La crise est entrée récemment dans sa 5ème année. Ce qui

p 1 / 18 Novembre 2012 - La gouvernance économique européenne : un kit de survie pour le syndicaliste
La crise est entrée récemment dans sa 5ème année. Ce qui a commencé par la faillite de la banque
d’affaires américaine Lehman Brothers, a fini par provoquer la récession économique la plus grave
depuis les années 30. En fait, nous sommes les témoins de plusieurs crises ou, pour l’exprimer plus
clairement, une crise en plusieurs phases. La première phase de la crise a été celle de la crise
bancaire, au cours de laquelle la chute d’une seule banque a engendré une crise bancaire au niveau
mondial. En Belgique également, toutes les grandes banques furent touchées ne citons que Fortis
et Dexia. La crise est entrée dans une deuxième phase dans le courant du printemps 2009 avec la
crise économique. C’est à ce moment- que l’impact réel de la crise s’est fait ressentir sur
l’économie. Toutes les grandes économies européennes ainsi que les Etats-Unis ont été
confrontées à une récession importante de l’activité économique. Au cours des deux premiers
trimestres 2009, l’économie belge a régressé en moyenne de plus de 5%. Une nouvelle phase a
démarré au printemps 2010, celle de la crise budgétaire. Les pouvoirs publics du monde entier
devaient supporter la charge budgétaire à la fois de la crise économique mondiale et du sauvetage
des banques. Différents pays aux ‘bases économiques faibles’ étaient acculés. L’exemple le plus
douloureux est la tragédie de la crise grecque qui dure déjà depuis plus de deux ans.
Sur fond de crise, on assiste à une accélération fondamentale de l’intégration européenne. Plusieurs
nouveaux plans et initiatives se suivent à un rythme accéléré. Il fallait avant tout instaurer un
successeur à la stratégie de Lisbonne, cette stratégie devait déterminer les priorités politiques de
l’UE pour 10 ans. Au printemps 2010, l‘Europe 2020’ voit le jour. Des objectifs ambitieux ont été
formulés dans différents domaines bien qu’il aurait fallu mettre encore plus en exergue les aspects
sociaux. La crise nécessitait aussi une action européenne forte. Dans ce contexte, les réformes de
l’Union européenne - et principalement celles situées dans la zone euro
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s’accélérèrent. Plusieurs
initiatives virent le jour dans la complexiinstitutionnelle de l’Union européenne : le Pacte Euro-
plus, le Pacte budgétaire, le ‘Six-pack’, le ‘Two pack’ au moment où nous rédigeons ces lignes, les
réformes ne semblent pas encore avoir abouti. Toutefois, le but de la brochure est d’aider le
secrétaire, le délégué ou le militant SETCa à comprendre la situation actuelle. où cela s’avère
nécessaire, nous revenons sur quelques aspects historiques et le contexte. Précisons dès le départ
que le SETCa adopte une position critique face à la manière dont la crise a été gérée jusqu’à ce jour
au niveau européen. Notre modèle social est contesté à différents niveaux il suffit de penser à la
recommandation européenne visant à revoir le mécanisme d’indexation automatique. A la fin du
texte nous rappelons qu’il existe une autre voie notamment celle de l’Europe sociale et
démocratique dans laquelle les salaires et les dépenses sociales ne sont pas considérées uniquement
comme un ‘coût’ mais comme des outils favorisant le pouvoir d’achat et la redistribution.
En redigeant cette brochure, nous avons tenté de présenter les choses le plus clairement et le plus
simplement possible. Elle doit permettre à chacun de cerner la complexité de la construction
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La zone euro est constituée des pays qui utilisent l’euro comme monnaie. Précisons que certains pays de
l’Union européenne n’utilisent pas l’euro.
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européenne. En fin de brochure vous trouverez une liste des termes le plus souvent utilisés dans le
“jargon” que l’Union européenne a développé ces quatre dernières années.
Les réformes institutionnelles européennes que nous connaissons aujourd’hui, n’auraient jamais été
réalisées sans la profonde crise socio-économique dans laquelle nous vivons. Les étapes successives
de la crise ont nécessité, à chaque fois, une nouvelle intervention européenne. Les plans
économiques européens ne sont pas le résultat d’un projet mais sont souvent l’addition des
initiatives qui semblaient s’imposer dans le contexte. A chaque étape de la crise, l’Europe a
développé une autre approche et, à chaque fois, d’autres priorités étaient définies. Toutefois, au fil
des années, une interprétation dominante de la crise européenne s’est manifestée et sert de fil
rouge à travers les plans de réforme. C’est précisément à ce niveau que selon le SETCa, on n’est pas
sur la bonne voie, nous y reviendrons plus loin.
Pendant la première phase de la crise de l’automne 2008 au printemps 2009 tout a été mis en
oeuvre pour sauver le système bancaire européen. Les pays européens sont intervenus directement
par le biais de nationalisations ou indirectement par le biais de systèmes de garantie afin de
sauver les banques de la déroute. E matière de discipline budgétaire, l’Union européenne a été plus
tolérante. Eviter une implosion économique totale était la première et la principale mission. La
première réaction à la crise économique qui a démarré au printemps 2009 a moins mis l’accent sur la
discipline budgétaire que sur l’importance de la stabilisation et de la relance économique via les
dépenses sociales et les stimulants fiscaux
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. Le Plan européen de redressement économique est un
élément important qui a surtout mis l’accent sur la croissance économique, même si cela se faisait au
prix d’une politique budgétaire conservatrice. Le plan prévoyait un stimulant budgétaire immédiat de
1,5% du PNB et insistait sur l’importance des investissements à long terme. Les mots d’ordre étaient
solidarité et justice sociale. En cette année 2009, l’Europe a aussi fermé les yeux face à la hausse des
déficits budgétaires. Le ‘drame grec’ qui dure depuis plus de deux ans a soudainement mis fin à cette
situation. On entrait de plein pied dans la troisième phase de la crise appelée généralement la
‘crise euro’ ou la ‘crise de l’endettement’.
Au printemps 2010, on constate que le déficit budgétaire de la Grèce ne s’élevait pas à 6% du PNB
comme affirmé au départ mais dépassait les 12% du PNB. En se remémorant la faillite de Dubaï, on
craignait que certains pays de la zone euro ne soient plus en mesure de rembourser leurs dettes.
Cela provoqua un certain niveau de ‘selffulfilling prophecy’ : la crainte que la Grèce ne puisse plus
rembourser ses dettes générera encore plus de dettes. Le statut créditeur défavorable eut comme
conséquence que la Grèce ne pouvait refinancer ses dettes que moyennant un taux d’intérêt très
élevé. Les premiers fonds d’aide européens furent donc créés en 2010 même si ce ne fut que
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Des stimulants fiscaux concernent les moyens budgétaires supplémentaires libérés afin de stabiliser et de
stimuler l’économie. Le terme fiscal ne signifie pas qu’il s’agit nécessairement de déductions fiscales.
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temporairement. Ces fonds furent gérés par une ‘troïka’ constituée de la Commission européenne,
de la Banque centrale européenne et du Fond Monétaire International. L’aide était assortie de
conditions très strictes. Plus tard, l’Irlande, le Portugal et (en partie) l’Espagne reçurent également
des moyens d’un de ces fonds. Ainsi, l’Union européenne changea son fusil d’épaule sous
l’influence de ‘Merkozy’
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la crise européenne fut rebaptisée en ‘crise de l’euro’ ou ‘crise de
l’endettement’. Depuis lors, la discipline budgétaire et la compétitivité sont devenus une obsession.
De nombreuses initiatives ont vu le jour depuis le printemps 2010 : le Pacte euro-plus, le Pacte
budgétaire, le ‘Six-pack’ et finalement le ‘Two Pack’. Toutes les propositions politiques peuvent
finalement être résumées en une seule interprétation des causes de la crise : un manque de
discipline budgétaire et de compétitivité. Plus loin, nous expliquerons en quoi cette interprétation
fait fausse route. En même temps, la stratégie ‘Europe 2020’ démarrait et devait ranimer la stratégie
de Lisbonne défaillante. La ‘méthode’ visant à assurer le suivi des avancées des Etats membres en
matière de budget, de compétitivité et des objectifs EU2020 fut appelée le ‘Semestre européen’ – un
cycle de six mois au cours duquel tous les Etats membres étaient ‘analysés’. La brochure aborde
successivement la stratégie Europe 2020, les contours de la gouvernance économique européenne et
le semestre européen.
Depuis le passage à l’an 2000, l’Union européenne a pris l’habitude de travailler avec de grands plans
décennaux. En mars 2000, on assista à la mise en place de la ‘stratégie de Lisbonne’ d’après le nom
de l’endroit où se déroulait le sommet européen. La stratégie avait pour objectif de faire de l’Europe
‘l’économie de connaissance la plus dynamique et la plus compétitive’. Une participation du marché
de l’emploi de 70% - en d’autres termes 70% des personnes en âge actif doivent avoir un travail et
la réalisation d’une croissance économique annuelle de 3% furent les objectifs principaux. Les
objectifs de Lisbonne baignaient dans la confiance et l’optimisme qui régnaient à l’époque. En
théorie, la stratégie comportait trois piliers équivalents : l’économique, le social et l’écologique. On
notera que l’Europe devait mener des campagnes décisives visant à éradiquer la pauvreté d’ici 2010.
Entre-temps, nous avons constaté que la pauvreté n’a certainement pas été éradiquée en Europe et
en réalité, on a surtout poursuivi des objectifs économiques. Cette orientation néolibérale se
manifesta surtout ou du moins de façon explicite dans le soi-disant ‘Rapport Kok’ de 2004, appelé
d’après l’ancien premier ministre néerlandais qui présidait le groupe de travail. Désormais, seuls les
objectifs économiques devenaient prioritaires.
Au printemps 2010, on détermina les grandes lignes du successeur de la stratégie de Lisbonne :
Europe 2020. La devise devint ‘une croissance intelligente, durable et inclusive’. Cinq objectifs
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Terme utilisé dans les médias pour définir l’axe franco-allemand pendant la présidence de Nicolas Sarkozy. Le
terme est en partie trompeur étant donné que la France et l’Allemagne ne sont certainement pas d’accord sur
tous les sujets.
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principaux sont au centre de ce programme : l’emploi, la recherche et le développement,
l’environnement, l’éducation et la pauvreté. Pour la première fois dans l’histoire, la stratégie
comportait aussi un objectif chiffré pour la pauvreté même si on peut regretter que le social se
limite à cet objectif. Chaque année, les Etats membres doivent rédiger un rapport de progrès sur les
avancées réalisées. Ce rapport doit être déposé auprès de la Commission européenne avant fin avril
et sera intitulé programme national de réforme’. Ces programmes de réforme sont établis sur la
base de dix lignes directrices intégrées’ qui confèrent un contenu plus concret à la stratégie
EU2020. Chaque année, la Commission rédige aussi un rapport et formule des recommandations. Le
non-respect de ces objectifs européens n’est pas assorti d’une amende. Il existe un lien fort entre la
stratégie Europe 2020 et la nouvelle gouvernance économique européenne, étant donné qu’elles
sont poursuivies ensemble dans le Semestre européen voir plus loin.
EU 2020: cinq objectifs principaux
Objectif 1. Emploi: un emploi pour 75% de la population âgée de 20 à 64 ans.
Objectif 2. Recherche et développement: investissement de 3% du PNB.
Objectif 3. Climat et énergie: réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20%, 20% d’énergies
renouvelables et une augmentation de 20% de l’efficacité énergétique.
Objectif 4. Education: abaissement du taux de décrochage scolaire à moins de 10% et un diplôme de
l’enseignement supérieur pour au moins 40% de la population âgée de 30 à 40 ans.
Objectif 5. Pauvreté et exclusion sociale: réduction de 20 millions du nombre de personnes menacées
par la pauvreté ou l’exclusion sociale.
Lignes directrices intégrées Europe 2020
Ligne directrice 1. Garantir la qualité et la durabilité des finances publiques on fait référence à un
déficit structurel maximum de 0,5% du PNB.
Ligne directrice 2. Résorber les déséquilibres macroéconomiques (dont les déséquilibres
commerciaux). Les systèmes de négociations salariales doivent être revus dans ce sens.
Ligne directrice 3. Réduire les déséquilibres au sein de la zone euro. On lance un appel afin que les
pays avec un excédent commercial comme l’Allemagne – stimulent leur propre demande interne.
Ligne directrice 4. Stimuler la recherche et le développement les dépenses des Etats membres
doivent être portées à 3% du PNB.
Ligne directrice 5. Stimuler l’efficacité énergétique et réduire les émissions de gaz à effets de serre
rappel de l’objectif 3.
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Ligne directrice 6. Améliorer l’environnement entrepreneurial et moderniser l’industrie – notamment
par le biais d’administrations publiques ‘modernes’ et le soutien au PME.
Ligne directrice 7. Accroître la participation au marché du travail et diminuer le chômage ‘structurel’
promouvoir une approche ‘flexicurity’.
Ligne directrice 8. Insister sur une main d’oeuvre qualifiée en mettant l’accent sur la formation tout
au long de la vie
Directive 9. Augmenter les performances des systèmes éducatifs et stimuler la participation à
l’enseignement supérieur - rappel de l’objectif 4.
Directive 10. Stimuler l’inclusion sociale et lutter contre la pauvreté.
Comme nous l’avons déjà signalé, la profonde crise socio-économique des dernières années a
engendré une cascade de nouveaux plans et initiatives européens. Principalement, les Etats
membres qui utilisent l’euro comme monnaie la soi-disant zone euro seront confrontés à de
grands changements ou connaissent déjà des changements structurels.
Il faut savoir que la compréhension du parcours des réformes européennes ne va pas sans une
interprétation dominante : la crise de la zone euro est la conséquence d’une politique budgétaire
trop laxiste et un manque de compétitivité dans certains Etats membres. Cependant, la première
réaction à la crise était d’un tout autre niveau. Le plan européen de redressement économique
prévoyait un ensemble substantiel de stimulants économiques et insistait sur les investissements à
long terme. Les ‘dérapages’ budgétaires n’étaient pas considérés comme extrêmement
problématiques. Un tournant symbolique dans l’approche de la crise a été l’apparition de la crise
grecque au printemps 2010. A partir de là, l’Europe a changé son fusil d’épaule et des règles
budgétaires plus rigoureuses ont été mises en place principalement sous la pression de
l’Allemagne.
Premier élément dans la compréhension de la crise : elle était provoquée par des pays qui avaient
accumulé un déficit budgétaire trop important. La Grèce est l'exemple type qui, depuis son entrée
dans l’euro (2001), présentait systématiquement des déficits du budget national. Et pour couronner
le tout, la banque d’affaires américaine Goldman Sachs intervint pour aider la Grèce à embellir sa
situation financière. On peut dire que la Grèce a profité pendant des années de sa participation à
l’euro pour vivre au-dessus de ses moyens’. Deuxième élément crucial dans la compréhension du
phénomène : certains Etats membres et surtout les pays du Sud de l’Europe manquent de
compétitivité. Témoin en est le déficit structurel de la balance commerciale que présentaient tous
les pays du Sud de l’Europe avant l’apparition de la crise. L’absence d’exportation serait due à des
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