Musique et langage
Le langage et la musique sont des caractéristiques de l’espèce humaine qui semblent à la
fois universelles, c’est à dire que tous les humains ont une aptitude générale à acquérir
une compétence linguistique et musicale, et spécifiques aux humains dans le sens
aucune espèce animale ne semble utiliser la musique à d’autres fins que celle de prévenir,
marquer un territoire, agresser, défendre
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etc.
Les êtres humains ont une aptitude générale à acquérir une compétence linguistique et
musicale. John A.Sloboda établit un parallèle entre les travaux du musicologue viennois
Schenker
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et les travaux de Chomsky. Il semblerait qu’il existe des universaux musicaux
comme il existe des universaux linguistiques. Shenker affirme qu’à un niveau profond,
toute composition musicale de qualité a le même type de structure, et que cette structure
nous révèle quelque chose sur la nature de l’intuition musicale. Il distingue une structure
de surface qui peut varier sans pour autant que change la structure profonde, le nœud
supérieur d’une hypothétique structure arborescente de constituants, ou «ursatz ».
Cependant, musique et langage sont deux choses bien distinctes dont les différences
fondamentales sont notamment limitées par le simple fait que nous utilisons le langage
pour « poser des affirmations ou des questions sur le monde réel et les objets et sur les
relations qu’ils entretiennent », ce qui ne semble pas être le cas de la musique. Ce qui fait
souvent dire de façon un peu limitative que la musique est le langage des émotions.
Musique et langage ont ceci de commun, mais aussi d’extraordinaire, qu’ils sont capables
de générer une quantité infinie de nouvelles séquences.
Les recherches comparatives en musicologie montrent qu’il existe dans les différents
types de culture des échelles de tonalité qui font référence à des hauteurs fixes souvent
reprises et maintenues tout au long d’un morceau par un instrument ou une voix de
référence. Dans la plupart des échelles, l’octave semble être un intervalle particulièrement
privilégié, et les subdivisions de l’octave en degrés suivent des principes communs. Les
spécialistes parlent donc d’une universalité des composantes musicales.
Lorsqu’ils sont exposés à des exemples, les enfants semblent avoir une aptitude naturelle
à apprendre sans efforts les règles de base de la langue et de la musique. Que ce soit
pour le langage ou pour la musique, le moyen naturel est audio vocal. De très nombreux
mécanismes neuraux entrent en jeu dans l’analyse du stimulus et dans la production de la
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John A.Sloboda, psychologie cognitive de la musique, Col. Psychologie et sciences humaines, p32.
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Musicologue viennois, (1868-1938)
réponse. Ils rendent complexe l’approche de la difficulté que rencontrent certains enfants,
de ce point de vue.
Dans le comportement développemental, les compétences réceptives précèdent les
compétences productives. Les enfants ont la capacité de comprendre des phrases qui
mettent en œuvre certaines constructions, bien avant d’être à même d’inventer des
phrases qui utilisent ces mêmes constructions.
Il apparaît que le rapport qui existe entre les capacités d’écoute et d’analyse en musique,
et les capacités de production ne soit malheureusement pas le même. Un auditeur peut
avoir une connaissance approfondie d’un type musical, mémorisation des thèmes,
description, reproduction etc. sans acquérir la capacité de générer un thème de même
type. La création musicale fait appel à des ressources très différentes de celle du langage
qui sont encore mal définies.
Le rapport perception/reproduction
La reproduction de sons nécessite (j’exclue les problèmes liés aux déficiences auditives)
leur perception. Un sujet reproduit oralement ce qu’il est capable d’entendre. « On chante
avec son oreille, la bonne voix est celle qui permet au corps de l’auditeur d’avoir des
résonances agréables, d’entrer en vibration avec lui, un piano fait vibrer les cordes d’une
guitare »
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.
La reproduction des sons est une capacité qui peut être observée de l’extérieur alors que
l’écoute n’entraîne pas nécessairement de manifestations physiques observables. On peut
supposer qu’elle consiste en une série d’images mentales, de sentiments, de mémoire et
d’anticipation. La musique est composée d’un ensemble de sons qui entretiennent entres
eux des relations significatives. Pour que la perception s’amorce, il faut que l’auditeur
remarque les relations des notes entre elles et opère au minimum des groupements
significatifs à un premier niveau d’écoute au moins. A un niveau supérieur, l’auditeur
opère des groupements beaucoup plus complexes qui correspondent aux structures de
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TOMASI. L'oreille et la vie, itinéraire d'une recherche sur l'audition, la langue et la communication. Laffont1977.
l’œuvre. Les traitements cognitifs de ces regroupements restent encore relativement
mystérieux, ils semblent faire appel à des prédispositions « naturelles » à regrouper les
sons d’une certaine hauteur entre eux et à les comparer de manière relative (l’oreille
absolue étant rare).
Les différentes expériences psychologiques sur ce thème (souvent complexes à lire)
permettent de considérer que la structure rythmique et la structure mélodique sont liées et
que certains patterns mélodiques sont plus faciles à mémoriser que d’autres (cas du
répertoire de chant traditionnel, comptines)
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. La perception est sélective, elle s’exerce
prioritairement sur la ligne mélodique au détriment de son accompagnement. Moins la
mélodie correspond à des patterns familiers, ou plus sa structure est complexe, plus
naturellement les capacités de traitement de l’information sont sollicitées et cessitent
une attention soutenue, et plus les recherches sont difficiles à mener. Au même titre qu’en
lecture, il semble plus facile de comprendre les mécanismes qui entrent en jeu dans la
lecture d’une phrase que ceux qui sont sollicités par la compréhension d’un roman.
Des expériences semblent démontrer que chez le nourrisson de 6 mois il existe une
capacité à reconnaître des patterns mélodiques simples, et aussi leur transposition. John
A.Sloboda cite entre autre l’expérience de Chang et Trehub. 1977. «Chez le nourrisson, ils
découvrent qu’il y a déstabilisation du rythme cardiaque à l’audition d’une mélodie de
contour différent, mais non pas à l’audition de la transposition d’une mélodie déjà
connue ».
Il est beaucoup plus facile de s’attacher à des observations sur la reproduction des sons
musicaux qu’à des observations sur les mécanismes de leur perception. On peut donc
considérer pratiquement et par défaut le développement des compétences musicales de
ce point de vue. Il convient de distinguer le développement naturel de la formation
musicale résultant d’une éducation spécifique. Celui-ci se caractérise par l’enculturation
qui se traduit par l’absence d’efforts conscients et explicitations et par la maturation dont
on ne sait en la matière que peu de choses. Les jeunes enfants n’aspirent pas à améliorer
leur aptitude à apprendre des chansons, et pourtant elle s’améliore. Les adultes
n’enseignent pas aux jeunes enfants des techniques de mémorisation de chanson et
pourtant les enfants acquièrent cette capacité à mémoriser des chansons.
Phases caractéristiques de développement
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La comparaison du répertoire enfantin Hongrois et Français fait apparaître des différences culturelles
significative sur l'ordre d'appropriation des patterns mélodiques selon l'âge.
Ces phases de développement que je résume sont proposées par Sloboda. Elles se
distinguent parfois du lyrisme de Martenot, aussi bien que des propos de Wilem ou de
Tomatis sur le bain musical indispensable et constitutif de l’oreille musicale tel qu’ils le
proposent chez le tout petit.
Elles s’appuient sur des observations de comportements en situations naturelles ou
testées dans des conditions expérimentales. Elles ne présument en rien les mécanismes
sous-jacents qui restent toujours peu éclairés.
La première année, il semble que les enfants soient capables de distinguer des sons
musicaux de ceux qui ne le sont pas, comme en moignent l’attention accrue, le
mouvement et la vocalisation.
Vers dix-huit mois, le chant spontané commence à se manifester. Bien qu’à cet âge-là
l’enfant apprenne à parler, il est très rare qu’il se serve de mots dans le chant spontané.
Gardner et al.(1981) indiquent que l’enfant donne l’impression d’expérimenter la
construction de l’intervalle mélodique. Au début l’enfant utilise généralement des
intervalles qui se rapprochent des secondes, puis des tierces mineures et majeures. Dans
le même temps, l’enfant exprime son enthousiasme en réponse à la musique par des
«danses » sans coordination rythmique.
Vers son deuxième anniversaire, l’enfant commence à expérimenter des intervalles
approximatifs de quarte et de quinte, sans structure rythmique évidente. Il apparaît des
coïncidences entre le mouvement et le rythme des musiques qu’il écoute.
Entre deux et trois ans, l’enfant semble avoir assimilé les notions selon lesquelles la
musique se construit autour d’un petit ensemble fixé d’intervalles de hauteur, et la
répétition de patterns intervalliques et rythmiques. L’imitation des parties de chanson que
l’enfant écoute marque une nouvelle étape. Les mouvements de danse en réponse à la
musique sont plus sophistiqués du point de vue gestuel mais toujours peu structurés du
point de vue rythmique.
Au cours des troisième et quatrième années de la vie, l’enfant développe sa capacité
imitative jusqu’au moment il est en mesure de répéter des chansons en entier. Il y a
une diversité plus grande des mouvements et en même temps une diminution très
prononcée des mouvements spontanés.
Vers cinq ans, les enfants sont capables de reproduire avec exactitude les chansons
familières et les comptines de leur culture. Le chant spontané disparaît progressivement
pour ne laisser place qu’à l’imitation. La spontanéité du mouvement a généralement
disparu.
Entre cinq et dix ans, la principale tendance veloppementale semble être la conscience
réflexive accrue des structures et de patterns qui caractérisent la musique.
Par exemple, un enfant de six ans est déjà capable de chanter sans effort une chanson
qu’il connaît, plus vite ou plus haut.
Il y a de cinq ans à l’âge adulte une constante progression au cours de laquelle l’auditeur
devient capable de porter un jugement réflexif sur la qualité musicale d’aspects de plus en
plus « difficiles » de la musique.
Vers neuf ans, l’enfant réagit fortement à des dissonances mélodiques. Les tests qui
portent sur le jugement de la qualité musicale de séquences mélodiques ( Sloboda 1979)
démontrent des différences significatives qui vont en s’estompant entre l’enfant de cinq
ans, de sept ans, de neuf ans et l’adulte.
Quand les tests portent sur des séquences mélodiques sans accompagnement, il faut
attendre que l’enfant soit âgé de onze ans pour qu’il y ait correspondance entre son taux
de réussite aux items et celui de l’adulte.
Les observations rapportées au sujet de la relation qu’exerce l’environnement social et culturel sur
les réponses à la musique semblent attester qu’il n’y a pas de différences significatives jusqu’à l’âge
de trois ans, mais qu’ensuite les enfants exposés à un environnement musical sont en « avance » par
rapport aux autres.
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