Les pharmaciens ont-ils un rôle à jouer dans le Plan

publicité
06-Com-01-Alzheimer.qxd
27/05/08
17:29
Page 191
COMMUNICATIONS
Pr Claude Dreux
Membre des Académies nationales de médecine et de pharmacie
Président du Cespharm
Les pharmaciens
ont-ils un rôle à jouer
dans le Plan Alzheimer 2008-2012 ?*
L’ensemble des professions de santé est
concerné par la maladie d’Alzheimer qui
va toucher dans quelques années 1 million
de personnes en France (plus de 800 000
aujourd’hui) (1) (2). Les pharmaciens
quant à eux interviennent à tous les
niveaux : recherche de nouvelles stratégies thérapeutiques basées sur les découvertes fondamentales de la neurobiologie,
recherche de marqueurs pour un diagnostic précoce de la maladie, nouveaux médicaments plus actifs et mieux tolérés...
Mais nous nous sommes intéressés surtout, avec le Cespharm (Comité d’éducation sanitaire et sociale de la pharmacie
française), au rôle des pharmaciens en
contact avec le public : officinaux et biologistes des laboratoires de biologie médicale hospitaliers et libéraux.
En effet, les connaissances actuelles sur la
« maladie d’Alzheimer » et apparentées
(MA) ne sont pas suffisamment avancées
pour permettre un diagnostic précoce et
un traitement curatif, sans pour autant
négliger l’intérêt des traitements symptomatiques au début de la maladie.
L’importance des professionnels de
santé de proximité, et particulièrement
des pharmaciens, devient ainsi évidente.
L’aide apportée au patient et aux « aidants »
(le plus souvent le conjoint et sa famille
proche), notamment pour le maintien à
domicile très souhaité par les malades,
doit concerner aussi les professionnels
paramédicaux et médico-sociaux.
Le professeur J. Ménard, chargé par le
président de la République d’effectuer un
rapport pour l’élaboration du Plan national Alzheimer 2008-2012, a bien compris
le rôle que pourraient jouer les pharmaciens. Il nous a demandé de faire partie
d’un groupe de travail afin de proposer
un « projet de mesures » concernant les
pharmaciens en contact avec le public.
Avec Fabienne Blanchet, directeur du
Cespharm, nous avons fait un plan d’actions que nous allons nous efforcer de
développer au cours de ces quatre prochaines années.
Comme nous l’avons affirmé lors de la
journée sur « La prévention en question(s) »
du 10 avril 2008 (3), le rôle des professionnels de santé est de tenter de procurer
aux malades et à leur famille une vie
agréable ou tout au moins acceptable.
L’allongement de la vie ne doit pas être
une fin en soi. Cette approche « humaniste » de la prévention ou des soins s’applique particulièrement aux personnes
atteintes de maladies chroniques telles
que la maladie d’Alzheimer.
Les orientations
du Plan Alzheimer
Le Plan présenté par le professeur
J. Ménard en novembre 2007 (4) retient
plusieurs de nos propositions.
• « Une information-formation des
professionnels de santé s’impose... et
les transferts de tâches entre professionnels soignants pour le suivi des
états chroniques dont le traitement est
bien codifié pourraient réduire les coûts
et augmenter la qualité des résultats...
les conseils des pharmaciens devraient
dégager du temps et de l’argent nécessaires aux nombreuses maladies chroniques invalidantes... dont la MA est
une des plus difficiles. La MA est un
exemple typique de cette nécessaire
coordination entre plusieurs soignants... (p. 17).
• Formation des pharmaciens aux techniques de communication et d’information sur la MA. Cette action pourrait
être menée grâce à la contribution de
l’Académie nationale de pharmacie
et du Cespharm (p. 65).
• Optimiser le diagnostic de la MA.
Mise à disposition par les médecins
traitants d’un outil de repérage de la
* Le texte intégral de la communication effectuée lors de la séance de l’Académie nationale de pharmacie du 23 janvier 2008 : « Actualités sur la maladie
d’Alzheimer » paraîtra dans les Annales pharmaceutiques françaises.
B U L L E T I N D E L’ O R D R E 3 9 9
- 191 -
JUIN 2008
06-Com-01-Alzheimer.qxd
27/05/08
17:29
Page 192
COMMUNICATIONS
MA utilisable en pratique de ville.
Nous préconisons un guide d’entretien permettant aux pharmaciens
d’entrer en contact avec la personne se
plaignant de troubles de la mémoire (ou
d’autres signes cliniques) ou avec son
entourage... (p. 38 et 39).
• Élaboration et diffusion de programmes
d’évaluation et d’amélioration des pratiques professionnelles sur le thème du
bon usage du médicament, incluant
les psychotropes, chez les sujets âgés
(p. 43).
• Renforcer la coordination entre intervenants médicaux et médico-sociaux,
et offrir une réponse personnalisée et
évolutive aux patients et à leur famille
(p. 46).
• Permettre aux malades et à leurs proches
de choisir le maintien à domicile. »
Comment concevoir
le rôle des
pharmaciens ?
Après l’examen du rapport de J. Ménard,
on peut envisager le rôle du pharmacien
en contact avec le public selon plusieurs
rubriques :
1. Motivation des pharmaciens – Formations initiale et continue.
2. Élaboration d’outils d’information du
public sur la MA.
3. Recherche de moyens d’intervention
au niveau :
a. de la prévention ;
b. des traitements ;
c. de l’aide médico-sociale.
4. Abord du patient et des aidants à l’officine et au laboratoire.
5. Constitution d’associations locales
d’aide aux malades et à leur famille.
6. Évaluation de l’efficacité des actions
entreprises.
8. Financement des actions.
9. Exemples d’actions déjà réalisées pouvant servir d’exemples.
Ébauche
d’un plan d’action
Les propositions effectuées dans un délai
très court, devant la commission animée
par Joël Ménard, ne constituent qu’un
schéma des actions que le Cespharm et les
pharmaciens qui travaillent avec lui se proposent de mettre en place. Compte tenu de
l’évolution constante des connaissances,
du degré d’implication des pouvoirs
publics, des efforts de financement du Plan
Alzheimer 2008-2012, nous pourrons être
amenés à modifier ce plan d’action.
tenaires très divers et sans exclusive, à
condition que les formations soient labellisées. Actuellement, le Haut Comité de la
Formation pharmaceutique continue doit
être alerté pour susciter l’élaboration de
formations de qualité dans toute la
France.
Nous ne doutons pas de la motivation de
nos confrères. Ceux-ci ont déjà montré
que les grandes causes nationales dans le
domaine de la santé ont toujours reçu un
écho favorable. Les campagnes menées
seules ou en collaboration avec diverses
institutions ont été largement suivies.
Ces formations initiales et/ou continues
doivent s’adresser aux pharmaciens d’officine titulaires et adjoints, aux biologistes, aux préparateurs et aux techniciens
en contact avec le public, mais aussi aux
auxiliaires médico-sociaux. Il s’agit d’un
métier nouveau susceptible d’attirer des
jeunes qui s’engagent dans des filières
courtes et qui seront bientôt indispensables pour l’aide aux patients atteints de
maladies chroniques, à domicile ou en
institution.
Exemples :
– Lutte contre le tabagisme, l’alcoolisme
et les addictions.
– Actions de prévention et de traitement
du diabète, de l’ostéoporose, des maladies cardiovasculaires.
– Prévention et dépistage des cancers.
– Bon usage des médicaments dans
l’asthme, les traitements anticoagulants.
– Contraception d’urgence comme aide à
la diminution des interruptions volontaires de grossesse.
La diversification des métiers de la
santé commence à faire son chemin. Le
médecin généraliste, sollicité et courtisé
de toutes parts, ne peut plus faire face à
lui seul à tous les problèmes : diagnostic,
traitement d’urgence, soins aux patients
chroniques, renouvellement de prescriptions, accidents du travail, CMU, prévention... Ses tâches sont telles que les jeunes
étudiants en médecine préfèrent la spécialisation ou les emplois publics ! Il est
temps de partager les problèmes de santé
et particulièrement de santé publique !
Dans une maladie qui touche ou va toucher 1 million de Français, les pharmaciens sont en première ligne avec plus de
4 millions de personnes qui fréquentent
chaque jour les officines et les laboratoires et avec une répartition géographique homogène. Pas une famille ne sera
épargnée dans la « patientèle » du pharmacien ou dans son propre environnement.
Dans cette formation des pharmaciens, le
Cespharm peut intervenir par la production d’une fiche technique faisant le
point sur la maladie et sur les rôles du
pharmacien et du biologiste. Une fiche
technique a déjà été publiée en 1998, mais
nous ne la diffusons plus.
1. Motivation des
pharmaciens – Formations
initiale et continue
Le rôle des enseignants et des spécialistes
des maladies neurodégénératives (professionnels de santé, psychiatres, psychologues, cadres médico-sociaux) est indispensable. Les associations de patients ont
aussi leur rôle à jouer.
En formation initiale, des enseignements
pluridisciplinaires doivent être dispensés
sous la responsabilité des enseignants de
santé publique. La conférence des doyens
doit se saisir d’urgence de cette question
afin que toutes les facultés soient concernées. L’Académie de pharmacie devrait
jouer un rôle dans l’élaboration des programmes avec l’aide d’experts.
En formation continue, des modules
doivent être organisés à l’initiative de par-
B U L L E T I N D E L’ O R D R E 3 9 9
- 192 -
Les fiches techniques du Cespharm sont
disponibles sur le site internet de l’Ordre
des pharmaciens et, à la fin de 2008, elles
le seront sur le site du Cespharm.
Nous souhaitons que toutes les informations relatives à la maladie d’Alzheimer
puissent être accessibles sur ce site régulièrement mis à jour.
2. Élaboration d’outils
d’information du public
Comme nous avons l’habitude de le faire,
des affiches seront adressées aux pharmaciens pour attirer leur attention sur la
maladie et l’intérêt de la dépister « le
moins tard possible », comme disent certains, puisque le dépistage précoce n’est
pas encore disponible. Ces affiches
JUIN 2008
06-Com-01-Alzheimer.qxd
27/05/08
17:29
Page 193
COMMUNICATIONS
devront conseiller aux patients inquiets de
pertes de mémoire et à leurs aidants de
consulter leur médecin ou leur pharmacien. Nous comptons, en particulier,
mettre à profit nos « vitrines d’éducation
et de prévention » pour présenter ces
affiches au public.
Des brochures d’information seront également mises à la disposition du public.
Elles devront surtout comporter des informations pratiques sur les structures spécialisées : consultation mémoire, CLIC
(centres locaux d’information et de coordination), etc. et sur les nouvelles mesures
proposées dans le Plan Alzheimer (n° azur
France Alzheimer, portails e-seniors intégrant le portail CLIC avec le concours de
la Caisse des dépôts et consignations), etc.
Il faudra aussi tenir compte des recommandations d’organisations internationales comme « Alzheimer Europe » et
« Alliance européenne contre la MA ».
Il est très souhaitable que les organismes
spécialisés tels que l’INPES (1) (Institut
national de prévention et d’éducation
pour la santé) et les associations comme
France Alzheimer produisent des affiches
et des documents à proposer au public,
mais en concertation avec le Cespharm en
ce qui nous concerne.
Notons la diffusion par l’INPES, depuis
le début mars 2008, d’un cédérom destiné
à la formation des soignants et à l’éducation pour la santé du patient atteint de
MA.
3. Recherche de moyens
d’interventions au niveau :
• De la prévention
Devant une maladie dont il est difficile
aujourd’hui d’effectuer un dépistage précoce (la recherche de la protéine tau dans
le liquide céphalo-rachidien ne constitue
pas un moyen de diagnostic usuel) et qui,
de toute façon, ne peut pas être traitée
dans un but curatif, on doit s’intéresser à
la possibilité de prévenir ou de retarder
l’apparition des signes cliniques graves.
La prévention primaire doit être analysée avec attention et objectivité. Il n’existe
pas, à notre connaissance, d’étude contrôlée vraiment convaincante (5).
1. INPES, 42 boulevard de la Libération,
93203 Saint-Denis Cedex.
Le fait que certains spécialistes pensent
que la MA résulte à la fois de dégénérescence neuro-fibrillaire et d’atteintes vasculaires conduit à rechercher à ce niveau
des motifs d’intervention.
Dans son rapport, Joël Ménard précise :
« L’énorme chance de la prévention de la
MA est que les méthodes connues pour
être associées à une réduction du risque
de maladie cardiovasculaire et de cancer
sont applicables à la réduction du risque
de la MA. »
Le facteur de risque le plus crédible est
actuellement l’hypertension (6). L’hypercholestérolémie et les dyslipidémies
semblent également en cause (7).
« Il faut éviter la consommation de tabac
et l’abus d’alcool. Il faut faire de l’exercice physique et intellectuel et éviter l’excès de poids.
« La prévention “ primaire” de la MA
dépend de la qualité globale de la prévention. » (J. Ménard)
Il est de fait que l’inégalité constatée dans
l’atteinte précoce de la MA correspond
assez bien avec celle concernant l’adhésion de la population aux recommandations de prévention primaire. Les personnes aux revenus les plus élevés et à
l’éducation supérieure, vivant dans les
départements le moins sujets aux comportements à risque et le mieux pourvus en
moyens sanitaires sont également les
mieux « protégées » contre la maladie
d’Alzheimer.
Quant à l’interaction de facteurs génétiques et environnementaux, il faut
remarquer que 99 % des cas d’Alzheimer
sont des formes sporadiques. Certes, des
facteurs de risque génétiques (polymorphisme de l’ADN) sont présents, mais ils
ne sont ni nécessaires ni suffisants pour
induire une MA.
C’est seulement dans les formes familiales débutant avant 60 ans que des altérations génétiques sur les chromosomes
21 (gène de l’APP – Amyloid Proteins
Precursor), 14 et 1 (gènes des présinilines
1 et 2) sont constatées.
Une forte implication a été trouvée avec
le polymorphisme du gène codant pour
l’apolipoprotéine E (Apo E). L’allèle ε4
présent dans 15 % de la population générale induit un risque de MA multiplié par
3 à 5. Avec 2 allèles ε4 le risque est multiplié par 10 à 12 (8). A noter que l’allèle
ε4 accroît également le risque cardiovas-
B U L L E T I N D E L’ O R D R E 3 9 9
- 193 -
culaire (augmentation du LDL-cholestérol), ce qui correspond bien à la théorie
d’une implication des facteurs de risque
de maladie cardiovasculaire dans la MA.
• Des traitements
Nous n’aborderons pas ici le sujet des
traitements symptomatiques de la MA (9)
(10).
On sait qu’ils ne peuvent pas guérir cette
maladie, mais tout au plus retarder l’apparition de la démence et soulager quelques
symptômes particulièrement pénibles
(agressivité notamment).
Certaines prises en charge médico-psychologiques, des exercices de mémorisation... peuvent également, au début de la
maladie, avoir quelques effets bénéfiques.
Cependant, il existe des effets indésirables
parfois graves tels que : troubles gastrointestinaux, crampes musculaires, insomnie pour les inhibiteurs de la cholinestérase ; hallucinations, céphalées, vertiges...
pour les antagonistes du glutamate.
De même, l’usage de neuroleptiques,
anxiolytiques, antidépresseurs peut entraîner des effets secondaires propres à ces
médicaments.
Le pharmacien devra être bien informé de
ces effets, et des risques liés aux associations médicamenteuses pour en informer
le patient et ses « aidants ». L’apport
considérable du Dossier pharmaceutique
devrait lui être très utile pour conseiller à
la fois la personne atteinte et son médecin
traitant.
L’observance est un sujet de préoccupation et là aussi le pharmacien devra être
actif.
• De l’aide médico-sociale
Le pharmacien doit être parfaitement
informé des possibilités qui s’offrent aux
patients atteints de la MA, mais surtout à
leur entourage, des divers organismes de
prise en charge partielle ou totale du
malade.
Quelques exemples :
– Le CLIC, Centre local d’information et
de coordination, informe sur les services officiels ou privés. Il doit également guider « les aidants » sur les
démarches à effectuer. Comment trouver le CLIC : à la mairie, au Conseil
général du département, sur le site
http://clic-info.personnes-agees.gouv.fr.
JUIN 2008
06-Com-01-Alzheimer.qxd
27/05/08
17:29
Page 194
COMMUNICATIONS
– Les aidants à domicile (aides ménagères, gardes à domicile, auxiliaires de
vie...). Ces métiers sont en plein développement mais il est nécessaire qu’une
évaluation des organismes de formation
et de placement soit organisée.
– Les soins à domicile (infirmières, kinésithérapeutes...). Des renseignements
peuvent être obtenus auprès des associations comme France Alzheimer, la
Fondation Médéric Alzheimer...
s’agit souvent plus d’un problème d’attention que de mémoire proprement dite.
Faut-il aller plus loin et adresser d’emblée
le « plaignant » à son médecin ? Nous pensons que c’est l’inquiéter peut-être inutilement et contribuer à l’encombrement
des cabinets médicaux déjà surchargés.
Nous suggérons que le pharmacien ait un
rôle plus actif sans pour autant porter un
diagnostic.
– Les aides sociales et économiques :
renseignements dans les mairies.
Un entretien confidentiel avec la personne se plaignant de troubles de mémoire,
ou avec son entourage, est-il possible ?
– L’association APS (Assureurs Prévention Santé) – 26 bd Haussmann
75311 Paris Cedex 09 – édite une plaquette donnant beaucoup de renseignements dont sont extraites les données
ci-dessus « Prévenir... les difficultés de
la vie avec un proche atteint de la maladie d’Alzheimer » (disponible auprès
du Cespharm – 17 rue Margueritte
75017 Paris).
Il est habituel de dire que la maladie
d’Alzheimer est sous-diagnostiquée en
France. La moitié seulement des patients
serait identifiée. Mais peut-on parler de
diagnostic précoce alors que les lésions
cérébrales caractéristiques (dépôts amyloïdes et dégénérescence neuro-fibrillaire)
apparaissent longtemps (20-30 ans) avant
les signes cliniques ?
4. Abord du patient
et des aidants à l’officine
et au laboratoire
Le pharmacien et le biologiste sont souvent interrogés soit par le patient luimême ou assez souvent par des proches
(conjoint, enfants, aides familiaux...) au
sujet de plaintes mnésiques (perte de
mémoire fortuite ou fréquente sur des
thèmes récurrents : lunettes égarées, oubli
de rendez-vous...).
Quel peut être le rôle du pharmacien et de
ses collaborateurs ? Dans notre « fiche de
projet de mesure pour le Plan national
Alzheimer », nous avions suggéré quatre
rôles pour le pharmacien : Écouter,
Rassurer, Orienter, Soutenir. Des
membres du groupe ont critiqué le mot
Rassurer pensant que c’est seulement au
médecin de juger. Les Français ont une
crainte croissante de la MA. Le journal
La Croix a évoqué récemment un sondage
TNS-Sofres effectué par le magazine Le
Pèlerin. Il en résulte que, en 2008, 54 %
des Français ont peur de la MA, contre
41 % en 2007 (la peur du cancer est en
légère baisse).
Or, beaucoup de personnes à la première
plainte mnésique s’exclament « c’est mon
alzheimer qui commence... ». Pourquoi ne
pas les rassurer d’emblée en précisant que
le diagnostic de MA ne se limite pas à
l’exploration de la mémoire. D’ailleurs, il
D’autre part, en l’absence de traitements
curatifs, est-il vraiment logique (et
éthique) de dépister précocement une MA
asymptomatique ? Par contre, il peut être
utile d’effectuer un diagnostic au stade
prédémentiel pour prévoir la prise en
charge du patient concerné en accord avec
la famille.
Une fois de plus, le Plan Alzheimer souligne le rôle essentiel du médecin généraliste et propose des outils simples de
diagnostic. Par exemple :
– le PM5 : cinq questions permettant
d’évaluer l’importance de la plainte
mnésique ;
– la méthode des 5 mots ;
– le mini-GDS (Geriatric Depression
Scale) ;
– l’échelle des IADL (Instrument Activities of Daily Living).
Si ces tests sont pratiqués, le patient
pourra être adressé à une consultation
spécialisée.
Dans notre « fiche de projet », il est indiqué : « Élaboration d’un guide d’entretien permettant aux pharmaciens d’entrer en contact avec la personne se
plaignant de troubles de la mémoire (ou
d’autres signes cliniques) ou avec son
entourage ». Il est précisé à cet effet : « Un
espace de confidentialité doit être assuré
dans l’officine ou le laboratoire d’analyse. »
Notons que cet outil a été retenu dans le
plan publié par J. Ménard (138-139).
Ce guide d’entretien peut-être proposé
aux pharmaciens qui souhaitent s’engager
dans la lutte contre la maladie d’Alzheimer après avoir suivi, en formation initiale ou continue, un enseignement pratique validé (voir plus haut).
Le Cespharm proposera dans la fiche
technique en cours d’élaboration, destinée à remplacer celle éditée en juillet
1998 (11), un guide d’entretien destiné
aux pharmaciens.
Ce guide permettra d’explorer les points
suivants :
– Pertes de mémoire.
– Difficulté à accomplir les tâches quotidiennes.
– Altération du langage.
– Désorientation dans le temps et dans
l’espace.
– Pertes de jugement.
– Difficultés devant les raisonnements
abstraits.
– Pertes d’objets.
– Changement brusque de comportement.
Il me paraît très souhaitable que, dans le
cadre de groupes de coordination comportant des professionnels de santé (voir cidessous), le guide d’entretien soit discuté
et approuvé.
Bien entendu, le pharmacien devra s’abstenir d’émettre une appréciation d’ensemble devant le patient.
Malheureusement, dans la situation
actuelle, les médecins généralistes sont
débordés et souvent mal informés, faute
d’une obligation de formation continue
efficace.
5. Constitution
de « réseaux » locaux
d’aide aux malades
et à leurs proches
Ne serait-il pas opportun d’associer les
pharmaciens à cette orientation « diagnostique » permettant de solliciter le
médecin (généraliste ou spécialiste) avec
un maximum d’efficacité ?
La maladie d’Alzheimer est une atteinte
neuronale dégénérative et s’apparente par
de nombreux aspects aux maladies chroniques telles que les cancers, le diabète,
l’insuffisance rénale, la maladie de
B U L L E T I N D E L’ O R D R E 3 9 9
- 194 -
JUIN 2008
06-Com-01-Alzheimer.qxd
27/05/08
17:29
Page 195
COMMUNICATIONS
Parkinson, etc. Elle s’en distingue actuellement par l’absence de diagnostic précoce et de traitement de fond.
Néanmoins, l’aide au malade et à ses
proches est primordial, le maintien à
domicile le plus longtemps possible
constitue une demande permanente des
patients, d’autant plus que les structures
d’accueil de bonne qualité sont encore
insuffisantes. L’ensemble de la communauté doit s’organiser au plan local pour
une meilleure efficacité.
C’est pourquoi, sur la base d’exemples
fournis par les réseaux du cancer, du rein,
du diabète, nous préconisons la formation
de « Collectifs d’aide personnalisée en
santé », les CAPS, regroupant des professionnels de santé (médecins, pharmaciens,
dentistes, paramédicaux...) des professionnels médico-sociaux, des associations de
patients, des autorités locales... pour la
prise en charge et le maintien à domicile
des patients atteints de MA ou d’affections
apparentées et plus généralement de maladies chroniques.
Les pharmaciens qui sont en première
ligne pour ce soutien aux patients et à
leurs « aidants » sont bien placés pour être
les promoteurs de ces associations.
« L’aide à la personne » doit être une
mission prioritaire pour nos confrères. Il
faut les aider en leur fournissant des pistes
et des outils.
à cette labellisation compte tenu du
nombre de plus en plus important de
demandes qui lui parviennent. Bien
entendu, toutes les parties prenantes
devraient être représentées dans cette
structure d’évaluation.
8. Actions locales réalisées
à l’initiative ou avec l’aide
des pharmaciens
7. Financement des actions
1. Dans la Côte-d’Or : par un collectif
multidisciplinaire comportant des membres
du Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens. Cette opération mise en place
par le réseau RESEDA nous a été signalée
par Isabelle Adenot, pharmacien à
Corbigny, membre du Conseil national de
l’Ordre des pharmaciens et Martine
Baumgarten, pharmacien à GevreyChambertin, membre de l’Académie
nationale de pharmacie.
On ne peut à ce sujet qu’émettre des idées
générales.
En ce qui concerne les pharmaciens, le
Cespharm a l’habitude de fournir des
outils d’éducation pour la santé et de prévention aux confrères qui en font la
demande.
La montée en charge de ce service
témoigne de son succès. En 2007 :
– 24 200 commandes de documents
(+ 21 % sur 2006).
– 1 324 650 brochures destinées au public
(+ 15 % sur 2006).
– 21 500 affiches pour les pharmacies
(+ 78 % sur 2006).
– 233 000 fiches techniques (+ 20 % sur
2006).
Nous pensons également que la mise en
place du site internet du Cespharm
prévu fin 2008 va amplifier la demande
des confrères qui sera facilitée (commandes en ligne).
De nombreuses initiatives ont été prises
en ce sens et le Cespharm va s’efforcer de
les recenser et de les faire connaître.
Actuellement, notre budget est trop faible
(malgré un effort très important du
Conseil national de l’Ordre des pharmaciens) pour assurer complètement cette
lourde charge.
6. Évaluation de l’efficacité
des actions entreprises
Nous devrons donc solliciter l’aide de
puissants organismes comme l’INPES,
France Alzheimer, les compagnies d’assurances (comme l’APS cité plus haut)...
L’évaluation est à la mode ! et c’est normal à condition qu’elle soit objective et
efficace.
Les pouvoirs publics, notamment le
ministère chargé de la Santé, sont débordés par la mise en place de textes réglementaires. Pourquoi ne pas confier cette
tâche à une (ou des) commission(s) émanant des Ordres professionnels ?
En ce qui concerne la formation continue
des pharmaciens, le Haut Comité de la
Formation pharmaceutique continue a
montré son efficacité dans la labellisation
des formations. Il est possible de promouvoir une structure parallèle pour l’évaluation des nombreux organismes d’aide aux
patients. Le Cespharm est prêt à participer
Les pharmaciens, conscients de leur mission de service public, n’ont pas jusqu’ici
demandé de rémunération pour leurs
actions de prévention et d’éducation pour
la santé. Mais si, comme nous le souhaitons, l’aide personnalisée aux personnes
dépendantes voit le jour, il faudra bien
tenir compte des efforts et du temps passé
auprès des patients ou de leurs proches.
Les pharmaciens ont toujours voulu
démontrer qu’il faut prouver son utilité
avant de réclamer sa prise en charge
(contrairement à d’autres professions...).
Mais, quand on voit le coût de l’HAD par
exemple, institution remarquable qui doit
être développée, on s’interroge sur les
limites du bénévolat !
B U L L E T I N D E L’ O R D R E 3 9 9
- 195 -
Nous avons eu connaissance de deux
actions organisées :
2. En Ile-de-France : par la société EDUSANTÉ dirigée par Yves Magar avec le
soutien du Conseil régional d’Ile-deFrance présidé par Jean-Jacques Des
Moutis.
Il existe certainement d’autres initiatives
dans lesquelles sont impliqués des pharmaciens.
Le Cespharm va tenter d’en faire le recensement avec l’aide des conseils centraux
et régionaux de l’Ordre des pharmaciens.
Toutes les instances pharmaceutiques, et
notamment l’Académie nationale de pharmacie, doivent être impliquées dans cette
prise en charge collective d’aide aux
patients et à leur famille.
Les pharmaciens doivent s’investir dans
cette opération de santé publique en étant
à l’initiative des « CAPS » envisagés plus
haut et en y faisant preuve d’imagination.
Il sera temps alors de se tourner vers les
pouvoirs publics, ou d’autres organismes
(mutuelles, assurances...) pour aider
financièrement à la prise en charge de ces
actions.
Le cas particulier
des patients « jeunes »
D’après l’assurance maladie, environ
8 000 personnes de moins de 60 ans
seraient reconnues en ALD (affection de
longue durée) pour maladie d’Alzheimer.
Le Pr Joël Ménard aborde cette question
dans son rapport (chapitre VIII des propositions de recommandations pour un Plan
Alzheimer).
JUIN 2008
06-Com-01-Alzheimer.qxd
27/05/08
17:29
Page 196
COMMUNICATIONS
Parmi ces patients, seulement 1 à 2 % de
la totalité des alzheimer sont atteints de
formes monogéniques familiales à transmission autosomale dominante.
Le diagnostic est souvent tardif, car pour
le public la MA est une affection des personnes âgées ou très âgées.
Évidemment, les difficultés sont importantes au niveau de l’activité professionnelle et de la vie familiale.
Les possibilités thérapeutiques sont les
mêmes que pour les patients âgés (c’est-àdire très modestes) et l’aide médicosociale doit être particulièrement développée pour le malade et sa famille.
Au stade tardif de la maladie, le maintien
à domicile est très difficile et les services
spécialisés d’admission sont peu nombreux.
Ici encore le rôle du pharmacien, soutien
familial, peut être d’un grand secours.
patients atteints de maladies chroniques. Compte tenu des caractéristiques
particulières de cette affection, le rôle des
aidants est primordial et ceux-ci doivent
être informés, aidés et suivis régulièrement.
Les pharmaciens doivent dépasser leur
rôle traditionnel, sans bien sûr le négliger,
pour s’investir dans cette nouvelle orientation de la santé publique qu’est l’aide à
la personne pour son maintien à domicile
dans les meilleures conditions possibles.
A quoi sert de rechercher une prolongation de vie si celle-ci n’est qu’une douloureuse marche vers la mort ?
Par le développement d’une véritable
« culture de la prévention » à tous les
âges de la vie, d’une prévention humaniste destinée à aider son prochain à vivre
le mieux possible sa fin de vie, nos
confrères feront la preuve qu’ils sont, en
effet, en première ligne pour la défense de
la santé.
(3) La Prévention en question(s). – Journée
scientifique du Groupe de concertation entre
Académies des Sciences de la Vie et de la
Santé. – Paris, 10 avril 2008. (A paraître)
(4) Rapport J. Ménard pour un plan national
concernant la maladie d’Alzheimer et les
maladies apparentées. – www.premierministre-gouv.fr/IMG/pdf/plan2008-2012.pdf
(5) T. Vogel, A. Benetos, R. Verreault,
G. Kaltenbach, M. Kiesmann, M. Berthel. –
Facteurs de risque de la maladie d’Alzheimer :
vers une prévention ? – Presse Med. 2006, 35,
1309-1316.
(6) T. Vogel, R. Verreault, G. Kaltenbach,
M. Berthel. – Presse Med. 2005, 34, 809-812.
(7) V. Hirsch-Reinshagen, C. L. Wellington. –
Cholesterol Metabolism, Apolipoprotein E,
Adenosine Triphosphate-Binding Cassette
Transporters, and Alzheimer’s Disease.
Current Opinion in Lipidology 2007, 18 : 325332.
(8) Livre Vert de la maladie d’Alzheimer et
maladies apparentées. – Association France
Alzheimer. – Mai 2006.
(9) C. Geny, F. Portet, J. Touchon. – Maladie
d’Alzheimer : quels traitements ? – La Revue
du Praticien, Méd. générale 2005, 19, 207212.
Conclusion
Nous avons tenté de définir quel pourrait
être le rôle des pharmaciens en contact
avec le public dans l’aide aux patients, de
plus en plus nombreux, atteints de la
maladie d’Alzheimer et apparentées. Il
s’agit en fait d’un cas particulier, mais
inquiétant par son ampleur, d’aide aux
A.I.M. (Actualité, Innovation, Médecine),
2008, n° 132, 19-23.
Références
(1) Maladie d’Alzheimer : enjeux scientifiques, médicaux et sociétaux, novembre
2007. Éd. Lavoisier – Collection Expertise
collective.
(2) B. Dubois. – Maladie d’Alzheimer, nouveaux traitements et vaccins à l’étude. –
(10) La réévaluation des médicaments antiAlzheimer. – Haute Autorité de santé. – Août
et sept. 2007.
(11) La maladie d’Alzheimer. – Fiche technique CESSPF, juillet 1998. – Réalisée par
H. Allain, O. Zekri, L. Javaudin, B. F. Michel.
▲
B U L L E T I N D E L’ O R D R E 3 9 9
- 196 -
JUIN 2008
Téléchargement