Extrait du guide des analyses Cerba - Version 2010

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Rougeole
La rougeole est une infection virale, strictement
humaine, extrêmement contagieuse et touchant traditionnellement l’enfant.
Le virus de la rougeole, dont un seul type est connu,
appartient à la famille des Paramyxoviridae et constitue
l’espèce type du genre Morbillivirus. Sa taille est de 120
à 250 nm. Il est entouré d’une enveloppe constituée
d’une bicouche lipidique porteuse de glycoprotéines,
hémagglutinine (H), responsable de l’attachement à la
cellule cible, et protéine de fusion (F), responsable de
l’entrée du virus dans la cellule. Cette enveloppe, tapissée sur sa face interne de la protéine de matrice (M),
protège la nucléocapside, de symétrie hélicoïdale, qui
associe la protéine de capside (N) à un ARN monocaténaire de polarité négative d’environ 17 kb, auquel
sont également associées dans le virion mature une
ARN polymérase (L) et une phosphoprotéine (P). Le
génome viral est constitué des gènes de ces 6 protéines
structurales, mais code également pour 2 protéines non
structurales dont les gènes sont inclus à l’intérieur du
gène P.
La molécule CD46 a été identifiée comme récepteur du
virus à la surface de la cellule, au moins pour les
souches vaccinales. Après fusion entre l’enveloppe
virale et la membrane cytoplasmique, le cycle de multiplication viral est entièrement cytoplasmique. La
transcription du génome par l’ARN polymérase ARNdépendante virale produit des ARN de polarité positive
directement messagers, traduits en protéines virales par
la machinerie cellulaire. La même ARN polymérase va
répliquer le génome viral. Les glycoprotéines virales
sont maturées par le réticulum endoplasmique et
migrent vers la membrane plasmique à travers laquelle
les particules virales complètes vont bourgeonner.
Le virus pénètre dans l’organisme par voie aérienne et
se multiplie au niveau de sa porte d’entrée muqueuse.
Il gagne ensuite le système lymphoganglionnaire local.
Une phase virémique se produit autour du 5e jour après
le contage, avec infection d’abord des monocytes puis
atteinte des autres lignées. Une leucopénie accompagne
toujours les derniers stades de l’infection. La dissémination a lieu ensuite dans les organes lymphoïdes avec diffusion vers de nombreux organes, en particulier la peau
et les muqueuses. L’infection des cellules épithéliales de
l’épiderme aboutit à des cellules géantes et à un infiltrat
périvasculaire responsable de la symptomatologie cutanée caractéristique et des taches de Köplick de la cavité
buccale. Après une incubation de 14 jours en moyenne
(7 à 18 jours), la phase prodromique associe fièvre,
malaise, anorexie puis catarrhe oculo-nasal en 3 à
4 jours. La phase d’état associe fièvre, symptômes respiratoires et ORL et une éruption cutanéomuqueuse
caractéristique qui commence derrière les oreilles et sur
le front et descend jusqu’aux pieds en 3 jours, s’effaçant
ensuite selon le même ordre en 5 à 6 jours avec résolution du tableau fébrile.
Les formes atténuées sont régulièrement constatées chez
des patients ayant reçu des immunoglobulines à visée
prophylactique, chez des nourrissons avec persistance
partielle des anticorps maternels, chez des sujets antérieurement vaccinés. Les formes subcliniques seraient
également fréquentes.
L’infection par le virus de la rougeole induit systématiquement une immunosuppression transitoire qui peut
persister plusieurs semaines, majorée en cas de dénutrition associée, avec une augmentation importante de
sensibilité aux infections secondaires.
La rougeole est traditionnellement considérée dans les
pays développés comme une affection infantile bénigne
n’entraînant qu’une très faible mortalité (moins de 1
pour 1 000 selon les études). C’est pourtant une maladie souvent grave chez le très jeune enfant, chez l’adolescent et l’adulte, et l’une des premières causes de
mortalité infantile dans les pays en voie de développement dans un contexte de malnutrition chronique (mortalité de 3 à 6 %).
Par ailleurs, l’introduction de la vaccination a modifié
les caractéristiques de la maladie. Avant l’ère vaccinale,
la rougeole était une maladie de l’enfant entre 2 et 4 ans
évoluant par épidémies tous les 2 à 3 ans. La rougeole
évolue maintenant par petites épidémies dans des communautés d’enfants non vaccinés et chez des adolescents et jeunes adultes non vaccinés ou ayant perdu leur
immunité vaccinale antérieure (62 % des cas déclarés
en France en 2002 avaient plus de 10 ans, contre 20 %
20 ans plus tôt). Des complications sévères immédiates
ou retardées sont observées, plus fréquentes chez le
jeune enfant et chez l’adulte, et en cas de dénutrition ;
elles sont par ordre décroissant de fréquence : diarrhée,
otite moyenne aiguë, pneumonie virale interstitielle
avec surinfection bactérienne éventuelle, encéphalite
aiguë postrougeoleuse immédiate ou retardée.
L’atteinte respiratoire et l’encéphalite sont respectivement les principales causes de décès chez l’enfant et
chez l’adulte.
La rougeole peut être prolongée et sévère chez
l’immunodéprimé, parfois sans éruption. Elle est souvent gravissime chez l’enfant atteint de sida.
La panencéphalite sclérosante subaiguë (PESS) est une
complication tardive de la rougeole, toujours fatale.
Rare même avant la vaccination (1 cas sur 1 million),
elle se produit plusieurs années après la rougeole aiguë.
Son mécanisme reste mal connu. Les antigènes viraux
sont retrouvés dans les neurones et les cellules gliales,
les anticorps anti-rougeoleux sont élevés dans le sérum
et dans le LCR. Le virus, qui peut être isolé indirectement du système nerveux central, est muté dans différentes régions de son génome, au niveau des gènes H,
F et M. Cette affection a pratiquement disparu depuis
la mise en œuvre de la vaccination systématique.
La rougeole de la femme enceinte peut être à l’origine
d’interruptions spontanées précoces et de rougeoles
congénitales en cas d’infections tardives dans la grossesse. La responsabilité du virus comme cause de syndromes malformatifs n’a pas été démontrée.
Il n’existe pas de traitement spécifique de la rougeole.
Seule la vaccination permet de prévenir les complications immédiates ou tardives. Elle utilise un vaccin
vivant atténué avec une efficacité de l’ordre de 95 %
après une seule injection à 12–15 mois et la persistance
d’une protection efficace pendant 8 à 16 ans après vaccination dans 85 % des cas. La rougeole étant par
ailleurs une maladie strictement humaine, une éradication est envisageable. Son élimination reste problématique, y compris dans beaucoup de pays développés
dont la France en raison d’une couverture vaccinale
insuffisante, avec la survenue régulière d’épidémies de
taille variable. Le niveau d’immunité de groupe requis
pour arriver à l’éradication est estimé à 96 %. L’éradication a été atteinte en Finlande depuis 1996 avec une
couverture vaccinale de 97 % utilisant 2 doses de vaccin sur 10 ans. L’interruption de la transmission indigène a été obtenue en Amérique du Nord et remplacée
par la survenue de cas importés. En France, le taux de
couverture vaccinale reste inférieur à 85 % malgré la
mise en place d’une seconde injection vaccinale, avec
de plus des disparités régionales importantes pouvant
favoriser la survenue d’épidémies locales. Le calendrier
vaccinal actuel préconise une primovaccination des
enfants à 1 an avec une seconde injection entre 3 et
6 ans et un rattrapage des enfants non vaccinés avant
11–13 ans.
La rougeole fait à nouveau partie des maladies infectieuses à déclaration obligatoire, avec la recommandation d’une confirmation biologique systématique.
Le diagnostic biologique d’une éruption morbilliforme
repose surtout sur des méthodes indirectes, sérologiques, plus faciles d’accès et souvent plus contribu-
tives, que sur des méthodes directes de détection du
virus ou d’isolement en culture cellulaire, plus difficiles
à mettre en œuvre.
• Le diagnostic virologique direct est réalisable par
recherche directe d’antigènes viraux sur frottis de
gorge ou par mise en culture cellulaire à partir d’un
prélèvement nasopharyngé, en phase aiguë précoce,
au moment du catarrhe oculo-nasal et des premiers
jours de l’éruption. L’effet cytopathogène (ECP)
caractéristique est lent à apparaître (8 à 21 jours),
mais la présence virale peut être détectée plus rapidement à l’aide d’anticorps monoclonaux spécifiques
utilisés directement sur la culture avant l’apparition
de l’ECP. Ces méthodes sont peu sensibles du fait de
la grande fragilité du virus, difficilement transportable, et de la courte période d’excrétion virale au
cours de la phase aiguë.
• L’ARN viral est détectable par RT-PCR à partir de
différents prélèvements en phase aiguë, mais cette
recherche est surtout utilisée à partir du LCR pour le
diagnostic des encéphalites aiguës rougeoleuses
immédiates et retardées.
• Le diagnostic sérologique faisait antérieurement appel
aux techniques d’inhibition de l’hémagglutination de
fixation du complément et immunofluorescence indirecte. Ces techniques ont été remplacées par des
techniques immunoenzymatiques permettant la différenciation des IgG et des IgM et la quantification des
IgG. La présence d’IgM spécifiques, détectables dès
l’éruption, associée à une ascension des IgG, permet
de confirmer le diagnostic de primo-infection rougeoleuse. La persistance des IgM est habituellement de 4
à 8 semaines, mais avec une grande variabilité.
• Le diagnostic de PESS repose essentiellement sur un
faisceau d’arguments cliniques et biologiques à la fois
non spécifiques et spécifiques, avec en particulier
l’association d’un profil oligoclonal à l’électrophorèse
des protéines du LCR et d’une positivité des anticorps
spécifiques dans le LCR, parfois à taux très élevé. La
sérologie sanguine est en revanche peu contributive.
(
Parent du Chatelet I, Lévy-Bruhl D.
Surveillance de la rougeole en France. Bilan et évolution en vue de l’élimination de la maladie.
Disponible sur : http://www.invs.sante.fr/publications/2004/rougeole_
071204/rapport_rougeole.pdf
Wild F.
Les infections au virus de la rougeole.
In : Mege JL, Raoult D, Revillard JP. – Immunité et infection : concepts
Immunopathologiques et perspectives thérapeutiques.
Paris : Arnette, 1997 ; pp. 253-263.
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