Et si le siège éjectable avait été inventé en France par un Autrichien

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ÉDITO
Un ordre très bref, pour une action urgente. J’ai lu quelque part que, pendant le briefing, un moniteur canadien
expliquait à son élève : « Si tu entends dans tes écouteurs « Ejecte, Ejecte, Ejecte », seul le premier mot est
vrai. Les deux autres ne sont que des échos. Si tu demandes « Pourquoi ? », tu parleras tout seul car, à ce
moment là, tu seras le seul pilote dans l’avion ! » . Cette phrase ne peut être qu’une plaisanterie. Jamais un
instructeur ne s’éjecterais avant que son élève ne l’ai fait. Mais je l’aime bien quand même, car elle évoque bien
l’urgence et la rapidité d’une éjection. Ce n’est jamais de gaieté de cœur qu’un pilote abandonne son avion,
surtout qu’il n’ignore pas qu’on lui en demandera des comptes. Lorsqu’il le fait, c’est que la situation est
vraiment devenue catastrophique, que tout ce qui pouvait être tenté l’a été, qu’il a atteint la limite au-delà de
laquelle il sera trop tard. La dernière seconde.
Mais trois secondes plus tard, il se pendra légèrement sous son parachute … Sauvé.
La première éjection, c’était il y a 70 ans (en réalité 71, j’avais d’abord trouvé une mauvaise date), en
Allemagne.
Depuis, plus de 7 400 pilotes lui ont dû la vie, rien que pour les sièges Martin-Baker.
Une longue histoire, pour un objet très complexe et très performant. Je vais vous raconter …
Bonne lecture à tous !
Jacques DESMARETS
Courrier des Lecteurs
Récemment, j’ai raconté Félix Baumgartner à ma fille, puis je lui ai fait lire l’article que je lui avais consacré dans
le numéro 01 d’Aéro Jack.
Alors elle m’a fait remarquer qu’il y manquait une précision intéressante que je lui avais pourtant donnée. Et en
effet, je n’ai appris qu’après la rédaction de cet article, dans un excellent reportage télévisé, que Baumgartner
avait dû faire face à une grande difficulté pour ce saut.
Il portait une combinaison d’astronaute, obligatoire pour survivre à très haute altitude, mais très inconfortable.
Impossible de se toucher, de se gratter, de la retirer seul… et il devait la supporter plusieurs heures. Il s’y est
entraîné au sol, mais il ne la supportait pas. En fait, à l’intérieur, il faisait une forme de claustrophobie, ce qui est
facile à comprendre (pour moi en tout cas). Il a failli abandonner à cause de ça.
Il est retourné plusieurs mois en Autriche, prenant du recul pendant que son équipe continuait les préparatifs.
Et puis, l’envie de réaliser son exploit l’a aidé à reprendre le dessus, et il est revenu aux USA reprendre son
entrainement...
En couverture ce mois-ci : Ejection depuis un F-16 au niveau du sol
Le Captain Chris Stricklin, de la patrouille Thunderbirds de l’USAF, s’éjecte de son F-16, le 14 septembre 2003, lors d’un meeting à
Mountain Home AFB (Idaho). En sortie d’une boucle vers le bas, il s’aperçoit qu’il est plus bas que prévu et qu’il ne pourra pas
redresser à temps. L’avion paraît en vol horizontal, mais en réalité il est en train de s’enfoncer rapidement. Il écarte sa trajectoire de la
foule et déclenche son éjection. Il vole à 225 kts et n’est plus qu’à environ 50 pieds du sol quand son siège quitte l’avion. Il s’en sortira
presque indemne !
La nouvelle trajectoire de l’avion le dirige vers la tour, où se trouve un très bon photographe, avec un très bon appareil et de très bons
réflexes …
Photo signée SSGT Bennie J. Davis III (photographe de l’USAF), en ligne sur http://www.ejectionsite.com/thunderbird6.htm
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Ejecte !
La première éjection a 71 ans
Son histoire est aussi celle de Martin-Baker
Et si ça avait été inventé en France
Comment ça marche
Cas particuliers
Une éjection en 5 photos
Deux témoignages d’éjections
J.F. Fillastre sur SM B-2 et Linda
Malloney sur EA6-A, la première femme
A l’aide !
Aidez-moi à identifier des avions originaux
L’Archaeopteryx
le planeur à pattes
Les P’tites News
Aéroludique
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Au départ, je me suis dit :
« Siège éjectable égale
Martin-Baker. On va donc
commencer par la vie de
Sir James Martin et du
Captain Valentine Baker ».
Pas si simple !
Dabord on ne sait pas grand-chose de leurs vies, ensuite lhistoire
du siège éjectable commence bien avant eux.
Captain Valentine Baker
Martin-Baker MB-1
Martin-Baker MB-2
Martin-Baker MB-3
James Martin naît le 11 septembre 1893
en Irlande du Nord. En 1929, il crée sa
propre entreprise de construction
aéronautique, la Martin's Aircraft Works,
pour fabriquer des pièces d’avion.
Valentine Baker est né le 24 août 1888 au
Pays de Galles. En 1914, il s’engage dans la
Royal Navy, où il devient estafette. Cinq
mois plus tard, il est blessé d’une balle qui
se loge dans son cou. Trop proche de la
moelle épinière, elle ne peut être retirée. Il
rejoint alors le Royal Welch Fusiliers puis,
après son mariage, l’école de pilotage où il
est breveté en septembre 1916. Il remporte
ensuite plusieurs victoires avant de devenir
instructeur. Après plusieurs affectations et
promotions, il quitte l’armée en 1921 avec
le grade de Capitaine
Embauché par Vickers, il part d’abord en
Indonésie (alors Indes Néerlandaises) puis
au Chili. Il y assure la démonstration des
avions et la formation des pilotes.
De retour en Grande Bretagne, il ouvre une
école de pilotage qui deviendra fameuse. Il
aura, entre autres, comme élèves le futur
Edouard VIII et Amy Johnson.
C’est à cette époque que les deux hommes
se rencontrent. Ils deviennent amis et, en
1934, Baker rejoint Martin pour former la
Martin-Baker Aircraft Company Ltd, dont
Baker devient le pilote d’essais.
En effet, l’entreprise se lance alors dans la
construction d’avions maison. Ensemble, ils
vont mettre au point quatre prototypes, les
MB1, 2, 3 et 5. En 1935, le MB1 est un
petit biplace de tourisme de 11 m
d’envergure, qui se veut simple à fabriquer
et à entretenir.
Son moteur de 160 ch autorise une vitesse
maximum de 200 km/h. Ses ailes sont
repliables au sol par une personne seule
pour en favoriser le stockage.
Le prototype sera détruit au sol dans un
incendie en 1938.
La même année, Martin-Baker propose à
l’armée le MB2 pour répondre à une
demande pour un chasseur avec moteur
refroidi par air. Cette fois, un moteur
Napier de 800 ch le propulse à 480 km/h. Il
emporte 8 mitrailleuses. Son train est fixe
mais entièrement caréné. Testé par la RAF
en 1939, il n’est pas retenu, malgré sa
simplicité de fabrication et de bonnes
critiques. On lui préfère les Hurricane et
Spitfire…
Les deux constructeurs développent alors le
MB3 dont le premier vol intervient le 31
août 1942. Dérivé du précédent, ses
courbes plus souples rappellent celles du
Spitfire. Son moteur de 2 000 ch et son
train rentrant lui permettent de voler à 670
km/h et de monter à 12 000 m avec ses 6
canons de 20 mm et leurs 1 200 obus qui
peuvent être rechargés au sol en cinq
minutes. Il est, comme les précédents,
conçu pour une fabrication et une
utilisation les plus simples possibles.
Les premiers vols démontrent une
incroyable manœuvrabilité. Mais le 12
septembre, une panne moteur au décollage
provoque le crash de l’appareil et la mort
de Baker.
James Martin est très touché par la mort de
son ami, et on dit que ce décès le poussa à
travailler désormais à fond vers la sécurité
des pilotes.
5
Martin-Baker MB-5
Le prototype du MB3 détruit, il se lance
dans l’étude du MB4,
MB3 simplement équipé
d’un nouveau moteur.
Mais il abandonne
rapidement ce projet
pour un tout nouvel
avion, le MB5.
La voilure reste
identique, mais le
fuselage est entièrement
nouveau et cette fois, le
moteur est un Rolls-
Royce Griffon refroidi par eau. Un V-12
de 2 340 ch qui le propulse à 740 km/h par
le biais de deux hélices contrarotatives pour
en diminuer l’effet de couple.
Il fait son premier vol le 23 mai 1944.
Certains pilotes diront qu’il est supérieur au
Spit. Mais il arrive trop tard. La RAF
commence maintenant à étudier les avions à
réaction pour succéder à ses chasseurs, et le
MB5 n’aura pas plus de suite que ses
prédécesseurs.
L’entreprise ne produira plus d’avions.
Pourtant, l’histoire de Martin-Baker n’en
est encore qu’à ses débuts.
Pendant la guerre, la société Martin-Baker
a continué à produire de nombreuses pièces
d’avions, et en particulier la verrière
éjectable des derniers Spitfire qu’elle a
mise au point. La société a acquis une
certaine notoriété dans le domaine de la
sécurité. C’est pourquoi James Martin est
contacté par le Ministère de l’Air pour
étudier un moyen d’assistance aux pilotes
qui essaient de quitter leur avion lorsqu’ils
sont en difficultés. En effet, en janvier 44,
le chef pilote d’essais Davie a du
abandonner le tout nouveau Gloster Meteor
à réaction. Mais lorsqu’il est sorti du
cockpit, il a été choqué par le déplacement
d’air et a perdu connaissance. Il sest tué
sans avoir tenté d’ouvrir son parachute !
A cette époque, en effet, les pilotes doivent faire face à cette nouvelle difficulté.
Pendant la première guerre mondiale, ils volaient le nez au vent, à des vitesses relativement faibles. Sauter aurait donc pu
être relativement facile, mais le parachute n’est pas encore généralisé, essentiellement pour des raisons de poids. Seuls les
aéronautes en sont équipés, ainsi que les pilotes allemands à partir de 1918. Par contre il va se généraliser entre les deux
guerres.
Au fil de la seconde guerre, la chose va se compliquer. Les pilotes doivent maintenant se débarrasser d’une verrière, pas
forcément facile à ouvrir si l’avion a été touché. Ensuite, volant à plusieurs centaines de km/h, ils doivent affronter un
vent relatif très fort, et des facteurs de charge importants, pour peu que le vol ne soit pas stabilisé, voire que l’avion soit
en vrille. Sans compter les conditions de température et de pression qui peuvent régner à très haute altitude.
A la fin de la guerre, cela devient extrêmement difficile pour les pilotes des meilleurs avions à hélice.
Mais en Allemagne, le problème va être soulevé dès le début de la guerre. En effet, les ingénieurs du Reich travaillent
déjà sur les premiers avions à réaction, dont les vitesses sont impressionnantes. Et leur mise au point difficile entraîne de
nombreuses pertes de contrôle. Même des Nazis ne peuvent pas accepter de perdre systématiquement leurs meilleurs
pilotes.
Heinkel 176
Heinkel 280
C’est d’ailleurs dès 1939 qu’en Allemagne,
Karl Arnold, Oscar Nissen, Rheinhold
Preuschen and Otto Schwarz, au nom de
Junkers, ont, les premiers, déposé un brevet
pour un système de siège éjectable
(Reichpatent nr. 711045).
Mais c’est Heinkel qui, la même année, va
concrétiser l’idée sur son prototype d’avion
à moteur fusée Heinkel 176. En fait, c’était
plutôt tout le
mini-cockpit
de l’appareil
qui devait être
éjecté. Mais de
toute façon,
l’appareil ne
vola jamais
vraiment.
Puis de vrais sièges éjectables seront
installés sur les deux prototypes du Heinkel
280 et surtout sur le Heinkel 219, premier
avion de série à en bénéficier.
Et le 13 janvier 1942, lors d’un vol dessai
du He 280 V1 (premier proto), le pilote
d’essai Helmut Schenk largue sa verrière,
actionne le siège et est catapulté hors de
son avion par une décharge de gaz
comprimés. Il est le premier pilote de
l’histoire à s’éjecter en situation de crash et
à devoir la vie à cette invention.
Avant lui, Busch, avait été le premier à
s’éjecter en conditions de test.
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Et si le siège éjectable avait été inventé en France par un Autrichien

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