06-Com-01-Alzheimer.qxd 27/05/08 17:29 Page 191 COMMUNICATIONS Pr Claude Dreux Membre des Académies nationales de médecine et de pharmacie Président du Cespharm Les pharmaciens ont-ils un rôle à jouer dans le Plan Alzheimer 2008-2012 ?* L’ensemble des professions de santé est concerné par la maladie d’Alzheimer qui va toucher dans quelques années 1 million de personnes en France (plus de 800 000 aujourd’hui) (1) (2). Les pharmaciens quant à eux interviennent à tous les niveaux : recherche de nouvelles stratégies thérapeutiques basées sur les découvertes fondamentales de la neurobiologie, recherche de marqueurs pour un diagnostic précoce de la maladie, nouveaux médicaments plus actifs et mieux tolérés... Mais nous nous sommes intéressés surtout, avec le Cespharm (Comité d’éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française), au rôle des pharmaciens en contact avec le public : officinaux et biologistes des laboratoires de biologie médicale hospitaliers et libéraux. En effet, les connaissances actuelles sur la « maladie d’Alzheimer » et apparentées (MA) ne sont pas suffisamment avancées pour permettre un diagnostic précoce et un traitement curatif, sans pour autant négliger l’intérêt des traitements symptomatiques au début de la maladie. L’importance des professionnels de santé de proximité, et particulièrement des pharmaciens, devient ainsi évidente. L’aide apportée au patient et aux « aidants » (le plus souvent le conjoint et sa famille proche), notamment pour le maintien à domicile très souhaité par les malades, doit concerner aussi les professionnels paramédicaux et médico-sociaux. Le professeur J. Ménard, chargé par le président de la République d’effectuer un rapport pour l’élaboration du Plan national Alzheimer 2008-2012, a bien compris le rôle que pourraient jouer les pharmaciens. Il nous a demandé de faire partie d’un groupe de travail afin de proposer un « projet de mesures » concernant les pharmaciens en contact avec le public. Avec Fabienne Blanchet, directeur du Cespharm, nous avons fait un plan d’actions que nous allons nous efforcer de développer au cours de ces quatre prochaines années. Comme nous l’avons affirmé lors de la journée sur « La prévention en question(s) » du 10 avril 2008 (3), le rôle des professionnels de santé est de tenter de procurer aux malades et à leur famille une vie agréable ou tout au moins acceptable. L’allongement de la vie ne doit pas être une fin en soi. Cette approche « humaniste » de la prévention ou des soins s’applique particulièrement aux personnes atteintes de maladies chroniques telles que la maladie d’Alzheimer. Les orientations du Plan Alzheimer Le Plan présenté par le professeur J. Ménard en novembre 2007 (4) retient plusieurs de nos propositions. • « Une information-formation des professionnels de santé s’impose... et les transferts de tâches entre professionnels soignants pour le suivi des états chroniques dont le traitement est bien codifié pourraient réduire les coûts et augmenter la qualité des résultats... les conseils des pharmaciens devraient dégager du temps et de l’argent nécessaires aux nombreuses maladies chroniques invalidantes... dont la MA est une des plus difficiles. La MA est un exemple typique de cette nécessaire coordination entre plusieurs soignants... (p. 17). • Formation des pharmaciens aux techniques de communication et d’information sur la MA. Cette action pourrait être menée grâce à la contribution de l’Académie nationale de pharmacie et du Cespharm (p. 65). • Optimiser le diagnostic de la MA. Mise à disposition par les médecins traitants d’un outil de repérage de la * Le texte intégral de la communication effectuée lors de la séance de l’Académie nationale de pharmacie du 23 janvier 2008 : « Actualités sur la maladie d’Alzheimer » paraîtra dans les Annales pharmaceutiques françaises. B U L L E T I N D E L’ O R D R E 3 9 9 - 191 - JUIN 2008 06-Com-01-Alzheimer.qxd 27/05/08 17:29 Page 192 COMMUNICATIONS MA utilisable en pratique de ville. Nous préconisons un guide d’entretien permettant aux pharmaciens d’entrer en contact avec la personne se plaignant de troubles de la mémoire (ou d’autres signes cliniques) ou avec son entourage... (p. 38 et 39). • Élaboration et diffusion de programmes d’évaluation et d’amélioration des pratiques professionnelles sur le thème du bon usage du médicament, incluant les psychotropes, chez les sujets âgés (p. 43). • Renforcer la coordination entre intervenants médicaux et médico-sociaux, et offrir une réponse personnalisée et évolutive aux patients et à leur famille (p. 46). • Permettre aux malades et à leurs proches de choisir le maintien à domicile. » Comment concevoir le rôle des pharmaciens ? Après l’examen du rapport de J. Ménard, on peut envisager le rôle du pharmacien en contact avec le public selon plusieurs rubriques : 1. Motivation des pharmaciens – Formations initiale et continue. 2. Élaboration d’outils d’information du public sur la MA. 3. Recherche de moyens d’intervention au niveau : a. de la prévention ; b. des traitements ; c. de l’aide médico-sociale. 4. Abord du patient et des aidants à l’officine et au laboratoire. 5. Constitution d’associations locales d’aide aux malades et à leur famille. 6. Évaluation de l’efficacité des actions entreprises. 8. Financement des actions. 9. Exemples d’actions déjà réalisées pouvant servir d’exemples. Ébauche d’un plan d’action Les propositions effectuées dans un délai très court, devant la commission animée par Joël Ménard, ne constituent qu’un schéma des actions que le Cespharm et les pharmaciens qui travaillent avec lui se proposent de mettre en place. Compte tenu de l’évolution constante des connaissances, du degré d’implication des pouvoirs publics, des efforts de financement du Plan Alzheimer 2008-2012, nous pourrons être amenés à modifier ce plan d’action. tenaires très divers et sans exclusive, à condition que les formations soient labellisées. Actuellement, le Haut Comité de la Formation pharmaceutique continue doit être alerté pour susciter l’élaboration de formations de qualité dans toute la France. Nous ne doutons pas de la motivation de nos confrères. Ceux-ci ont déjà montré que les grandes causes nationales dans le domaine de la santé ont toujours reçu un écho favorable. Les campagnes menées seules ou en collaboration avec diverses institutions ont été largement suivies. Ces formations initiales et/ou continues doivent s’adresser aux pharmaciens d’officine titulaires et adjoints, aux biologistes, aux préparateurs et aux techniciens en contact avec le public, mais aussi aux auxiliaires médico-sociaux. Il s’agit d’un métier nouveau susceptible d’attirer des jeunes qui s’engagent dans des filières courtes et qui seront bientôt indispensables pour l’aide aux patients atteints de maladies chroniques, à domicile ou en institution. Exemples : – Lutte contre le tabagisme, l’alcoolisme et les addictions. – Actions de prévention et de traitement du diabète, de l’ostéoporose, des maladies cardiovasculaires. – Prévention et dépistage des cancers. – Bon usage des médicaments dans l’asthme, les traitements anticoagulants. – Contraception d’urgence comme aide à la diminution des interruptions volontaires de grossesse. La diversification des métiers de la santé commence à faire son chemin. Le médecin généraliste, sollicité et courtisé de toutes parts, ne peut plus faire face à lui seul à tous les problèmes : diagnostic, traitement d’urgence, soins aux patients chroniques, renouvellement de prescriptions, accidents du travail, CMU, prévention... Ses tâches sont telles que les jeunes étudiants en médecine préfèrent la spécialisation ou les emplois publics ! Il est temps de partager les problèmes de santé et particulièrement de santé publique ! Dans une maladie qui touche ou va toucher 1 million de Français, les pharmaciens sont en première ligne avec plus de 4 millions de personnes qui fréquentent chaque jour les officines et les laboratoires et avec une répartition géographique homogène. Pas une famille ne sera épargnée dans la « patientèle » du pharmacien ou dans son propre environnement. Dans cette formation des pharmaciens, le Cespharm peut intervenir par la production d’une fiche technique faisant le point sur la maladie et sur les rôles du pharmacien et du biologiste. Une fiche technique a déjà été publiée en 1998, mais nous ne la diffusons plus. 1. Motivation des pharmaciens – Formations initiale et continue Le rôle des enseignants et des spécialistes des maladies neurodégénératives (professionnels de santé, psychiatres, psychologues, cadres médico-sociaux) est indispensable. Les associations de patients ont aussi leur rôle à jouer. En formation initiale, des enseignements pluridisciplinaires doivent être dispensés sous la responsabilité des enseignants de santé publique. La conférence des doyens doit se saisir d’urgence de cette question afin que toutes les facultés soient concernées. L’Académie de pharmacie devrait jouer un rôle dans l’élaboration des programmes avec l’aide d’experts. En formation continue, des modules doivent être organisés à l’initiative de par- B U L L E T I N D E L’ O R D R E 3 9 9 - 192 - Les fiches techniques du Cespharm sont disponibles sur le site internet de l’Ordre des pharmaciens et, à la fin de 2008, elles le seront sur le site du Cespharm. Nous souhaitons que toutes les informations relatives à la maladie d’Alzheimer puissent être accessibles sur ce site régulièrement mis à jour. 2. Élaboration d’outils d’information du public Comme nous avons l’habitude de le faire, des affiches seront adressées aux pharmaciens pour attirer leur attention sur la maladie et l’intérêt de la dépister « le moins tard possible », comme disent certains, puisque le dépistage précoce n’est pas encore disponible. Ces affiches JUIN 2008 06-Com-01-Alzheimer.qxd 27/05/08 17:29 Page 193 COMMUNICATIONS devront conseiller aux patients inquiets de pertes de mémoire et à leurs aidants de consulter leur médecin ou leur pharmacien. Nous comptons, en particulier, mettre à profit nos « vitrines d’éducation et de prévention » pour présenter ces affiches au public. Des brochures d’information seront également mises à la disposition du public. Elles devront surtout comporter des informations pratiques sur les structures spécialisées : consultation mémoire, CLIC (centres locaux d’information et de coordination), etc. et sur les nouvelles mesures proposées dans le Plan Alzheimer (n° azur France Alzheimer, portails e-seniors intégrant le portail CLIC avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations), etc. Il faudra aussi tenir compte des recommandations d’organisations internationales comme « Alzheimer Europe » et « Alliance européenne contre la MA ». Il est très souhaitable que les organismes spécialisés tels que l’INPES (1) (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) et les associations comme France Alzheimer produisent des affiches et des documents à proposer au public, mais en concertation avec le Cespharm en ce qui nous concerne. Notons la diffusion par l’INPES, depuis le début mars 2008, d’un cédérom destiné à la formation des soignants et à l’éducation pour la santé du patient atteint de MA. 3. Recherche de moyens d’interventions au niveau : • De la prévention Devant une maladie dont il est difficile aujourd’hui d’effectuer un dépistage précoce (la recherche de la protéine tau dans le liquide céphalo-rachidien ne constitue pas un moyen de diagnostic usuel) et qui, de toute façon, ne peut pas être traitée dans un but curatif, on doit s’intéresser à la possibilité de prévenir ou de retarder l’apparition des signes cliniques graves. La prévention primaire doit être analysée avec attention et objectivité. Il n’existe pas, à notre connaissance, d’étude contrôlée vraiment convaincante (5). 1. INPES, 42 boulevard de la Libération, 93203 Saint-Denis Cedex. Le fait que certains spécialistes pensent que la MA résulte à la fois de dégénérescence neuro-fibrillaire et d’atteintes vasculaires conduit à rechercher à ce niveau des motifs d’intervention. Dans son rapport, Joël Ménard précise : « L’énorme chance de la prévention de la MA est que les méthodes connues pour être associées à une réduction du risque de maladie cardiovasculaire et de cancer sont applicables à la réduction du risque de la MA. » Le facteur de risque le plus crédible est actuellement l’hypertension (6). L’hypercholestérolémie et les dyslipidémies semblent également en cause (7). « Il faut éviter la consommation de tabac et l’abus d’alcool. Il faut faire de l’exercice physique et intellectuel et éviter l’excès de poids. « La prévention “ primaire” de la MA dépend de la qualité globale de la prévention. » (J. Ménard) Il est de fait que l’inégalité constatée dans l’atteinte précoce de la MA correspond assez bien avec celle concernant l’adhésion de la population aux recommandations de prévention primaire. Les personnes aux revenus les plus élevés et à l’éducation supérieure, vivant dans les départements le moins sujets aux comportements à risque et le mieux pourvus en moyens sanitaires sont également les mieux « protégées » contre la maladie d’Alzheimer. Quant à l’interaction de facteurs génétiques et environnementaux, il faut remarquer que 99 % des cas d’Alzheimer sont des formes sporadiques. Certes, des facteurs de risque génétiques (polymorphisme de l’ADN) sont présents, mais ils ne sont ni nécessaires ni suffisants pour induire une MA. C’est seulement dans les formes familiales débutant avant 60 ans que des altérations génétiques sur les chromosomes 21 (gène de l’APP – Amyloid Proteins Precursor), 14 et 1 (gènes des présinilines 1 et 2) sont constatées. Une forte implication a été trouvée avec le polymorphisme du gène codant pour l’apolipoprotéine E (Apo E). L’allèle ε4 présent dans 15 % de la population générale induit un risque de MA multiplié par 3 à 5. Avec 2 allèles ε4 le risque est multiplié par 10 à 12 (8). A noter que l’allèle ε4 accroît également le risque cardiovas- B U L L E T I N D E L’ O R D R E 3 9 9 - 193 - culaire (augmentation du LDL-cholestérol), ce qui correspond bien à la théorie d’une implication des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire dans la MA. • Des traitements Nous n’aborderons pas ici le sujet des traitements symptomatiques de la MA (9) (10). On sait qu’ils ne peuvent pas guérir cette maladie, mais tout au plus retarder l’apparition de la démence et soulager quelques symptômes particulièrement pénibles (agressivité notamment). Certaines prises en charge médico-psychologiques, des exercices de mémorisation... peuvent également, au début de la maladie, avoir quelques effets bénéfiques. Cependant, il existe des effets indésirables parfois graves tels que : troubles gastrointestinaux, crampes musculaires, insomnie pour les inhibiteurs de la cholinestérase ; hallucinations, céphalées, vertiges... pour les antagonistes du glutamate. De même, l’usage de neuroleptiques, anxiolytiques, antidépresseurs peut entraîner des effets secondaires propres à ces médicaments. Le pharmacien devra être bien informé de ces effets, et des risques liés aux associations médicamenteuses pour en informer le patient et ses « aidants ». L’apport considérable du Dossier pharmaceutique devrait lui être très utile pour conseiller à la fois la personne atteinte et son médecin traitant. L’observance est un sujet de préoccupation et là aussi le pharmacien devra être actif. • De l’aide médico-sociale Le pharmacien doit être parfaitement informé des possibilités qui s’offrent aux patients atteints de la MA, mais surtout à leur entourage, des divers organismes de prise en charge partielle ou totale du malade. Quelques exemples : – Le CLIC, Centre local d’information et de coordination, informe sur les services officiels ou privés. Il doit également guider « les aidants » sur les démarches à effectuer. Comment trouver le CLIC : à la mairie, au Conseil général du département, sur le site http://clic-info.personnes-agees.gouv.fr. JUIN 2008 06-Com-01-Alzheimer.qxd 27/05/08 17:29 Page 194 COMMUNICATIONS – Les aidants à domicile (aides ménagères, gardes à domicile, auxiliaires de vie...). Ces métiers sont en plein développement mais il est nécessaire qu’une évaluation des organismes de formation et de placement soit organisée. – Les soins à domicile (infirmières, kinésithérapeutes...). Des renseignements peuvent être obtenus auprès des associations comme France Alzheimer, la Fondation Médéric Alzheimer... s’agit souvent plus d’un problème d’attention que de mémoire proprement dite. Faut-il aller plus loin et adresser d’emblée le « plaignant » à son médecin ? Nous pensons que c’est l’inquiéter peut-être inutilement et contribuer à l’encombrement des cabinets médicaux déjà surchargés. Nous suggérons que le pharmacien ait un rôle plus actif sans pour autant porter un diagnostic. – Les aides sociales et économiques : renseignements dans les mairies. Un entretien confidentiel avec la personne se plaignant de troubles de mémoire, ou avec son entourage, est-il possible ? – L’association APS (Assureurs Prévention Santé) – 26 bd Haussmann 75311 Paris Cedex 09 – édite une plaquette donnant beaucoup de renseignements dont sont extraites les données ci-dessus « Prévenir... les difficultés de la vie avec un proche atteint de la maladie d’Alzheimer » (disponible auprès du Cespharm – 17 rue Margueritte 75017 Paris). Il est habituel de dire que la maladie d’Alzheimer est sous-diagnostiquée en France. La moitié seulement des patients serait identifiée. Mais peut-on parler de diagnostic précoce alors que les lésions cérébrales caractéristiques (dépôts amyloïdes et dégénérescence neuro-fibrillaire) apparaissent longtemps (20-30 ans) avant les signes cliniques ? 4. Abord du patient et des aidants à l’officine et au laboratoire Le pharmacien et le biologiste sont souvent interrogés soit par le patient luimême ou assez souvent par des proches (conjoint, enfants, aides familiaux...) au sujet de plaintes mnésiques (perte de mémoire fortuite ou fréquente sur des thèmes récurrents : lunettes égarées, oubli de rendez-vous...). Quel peut être le rôle du pharmacien et de ses collaborateurs ? Dans notre « fiche de projet de mesure pour le Plan national Alzheimer », nous avions suggéré quatre rôles pour le pharmacien : Écouter, Rassurer, Orienter, Soutenir. Des membres du groupe ont critiqué le mot Rassurer pensant que c’est seulement au médecin de juger. Les Français ont une crainte croissante de la MA. Le journal La Croix a évoqué récemment un sondage TNS-Sofres effectué par le magazine Le Pèlerin. Il en résulte que, en 2008, 54 % des Français ont peur de la MA, contre 41 % en 2007 (la peur du cancer est en légère baisse). Or, beaucoup de personnes à la première plainte mnésique s’exclament « c’est mon alzheimer qui commence... ». Pourquoi ne pas les rassurer d’emblée en précisant que le diagnostic de MA ne se limite pas à l’exploration de la mémoire. D’ailleurs, il D’autre part, en l’absence de traitements curatifs, est-il vraiment logique (et éthique) de dépister précocement une MA asymptomatique ? Par contre, il peut être utile d’effectuer un diagnostic au stade prédémentiel pour prévoir la prise en charge du patient concerné en accord avec la famille. Une fois de plus, le Plan Alzheimer souligne le rôle essentiel du médecin généraliste et propose des outils simples de diagnostic. Par exemple : – le PM5 : cinq questions permettant d’évaluer l’importance de la plainte mnésique ; – la méthode des 5 mots ; – le mini-GDS (Geriatric Depression Scale) ; – l’échelle des IADL (Instrument Activities of Daily Living). Si ces tests sont pratiqués, le patient pourra être adressé à une consultation spécialisée. Dans notre « fiche de projet », il est indiqué : « Élaboration d’un guide d’entretien permettant aux pharmaciens d’entrer en contact avec la personne se plaignant de troubles de la mémoire (ou d’autres signes cliniques) ou avec son entourage ». Il est précisé à cet effet : « Un espace de confidentialité doit être assuré dans l’officine ou le laboratoire d’analyse. » Notons que cet outil a été retenu dans le plan publié par J. Ménard (138-139). Ce guide d’entretien peut-être proposé aux pharmaciens qui souhaitent s’engager dans la lutte contre la maladie d’Alzheimer après avoir suivi, en formation initiale ou continue, un enseignement pratique validé (voir plus haut). Le Cespharm proposera dans la fiche technique en cours d’élaboration, destinée à remplacer celle éditée en juillet 1998 (11), un guide d’entretien destiné aux pharmaciens. Ce guide permettra d’explorer les points suivants : – Pertes de mémoire. – Difficulté à accomplir les tâches quotidiennes. – Altération du langage. – Désorientation dans le temps et dans l’espace. – Pertes de jugement. – Difficultés devant les raisonnements abstraits. – Pertes d’objets. – Changement brusque de comportement. Il me paraît très souhaitable que, dans le cadre de groupes de coordination comportant des professionnels de santé (voir cidessous), le guide d’entretien soit discuté et approuvé. Bien entendu, le pharmacien devra s’abstenir d’émettre une appréciation d’ensemble devant le patient. Malheureusement, dans la situation actuelle, les médecins généralistes sont débordés et souvent mal informés, faute d’une obligation de formation continue efficace. 5. Constitution de « réseaux » locaux d’aide aux malades et à leurs proches Ne serait-il pas opportun d’associer les pharmaciens à cette orientation « diagnostique » permettant de solliciter le médecin (généraliste ou spécialiste) avec un maximum d’efficacité ? La maladie d’Alzheimer est une atteinte neuronale dégénérative et s’apparente par de nombreux aspects aux maladies chroniques telles que les cancers, le diabète, l’insuffisance rénale, la maladie de B U L L E T I N D E L’ O R D R E 3 9 9 - 194 - JUIN 2008 06-Com-01-Alzheimer.qxd 27/05/08 17:29 Page 195 COMMUNICATIONS Parkinson, etc. Elle s’en distingue actuellement par l’absence de diagnostic précoce et de traitement de fond. Néanmoins, l’aide au malade et à ses proches est primordial, le maintien à domicile le plus longtemps possible constitue une demande permanente des patients, d’autant plus que les structures d’accueil de bonne qualité sont encore insuffisantes. L’ensemble de la communauté doit s’organiser au plan local pour une meilleure efficacité. C’est pourquoi, sur la base d’exemples fournis par les réseaux du cancer, du rein, du diabète, nous préconisons la formation de « Collectifs d’aide personnalisée en santé », les CAPS, regroupant des professionnels de santé (médecins, pharmaciens, dentistes, paramédicaux...) des professionnels médico-sociaux, des associations de patients, des autorités locales... pour la prise en charge et le maintien à domicile des patients atteints de MA ou d’affections apparentées et plus généralement de maladies chroniques. Les pharmaciens qui sont en première ligne pour ce soutien aux patients et à leurs « aidants » sont bien placés pour être les promoteurs de ces associations. « L’aide à la personne » doit être une mission prioritaire pour nos confrères. Il faut les aider en leur fournissant des pistes et des outils. à cette labellisation compte tenu du nombre de plus en plus important de demandes qui lui parviennent. Bien entendu, toutes les parties prenantes devraient être représentées dans cette structure d’évaluation. 8. Actions locales réalisées à l’initiative ou avec l’aide des pharmaciens 7. Financement des actions 1. Dans la Côte-d’Or : par un collectif multidisciplinaire comportant des membres du Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens. Cette opération mise en place par le réseau RESEDA nous a été signalée par Isabelle Adenot, pharmacien à Corbigny, membre du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens et Martine Baumgarten, pharmacien à GevreyChambertin, membre de l’Académie nationale de pharmacie. On ne peut à ce sujet qu’émettre des idées générales. En ce qui concerne les pharmaciens, le Cespharm a l’habitude de fournir des outils d’éducation pour la santé et de prévention aux confrères qui en font la demande. La montée en charge de ce service témoigne de son succès. En 2007 : – 24 200 commandes de documents (+ 21 % sur 2006). – 1 324 650 brochures destinées au public (+ 15 % sur 2006). – 21 500 affiches pour les pharmacies (+ 78 % sur 2006). – 233 000 fiches techniques (+ 20 % sur 2006). Nous pensons également que la mise en place du site internet du Cespharm prévu fin 2008 va amplifier la demande des confrères qui sera facilitée (commandes en ligne). De nombreuses initiatives ont été prises en ce sens et le Cespharm va s’efforcer de les recenser et de les faire connaître. Actuellement, notre budget est trop faible (malgré un effort très important du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens) pour assurer complètement cette lourde charge. 6. Évaluation de l’efficacité des actions entreprises Nous devrons donc solliciter l’aide de puissants organismes comme l’INPES, France Alzheimer, les compagnies d’assurances (comme l’APS cité plus haut)... L’évaluation est à la mode ! et c’est normal à condition qu’elle soit objective et efficace. Les pouvoirs publics, notamment le ministère chargé de la Santé, sont débordés par la mise en place de textes réglementaires. Pourquoi ne pas confier cette tâche à une (ou des) commission(s) émanant des Ordres professionnels ? En ce qui concerne la formation continue des pharmaciens, le Haut Comité de la Formation pharmaceutique continue a montré son efficacité dans la labellisation des formations. Il est possible de promouvoir une structure parallèle pour l’évaluation des nombreux organismes d’aide aux patients. Le Cespharm est prêt à participer Les pharmaciens, conscients de leur mission de service public, n’ont pas jusqu’ici demandé de rémunération pour leurs actions de prévention et d’éducation pour la santé. Mais si, comme nous le souhaitons, l’aide personnalisée aux personnes dépendantes voit le jour, il faudra bien tenir compte des efforts et du temps passé auprès des patients ou de leurs proches. Les pharmaciens ont toujours voulu démontrer qu’il faut prouver son utilité avant de réclamer sa prise en charge (contrairement à d’autres professions...). Mais, quand on voit le coût de l’HAD par exemple, institution remarquable qui doit être développée, on s’interroge sur les limites du bénévolat ! B U L L E T I N D E L’ O R D R E 3 9 9 - 195 - Nous avons eu connaissance de deux actions organisées : 2. En Ile-de-France : par la société EDUSANTÉ dirigée par Yves Magar avec le soutien du Conseil régional d’Ile-deFrance présidé par Jean-Jacques Des Moutis. Il existe certainement d’autres initiatives dans lesquelles sont impliqués des pharmaciens. Le Cespharm va tenter d’en faire le recensement avec l’aide des conseils centraux et régionaux de l’Ordre des pharmaciens. Toutes les instances pharmaceutiques, et notamment l’Académie nationale de pharmacie, doivent être impliquées dans cette prise en charge collective d’aide aux patients et à leur famille. Les pharmaciens doivent s’investir dans cette opération de santé publique en étant à l’initiative des « CAPS » envisagés plus haut et en y faisant preuve d’imagination. Il sera temps alors de se tourner vers les pouvoirs publics, ou d’autres organismes (mutuelles, assurances...) pour aider financièrement à la prise en charge de ces actions. Le cas particulier des patients « jeunes » D’après l’assurance maladie, environ 8 000 personnes de moins de 60 ans seraient reconnues en ALD (affection de longue durée) pour maladie d’Alzheimer. Le Pr Joël Ménard aborde cette question dans son rapport (chapitre VIII des propositions de recommandations pour un Plan Alzheimer). JUIN 2008 06-Com-01-Alzheimer.qxd 27/05/08 17:29 Page 196 COMMUNICATIONS Parmi ces patients, seulement 1 à 2 % de la totalité des alzheimer sont atteints de formes monogéniques familiales à transmission autosomale dominante. Le diagnostic est souvent tardif, car pour le public la MA est une affection des personnes âgées ou très âgées. Évidemment, les difficultés sont importantes au niveau de l’activité professionnelle et de la vie familiale. Les possibilités thérapeutiques sont les mêmes que pour les patients âgés (c’est-àdire très modestes) et l’aide médicosociale doit être particulièrement développée pour le malade et sa famille. Au stade tardif de la maladie, le maintien à domicile est très difficile et les services spécialisés d’admission sont peu nombreux. Ici encore le rôle du pharmacien, soutien familial, peut être d’un grand secours. patients atteints de maladies chroniques. Compte tenu des caractéristiques particulières de cette affection, le rôle des aidants est primordial et ceux-ci doivent être informés, aidés et suivis régulièrement. Les pharmaciens doivent dépasser leur rôle traditionnel, sans bien sûr le négliger, pour s’investir dans cette nouvelle orientation de la santé publique qu’est l’aide à la personne pour son maintien à domicile dans les meilleures conditions possibles. A quoi sert de rechercher une prolongation de vie si celle-ci n’est qu’une douloureuse marche vers la mort ? Par le développement d’une véritable « culture de la prévention » à tous les âges de la vie, d’une prévention humaniste destinée à aider son prochain à vivre le mieux possible sa fin de vie, nos confrères feront la preuve qu’ils sont, en effet, en première ligne pour la défense de la santé. (3) La Prévention en question(s). – Journée scientifique du Groupe de concertation entre Académies des Sciences de la Vie et de la Santé. – Paris, 10 avril 2008. (A paraître) (4) Rapport J. Ménard pour un plan national concernant la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées. – www.premierministre-gouv.fr/IMG/pdf/plan2008-2012.pdf (5) T. Vogel, A. Benetos, R. Verreault, G. Kaltenbach, M. Kiesmann, M. Berthel. – Facteurs de risque de la maladie d’Alzheimer : vers une prévention ? – Presse Med. 2006, 35, 1309-1316. (6) T. Vogel, R. Verreault, G. Kaltenbach, M. Berthel. – Presse Med. 2005, 34, 809-812. (7) V. Hirsch-Reinshagen, C. L. Wellington. – Cholesterol Metabolism, Apolipoprotein E, Adenosine Triphosphate-Binding Cassette Transporters, and Alzheimer’s Disease. Current Opinion in Lipidology 2007, 18 : 325332. (8) Livre Vert de la maladie d’Alzheimer et maladies apparentées. – Association France Alzheimer. – Mai 2006. (9) C. Geny, F. Portet, J. Touchon. – Maladie d’Alzheimer : quels traitements ? – La Revue du Praticien, Méd. générale 2005, 19, 207212. Conclusion Nous avons tenté de définir quel pourrait être le rôle des pharmaciens en contact avec le public dans l’aide aux patients, de plus en plus nombreux, atteints de la maladie d’Alzheimer et apparentées. Il s’agit en fait d’un cas particulier, mais inquiétant par son ampleur, d’aide aux A.I.M. (Actualité, Innovation, Médecine), 2008, n° 132, 19-23. Références (1) Maladie d’Alzheimer : enjeux scientifiques, médicaux et sociétaux, novembre 2007. Éd. Lavoisier – Collection Expertise collective. (2) B. Dubois. – Maladie d’Alzheimer, nouveaux traitements et vaccins à l’étude. – (10) La réévaluation des médicaments antiAlzheimer. – Haute Autorité de santé. – Août et sept. 2007. (11) La maladie d’Alzheimer. – Fiche technique CESSPF, juillet 1998. – Réalisée par H. Allain, O. Zekri, L. Javaudin, B. F. Michel. ▲ B U L L E T I N D E L’ O R D R E 3 9 9 - 196 - JUIN 2008