Les pharmaciens ont-ils un rôle à jouer dans le Plan

L’ensemble des professions de santé est
concerné par la maladie d’Alzheimer qui
va toucher dans quelques années 1 million
de personnes en France (plus de 800 000
aujourd’hui) (1) (2). Les pharmaciens
quant à eux interviennent à tous les
niveaux : recherche de nouvelles straté-
gies thérapeutiques basées sur les décou-
vertes fondamentales de la neurobiologie,
recherche de marqueurs pour un diagnos-
tic précoce de la maladie, nouveaux médi-
caments plus actifs et mieux tolérés...
Mais nous nous sommes intéressés sur-
tout, avec le Cespharm (Comité d’éduca-
tion sanitaire et sociale de la pharmacie
française), au rôle des pharmaciens en
contact avec le public : officinaux et bio-
logistes des laboratoires de biologie médi-
cale hospitaliers et libéraux.
En effet, les connaissances actuelles sur la
«maladie d’Alzheimer » et apparentées
(MA) ne sont pas suffisamment avancées
pour permettre un diagnostic précoce et
un traitement curatif, sans pour autant
négliger l’intérêt des traitements sympto-
matiques au début de la maladie.
L’importance des professionnels de
santé de proximité, et particulièrement
des pharmaciens, devient ainsi évidente.
L’aide apportée au patient et aux «aidants»
(le plus souvent le conjoint et sa famille
proche), notamment pour le maintien à
domicile très souhaité par les malades,
doit concerner aussi les professionnels
paramédicaux et médico-sociaux.
Le professeur J. Ménard, chargé par le
président de la République d’effectuer un
rapport pour l’élaboration du Plan natio-
nal Alzheimer 2008-2012, a bien compris
le rôle que pourraient jouer les pharma-
ciens. Il nous a demandé de faire partie
d’un groupe de travail afin de proposer
un « projet de mesures » concernant les
pharmaciens en contact avec le public.
Avec Fabienne Blanchet, directeur du
Cespharm, nous avons fait un plan d’ac-
tions que nous allons nous efforcer de
développer au cours de ces quatre pro-
chaines années.
Comme nous l’avons affirmé lors de la
journée sur «La prévention en question(s) »
du 10 avril 2008 (3), le rôle des profes-
sionnels de santé est de tenter de procurer
aux malades et à leur famille une vie
agréable ou tout au moins acceptable.
L’allongement de la vie ne doit pas être
une fin en soi. Cette approche « huma-
niste » de la prévention ou des soins s’ap-
plique particulièrement aux personnes
atteintes de maladies chroniques telles
que la maladie d’Alzheimer.
Les orientations
du Plan Alzheimer
Le Plan présenté par le professeur
J. Ménard en novembre 2007 (4) retient
plusieurs de nos propositions.
•«Une information-formation des
professionnels de santé s’impose... et
les transferts de tâches entre profes-
sionnels soignants pour le suivi des
états chroniques dont le traitement est
bien codifié pourraient réduire les coûts
et augmenter la qualité des résultats...
les conseils des pharmaciens devraient
dégager du temps et de l’argent néces-
saires aux nombreuses maladies chro-
niques invalidantes... dont la MA est
une des plus difficiles. La MA est un
exemple typique de cette nécessaire
coordination entre plusieurs soi-
gnants... (p. 17).
Formation des pharmaciens aux tech-
niques de communication et d’informa-
tion sur la MA. Cette action pourrait
être menée grâce à la contribution de
l’Académie nationale de pharmacie
et du Cespharm (p. 65).
Optimiser le diagnostic de la MA.
Mise à disposition par les médecins
traitants d’un outil de repérage de la
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Pr Claude Dreux
Membre des Académies nationales de médecine et de pharmacie
Président du Cespharm
COMMUNICATIONS
Les pharmaciens
ont-ils un rôle à jouer
dans le Plan Alzheimer 2008-2012?*
* Le texte intégral de la communication effectuée lors de la séance de l’Académie nationale de pharmacie du 23 janvier 2008 : «Actualités sur la maladie
d’Alzheimer » paraîtra dans les Annales pharmaceutiques françaises.
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MA utilisable en pratique de ville.
Nous préconisons un guide d’entre-
tien permettant aux pharmaciens
d’entrer en contact avec la personne se
plaignant de troubles de la mémoire (ou
d’autres signes cliniques) ou avec son
entourage... (p. 38 et 39).
Élaboration et diffusion de programmes
d’évaluation et d’amélioration des pra-
tiques professionnelles sur le thème du
bon usage du médicament, incluant
les psychotropes, chez les sujets âgés
(p. 43).
Renforcer la coordination entre inter-
venants médicaux et médico-sociaux,
et offrir une réponse personnalisée et
évolutive aux patients et à leur famille
(p. 46).
Permettre aux malades et à leurs proches
de choisir le maintien à domicile
Comment concevoir
le rôle des
pharmaciens?
Après l’examen du rapport de J. Ménard,
on peut envisager le rôle du pharmacien
en contact avec le public selon plusieurs
rubriques :
1. Motivation des pharmaciens – Forma-
tions initiale et continue.
2. Élaboration d’outils d’information du
public sur la MA.
3. Recherche de moyens d’intervention
au niveau :
a. de la prévention ;
b. des traitements ;
c. de l’aide médico-sociale.
4. Abord du patient et des aidants à l’of-
ficine et au laboratoire.
5. Constitution d’associations locales
d’aide aux malades et à leur famille.
6. Évaluation de l’efficacité des actions
entreprises.
8. Financement des actions.
9. Exemples d’actions déjà réalisées pou-
vant servir d’exemples.
Ébauche
d’un plan d’action
Les propositions effectuées dans un délai
très court, devant la commission animée
par Joël Ménard, ne constituent qu’un
schéma des actions que le Cespharm et les
pharmaciens qui travaillent avec lui se pro-
posent de mettre en place. Compte tenu de
l’évolution constante des connaissances,
du degré d’implication des pouvoirs
publics, des efforts de financement du Plan
Alzheimer 2008-2012, nous pourrons être
amenés à modifier ce plan d’action.
1. Motivation des
pharmaciens – Formations
initiale et continue
Nous ne doutons pas de la motivation de
nos confrères. Ceux-ci ont déjà montré
que les grandes causes nationales dans le
domaine de la santé ont toujours reçu un
écho favorable. Les campagnes menées
seules ou en collaboration avec diverses
institutions ont été largement suivies.
Exemples :
Lutte contre le tabagisme, l’alcoolisme
et les addictions.
Actions de prévention et de traitement
du diabète, de l’ostéoporose, des mala-
dies cardiovasculaires.
Prévention et dépistage des cancers.
Bon usage des médicaments dans
l’asthme, les traitements anticoagu-
lants.
Contraception d’urgence comme aide à
la diminution des interruptions volon-
taires de grossesse.
Dans une maladie qui touche ou va tou-
cher 1 million de Français, les pharma-
ciens sont en première ligne avec plus de
4millions de personnes qui fréquentent
chaque jour les officines et les labora-
toires et avec une répartition géogra-
phique homogène. Pas une famille ne sera
épargnée dans la «patientèle » du pharma-
cien ou dans son propre environnement.
Le rôle des enseignants et des spécialistes
des maladies neurodégénératives (profes-
sionnels de santé, psychiatres, psycho-
logues, cadres médico-sociaux) est indis-
pensable. Les associations de patients ont
aussi leur rôle à jouer.
En formation initiale, des enseignements
pluridisciplinaires doivent être dispensés
sous la responsabilité des enseignants de
santé publique. La conférence des doyens
doit se saisir d’urgence de cette question
afin que toutes les facultés soient concer-
nées. L’Académie de pharmacie devrait
jouer un rôle dans l’élaboration des pro-
grammes avec l’aide d’experts.
En formation continue, des modules
doivent être organisés à l’initiative de par-
tenaires très divers et sans exclusive, à
condition que les formations soient label-
lisées. Actuellement, le Haut Comité de la
Formation pharmaceutique continue doit
être alerté pour susciter l’élaboration de
formations de qualité dans toute la
France.
Ces formations initiales et/ou continues
doivent s’adresser aux pharmaciens d’of-
ficine titulaires et adjoints, aux biolo-
gistes, aux préparateurs et aux techniciens
en contact avec le public, mais aussi aux
auxiliaires médico-sociaux. Il s’agit d’un
métier nouveau susceptible d’attirer des
jeunes qui s’engagent dans des filières
courtes et qui seront bientôt indispen-
sables pour l’aide aux patients atteints de
maladies chroniques, à domicile ou en
institution.
La diversification des métiers de la
santé commence à faire son chemin. Le
médecin généraliste, sollicité et courtisé
de toutes parts, ne peut plus faire face à
lui seul à tous les problèmes : diagnostic,
traitement d’urgence, soins aux patients
chroniques, renouvellement de prescrip-
tions, accidents du travail, CMU, préven-
tion... Ses tâches sont telles que les jeunes
étudiants en médecine préfèrent la spécia-
lisation ou les emplois publics ! Il est
temps de partager les problèmes de santé
et particulièrement de santé publique !
Dans cette formation des pharmaciens, le
Cespharm peut intervenir par la produc-
tion d’une fiche technique faisant le
point sur la maladie et sur les rôles du
pharmacien et du biologiste. Une fiche
technique a déjà été publiée en 1998, mais
nous ne la diffusons plus.
Les fiches techniques du Cespharm sont
disponibles sur le site internet de l’Ordre
des pharmaciens et, à la fin de 2008, elles
le seront sur le site du Cespharm.
Nous souhaitons que toutes les informa-
tions relatives à la maladie d’Alzheimer
puissent être accessibles sur ce site régu-
lièrement mis à jour.
2. Élaboration d’outils
d’information du public
Comme nous avons l’habitude de le faire,
des affiches seront adressées aux pharma-
ciens pour attirer leur attention sur la
maladie et l’intérêt de la dépister « le
moins tard possible », comme disent cer-
tains, puisque le dépistage précoce n’est
pas encore disponible. Ces affiches
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devront conseiller aux patients inquiets de
pertes de mémoire et à leurs aidants de
consulter leur médecin ou leur pharma-
cien. Nous comptons, en particulier,
mettre à profit nos « vitrines d’éducation
et de prévention » pour présenter ces
affiches au public.
Des brochures d’information seront éga-
lement mises à la disposition du public.
Elles devront surtout comporter des infor-
mations pratiques sur les structures spécia-
lisées : consultation mémoire, CLIC
(centres locaux d’information et de coor-
dination), etc. et sur les nouvelles mesures
proposées dans le Plan Alzheimer (n° azur
France Alzheimer, portails e-seniors inté-
grant le portail CLIC avec le concours de
la Caisse des dépôts et consignations), etc.
Il faudra aussi tenir compte des recom-
mandations d’organisations internatio-
nales comme « Alzheimer Europe » et
«Alliance européenne contre la MA ».
Il est très souhaitable que les organismes
spécialisés tels que l’INPES(1) (Institut
national de prévention et d’éducation
pour la santé) et les associations comme
France Alzheimer produisent des affiches
et des documents à proposer au public,
mais en concertation avec le Cespharm en
ce qui nous concerne.
Notons la diffusion par l’INPES, depuis
le début mars 2008, d’un cédérom destiné
à la formation des soignants et à l’éduca-
tion pour la santé du patient atteint de
MA.
3. Recherche de moyens
d’interventions au niveau :
De la prévention
Devant une maladie dont il est difficile
aujourd’hui d’effectuer un dépistage pré-
coce (la recherche de la protéine tau dans
le liquide céphalo-rachidien ne constitue
pas un moyen de diagnostic usuel) et qui,
de toute façon, ne peut pas être traitée
dans un but curatif, on doit s’intéresser à
la possibilité de prévenir ou de retarder
l’apparition des signes cliniques graves.
La prévention primaire doit être analy-
sée avec attention et objectivité. Il n’existe
pas, à notre connaissance, d’étude contrô-
lée vraiment convaincante (5).
Le fait que certains spécialistes pensent
que la MA résulte à la fois de dégénéres-
cence neuro-fibrillaire et d’atteintes vas-
culaires conduit à rechercher à ce niveau
des motifs d’intervention.
Dans son rapport, Joël Ménard précise :
«L’énorme chance de la prévention de la
MA est que les méthodes connues pour
être associées à une réduction du risque
de maladie cardiovasculaire et de cancer
sont applicables à la réduction du risque
de la MA. »
Le facteur de risque le plus crédible est
actuellement l’hypertension (6). Lhy-
percholestérolémie et les dyslipidémies
semblent également en cause (7).
«Il faut éviter la consommation de tabac
et l’abus d’alcool. Il faut faire de l’exer-
cice physique et intellectuel et éviter l’ex-
cès de poids.
«La prévention “ primaire” de la MA
dépend de la qualité globale de la préven-
tion. » (J. Ménard)
Il est de fait que l’inégalité constatée dans
l’atteinte précoce de la MA correspond
assez bien avec celle concernant l’adhé-
sion de la population aux recommanda-
tions de prévention primaire. Les per-
sonnes aux revenus les plus élevés et à
l’éducation supérieure, vivant dans les
départements le moins sujets aux compor-
tements à risque et le mieux pourvus en
moyens sanitaires sont également les
mieux « protégées » contre la maladie
d’Alzheimer.
Quant à l’interaction de facteurs géné-
tiques et environnementaux, il faut
remarquer que 99 % des cas d’Alzheimer
sont des formes sporadiques. Certes, des
facteurs de risque génétiques (polymor-
phisme de l’ADN) sont présents, mais ils
ne sont ni nécessaires ni suffisants pour
induire une MA.
C’est seulement dans les formes fami-
liales débutant avant 60 ans que des alté-
rations génétiques sur les chromosomes
21 (gène de l’APP Amyloid Proteins
Precursor), 14 et 1 (gènes des présinilines
1 et 2) sont constatées.
Une forte implication a été trouvée avec
le polymorphisme du gène codant pour
l’apolipoprotéine E (Apo E). L’allèle ε4
présent dans 15 % de la population géné-
rale induit un risque de MA multiplié par
3 à 5. Avec 2 allèles ε4 le risque est mul-
tiplié par 10 à 12 (8). A noter que l’allèle
ε4 accroît également le risque cardiovas-
culaire (augmentation du LDL-cholesté-
rol), ce qui correspond bien à la théorie
d’une implication des facteurs de risque
de maladie cardiovasculaire dans la MA.
Des traitements
Nous n’aborderons pas ici le sujet des
traitements symptomatiques de la MA (9)
(10).
On sait qu’ils ne peuvent pas guérir cette
maladie, mais tout au plus retarder l’appa-
rition de la démence et soulager quelques
symptômes particulièrement pénibles
(agressivité notamment).
Certaines prises en charge médico-psy-
chologiques, des exercices de mémorisa-
tion... peuvent également, au début de la
maladie, avoir quelques effets bénéfiques.
Cependant, il existe des effets indésirables
parfois graves tels que : troubles gastro-
intestinaux, crampes musculaires, insom-
nie pour les inhibiteurs de la cholinesté-
rase ; hallucinations, céphalées, vertiges...
pour les antagonistes du glutamate.
De même, l’usage de neuroleptiques,
anxiolytiques, antidépresseurs peut entraî-
ner des effets secondaires propres à ces
médicaments.
Le pharmacien devra être bien informé de
ces effets, et des risques liés aux associa-
tions médicamenteuses pour en informer
le patient et ses « aidants ». L’apport
considérable du Dossier pharmaceutique
devrait lui être très utile pour conseiller à
la fois la personne atteinte et son médecin
traitant.
L’observance est un sujet de préoccupa-
tion et là aussi le pharmacien devra être
actif.
De l’aide médico-sociale
Le pharmacien doit être parfaitement
informé des possibilités qui s’offrent aux
patients atteints de la MA, mais surtout à
leur entourage, des divers organismes de
prise en charge partielle ou totale du
malade.
Quelques exemples :
Le CLIC, Centre local d’information et
de coordination, informe sur les ser-
vices officiels ou privés. Il doit égale-
ment guider « les aidants » sur les
démarches à effectuer. Comment trou-
ver le CLIC : à la mairie, au Conseil
général du département, sur le site
http://clic-info.personnes-agees.gouv.fr.
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COMMUNICATIONS
1. INPES, 42 boulevard de la Libération,
93203 Saint-Denis Cedex.
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Les aidants à domicile (aides ména-
gères, gardes à domicile, auxiliaires de
vie...). Ces métiers sont en plein déve-
loppement mais il est nécessaire qu’une
évaluation des organismes de formation
et de placement soit organisée.
Les soins à domicile (infirmières, kiné-
sithérapeutes...). Des renseignements
peuvent être obtenus auprès des asso-
ciations comme France Alzheimer, la
Fondation Médéric Alzheimer...
Les aides sociales et économiques :
renseignements dans les mairies.
–L’association APS (Assureurs Préven-
tion Santé) – 26 bd Haussmann
75311 Paris Cedex 09 – édite une pla-
quette donnant beaucoup de renseigne-
ments dont sont extraites les données
ci-dessus « Prévenir... les difficultés de
la vie avec un proche atteint de la mala-
die d’Alzheimer » (disponible auprès
du Cespharm – 17 rue Margueritte
75017 Paris).
4. Abord du patient
et des aidants à l’officine
et au laboratoire
Le pharmacien et le biologiste sont sou-
vent interrogés soit par le patient lui-
même ou assez souvent par des proches
(conjoint, enfants, aides familiaux...) au
sujet de plaintes mnésiques (perte de
mémoire fortuite ou fréquente sur des
thèmes récurrents : lunettes égarées, oubli
de rendez-vous...).
Quel peut être le rôle du pharmacien et de
ses collaborateurs ? Dans notre « fiche de
projet de mesure pour le Plan national
Alzheimer », nous avions suggéré quatre
rôles pour le pharmacien : Écouter,
Rassurer, Orienter, Soutenir. Des
membres du groupe ont critiqué le mot
Rassurer pensant que c’est seulement au
médecin de juger. Les Français ont une
crainte croissante de la MA. Le journal
La Croix a évoqué récemment un sondage
TNS-Sofres effectué par le magazine Le
Pèlerin. Il en résulte que, en 2008, 54 %
des Français ont peur de la MA, contre
41 % en 2007 (la peur du cancer est en
légère baisse).
Or, beaucoup de personnes à la première
plainte mnésique s’exclament « c’est mon
alzheimer qui commence... ». Pourquoi ne
pas les rassurer d’emblée en précisant que
le diagnostic de MA ne se limite pas à
l’exploration de la mémoire. D’ailleurs, il
s’agit souvent plus d’un problème d’at-
tention que de mémoire proprement dite.
Faut-il aller plus loin et adresser d’emblée
le « plaignant » à son médecin ? Nous pen-
sons que c’est l’inquiéter peut-être inuti-
lement et contribuer à l’encombrement
des cabinets médicaux déjà surchargés.
Nous suggérons que le pharmacien ait un
rôle plus actif sans pour autant porter un
diagnostic.
Un entretien confidentiel avec la per-
sonne se plaignant de troubles de mémoire,
ou avec son entourage, est-il possible ?
Il est habituel de dire que la maladie
d’Alzheimer est sous-diagnostiquée en
France. La moitié seulement des patients
serait identifiée. Mais peut-on parler de
diagnostic précoce alors que les lésions
cérébrales caractéristiques (dépôts amy-
loïdes et dégénérescence neuro-fibrillaire)
apparaissent longtemps (20-30 ans) avant
les signes cliniques ?
D’autre part, en l’absence de traitements
curatifs, est-il vraiment logique (et
éthique) de dépister précocement une MA
asymptomatique ? Par contre, il peut être
utile d’effectuer un diagnostic au stade
prédémentiel pour prévoir la prise en
charge du patient concerné en accord avec
la famille.
Une fois de plus, le Plan Alzheimer sou-
ligne le rôle essentiel du médecin géné-
raliste et propose des outils simples de
diagnostic. Par exemple :
le PM5 : cinq questions permettant
d’évaluer l’importance de la plainte
mnésique ;
la méthode des 5 mots ;
le mini-GDS (Geriatric Depression
Scale) ;
l’échelle des IADL (Instrument Activi-
ties of Daily Living).
Si ces tests sont pratiqués, le patient
pourra être adressé à une consultation
spécialisée.
Malheureusement, dans la situation
actuelle, les médecins généralistes sont
débordés et souvent mal informés, faute
d’une obligation de formation continue
efficace.
Ne serait-il pas opportun d’associer les
pharmaciens à cette orientation « dia-
gnostique » permettant de solliciter le
médecin (généraliste ou spécialiste) avec
un maximum d’efficacité?
Dans notre « fiche de projet », il est indi-
qué : « Élaboration d’un guide d’entre-
tien permettant aux pharmaciens d’en-
trer en contact avec la personne se
plaignant de troubles de la mémoire (ou
d’autres signes cliniques) ou avec son
entourage ». Il est précisé à cet effet : «Un
espace de confidentialité doit être assuré
dans l’officine ou le laboratoire d’analyse.»
Notons que cet outil a été retenu dans le
plan publié par J. Ménard (138-139).
Ce guide d’entretien peut-être proposé
aux pharmaciens qui souhaitent s’engager
dans la lutte contre la maladie d’Alzhei-
mer après avoir suivi, en formation ini-
tiale ou continue, un enseignement pra-
tique validé (voir plus haut).
Le Cespharm proposera dans la fiche
technique en cours d’élaboration, desti-
née à remplacer celle éditée en juillet
1998 (11), un guide d’entretien destiné
aux pharmaciens.
Ce guide permettra d’explorer les points
suivants :
Pertes de mémoire.
Difficulté à accomplir les tâches quoti-
diennes.
Altération du langage.
Désorientation dans le temps et dans
l’espace.
Pertes de jugement.
Difficultés devant les raisonnements
abstraits.
Pertes d’objets.
Changement brusque de comporte-
ment.
Il me paraît très souhaitable que, dans le
cadre de groupes de coordination compor-
tant des professionnels de santé (voir ci-
dessous), le guide d’entretien soit discuté
et approuvé.
Bien entendu, le pharmacien devra s’abs-
tenir d’émettre une appréciation d’en-
semble devant le patient.
5. Constitution
de « réseaux » locaux
d’aide aux malades
et à leurs proches
La maladie d’Alzheimer est une atteinte
neuronale dégénérative et s’apparente par
de nombreux aspects aux maladies chro-
niques telles que les cancers, le diabète,
l’insuffisance rénale, la maladie de
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Parkinson, etc. Elle s’en distingue actuel-
lement par l’absence de diagnostic pré-
coce et de traitement de fond.
Néanmoins, l’aide au malade et à ses
proches est primordial, le maintien à
domicile le plus longtemps possible
constitue une demande permanente des
patients, d’autant plus que les structures
d’accueil de bonne qualité sont encore
insuffisantes. L’ensemble de la commu-
nauté doit s’organiser au plan local pour
une meilleure efficacité.
C’est pourquoi, sur la base d’exemples
fournis par les réseaux du cancer, du rein,
du diabète, nous préconisons la formation
de « Collectifs d’aide personnalisée en
santé», les CAPS, regroupant des profes-
sionnels de santé (médecins, pharmaciens,
dentistes, paramédicaux...) des profession-
nels médico-sociaux, des associations de
patients, des autorités locales... pour la
prise en charge et le maintien à domicile
des patients atteints de MA ou d’affections
apparentées et plus généralement de mala-
dies chroniques.
Les pharmaciens qui sont en première
ligne pour ce soutien aux patients et à
leurs « aidants » sont bien placés pour être
les promoteurs de ces associations.
«L’aide à la personne » doit être une
mission prioritaire pour nos confrères. Il
faut les aider en leur fournissant des pistes
et des outils.
De nombreuses initiatives ont été prises
en ce sens et le Cespharm va s’efforcer de
les recenser et de les faire connaître.
6. Évaluation de l’efficacité
des actions entreprises
L’évaluation est à la mode ! et c’est nor-
mal à condition qu’elle soit objective et
efficace.
Les pouvoirs publics, notamment le
ministère chargé de la Santé, sont débor-
dés par la mise en place de textes régle-
mentaires. Pourquoi ne pas confier cette
tâche à une (ou des) commission(s) éma-
nant des Ordres professionnels ?
En ce qui concerne la formation continue
des pharmaciens, le Haut Comité de la
Formation pharmaceutique continue a
montré son efficacité dans la labellisation
des formations. Il est possible de promou-
voir une structure parallèle pour l’évalua-
tion des nombreux organismes d’aide aux
patients. Le Cespharm est prêt à participer
à cette labellisation compte tenu du
nombre de plus en plus important de
demandes qui lui parviennent. Bien
entendu, toutes les parties prenantes
devraient être représentées dans cette
structure d’évaluation.
7. Financement des actions
On ne peut à ce sujet qu’émettre des idées
générales.
En ce qui concerne les pharmaciens, le
Cespharm a l’habitude de fournir des
outils d’éducation pour la santé et de pré-
vention aux confrères qui en font la
demande.
La montée en charge de ce service
témoigne de son succès. En 2007 :
–24200 commandes de documents
(+ 21 % sur 2006).
–1324 650 brochures destinées au public
(+ 15 % sur 2006).
–21500 affiches pour les pharmacies
(+ 78 % sur 2006).
233 000 fiches techniques (+ 20 % sur
2006).
Nous pensons également que la mise en
place du site internet du Cespharm
prévu fin 2008 va amplifier la demande
des confrères qui sera facilitée (com-
mandes en ligne).
Actuellement, notre budget est trop faible
(malgré un effort très important du
Conseil national de l’Ordre des pharma-
ciens) pour assurer complètement cette
lourde charge.
Nous devrons donc solliciter l’aide de
puissants organismes comme l’INPES,
France Alzheimer, les compagnies d’assu-
rances (comme l’APS cité plus haut)...
Les pharmaciens, conscients de leur mis-
sion de service public, n’ont pas jusqu’ici
demandé de rémunération pour leurs
actions de prévention et d’éducation pour
la santé. Mais si, comme nous le souhai-
tons, l’aide personnalisée aux personnes
dépendantes voit le jour, il faudra bien
tenir compte des efforts et du temps passé
auprès des patients ou de leurs proches.
Les pharmaciens ont toujours voulu
démontrer qu’il faut prouver son utilité
avant de réclamer sa prise en charge
(contrairement à d’autres professions...).
Mais, quand on voit le coût de l’HAD par
exemple, institution remarquable qui doit
être développée, on s’interroge sur les
limites du bénévolat !
8. Actions locales réalisées
à l’initiative ou avec l’aide
des pharmaciens
Nous avons eu connaissance de deux
actions organisées :
1. Dans la Côte-d’Or : par un collectif
multidisciplinaire comportant des membres
du Conseil régional de l’Ordre des phar-
maciens. Cette opération mise en place
par le réseau RESEDA nous a été signalée
par Isabelle Adenot, pharmacien à
Corbigny, membre du Conseil national de
l’Ordre des pharmaciens et Martine
Baumgarten, pharmacien à Gevrey-
Chambertin, membre de l’Académie
nationale de pharmacie.
2. En Ile-de-France : par la société EDU-
SANTÉ dirigée par Yves Magar avec le
soutien du Conseil régional d’Ile-de-
France présidé par Jean-Jacques Des
Moutis.
Il existe certainement d’autres initiatives
dans lesquelles sont impliqués des phar-
maciens.
Le Cespharm va tenter d’en faire le recen-
sement avec l’aide des conseils centraux
et régionaux de l’Ordre des pharmaciens.
Toutes les instances pharmaceutiques, et
notamment l’Académie nationale de phar-
macie, doivent être impliquées dans cette
prise en charge collective d’aide aux
patients et à leur famille.
Les pharmaciens doivent s’investir dans
cette opération de santé publique en étant
à l’initiative des « CAPS » envisagés plus
haut et en y faisant preuve d’imagination.
Il sera temps alors de se tourner vers les
pouvoirs publics, ou d’autres organismes
(mutuelles, assurances...) pour aider
financièrement à la prise en charge de ces
actions.
Le cas particulier
des patients «jeunes»
D’après l’assurance maladie, environ
8000 personnes de moins de 60 ans
seraient reconnues en ALD (affection de
longue durée) pour maladie d’Alzheimer.
Le Pr Joël Ménard aborde cette question
dans son rapport (chapitre VIII des propo-
sitions de recommandations pour un Plan
Alzheimer).
BULLETIN DE L’ORDRE 399 JUIN 2008
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COMMUNICATIONS
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