Des millions de tritons - Institut océanographique Paul Ricard

Des millions de tritons
à l'île des Embiez
Patrick Lelong
*
C
'EST le 11 février 1991, qu’une grappe de petites cap-
sules en forme de massues apparaî
t sur le décor de l’un des
aquariums de l’Institut océanographique Paul Ricard o
ù
vivent deux tritons confiés en 1
989 et 1990, par le centre de
plongée des Embiez (Var -
France). L’avenir démontre qu’il
s’agit par chance d’un mâle et d’
une femelle, puisque cette
grappe constitue le début d’une ponte.
* Responsable du département “Aquariums”. Institut océanographique Paul Ricard
Triton femelle en train de pondre ou d’assurer la protection et le nettoyage des cap-
sules renfermant les oeufs (ci-contre).
Sur la macrophotographie (ci-dessus) de quelques capsules, on distingue les œufs
qu’elles contiennent (petits points jaunâtres).
DIGEST
MILLIONS OF TRITONS
AT THE INSTITUT OCÉANOGRAPHIQUE PAUL RICARD
E
n un mois, le triton femelle va
pondre 302 capsules. Toutes accro-
contiennent les œufs
d’où sont issues
des larves “véligères” qui resteront
dans
les capsules environ trois mois.
Dura
nt cette période, la femelle est
constamment sur sa ponte pour la pro-
téger, peut-être. mais surtout pour net-
toyer les capsules et les empêcher
I
t was on February 11 1991 that
a bunch of small capsules, sha-
ped like an indian club, first
appeared on the decor of an
aquarium that houses two tri-
tons - the largest mollusc in
the
Mediterranean.
Events were to reveal that by
chance, the tritons happened to
be of opposite sexes, since this
bunch of capsules marked the
beginning of spawning.
Within about a month, the
female triton was to lay 302 cap
suIes, which clung to the aqua-
rium decor. They measure
about 3 centimetres long and
five to eight millimetres in dia-
meter; they contain the eggs
from which emerge the larvae,
that stay in the capsules for
about three months.
During this period, the female
remains with her spawn, per-
haps to protect it, but mainly to
clean the
capsules and prevent
them from being colonised by
algae or small invertebrates.
After an incuba
tion period of
about three months, the larvae
emerge through the opening at
the free end of the capsule. By
then, they measure half a milli-
metre in length, and can swim
in open water, where they find
their food.
Studies are going on to determi-
ne the nutritional requirements
of the tritons during their plank-
tonic phase, and to establish its
duration.
In three years, the triton couple
has laid about five million eggs.
Apart from a few thousand that
are destined to be used for
scientific research, most of the
larvae have been released into
the sea, where only a few
speci-mens will reach
adulthood.
Dans le régime alimentaire du triton :
l’étoile rouge Echinaster sepositus.
19
OCÉANORAMA N° 21 - DÉCEMBRE 1993
UN GROS ESCARGOT
RARE ET NOCTAMBULE
Des millions
de tritons aux Embiez
d'
être colonisées par les algues et les
petits invertébrés. La ponte se répé
tera
en janvier 1992 (350
capsules) puis en
janvier 1993 (592 capsules)
,
chaque
capsule contenant en moyenne 3880
larves.
Après environ trois mois d’incuba-
tion, les larves sortent par l’ouverture
de l’extrémité libre de la capsule
;
elles mesurent alors un demi-milli-
mètre de long et sont capables de nager
en pleine eau
elles trouvent leur
nourriture.
Des études sont poursuivies pour
essayer de déterminer les besoins ali-
mentaires des tritons durant leur phase
planctonique et pour en fixer sa durée.
E
n trois ans, le couple de tritons a
pondu environ cinq millions d’œufs
;
hormis quelques milliers d’entre elles
destinées aux études,
la plupart des
larves ont été relâchées en mer et
seuls quelques individus parviendront
à
l’âge adulte.
Patrick Lelong
Larve véligere - Les deux lobes ciliés ser-
vent à la locomotion dans le plancton.
La larve âgée de trois mois environ est
prête à sortir de la capsule.
Larve avec protocon
que, la future
coquille.
L
E triton (Charonia lampas,
pour les scientifiques) est le
plus grand mollusque gastéropo-
de de Méditerranée.
Sa rencontre
en plongée sur les côtes fran-
çaises est assez rare du fait de ses
moeurs essentiellement noc-
turnes mais également parce que
le nombre d’individus de cette
espèce ne semble pas très impor-
tant.
Le cas des tritons a d’ailleurs
fait l’objet d’une communication
scientifique lors du colloque de
Carry-le-
Rouet (1989) sur les
espèces à protéger en Méditerra-
née.
On rencontre Charonia lampas
dans le bassin occidental méditer-
ranéen et dans l’Atlantique orien-
tal, des Canaries au sud de la
Grande Bretagne. Il est relative-
ment rare en Méditerranée Nord
occidentale et plus commun au
nord du Maroc, sur les côtes
espagnoles et en mer d’Alboran.
Une autre espèce, Charonia trito-
nis,
peuple le bassin oriental de la
Méditerranée.
Les tritons vivent jusqu’à plus de
cent mètres de profondeur sur les
fonds détritiques au voisinage des
roches ou de l’herbier de
Posidonies. Les pêcheurs les cap-
turent quelquefois dans leurs
filets
ou leurs nasses, surtout la
nuit, sur les fonds sableux, alors
que les observations des plon-
geurs les situent dans les trous et
les failles rocheuses, le jour.
Ces lieux de prise ou de rencontre
indiquent son comportement : le
triton vit caché ou immobil
e le
jour dans les abris des fonds
rocheux, de l’herbier ou du coralli-
gène ; la nuit, il part à la chasse
sur les fonds détritiques voisins.
Son régime alimentaire, bien étu-
dié en aquarium, est à base
d’échinodermes avec une très
nette préférence pour l’étoile
rouge Echinaster sepositus ou
d’autres étoiles de mer, mais il
peut se contenter d’holothuries et
d’oursins.
On connaît peu cet animal et on
connaît encore moins sa reproduc-
tion et son cycle de vie. C’est une
espèce à sexes séparés avec des
stades larvaires planctoniques (en
pleine eau) très longs. La ponte a
déjà été observée quelquefois
La taille des œufs atteint 250 microns
dans des aquariums Naples ; à
l’Institut océanographique Paul
Ricard, aux Embiez) et dans la
nature, dans la mer d’Alboran. Ces
observations font état de pontes de
200 à 300 capsules contenant
entre 275 et 407 œufs et il existe
très peu de données sur le déve-
loppement larvaire.
P.L.
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OCÉANORAMA N° 21 - DÉCEMBRE 1993
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