Colloque de Gériatrie 2014 – « Le Parcours » De la MRS à l’Hôpital LES URGENCES QUESTIONS? Dr Frédéric FEYE Chef de Service Urgences/SMUR CHU DINANT-GODINNE, site Dinant CAS CLINIQUES • Cas n° 1 – Patiente de 84 ans – Transféré par ambulance « 112 » , de la MR, pour désaturation et hypotension – Rapport des ambulanciers à l’admission: « Appel pour désaturation et hypotension. A notre arrivée, les « paramètres sont bons »…(TA 12/6 FC 80 SpO2 98%), On n’en sait pas plus …. » – Dossier de transfert complet (Atcd, traitement, n° tél,…). Pas de rapport des évènements, pas de note médicale CAS CLINIQUES • ATCD: – • Traitement habituel: – • Non contributive. « Tout va bien, je ne sais pas ce que je fais ici » … Examen clinique – – – – – – – – • IEC + Amiodarone + HBPM Anamnèse: – – • FA FC 74 TA 129/67 SpO2 98% AA T° 36,7 Patiente consciente et orientée pas de latéralisation Hydratation –coloration nl Jugulaires saillantes avec RHJ (+) B1B2 légèrement assourdis, irréguliers BRN bilatéral avec quelques crépitants inspiratoires aux 2 bases Abdomen SDI OMI bilatéral majeur ECG: – FA lente → A priori tableau peu inquiétant CAS CLINIQUES • Consultation du dossier: – Admission récente. • • • Contact avec la MR: – – – – • • La patiente a fait une chute suite à un malaise devant l’infirmier effectuant son tour du matin. Elle était pâle, marbrée et avait des propos incohérents, ce qui est tout à fait inhabituel chez elle Paramètres pris à ce moment: FC 129 TA 83/36 SpO2 88% → Appel 112 en accord avec le MT prévenu par téléphone Donc : situation tout à fait différente de l’ apriori initial Bilan : Biologie sanguine, Rx thorax et CT scanner cérébral: – – – • FA de novo, instauration d’un traitement. Echo: FE 25% CT pas de lésion aigue Thorax: majoration ICT, épanchement base droite Bio: IRA et majoration ProBNP Hypothèse: bas débit ou arythmie paroxystique dans le cadre d’une décompensation cardiaque → Hospitalisation en cardiologie CAS CLINIQUES • Cas n°2 – Patiente 85 ans – Admission en début de nuit, via le 112, pour chute et douleur au niveau de la hanche – La patiente vit seule au domicile et a fait appel elle-même au 112 – A l’anamnèse: chute accidentelle, plaintes uniquement de douleurs au niveau de la hanche gauche – Examen clinique: douleur à la mobilisation, sans plus – Rx (-) – Attitude: • Patiente âgée • Vit seule au domicile • Début de nuit → Surveillance en « HP » et réévaluation le lendemain. CAS CLINIQUES • Reprise du service le lendemain: – Douleur supportable – Patiente demandeuse de retour au domicile, assure avoir déjà une structure d’aide mise en place. – Avis référente gériatrique et assistante sociale → Retour au domicile – Peu après le retour, appel de la famille: très mécontents voulaient une hospitalisation pour bilan de chutes et évaluer la possibilité du maintien au domicile. Les patients gériatriques aux urgences • La pathologie gériatrique est de plus en plus fréquente aux urgences: – Augmentation de la fréquentation des urgences de la population générale – Vieillissement de la population • Répartition arbitraire: patient âgé = patient de plus de 75 ans • Age n’est PAS le critère de définition du profil gériatrique • Profil gériatrique = coexistence de plusieurs caractéristiques: – – – – – – Diminution de l’homéostasie Affections chroniques multiples Risque d’incapacité Risque de polymédication Modification des tableaux cliniques Imbrication des aspects somatiques, psychologiques et sociaux Statistiques • Chiffres de la littérature: – 15% des patients admis en SU > 75 ans – 75 % seront hospitalisés • Chiffres sur le site Dinant en 2013: – – – – 20 851 admissions aux urgences 1966 patients > 75 ans soit 9,4% (5/j) 1357 hospitalisations soit 69% (+/-2X le taux de la population générale) Répartition des hospitalisations: • • • • 412 en gériatrie (30%) 403 en chirurgie (29,6%) 448 en médecine (33%) 94 USI (7%) – NB 555 hospitalisations en gériatrie dont 412 sont passés par les urgences, soit 74% Motifs d’admission • 3 catégories d’urgences gériatriques: – 1/ Urgences identiques à la population générale mais avec parfois une sémiologie différente. • Symptômes non spécifiques (agitation, troubles digestifs) • Absence de certains symptômes: fièvre et douleur Motifs d’admission – 2/ Pathologies spécifiques de la personne âgée soit par leur fréquence, soit par leurs conséquences. • Chutes • Troubles du comportement • Perte d’autonomie Pathologies souvent banalisées et mises sur le compte de l’âge Motifs d’admission – 3/Défaillance du système d’aide au domicile chez un patient dépendant. Motifs d’admission • Motifs d’admission les plus fréquents. subjectivement selon les urgentistes: – « AEG » – Chutes – Confusion – Infections – AVC – Douleurs abdominales Motifs d’admission • • Statistiques de janvier à septembre 2014: 664 patients de plus de 75 ans admis aux urgences et ayant bénéficié du dépistage (sur 17 111 patients totaux soit 3%) – – – – – – – – – – – – – Chute : « AEG »: Douleurs abdominales: Pathologie respiratoire: Douleurs thoraciques: « Malaise »: Problème urinaire: AVC: Douleurs non traumatiques: Confusion: Anémie: Néoplasie: Fausse déglutition: 169 ( 25%) 107 (16%) 77 (12%) 71 (11%) 58 (9%) 39 (6%) 34 (5%) 33 (5%) 33 (5%) 21 (3%) 10 (1,5%) 7 (1%) 5 (0,75%) Quand faut-il envoyer le patients aux urgences? • Critères médicaux classiques et théoriques – A adapter à la spécificité gériatrique • Difficultés de donner une liste exhaustive • Dépend de plusieurs facteurs – Expertise des soignants – Possibilités de prise en charge en MR – Projet de soins • Réanimation? Transfert USI? Chirurgie? Hospitalisation? – – – – – – Avis du patient Avis des proches Pathologies associées – atcd Qualité de vie Nécessité de la prise en charge (prolonger la vie ou améliorer la qualité de vie ?) Difficultés car souvent décisions à prendre par les équipes de garde Quand faut-il envoyer le patients aux urgences? • NB : – Dans l’immédiat pas de grosses différences de récupération après RCP ou intervention chez le patient âgé mais la mortalité/morbidité est bien plus élevée à court et moyen terme. – La mortalité post-opératoire est beaucoup plus élevée en cas d’intervention urgente chez le sujet âgé – 2 attitudes extrêmes a éviter: • Ne pas reconnaître un état pathologique, l’associer au vieillissement et se limiter aux soins élémentaires et de confort • Acharnement diagnostic et thérapeutique Raisonnement gériatrique d'après le modèle de Bouchon. 1. Vieillissement physiologique ; 2. pathologie chronique ; 3. maladie aiguë. Quand faut-il envoyer le patients aux urgences? • Non spécifique: – – – – – – – – Arrêt cardio-respiratoire Dysfonctions vitales - Etats de choc (toutes causes) Détresses respiratoires (SpO2 < 90-92%) Hypo-TA Précordialgies Arythmies Hémorragies Troubles neurologiques (troubles de conscience – convulsions- déficit) – Infections sévères – ….. Quand faut-il envoyer le patients aux urgences? • Pour rappel, signes cliniques du choc: – – – – Soif Anxiété Hypotension (1er orthostatique. TA pincée// pouls filant) Tachycardie • > 120 – Bradycardie paradoxale dans le choc hypovolémique (annonce le désamorçage) – Vasoconstriction: • Peau pâle, froide, cyanosée, marbrée • Pouls capillaire TRC nl < 3 sec – Veines collabées – Hyperventilation – Hypoperfusion cérébrale: confusion, troubles de conscience, comas, convulsions – Hypoperfusion rénale : oligurie – Hypothermie Quand faut-il envoyer le patients aux urgences? • Affections et présentations plus spécifiquement gériatriques: – Chutes • • • • • Fréquentes Signe de déclin, de gravité Perte de confiance, annonce d’autres chutes Lésions fréquentes (fractures dans 14% des cas) Hospitalisation si suspicion de lésion traumatique sévère ou si suspicion d’être associée à une autre pathologie (infection par exemple) Quand faut-il envoyer le patients aux urgences? • Affections et présentations plus spécifiquement gériatriques: – Infections • Fréquemment infections aigues avec déshydratation • Par ordre de fréquence: – – – – 1 urinaires 2 pneumonies 3 intra-abdominales (diverticulite, cholécystite,..) 4 Cutanées et sous-cutanées (cellulite, erysipèle, escarres, ..) • Absence de fièvre ↗ avec âge (et même hypothermie) • Présentation fréquente par des signes généraux: – Asthénie, instabilité à la marche, chute, refus d’alimentation, confusion aigue • ! Bactériémies fréquentes lors des actes invasifs (sondage) • Importance des apports hydriques et caloriques: si retard risque de faiblesse, somnolence majorant les risques d’escarres • Risque d’inefficacité des AB PO chez le patient dénutri Quand faut-il envoyer le patients aux urgences? • Affections et présentations plus spécifiquement gériatriques: – Confusion et agitation aigües • Souvent négligé • Démonstratif des particularités de présentation des affections aigues de la personne âgée • Etiologies principales: – Toxiques – Métaboliques – Infectieuses • Importance de rechercher et traiter la cause: Souvent une urgence et souvent réversible (récupération en 24h dans 2/3 cas avec traitement) Quand faut-il envoyer le patients aux urgences? • Affections et présentations plus spécifiquement gériatriques: – Douleurs abdominales et symptômes digestifs fonctionnels. • Chez la personne âgée fragile, les symptômes digestifs ( diarrhées, vomissements et anorexie) = fréquemment le reflet d’une pathologie générale • Ulcères gastroduodénaux très fréquents et de présentation atypique même avec perforations (! Mortalité si retard de diagnostic) • Fréquence des néoplasies coliques sténosantes • Infections spécifiques: salmonelles et clostridium difficile • ! Le fécalome Quand faut-il envoyer le patients aux urgences? • Affections et présentations plus spécifiquement gériatriques: – NB effets secondaires médicamenteux • 10 à 20 % des admissions (2X plus fréquents après 65 ans) • Soit surdosages soit interactions (erreur de prescription, mauvaise compliance et auto-médication) • Principaux médicaments : AVK, diurétiques, antiarythmiques, AINS et hypoglycémiants • Présentations atypiques → a envisager devant tout évènement clinique Evaluation gériatrique aux urgences • L’enjeu de la prise en charge gériatrique = dépister les patients à risque de déclin et perte d’autonomie • Nécessité d’une évaluation globale pour tout patient âgé admis aux urgences quel qu’en soit le motif avec des outils adaptés et standardisés • Obligation légale pour tout patient de plus de 75 ans Evaluation gériatrique aux urgences • NB 6 grands syndromes à rechercher car directement liés au taux de ré-hospitalisation: – La dénutrition – Les chutes – L’incontinence – Les troubles cognitifs et de l’humeur – L’immobilisation – La perte d’autonomie Evaluation gériatrique aux urgences 6 grands syndromes à rechercher car directement liés au taux de ré-hospitalisation • NB : – – – – La dénutrition Les chutes L’incontinence Les troubles cognitifs et de l’humeur – L’immobilisation – La perte d’autonomie Critères du profil gériatrique de l’AR 1° fragilité et homéostasie réduite; 2° polypathologie active; 3° tableau clinique atypique; 4° pharmacocinétique perturbée; 5° risque de déclin fonctionnel; 6° risque de malnutrition; 7° tendance à être inactif et à rester alité, avec un risque accru d’institutionnalisation et de dépendance dans la réalisation des AVQ; 8° problèmes psychosociaux. » Evaluation gériatrique aux urgences • Dépistage par une infirmière référente gériatrique aux urgences « les équipes de liaison gériatriques » qui utilisent des outils spécifiques : • ISAR = Identification of Senior At Risk ou Identification Systématique des Ainés à Risque – Permet de dépister les patients à risque • SEGA= Short Emergency Geriatric Assessment – Permet de préciser le profil du patient 0-7: léger 8-14:moyen > 14: sévère Evaluation gériatrique aux urgences • L’évaluation et la prise en charge par la gériatrie de liaison va aider à l’orientation du patient à la sortie des urgences ainsi qu’à la continuité des soins: – Retour au domicile ou en MR • Suivi ambulatoire • Collaboration avec les intervenants « extérieurs » – Hospitalisation en gériatrie – Recommandations et suivi si hospitalisation dans un autre service Arbre décisionnel. Prise en charge d'une personne âgée aux urgences. IMC : indice de masse corporelle ; ECG : électrocardiogramme ; GDS : geriatric depression scale Conclusions • Le traitement des urgences chez le patient gériatrique est similaire aux autres patients en tenant compte de ses spécificités. • La prise en charge est plus complexe et ne se limite pas au motif d’admission. Nécessité d’une évaluation médico-psycho-sociale pour le dépistage des patients à risques • Importance de la cohérence du projet thérapeutique • Importance de la transmission des informations Merci pour votre attention