dossier pédagogique du spectacle - L`arc

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Dossier pédagogique
Sur le Sentier d’Antigone
Agence de Voyages imaginaires
Compagnie Philippe Car
Jeudi 8 janvier 2015 – 20h30
L’arc, Scène nationale du Creusot
Mise en scène : Philippe Car
Ecriture : Philippe Car, Valérie Bournet
Interprètes : Valérie Bournet, Lucie Botiveau, Marie Favereau
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Avant le spectacle : questions et réflexions
- Réfléchir au titre
Antigone est un personnage appartenant à la mythologie antique grecque : demander aux élèves s’ils
la connaissent, s’ils connaissent son histoire.
Si cette histoire est connue, que peut signifier le titre ? Pourquoi « Sur le sentier » ? Qu’est-ce que
cette formule implique ?
- L’histoire, l’intrigue… la tragédie
Antigone appartient à la famille des Labdacides, qui règne sur Thèbes. Cette histoire est notamment
présente chez le Pseudo-Apollodore, Athénée, Sophocle, Euripide.
Elle est la fille d’Œdipe et de Jocaste.
Rappeler l’histoire d’Œdipe, qui est l’archétype du tragique.
Le registre tragique se définit par l’effet de terreur et de compassion que doit ressentir le spectateur
confronté à un destin implacable qui frappe les personnages.
2
Histoire d’Œdipe : ses parents, Laïus et Jocaste, roi et reine de Thèbes, reçoivent l’oracle
d’Apollon qui leur prédit que leur fils tuera son père et épousera sa mère. Lorsque Jocaste accouche
d’un garçon, de peur que l’oracle ne s’accomplisse, Laïus ordonne que son fils soit abandonné dans la
montagne, pendu à un arbre par les pieds. Le serviteur ayant reçu l’ordre d’accomplir ce crime
s’émeut face à l’enfant, et l’abandonne ou le confie à des bergers du roi de Corinthe, Polybe. L’enfant
est élevé par le roi de Corinthe et son épouse Mérobe, qui désespéraient d’avoir un héritier. Ils le
nomment Œdipe, « celui qui a les pieds enflés », et l’élèvent comme leur propre fils.
Œdipe, devenu adulte, est accusé d’être un enfant trouvé. Il décide de partir pour Delphes
afin de consulter à son tour l’oracle d’Apollon pour vérifier si Polybe et Mérope sont bien ses
parents. La même prophétie est faite qu’avant sa naissance : il tuera son père et épousera sa mère.
Effrayé, Œdipe décide de ne pas retourner à Corinthe pour éviter d’accomplir la prophétie.
Sur la route, à un carrefour, il rencontre un vieil homme sur un char, ils se disputent, se
battent, et Œdipe tue ce vieil homme, sans savoir qu’il s’agit de Laïus, son véritable père,
accomplissant ainsi la première partie de l’oracle. Continuant sa route, il arrive à Thèbes, affronte le
Sphinx et en débarrasse la ville. Comme récompense pour avoir vaincu le Sphinx, Œdipe obtient le
trône de Thèbes et épouse la reine, veuve, Jocaste, accomplissant la seconde partie de l’oracle.
Jocaste et Œdipe, qui ignorent qui ils sont, ont quatre enfants, deux fils Etéocle et Polynice,
deux filles Antigone et Ismène.
Œdipe règne sur Thèbes, quand une peste terrible ravage la ville. Œdipe consulte alors un
oracle qui lui annonce que la peste cessera lorsque le meurtrier du roi Laïus sera découvert et puni.
Œdipe entame alors des recherches et découvre qu’il est lui-même le meurtrier et le fils de Laïus,
qu’il est aussi le fils et l’époux de Jocaste. Lorsque la vérité est découverte, c’est l’abomination.
Jocaste se pend, Œdipe se crève les yeux.
Par la suite, Œdipe est exilé de Thèbes, chassé du royaume par ses fils. Sa fille Antigone lui
sert de guide.
C’est cette seconde partie de la vie d’Œdipe qui nous amène à l’histoire d’Antigone, héritière
de la malédiction qui pèse sur Œdipe. Chez Sophocle, dans Œdipe à Colone, il apparaît qu’Etéocle et
Polynice, les fils d’Œdipe, laissent d’abord le trône à Créon « afin de ne point souiller leur patrie par
la tache de leur race et de lui épargner les maux affreux tombés sur [leur] maison1 ». Créon exile
Œdipe, cet exil est également confirmé par les deux frères.
Etéocle et Polynice décident ensuite de partager le sceptre : chacun doit régner pendant un
an. Etéocle, qui est le premier à régner sur Thèbes, refuse de rendre le pouvoir à son frère au terme
de l’année. Polynice entre donc en guerre contre Thèbes, il s’allie avec des princes rivaux pour
obtenir le pouvoir. Les deux frères s’entretuent.
Créon, de retour au pouvoir, refuse la sépulture à Polynice pour avoir amené la guerre à
Thèbes, et rend les honneurs funéraires à Etéocle, qui a défendu sa patrie. Il ordonne que le cadavre
de Polynice soit laissé à l’air libre, pour être dévoré par les animaux. Dans le monde grec, ne pas
enterrer les morts et ne pas accomplir sur leurs corps les rites funéraires empêche leurs âmes de
trouver le repos, d’entrer dans le monde des morts. C’est une punition extrêmement grave pour
1
Les Grands Tragiques grecs, tome Ier, Sophocle, Eschyle, Bordard, Coulommiers, « Œdipe à Colone », p. 65.
3
Polynice. Créon ajoute que quiconque contreviendra à son ordre et tentera malgré l’interdiction
d’honorer la dépouille de Polynice sera exécuté.
Antigone refuse. Elle tente d’entraîner sa sœur Ismène avec elle dans cette désobéissance
(« Bientôt tu montreras si tu es digne de ta naissance et si tu as de nobles sentiments2 »). Ismène
refuse, elle rappelle que « ce n’est pas à des femmes de combattre contre des hommes3 ». Mais la
décision d’Antigone est prise « Pour moi j’ensevelirai mon frère ; et ce devoir rempli, il me sera beau
de mourir4 ».
Antigone contrevient à l’ordre du roi, elle est arrêtée. Créon essaie de la sauver, mais
Antigone s’entête, affirme qu’elle retournera honorer Polynice. Antigone est promise à Hémon, le fils
de Créon. Antigone est condamnée à mort, elle doit être emmurée vivante. Ismène veut alors
partager son sort, Antigone refuse. Hémon tente de faire plier son père, nouveau refus. Antigone
s’apprête alors à mourir, elle a peur au tout dernier moment. Dans sa cellule, elle se pend. Hémon la
découvre morte, tente de se battre avec Créon, puis se suicide.
Si l’histoire d’Œdipe montre le déroulement implacable de la fatalité tragique, l’aveuglement
essentiel des hommes qui accomplissent leur destin en tentant d’y résister, l’histoire d’Antigone
quant à elle pose la question de l’obéissance ou de la désobéissance civile : faut-il obéir à un ordre
quand il paraît injuste ?
- Le théâtre grec antique
C’est l’occasion d’ouvrir une parenthèse sur la fonction civique et psychologique du théâtre grec
antique. Théorisé par Aristote bien après sa disparition, le théâtre grec antique a une fonction
psychologique et esthétique, celle de la catharsis : par l’horreur et la pitié face à un destin, il doit
amener à un apaisement des passions.
Cette fonction psychologique est étroitement liée à la fonction civique du théâtre : il doit rassurer les
citoyens sur leur gouvernement, sur le fonctionnement de leur cité. Les spectacles valident (c’est le
cas d’Œdipe à Colone, où Œdipe meurt près d’Athènes et le lieu de sa mort devient un lieu sacré, qui
protège Athènes contre les envahisseurs) la puissance et la légitimité des cités grecques.
Cette fonction civique a-t-elle totalement disparu aujourd’hui ?
Les élèves connaissent-ils des pièces engagées, qui ont une fonction civique, éducative ?
- Du théâtre engagé
Cette interprétation de la pièce modernise la tragédie de Sophocle, il ne s’agit pas de
célébrer une cité ou une identité mais de questionner l’attitude de chacun face au pouvoir, à
l’ensemble des discours et des idées qui imprègnent notre vie quotidienne…
2
Ibid., « Antigone », p. 106.
Ibid.
4
Ibid.
3
4
La question centrale que pose cette pièce est celle de la résistance, de la désobéissance
civile. Un teaser du spectacle est disponible à l’adresse suivante :
https://www.youtube.com/watch?v=sIvqJho3_Us
Qu’est-ce que la résistance ? Qu’est-ce que résister ? C’est ce qu’explique le personnage de
conteur au début de la pièce…
« La vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort.
Résister, étymologiquement, c’est se tenir debout.
Se tenir debout c’est résister à ne pas tomber.
Résister est d’abord une nécessité, un réflexe. Puis une réflexion. »
Que pensez-vous de ce discours ?
Comment passer de la résistance-réflexe à la réflexion ?
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La phrase suivante est présente dans le teaser : « résister c’est refuser d’être assujetti à un ordre
dont on ne veut à aucun prix »
Comment la comprenez-vous ?
Comment, pourquoi résister ? A quoi ?
Si l’on vous parle de résistance dans l’histoire, à quoi pensez-vous ?
Pensez-vous que la résistance ait un sens aujourd’hui ? Contre quoi ?
Quels sont les dangers que court notre société aujourd’hui ?
Sommes-nous formés à résister ?
Où trouver l’origine de la résistance ? Comment savoir contre quoi résister ? Sur quelles idées se
reposer ?
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Que pensez-vous de cette phrase, tirée du texte du spectacle : « L’ennemi est à nos portes, dans nos
veines, dans notre âme, acharné tel un diable à nous diviser contre nous-mêmes. » ?
- Le refus du manichéisme
Cette interprétation du mythe d’Antigone souligne les ambiguïtés des personnages :
- Le roi : Créon n’a pas demandé à être roi, il n’a pas le choix, il assume une responsabilité qui
lui vient de l’extérieur, parce qu’il est le frère de Jocaste qui fut reine.
Il importe de comprendre la décision de Créon : Thèbes est à feu et à sang à cause de la guerre entre
les deux frères Etéocle et Polynice. Créon doit ramener la paix. Il choisit de célébrer l’un des frères, et
de punir l’autre, en axant sa décision sur le fait qu’Etéocle ait choisi de défendre sa patrie,
contrairement à Polynice qui est entré en guerre contre elle.
Comprenez-vous ce choix ?
Qu’aurait-il pu faire ?
La guerre entre les deux frères est-elle juste ou non ? Chacun a le droit de gouverner, mais entrer en
guerre contre son propre frère, quels risques cela fait-il courir à la ville ?
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Créon veut ramener la paix civile, comment s’y prend-il ?
Chez Sophocle, il est qualifié de tyran par Antigone.
Qu’est-ce que la tyrannie ? Avez-vous en tête des exemples de tyrans ?
Antigone « Mais un grand avantage de la tyrannie, c’est de pouvoir impunément dire et faire ce qui
lui plaît5 »
L’argumentaire de Créon porte sur la nécessaire paix sociale. L’obéissance est un gage de paix…
« Quiconque est homme de bien sans sa maison se montre également bon citoyen dans l’Etat […]. Je
ne puis voir qu’avec indignation l’orgueil de quiconque prétend violer les lois, et veut commander à
ceux qui gouvernent. Dans les grandes causes comme dans les petites, dans les justes comme dans
les injustes, il faut obéir à celui que l’Etat a choisi pour maître […]. L’anarchie est le plus grand des
maux ; c’est elle qui perd les familles, qui détruit les Etats, qui met les armées en déroute :
l’obéissance est le salut de ceux qui en suivent les règles »
Qu’en pensez-vous ?
Au nom de quoi peut-on s’opposer à un régime ?
- Ambiguïtés du rôle d’Antigone : ses valeurs et son orgueil
Antigone se bat au nom de valeurs apparemment universelles : qu’en pensez-vous ?
Le respect dû au mort vaut-il la peine de sacrifier sa vie ? Que faire de la paix sociale ensuite ?
Elle accepte ce sacrifice, plus encore elle le décide, en pleine connaissance de cause… Et pourtant,
elle aime la vie, elle est amoureuse, elle est fiancée… Au nom de quoi renoncer à tout cela ? Que
5
Ibid., p. 117.
8
pensez-vous aujourd’hui du choix qu’elle fait : mourir pour des valeurs plutôt que de vivre sa vie, estce refuser l’égoïsme ?
L’ambiguïté du personnage d’Antigone apparaît notamment dans le discours qu’elle tient à sa sœur :
Ismène n’a pas le courage (ou la témérité) d’Antigone, elle refuse d’abord de l’aider à ensevelir leur
frère, puis lorsqu’Antigone est arrêtée et condamnée, Ismène revendique sa propre complicité.
Chez Sophocle, Antigone refuse avec hauteur (pour la protéger ? C’est une interprétation possible
qui n’apparaît pas dans le texte) que sa sœur meure pour ce crime, et elle le fait par orgueil. Puisque
sa sœur a refusé au moment où elle lui a proposé de l’aider, elle n’a plus le droit de revenir sur ses
paroles.
Les propos d’Antigone sont violents : « Je ne sais point aimer ceux dont l’amitié se contente de
paroles6 »
Antigone peut apparaître aveuglée par ses valeurs, intransigeante, intolérante, péremptoire,
orgueilleuse « Tu as choisi de vivre, et moi de mourir7 »
6
7
Ibid., p. 118.
Ibid., p. 118.
9
- Des questions politiques et sociales
Outre la question des valeurs, de la résistance, de l’esprit critique, d’autres problématiques
sont ouvertes par la pièce :
- Le rôle des femmes à l’égard des hommes (thème présent chez Sophocle et Anouilh).
Ismène affirme à sa sœur que ce n’est pas leur rôle, en tant que femme, de s’opposer au pouvoir ;
Créon insiste sur l’infériorité nécessaire des femmes aux hommes (« Pour moi, tant que je respirerai,
une femme ne me commandera pas8 »)
Est-ce que ces propos vous choquent aujourd’hui ? Pourquoi ?
Connaissez-vous des exemples qui prouvent que les femmes sont aussi impliquées que les hommes
dans la vie politique ou dans la lutte, aujourd’hui ou hier ?
- Le héros.
8
Ibid, p. 117.
10
Dans la tradition grecque, le héros est celui qui devient célèbre par sa mort. En quoi Antigone est-elle
une héroïne ? Que pensez-vous de ses valeurs ? Est-elle un mythe ?
Exercice d’écriture / de mise en scène
Faire préparer aux élèves, par deux, un exercice d’écriture à interpréter devant les autres : Antigone,
juste avant d’être emmurée (et de se suicider), est seule dans une cellule avec un garde. Que peutelle lui dire ? A qui pourrait-elle vouloir parler ? Que pourrait-elle vouloir transmettre ?
Scénographie
- Une tragédie ? La mise en scène
Le choix de personnages clownesque met à distance la tragédie. L’histoire est racontée, elle
est prise en charge par un personnage narrateur curieux, à la lisière du sérieux et du burlesque.
Qu’est-ce qui caractérise un clown ? Pourquoi ce choix du clown ? Que peut-il offrir ?
Comment raconter l’histoire d’Antigone à partir de ce point de vue ? Pourquoi ce choix d’un
conteur en lieu et place d’un jeu direct ?
- L’importance du visuel
La pièce est interprétée par un personnage central, ce clown Séraphin, qui assume différents
rôles. Il est accompagné de deux anges (Cupidon et Gabriel – il est possible de faire réfléchir les
élèves sur les résonances offertes par les choix de ces noms), qui jouent de la musique et parfois lui
donnent la réplique.
La pièce travaille également des effets de gigantisme (v. les photos sur le dossier de la
compagnie http://www.voyagesimaginaires.fr/files/Dossier-ANTIGONE.pdf et
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http://www.voyagesimaginaires.fr/)
Après la représentation
Demander aux élèves ce qu’ils ont pensé de la scénographie, de la mise en scène, de la façon dont
l’histoire est dite.
Ont-ils observé des variations de registre ? (tragique, comique… ? Note : le jeu sur le temps que met
le garde à avouer que le cadavre a été recouvert de poussière est déjà présent chez Sophocle, de
même que l’éloignement des gardes du cadavre à cause de l’odeur de décomposition – les deux sont
également repris chez Anouilh)
Leur demander s’ils ont pu faire des liens avec la vie quotidienne, l’engagement politique.
En quoi l’esprit critique est-il utile dans la vie ?
Conclusion du chœur chez Sophocle : « Combien la sagesse est préférable à la fortune (argent) ! Il
faut craindre d’offenser les Dieux. La vanité des hommes présomptueux leur attire souvent
d’éclatants supplices, qui leur apprennent, mais trop tard, à aimer la sagesse9. »
Double regard : Antigone le jeudi 2 avril 2015 à 20h30.
9
Ibid., p. 137.
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