compte d’Antoine-Jean-Baptiste Dutartre, qui le conserva jusqu’à sa mort en
1804 : il était alors considéré comme « [la] composition la plus riche et la plus
gracieuse qui soit connue de cet aimable peintre ». Acheté en 1805 par le
marchand Lafontaine pour le compte de Lucien Bonaparte, frère de l'empereur
Napoléon I
er
, il passera au XIX
e
siècle en possession du roi Guillaume II des
Pays-Bas puis dans diverses collections anglaises.
Longtemps demeuré inaccessible, le Neptune et Amphitrite de l’Albane a
réapparu en vente publique, à Londres, chez Christie’s, le 29 octobre 1999.
Emporté par un marchand pour la somme de 683 500 ₤ (ou 1.530.000 $), il fut
acquis peu après par un collectionneur américain qui en est l’actuel propriétaire.
C’est ce dernier qui souhaite aujourd’hui s'en dessaisir par l'intermédiaire de la
maison de vente Christie's, sur une base négociable de 2 millions de dollars.
Cette œuvre de l’Albane est sans conteste la troisième de cette série
inachevée des Quatre Eléments peinte pour le comte de Carrouges, sans doute
vers 1635: ses dimensions (H. 88,3; L. 103 cm) sont absolument identiques à
celles des tableaux de Fontainebleau et comme ces derniers, il s’agit d’une
peinture exécutée sur cuivre d'un format exceptionnel. On y voit Amphitrite
donnant le sein à son enfant sous la protection de Neptune, son époux, en
présence de Galatée, des Néréides et des Tritons, un thème qui pourrait avoir
inspiré Nicolas Poussin lorsqu'il reprit le même sujet quelques années plus tard,
en échangeant les positions de Neptune et de Vénus (tableau à Philadelphie,
Museum of Art). Par sa très haute qualité picturale, par son style et notamment
par sa couleur claire, le Neptune et Amphitrite s’apparente très étroitement aux
deux tableaux de Fontainebleau dans lesquels on retrouve une palette de
couleurs comparable. L’exposition monographique que le Musée du Louvre a
consacrée à l’artiste en 2000-2001, qui rendait compte du goût des amateurs
français de l'Ancien Régime pour l'œuvre de l'Albane et dans laquelle étaient
rassemblées plus de trente de ses peintures conservées dans des musées français,
a bien montré qu'ils comptent parmi les œuvres à sujet profane les plus raffinées
de la maturité de l’artiste.
En vue de cette manifestation, la Caisse des Monuments Historiques,
gestionnaire du château de Carrouges, avait tenté vainement de se porter
acquéreur du Neptune et Amphitrite lors de la vente à Londres, chez Christie’s,
en 1999. Une nouvelle opportunité de rassembler ces trois peintures se présente
aujourd'hui avec la possibilité offerte au musée national du château de
Fontainebleau de réunir, pour la première fois depuis trois siècles et demi, ces
trois tableaux commandés à l’Albane par un amateur français afin de constituer
une véritable série. L’acquisition du troisième et dernier tableau de ce « Cycle
de Carrouges » permettrait de mettre sous les yeux du public un ensemble