La croissance économique
Doc 1
« Le XIXe siècle s’achève dans une paix relative le duel sino-japonais n’est plus qu’un souvenir1 ; la Grèce et la
Turquie se sont tendu la main2 ; la guerre hispano-américaine se prolonge par la lutte opiniâtre que les Philippins
soutiennent contre leurs prétendus libérateurs, mais les deux puissances qui avaient engagé les hostilités ont signé le
traité de Paris3, et leurs ambassadeurs ont repris leurs postes à Madrid et à Washington. La conférence de La Haye4,
convoquée sur l’initiative généreuse du tsar Nicolas II, achève ses utiles travaux dans la maison historique du Bois,
sans être troublée par d’autres bruits belliqueux que ceux des préparatifs militaires dont l’Angleterre un moment
menaça le Transvaal5. C’est un combat pacifique qui se poursuit à cette heure en Europe, en Amérique et jusque dans
cette Chine qui semble enfin arrachée à sa torpeur, et où les grandes nations européennes, sans compter les États-Unis,
se disputent les concessions de chemins de fer, de mines et d’autres avantages.
L’un des traits saillants de cette activité, qui se fait sentir, a des degrés inégaux, dans la plupart des pays civilisés, est
le développement extraordinaire, de l’industrie. C’est elle qui occupe une partie de plus en plus nombreuse des
populations ; c’est elle qui absorbe des capitaux de plus en plus considérables ; c’est elle dont les mouvements
marquent le mieux le progrès de la puissance économique de chaque nation. Le signal a été donné par les industries
minières, et tout d’abord par celle qui a pour objet l’exploitation des gîtes aurifères. Bien que nous ne partagions
l’opinion de ceux qui attribuent une importance excessive à l’augmentation de la quantité des métaux précieux qui
circulent dans le monde, nous reconnaissons que la mise au jour annuelle de centaines de millions, de milliards d’or, a
une influence sur les marchés monétaires et par suite sur l’ensemble des phénomènes qui en dépendent. Les
découvertes des champs miniers de l’Afrique australe, de l’Australie occidentale, l’impulsion nouvelle donnée aux
exploitations plus anciennes des États-Unis et du Mexique, ont été au nombre des facteurs intéressants de la période
contemporaine, mais beaucoup plus à cause du stimulant qu’elles ont donné à l’esprit de travail et d’entreprise que par
l’effet matériel de quelques centaines de tonnes de métal jaune versées tous les ans dans la circulation. »
Raphaël-Georges Lévy, Août 1899,
« Le mouvement industriel. Ses conséquences financières et économiques »,
Revue des deux mondes
1 Guerre entre la Chine et le Japon (1894-1895).
2 Guerre entre la Grèce et l’Empire ottoman (1897)
3 Traité de Paris (1898) : les États-Unis obtiennent Cuba, les Philippines, Porto Rico et Guam au détriment de l’Espagne
4 Conférence de La Haye (1899), également appelée « Conférence internationale de la paix » : une Cour permanente d’arbitrage est créée à La Haye en vue de régler les différends entre
les États
5 En octobre 1899, après la parution de cet article, éclata la seconde guerre des Boers. Elle se termina en 1902 par l’annexion par l’Empire britannique de la République sud-africaine du
Transvaal et de l’État d’Orange.
Doc 2
« Un an après la crise russe - le rouble1 a été dévalué le 17 août 1998 - et alors que chacun redoutait une apocalypse
économique mondiale il y a encore six mois, les scénarios noirs sont oubliés. L’Asie, y compris le Japon, montre de
sérieux signes de reprise ; la Russie vient de renouer avec la communauté internationale ; l’Euroland, languissante il y
a un an, remonte la pente. Ses deux lanternes rouges, l’Italie et l’Allemagne, affichent de meilleures performances.
Même l’Amérique latine, hier menacée par une chute du real brésilien et qui souffre cette année, devrait en 2000
renouer avec la croissance. Quant à l’économie nord-américaine, elle poursuit son incroyable course en tête, traversant
sa neuvième année de croissance continue. C’est paradoxalement de ses succès que nous parviennent les seuls nuages
dans une météo mondiale ensoleillée : les Américains vivent-ils au-dessus de leurs moyens, rendus faussement très
riches par une Bourse en folie ? Un krach de Wall Street aurait des répercutions sur toutes les places, enclenchant un
mouvement cumulatif dont il est difficile de deviner l’ampleur.
Mais dans l’immédiat, l’embellie mondiale est bien là. Elle se nourrit au Nord de taux d’intérêt bas et au Sud des
injections massives de liquidités déversées depuis deux ans par le Fonds monétaire international (FMI). Dans un
document publié lundi 9 août, l’Economist Intelligence Unit (EIU) de Londres, estime que “les prévisions de
croissance mondiale sont désormais de 2,9 % en 1999 et de 3,3 % en 2000”. Le FMI est encore plus optimiste. Début
juillet, son directeur général, Michel Camdessus, indiquait que le taux de croissance de 2,5 % enregistré en 1998
“pourrait être le point bas du cycle” et il n’écartait pas un taux de 3,5 % dès 1999. » Babette Stern, Août 1999,
« Fin d’éclipse pour l’économie mondiale », Le Monde
1 rouble : monnaie de la Russie
Question : Comment la croissance économique est-elle décrite dans chacun de ces textes ?
Avec le recul historique, quelles réserves peut-on avoir vis-à-vis de ces documents ?