Introduction à l`éthique clinique

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Dr Samia Hurst
Institut d’éthique biomédicale
Faculté de Médecine, Genève
Introduction à l’éthique clinique
Faculté de médecine de Yaoundé
4e année
Présentation clinique:
1) Alors qu’on le soigne pour une maladie grave, un patient de 70 ans refuse de poursuivre le
traitement. Ce traitement lui offre une meilleure chance de guérison que les alternatives.
Cet homme a 70 ans, et a été amené du Vietnam il y a quelques semaines par ses deux filles.
A ce moment, une masse volumineuse grandissait dans son cou et menaçait de comprimer ses
voies respiratoires. Il risquait aussi d’aspirer sa salive et de s’infecter les poumons.
On pose alors le diagnostic de lymphome à grandes cellules, avec des métastases cérébrales. Il
reçoit un premier cycle de chimiothérapie. L’effet clinique est excellent. Le pronostic est
relativement bon: on peut poursuivre le traitement avec un but réaliste de guérir cet homme.
Pour cela, il faudrait cinq cycles additionnels, et des traitements intra-thécaux (par ponction
lombaire puis par implantation chirurgicale d’un cathéter vertébral).
Les filles du patient, pourtant, rapportent à présent que leur père ne veut plus poursuivre le
traitement. Il a également refusé une prise de sang et une ponction lombaire. L’équipe soignante
est inquiète pour la sécurité du patient en cas de poursuite du traitement: les médicaments ont
des effets secondaires important et il est risqué de les poursuivre sans surveiller ces effets. Ils ne
sont pas surs que le patient comprenne bien les conséquences de l’arrêt du traitement.
Dr Samia Hurst
Institut d’éthique biomédicale
Faculté de Médecine, Genève
Approches d'un conflit de valeurs, généralités
Reconnaître le conflit de valeurs:
Un conflit de valeurs survient lorsqu’il semble impossible de respecter simultanément plusieurs
valeurs que l’on considère pourtant toutes comme importantes. Ces valeurs peuvent ne pas être
clairement apparentes d’emblée.
Quelques problèmes:
Un des buts de la bioéthique est de fournir un cadre qui permette de découvrir et de créer des
solutions acceptables aux problèmes moraux que suscite, entre autres, la pratique de la médecine.
Autant l'admettre, notre vie morale est compliquée. Jusqu’à présent, aucun système n'a pu en
rendre compte de façon réaliste, précise, complète et sans contradictions. En temps normal, cela
peut ne pas être un problème, mais la difficulté de certaines situations rencontrées dans la
pratique médicale peut nous amener à en souffrir. Deux exemples assez généraux:
Règles et buts
Les règles de conduite sont un élément important de notre vie morale. Nous cherchons en général
à respecter celles que nous acceptons comme valables. Par ailleurs, nous cherchons également à
ce que nos actes aient les meilleures conséquences possibles pour toutes les personnes
concernées. Il est heureusement souvent possible de concilier ces deux buts, mais pas toujours.
Le "privilège thérapeutique", une situation dans laquelle on considère qu'il est acceptable de
mentir pour protéger par exemple l'espoir, le bien-être ou le désir de vivre, est un exemple de ce
type de dilemme. Une situation lors de laquelle un patient refuse un traitement indiqué (c'est-àdire un traitement qui lui donnerait de meilleures chances d'avoir un meilleur avenir), en est un
autre.
Diversité des valeurs
Nous ne partageons pas une référence unique et complète qui serait la source de notre moralité. Il
n'y a pas dans une société pluraliste de "gold standard" universellement applicable a la vie morale
de tous et généralement accepté. Même sans être des étrangers au sens culturels, nous sommes
souvent, à un degré ou à un autre, des "étrangers moraux".
L'éthique des principes:
C’est une approche qui essaie de tracer des pistes pour faire face à ces difficultés. Ce modèle est
basé sur la constatation que, même si nous ne sommes pas d’accord sur tout, il y a un certains
nombres de points communs généralement admissibles. A partir de ce constat, ce modèle propose
une série de quatre principes: le respect de l'autonomie, la non-malfaisance, la bienfaisance et la
justice i . Ces quatre principes peuvent être en conflit, mais reflètent tous des éléments également
importants de notre vie morale. A ce titre, ils doivent tous être respectés "à première vue". S'ils
entrent en conflit, et s'il est impossible de trouver une solution qui permette de les respecter tous
dans une situation donnée, il faut déterminer lequel doit avoir la priorité dans ce cas donné et ceci
est influencé par des éléments de la situation elle-même.
Dr Samia Hurst
Institut d’éthique biomédicale
Faculté de Médecine, Genève
Vers le moindre mal:
Il existe plusieurs descriptions de processus de résolution d'un conflit de valeurs. La démarche
décrite ci-dessous est basée sur deux d'entre elles i, ii .
Récolter les éléments pertinents a la situation clinique
Médicaux:
Antécédents, diagnostic, pronostic, options thérapeutiques
Psycho-Sociaux:
Situation et relations des diverses parties
…et les éléments pertinents au processus de décision!
Logistiques:
Degré d'urgence, temps disponible pour la discussion, délais,
personnes a impliquer, démarche a faire pour les contacter.
Impliquer autant que possible toutes les personnes concernées
respecte leur rôle dans une situation difficile. Cela diminue aussi le
risque que des aspect pertinents a la situation soient négligés.
Processus de discussion
• Rappeler les faits
• Exprimer son option initiale
Il s'agit de l'avis de chaque intervenant avant la discussion. Connaître cet élément
permet de commencer a faire le tour des valeurs en présence. Cela permet aussi
de rendre l'avis de chacun explicite et ouvert a la discussion.
•
Identifier le dilemme moral et les valeurs en présence
La description des valeurs en présence peut être difficile. Nous considérons tous
certaines valeurs morales comme importantes, mais nous n'avons pas
nécessairement l'habitude de les expliciter. Le recours aux "têtes de chapitre" de
l'éthique des principes peut s'avérer utile ici. Mais il est possible que certaines
valeurs n'y entre pas de façon évidente. Cela ne doit évidemment pas diminuer
leur poids.
Il ne faut pas non plus perdre de vue le fait que certaines valeurs pertinentes ne
seront peut-être “portées” a ce moment-la par aucun des intervenants. Il faut
néanmoins chercher a être exhaustif. Dépasser le cadre dans lequel on se trouve
peut également servir a élargir son point de vue. Se demander "a quoi cette
décision ressemblerait a la Une demain?" peut parfois suffire. Ceci c'est pas le
(pur) reflet de la crainte de perdre la face, mais peut amener a voir un aspect du
problème qu'on aurait pu négliger sans cela. Il est parfois utile de faire appel a
une aide extérieure.
•
Elaborer des alternatives possibles
S'il est en général clair que plusieurs actions sont possibles, il n'est en revanche
pas rare que certaines possibilités soient négligées. Elaborer autant que possible
toutes les possibilités d'action qui sont ouvertes est important. En avoir plus de
deux évite une trop grande polarisation de la discussion. Il s'agit également
d'énumérer leurs avantages et inconvénients, les valeurs privilégiées et, le cas
échéant, les valeurs sacrifiées.
Dr Samia Hurst
Institut d’éthique biomédicale
Faculté de Médecine, Genève
•
Retourner sur l'option initiale
Est-elle retenue? Si oui, la démarche l'aura justifiée. Si non, la démarche aura
permis de la dépasser.
•
Décider
La solution peut s'imposer d'elle-même a ce stade, mais ce n'est pas toujours le
cas. Si l'on reste avec plusieurs options imparfaites, il est nécessaire de peser ce
qui est privilégié et ce qui est sacrifié par chaque option, pour choisir celle qui est,
dans ces circonstances, la "moins pire". Ceci se fait par un processus de va et
vient entre un choix entre les valeurs en présence et un choix entre les options
pratiques dont on dispose. Dans le meilleur des cas, évidemment, la
décision portera sur une action qui est clairement la meilleure et sera respectueuse
de toutes les valeurs en présence. Mais c'est un idéal qui ne peut pas toujours être
réalisé. Renoncer a respecter une valeur morale dans une situation de dilemme
n'est pas un constat d'échec, tant qu'il est suffisamment justifié qu'une ou plusieurs
autre(s) valeur(s) sont plus importantes dans ce cas précis et qu'il est impossible de
les respecter toutes. Cette pesée permet de s'assurer autant que possible que le
choix soit justifié de façon solide.
Il est clair que plus le temps disponible est long, plus ce processus est confortable. Mais cela ne
signifie pas qu'il soit impossible de s'en servir vite si le temps est court …
i. Beauchamp T, Childress J, Principles of Biomedical Ethics, Ed Oxford University Press, 2001, pp
ii. Durand G, Introduction générale à la Bioéthique, Ed FIDES cerf, 1999, pp. 438-44
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