La Dette, un mal nécessaire

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Hervé Patrick Amonh
La Dette,
un mal nécessaire
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La dette (du latin debeo signifiant « devoir, ce que l’on
doit à quelqu’un1 ») est un échange asynchrone entre deux
entités (personne, groupe, entreprise, État
Si le mot dette s’emploie essentiellement pour les
dettes financières, une dette est aussi un concept moral2.
Certaines dettes morales sont impossible à quantifier et
donc à rembourser, par exemple lorsqu’une personne
sauve la vie d’une autre personne. Les dettes jouent un rôle
central dans l’organisation des activités humaines,
notamment économiques. Généralement, une dette permet
un investissement qui doit améliorer la production. Par
exemple, un État peut emprunter pour construire des
infrastructures telles que des routes qui, il l’espère, vont
favoriser les échanges. Plus simplement, un paysan peut
demander l’aide de ses voisins pour défricher une terre
qu’il pourra alors cultiver. Aujourd’hui, le système
bancaire est un maillon essentiel de l’économie contrôlant
l’émission de monnaie. En effet les dettes ne sont qu’un
moyen utilisé pour maîtriser la masse monétaire : l’ajuster
en fonction de la croissance, de l’inflation ou du chômage.
Afin d’assurer la confiance des différents agents
économiques, les dettes sont encadrées par le droit. En
droit le concept de dette fait partie du droit des obligations
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. Mais les dynamiques complexes de la dette sont
finalement peu comprises et, malgré le droit, elles font
peser un risque certain sur l’économie et plus
généralement les sociétés humaines. On ne peut faire
abstraction des risques extérieurs comme la météo et de la
dimension psychologique associée à la perception du futur,
de la valeur et du risque par les êtres humains. Si les agents
économiques perdent confiance dans le futur ou leur
capacités à accomplir leurs promesses, le fragile équilibre
peut s’effondrer.
En comptabilité, une dette est un passif ou un actif,
selon le point de vue débiteur ou créancier, certain dont
l’échéance et le montant sont fixés de façon précise. Dans
ce sens, les dettes d’une personne, d’une entreprise, d’un
pays ou d’une institution sont l’ensemble des sommes qu’il
ou elle devra payer pour rembourser par exemple des
emprunts qu’elle a contractés auprès d’une banque, pour
régler des charges qu’elle a engagées (factures à payer,
abonnements, primes d’assurance…) ou qui lui sont
imposées (impôts…).
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Histoire
L’histoire de la dette est plus ancienne que celle de la
monnaie : alors que les premières pièces datent du règne
de Gygès autour de 700 av. J.-C., un système économique
basé sur la dette s’est développé dès la civilisation Sumer,
6000-3500av. J.-C.
Antiquité
La civilisation Sumer, 6000-3500 av. J.-C., a développé
un système de dette, la forme de dette la plus ancienne
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connue aujourd’hui4. Dans ce système de prêts et
d’emprunts, les paysans s’endettaient le plus souvent au
prix de leur liberté et de celle de leur enfants, la servitude
étant souvent la seule possibilité de rembourser leurs
dettes5. Pour gérer ce système, les rois sumer disposaient
du droit amnistie, annulant régulièrement l’ensemble des
dettes et des servitudes associées. On retrouve l’héritage de
ce système dans la loi du Jubilé de l’ancienne Israël
(Leviticus 25 : 10).
Moyen Âge
Les républiques et cités italiennes du Moyen Âge et de
la Renaissance furent parmi les premiers États à se
construire avec l’émission de dette, les monti6’7. Les monti
sont, au Moyen Âge et à la renaissance en Italie, une
équivalence des obligations. Ce type de fonds existe encore
sous la forme des Mont-de-piété.
En 1262, la cité de Venise réalise sa première émission
de dette sous forme de « monte », le Monte vecchio, suivi
en 1482 du Monte nuovo et en 1509 du Monte nuovissimo.
En 1343, les Perruzi, banquiers florentins, font faillite après
le défaut d’Édouard III d’Angleterre. En 1347, les dettes de
la cité de Florence sont regroupées dans un fonds, le
« Monte commune », montagne de dette que la ville est
dans l’incapacité de rembourser. Le taux est fixé à 5 % et
les dettes peuvent être échangées comme n’importe quel
bien. Ce marché est très volatil, 5 % de la dette publique
peut être échangé chaque année (ref Pezzolo). À la fin du
XIVe siècle du fait de la multiplication des conflits avec les
autres États, la ville multiplie les émissions de dettes. Peu à
peu la richesse se transfère vers les plus riches, ceux qui ont
le plus prêté à la ville. En 1352, 2 % des Florentins
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possèdent 25 % des richesses de la ville, en 1404 les plus
riches ont accumulé 42 % des richesses. En 1427, ces
transferts de richesse soumis à une imposition inégale ne
vont pas sans heurts, en 1378 les travailleurs du textile, les
ciompi, se révoltent. En 1427, les rentrées d’argent ne
suffisent plus à rembourser la dette… 86 % des
montiappartiennent à 10 % des Florentins, tandis que 71 %
des foyers n’en détiennent pas.
En 1407, à Gênes, les plus importants créanciers de la
ville créent la Casa di San Giorgio, une entreprise
multinationale avant l’heure. Abandonnant de plus en plus
la gestion de revenus fiscaux et douaniers à ces créanciers,
la république de Gênes perd une grande partie de sa
légitimité et de son pouvoir. La cité est alors gérée
principalement par et pour les intérêts privés de
l’oligarchie possédant la Casa di San Giorgio.
Réglementation
Une règle de bonne gestion consiste à équilibrer
dépenses et revenus. Le recours à l’endettement par
emprunt permet de financer des investissements
conséquents tout en préservant cette règle. Pour faire face
aux différents conflits qui peuvent survenir entre les
préteurs et les emprunteurs, les dettes sont encadrées par le
droit. Les lois qui régissent les modalités d’une dette sont
différentes selon la nature du préteur et/ou de l’emprunteur.
Le crédit est le cadre juridique de dette le plus
important, car c’est aussi le principal mécanisme de
création monétaire. Les banques créent de la monnaie en
échange d’une reconnaissance de dette.
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