
138 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXVIII - no 4 - juillet-août 2013
Signalement et mesures d’hygiène en cas de mise en évidence
d’entérobactéries productrices de carbapénémases
DOSSIER THÉMATIQUE
Carbapénémases
des patients ; dépistage des professionnels de santé ;
prélèvements microbiologiques environnementaux ;
augmentation du bionettoyage et de la désinfection
de l’environnement ; utilisation de petit matériel
dédié à la prise en charge des patients ; décolonisa-
tion et fermeture de l’unité de soin à toute nouvelle
admission en cas de situation non maîtrisée.
Le jugement de l’efficacité des stratégies de préven-
tion de la transmission croisée des bacilles à Gram
négatif multirésistants aux antibiotiques se heurte à
plusieurs problèmes méthodologiques (11). Premiè-
rement, il s’agit souvent de programmes de préven-
tion à plusieurs facettes, et il est dès lors difficile
d’isoler l’efficacité d’une seule mesure d’hygiène.
De la même façon, il est difficile de quantifier l’effi-
cacité des précautions standard et des précautions
complémentaires d’hygiène, car ces évaluations soit
ne sont pas réalisées, soit sont réalisées unique-
ment en période épidémique. Les audits des mesures
d’hygiène sont rares, et il n’est pas sûr que des
mesures pertinentes pour un établissement soient
transposables à d’autres. De plus, l’unité d’ana-
lyse de ces différentes études est l’unité de soins
et non le patient en lui-même. Il s’agit également
d’études de type avant/après, le plus souvent sans
groupe témoin. De la même façon, les stratégies
sont variables selon l’extension de l’épidémie et le
retard à la mise en évidence des cas et à la mise en
place de mesures de contrôle. Il existe malgré tout
des preuves limitées sur l’apport d’une stratégie
de dépistage des BMR afin de quantifier l’exten-
sion de l’épidémie et d’aider à suivre l’efficacité des
mesures de contrôle mises en place, et sur le fait
que la mauvaise observance des mesures d’hygiène
est une cause d’échec de la maîtrise de la transmis-
sion croisée (12). Des éléments favorisants, comme
la surcharge de travail, une importante charge de
soins et le manque de personnel sont également
retrouvés fréquemment lors des épidémies. L’effi-
cacité des mesures d’hygiène nécessite la mise en
place d’une stratégie d’équipe pour limiter la trans-
mission croisée des micro-organismes. Une étude
de L. Temime et al. (13) évaluant par modélisation
le risque de transmission lié à un professionnel de
santé, ayant une activité transversale dans les unités
de soins, non observant des mesures d’hygiène, a
montré que ce type de professionnel de santé peut
être un superdisséminateur, avec, selon le niveau
de transmissibilité de l’agent infectieux, un risque
de transmission équivalent à 20 % de personnels de
santé non observants.
Depuis 2009, on note une augmentation très impor-
tante du nombre d’articles relatant des épidémies
liées à des EPC. Il est difficile d’interpréter, comme
nous l’avons dit précédemment, l’efficacité d’une
mesure d’hygiène spécifique, mais la littérature
montre que des contrôles d’épidémies à EPC ont
pu être obtenus par la mise en place de précau-
tions complémentaires contact et le dépistage
des patients sans “cohorting” (regroupement des
patients, avec ou sans sectorisation du personnel
de santé) ; à l’opposé, pour d’autres épidémies, ce
cohorting s’est révélé indispensable pour éradiquer
la transmission croisée (7, 14). Au niveau interna-
tional, une douzaine de pays ont émis différentes
recommandations pour contrôler la dissémination
des EPC. Les principales mesures listées en dehors
d’un contexte épidémique sont les suivantes :
➤
renforcer les campagnes de formation du
personnel de santé ;
➤
réaliser des études scientifiques qualitatives et
quantitatives, notamment par l’intermédiaire des
centres nationaux de référence de ces bactéries ;
➤
mettre en place un système centralisé de surveil-
lance des BHR ainsi qu’un système de déclarations ;
➤
diffuser des recommandations visant à prévenir
la dissémination dans les hôpitaux à tous les établis-
sements de soins aigus ;
➤
surveiller la prescription antibiotique, notam-
ment en restreignant l’utilisation des carbapénèmes ;
➤
dépister des patients à risque de portage de BHR :
selon les recommandations, cela peut concerner
tous les contacts étroits du cas index jusqu’à néga-
tivation (patients qui ont séjourné pendant plus de
24 heures avec le cas index alors que les précautions
complémentaires contact n’étaient pas mises en
place), ou, au moins 1 fois par semaine, tous les
patients séjournant au même moment et dans le
même service qu’un patient porteur d’EPC en situa-
tion épidémique, voire tous les patients dans les
services à haut risque ainsi que les patients ayant été
préalablement hospitalisés dans un pays étranger.
Ces mesures sont assez proches de celles recom-
mandées en France par le HCSP (9). Certaines
recommandations proposent des actions complé-
mentaires ; on peut noter la préconisation de limiter
le nombre de soignants prenant en charge le patient,
avec, notamment, l’exclusion des étudiants en
formation et la mise en place de check-lists des
mesures de contrôle. De façon à minimiser le risque
d’infection chez les patients porteurs, il est égale-
ment recommandé de réduire autant que possible
l’utilisation de dispositifs invasifs. La formation des
professionnels est une constante dans toutes ces
recommandations, avec la nécessité d’informer du
statut de porteur d’EPC les services recevant les