L`océan et le climat - Institut océanographique

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L’océan et le climat
Auteur : Anny Cazenave
Observatoire Midi-Pyrénées, Toulouse
Membre du Conseil scientifique de l’Institut océanographique, Fondation Albert Ier, Prince de Monaco
L'océan est le principal régulateur du climat global. Son interaction avec l’atmosphère et ses
conséquences sont au cœur du système climatique.
C'est tout d'abord la grande inertie thermique de l’océan, par rapport à l'atmosphère, qui lui permet
d'emmagasiner le rayonnement solaire en été et de restituer cette énergie thermique vers l'atmosphère en
hiver. Cet effet modère fortement les extrêmes climatiques et contribue à la douceur des régions
océaniques. Mais l'océan ne se contente pas d'un rôle statique. Il intervient dans la régulation globale de
manière dynamique, par l'intermédiaire d'une circulation complexe. Le bilan énergétique terrestre est
excédentaire dans les régions tropicales où l'énergie reçue du Soleil est supérieure à celle réémise vers
l'espace par la Terre, alors que l'inverse se produit aux hautes latitudes. La régulation de ce déséquilibre se
fait à parts égales par l'océan et l'atmosphère, avec des mécanismes et des temps de réaction différents.
Globalement, l'océan évacue la chaleur des régions équatoriales vers les pôles et ramène du froid des pôles
vers l'équateur. Cependant la géographie terrestre confère à chaque grand bassin océanique un
fonctionnement spécifique. Dans l'océan Pacifique, la chaleur est bien transportée de l'équateur vers les
pôles, par un mécanisme principal reposant sur la circulation anticyclonique des eaux intermédiaires et de
surface. Les eaux profondes y contribuent peu. Dans l'océan Indien, la barrière continentale (qui bloque les
eaux océaniques au sud de 20° N) fait que cet océan participe essentiellement au transport de chaleur vers
l'hémisphère sud. L'océan Atlantique, quant à lui, se caractérise par un transport vers le nord à toutes les
latitudes, par la circulation de surface et profonde. En effet, c’est dans les mers froides du nord de
l'Atlantique que se forment les eaux profondes océaniques qui plongent jusque 2 000 m-4 000 m de
profondeur et se propagent vers le sud. Cette boucle de circulation (eaux de surface chaudes vers le nord et
eaux profondes froides vers le sud) est une caractéristique majeure de la circulation océanique à grande
échelle et participe à la douceur du climat européen.
L’océan se réchauffe depuis quelques décennies.
Le réchauffement récent causé par l’émission de gaz à effet de serre par les activités humaines n’affecte
pas que les basses couches de l’atmosphère et la surface des continents. Grâce à des mesures de
température de la mer collectées au cours des 5-6 dernières décennies sur les 1 000-2 000 premiers mètres
de l’océan, à partir de navires, de bouées océanographiques et de mouillages et plus récemment par des
flotteurs automatiques (le projet Argo), les océanographes ont observé que l’océan s’est réchauffé de façon
importante sur cette période. La température de la couche 0-300 m a augmenté d’environ 0,3 °C depuis
1950. C’est environ deux fois moins que la température de surface de l’océan. Mais cela confère à l’océan
le rôle de plus grand réservoir de chaleur du système climatique. En effet, en raison de sa masse et de la
valeur élevée de la chaleur spécifique de l’eau, l’océan est environ 1 200 fois plus efficace que l’atmosphère
pour stocker la chaleur.
Date de création : Août 2012
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Il s’est moins réchauffé en moyenne que l’atmosphère, mais il est facile de montrer que 90 % de la chaleur
excédentaire accumulée dans le système climatique depuis 50 ans à cause du réchauffement anthropique
sont stockés dans l’océan (de 15 à 20 fois plus que dans la basse atmosphère et sur les terres émergées). La
chaleur de l’océan provient du chauffage direct par l’énergie solaire (par exemple dans les régions arctiques
à cause de la diminution accrue de la surface de la banquise en été) et des échanges de chaleur avec
l’atmosphère. Le réchauffement récent de l’océan affecte principalement les couches superficielles (les 300
à 500 premiers mètres) mais, dans certaines régions (notamment dans l’Atlantique), il concerne aussi les
couches profondes. Les courants océaniques transportent en effet la chaleur d’une région à une autre, et
de la surface vers l’océan profond à des vitesses lentes, donc sur des échelles de temps longues en
comparaison du transport atmosphérique. C’est pour cette raison que l’océan joue un rôle majeur de
régulateur thermique du système climatique. Le réchauffement de l’océan contribue aussi à la hausse
actuelle du niveau de la mer (voir fiche La hausse actuelle du niveau de la mer,
http://www.oceano.org/images/articles/documents/1335166854.pdf).
Les observations de température de la mer montrent aussi que la chaleur de l’océan n’est pas distribuée de
façon uniforme. La variabilité régionale du contenu thermique de l’océan apparaît comme très similaire à
celle des vitesses de niveau de mer cartographiée par altimétrie spatiale depuis le début des années 1990.
Mais ces structures régionales ne sont pas stationnaires : elles varient dans le temps et dans l’espace. Des
études récentes montrent que la distribution régionale du contenu thermique de l’océan à des échelles de
temps interannuelles et décennales est principalement pilotée par les grandes perturbations naturelles du
système climatique telles que l’ENSO (El Niño-Southern Oscillation) dans l’océan Pacifique, ou la NAO
(Oscillation Nord-Atlantique) dans l’Atlantique nord. À cette variabilité naturelle des structures régionales
du contenu thermique régional de l’océan se superpose une composante à plus long terme causée par le
réchauffement anthropique de l’océan. Celle-ci devrait devenir clairement visible au cours des prochaines
décennies et – avec les variations de salinité de l’océan – jouera un rôle majeur dans la hausse non
uniforme future de la mer.
Pour en savoir plus :
[1] Delécluse P. & Madec G. (1999). Ocean modeling and the role of the ocean in climate change. In : W.
Holland, S. Joussaume & F. David (Eds) Modeling the Earth's climate and its variability, NATO Advanced
Study Institute, Les Houches, Session LXVII, Elsevier Science Publishers BV, Amsterdam, 237-313.
[2] Merle J. (2006). Océan et climat. IRD Éditions, Paris, 222 pp.
[3] Fieux M. (2010). L’Océan planétaire. Presses de l’ENSTA, Paris, 421 pp.
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