈS
et
Abdel Wedoud
OULO
CHE
IKH
,
Al·Ansd
:
La
Quête des
ongw
.es.
Anthropologie historique de la société tribale arab
e.
1991, Éd. de
la
MSH,
Pari
s.
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