Culture philosophique et découverte de l`Asie à l`Ecole Polytechnique

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Culture philosophique et découverte de l’Asie à l’Ecole Polytechnique
Polytechnicien, Jean-Pierre Bessis enseigne les philosophies asiatiques à l’Ecole polytechnique, la
philosophie de la religion à l’ENSTA ParisTech et la métaphysique à l’ENSTA Bretagne. Il préside le groupe
X-philosophie.
Dans son cursus de formation des élèves-ingénieurs, l’Ecole polytechnique a choisi, depuis de
nombreuses décennies, d’offrir un enseignement de culture à spectre très large, allant de la musicologie
à la sculpture en passant par la philosophie et l’analyse littéraire. En philosophie, quatre séminaires sont
proposés au choix : philosophie et histoire des sciences 1, philosophie morale et politique, philosophie de
l’écologie et philosophies du monde asiatique.
Au sein des sciences humaines, la philosophie jouit à l’X d’un statut particulier puisque elle est adossée,
depuis une vingtaine d’années, à un cours magistral étalé sur une année scolaire. Traitant de la
démocratie et de la modernité, ce cours a été confié successivement à Alain Finkielkraut (jusqu’en 2013)
et à Michael Foessel.
Pour ce qui le concerne, le séminaire sur les philosophies du monde asiatique, que j’anime, a un
double objectif.
Il prépare tout d’abord à la pénétration de l’univers mental des sociétés asiatiques de la tradition
classique, tel que l’ont façonné une longue histoire millénaire, marquée par une richesse culturelle
considérable. Ces nations sont devenues puissances économiques (Chine, Japon) ou sont positionnées
dans le peloton de tête des puissances émergentes (Inde). Les futurs ingénieurs et cadres que forment
l’Ecole auront de plus en plus l’occasion de travailler à l’international, soit en étant en contact étroit
avec des responsables industriels asiatiques, soit en résidant pour quelques années en Extrême-Orient.
Le séminaire offre également la possibilité de s’ouvrir à d’autres façons de penser et de vivre l’éthique,
la politique, le rapport de l’individu au groupe,… Cet enrichissement personnel est bien sûr d’ordre
culturel mais il se veut aussi fortement philosophique. Car, de l’Occident à l’Orient, ce ne sont pas les
idées seules qui changent, les cadres conceptuels, les rubriques typologiques, les frontières
interdisciplinaires, bref tout ce qui nous semble être des évidences premières, se fracturent et se
recomposent. Finalement, la pensée indienne et chinoise invite à nous interroger sur les fondements
mêmes des structurations conceptuelles occidentales, fondements qui ne suscitent pas de
questionnement d’ordinaire.
Peut-on court-circuiter les concepts pour parler de sagesse philosophique « à la chinoise » ? Doit-on
sacraliser les valeurs du groupe et de la société ? La connaissance peut-elle s’affranchir de l’éthique ? Le
monde physique est-il réel ? Le séminaire emmène les étudiants sur un parcours de pensée qui s’étend
1
Dirigé Fr. Brechenmacher, cet enseignement répond à un besoin incontournable dans une école scientifique.
sur 2500 ans et qui offre un foisonnement de doctrines. Les Occidentaux que nous sommes ont
l’habitude d’associer une définition précise à chaque mot ; en Orient, le mot n’est parfois qu’une
indication de cheminement performatif…
Bien sûr, enseigner une discipline de culture ne peut se faire sans tenir compte de la spécificité de
l’auditoire. C’est d’ailleurs ce qui donne de l’originalité à ce type de séminaires. Des élèves n’ayant que
des connaissances limitées en philosophie (bagage de classe terminale) et des références culturelles
approximatives sur l’Asie, élèves qui attendent un cartésianisme de présentation des principes
soutenant les doctrines de pensée orientales, c’est à eux que l’on s’adresse… Et, en cela, il s’agit d’une
spécificité de l’X et de certaines grandes écoles d’ingénieurs. Le pédagogue communique son savoir à
des élèves désireux d’aller au fond des choses, qui ne souhaitent pas s’attarder inutilement sur le
« décorum » de l’accessoire ni céder à l’exotisme des terminologies.
Les élèves doivent suivre, en deuxième année et en première moitié de la troisième année, un séminaire
thématique par semestre. Leur ouverture culturelle est donc plurielle. Les sciences humaines, bien que
différentes entre elles, partagent certains traits qui les particularisent relativement aux sciences dures,
et s’être confronté à deux ou trois d’entre elles suffit souvent à se familiariser avec leur esprit, leurs
ressorts, leur logique interne et la façon de formuler les problèmes. Le jeune polytechnicien sera mieux
à même de mesurer le niveau de maturation nécessaire pour que les schémas d’analyse préconisés y
deviennent de véritables conclusions. Il n’en sera que plus à l’aise le jour où, devenu cadre supérieur, il
aura dans son équipe, des personnes issues de formations non scientifiques (droit, commerce,
littérature, histoire,…).
Largement internationalisée (30% de ses étudiants, 23% de son corps d’enseignants), l’École
polytechnique associe recherche, enseignement et innovation au meilleur niveau scientifique et technologique.
Sa formation promeut une culture d’excellence à forte dominante scientifique, ouverte sur une grande tradition
humaniste.
À travers ses trois cycles – ingénieur, master et doctorat – l’École polytechnique forme des femmes et des
hommes responsables, capables de mener des activités complexes et innovantes pour répondre aux défis de la
société du 21e siècle. Avec ses 19 laboratoires, tous unités mixtes de recherche avec le CNRS, le centre de
recherche de l’École polytechnique travaille aux frontières de la connaissance sur les grands enjeux
interdisciplinaires scientifiques, technologiques et sociétaux.
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