Bulletin des Amis d’Ermeton n° 47 Septembre 2013
Editeur responsable : Sœur Marie-Paule (Annick) Somville • Monastère Notre-Dame • Rue du Monastère 1 • B-5644 Ermeton-sur-Biert
Bureau de dépôt : Philippeville • Trimestriel juillet-août-septembre 2013 • N° Agr. : P201036
Belgique–België
P. P.
5600 Philippeville
BC 1655
PRIER
Que l’eucharistie soit enracinée dans les rites des repas juifs est bien connu de tous. Les travaux de
Louis Bouyer l’ont transmis au grand public. Aujourd’hui encore des spécialistes étudient la genèse
des prières eucharistiques. Mais l’héritage juif semble beaucoup moins travaillé à propos de la litur-
gie des heures. Il y a là, semble-t-il, une veine à creuser et la moisson sera abondante. La session
animée par Monsieur Abécassis sur la prière juive nous l’a fait pressentir. Même si l’orateur nous a
tout spécialement commenté ce que nous appelons « les dix-huit bénédictions », le peu qu’il a dit de
l’ensemble de la prière liturgique matinale dans le judaïsme est impressionnant ; et ce, à deux titres.
Tout d’abord, la ressemblance entre la prière du matin chez nos frères juifs et nos laudes. L’ofce,
de part et d’autre, commence par l’invocation biblique« Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche
publiera ta louange ». Le chant des psaumes suit. Les juifs ne considèrent pas ce temps comme la
prière proprement dite, mais bien comme une mise en présence, une préparation intérieure à la
prière. Ils lisent ensuite des passages de l’Écriture, mais non pas la Torah, réservée au shabbat. Chez
nous l’évangile aussi est réservé à l’eucharistie ; il n’est jamais lu comme simple lecture de l’ofce
quotidien. Seules les vigiles du dimanche et des grandes fêtes font exception : en plus de la lecture
scripturaire courante, l’évangile y est proclamé solennellement tandis que tous l’écoutent, toujours
debout.
Dans l’ofce chrétien, viennent ensuite la prière litanique et les intentions libres, nourries par ce
qui a précédé. La prière arrive alors à son sommet avec le chant (ou la récitation) du Notre Père,
inspiré comme l’a largement montré Monsieur Abécassis des« dix-huit bénédictions » juives. Ces
bénédictions sont le sommet de la prière juive, La prière, silencieuse, chacun se retrouve devant son
Seigneur, après un temps de « mise en prière ». Nos prières matinales sont donc étonnamment sœurs !
Un autre élément impressionnant fait rééchir : le témoignage personnel de Monsieur Abécassis. Il
nous permet de découvrir la vie de prière d’un juif pieux. Chaque matin, le croyant prie à la synagogue.
S’il ne peut pas y aller, il prie à la maison, en famille. Ce temps de prière prend d’une demi-heure
à une heure. Et cela ne pose pas question. On se lève plus tôt pour pouvoir prier avant d’aller au
travail ; c’est aussi normal et naturel que manger et boire. La Loi le demande ; cela fait partie de la
relation d’alliance avec Dieu.
Et nous ??? Dans l’antiquité - et par la suite encore -, les chrétiens allaient à l’église pour l’ofce avant
de se rendre au travail ; nous en possédons des traces écrites. Nous nous disons un peu facilement,
avec un sourire : « Ils n’avaient pas l’électricité, pas de distractions… ». Alors quoi ? L’ofce, la prière
ne seraient-ils qu’une manière parmi d’autres de nous occuper ? Ne perdons-nous pas trop facile-
ment de vue notre rapport à Dieu ? Sommes-nous des croyants, des chrétiens « pieux », pour qui
Dieu passe avant tout ?
Monsieur Abécassis m’a confortée dans cette conviction : l’ofce n’est pas réseraux moines,
religieux(ses), prêtres et diacres. Il est « La » prière du Chrétien. Puissions-nous le redécouvrir, en
vivre, par ce biais retrouver nos racines et prier en communion avec nos « frères ainés », le peuple
de l’Alliance.
Sœur Marie-Paule
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SAUVÉ DES EAUX
Monseigneur Jean-Luc Hudsyn, évêque référendaire pour la liturgie et président de la CIPL (Commission
Interdiocésaine de Pastorale Liturgique), nous a fait l’honneur de participer à la session liturgique de
cet été sur les enjeux de la rénovation conciliaire. À cette occasion, il a prononcé une brève homélie
que nous souhaitons aux lecteurs de l’Amandier de lire avec autant de joie que nous en avons éprouvé
à l’écouter. Et non seulement la lire, mais la méditer. Pour mieux l’apprécier, il faut avoir en mémoire
les lectures bibliques de l’eucharistie du jour (mardi de la 15e semaine du Temps Ordinaire) : Exode
2,1-15a ; Psaume 68 ; Matthieu 11,20-24.
Livré aux incertitudes du euve, le petit Moïse s’en va au l de l’eau… Il était beau… Au milieu des roseaux,
il pleure. De cette sorte de premier exode, il est sauvé par la complicité de quelques femmes.
Nous avons été sauvés des eaux de la mort au jour de notre baptême. Nous avons aussi bénécié de cette
complicité de frères et de sœurs qui nous ont évité de perdre pied, de chavirer de mille et une façons.
Ne soyons pas comme Bethsaïde ou Corazine, en ne réalisant même pas les miracles d’amour, de pardon,
de délité dont nous sommes les bénéciaires. Ne manquons pas de reconnaissance pour Celui qui au
quotidien nous retient de nous « enfoncer dans la vase du gouffre » ou « d’être englouti dans les ots » du
mal, comme le chantait le psaume.
Le Concile Vatican II, avec audace, a mis à ot il y a cinquante ans une réforme liturgique d’envergure. Même
cinquante ans après, l’enfant est toujours beau… mais… parfois il pleure car il est parfois malmené…, parce
que sa beauté est parfois méconnue, sous-estimée.
Il continue d’avoir besoin d’être accueilli, d’être tiré des eaux : quand on veut cadenasser la corbeille, la ger
dans le bitume ou au contraire quand on veut jeter l’enfant avec l’eau du bain !...
La liturgie est un don que Dieu nous cone ; à nous tous ; pour que nous en prenions soin, en le servant.
Pour qu’elle continue de manifester au milieu de nous et de nos vies ces miracles et ces conversions que
le Christ peut et veut opérer à travers elle.
† Jean-Luc Hudsyn
L’ASSOMPTION
Nous reproduisons ici l’homélie que l’abbé Paul Scolas a prononcée à Ermeton le 15 août dernier, en
la fête de l’Assomption de la Vierge Marie.
La liturgie de deux fêtes, la Toussaint et l’Assomption, propose, en première lecture, des visions de l’Apoca-
lypse. Ces visions sont des révélations de la gloire future. Ces deux fêtes sont très proches l’une de l’autre.
L’Assomption nous fait regarder Marie jusque dans l’accomplissement de son itinéraire que la Toussaint
présente aussi comme l’accomplissement du nôtre. C’est que Marie est d’abord pour nous une sœur, une
lle d’Abraham, celle qui, comme Abraham, a cru et qui est entraînée dans laRésurrection du premier-né.
« Parfaite image de l’Église à venir, annonce de l’Église triomphante, elle guide et soutient l’espérance de
ton peuple encore en chemin », dit la préface de ce jour. Nous sommes promis à la même destinéeque
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Marie : résurrection, vie éternelle, Reine-Roi, gloire de Dieu, sainteté. Nous contemplons en Marie ce qui
s’ouvre pour les croyants dans le Christ.
C’est une sœur qui est mère, et mère de Dieu, qui met Dieu au monde des hommes, qui donne à son
Verbe de devenir chair de notre chair, de venir faire route avec nous. Elle est arche d’alliance. Elle porte et
met au monde des hommes, celui en qui est scellée l’Alliance nouvelle et éternelle qui ouvre les hommes
à la vie de Dieu.
Si c’est une sœur en humanité qui est ainsi mère, c’est que, d’une certaine façon, nous sommes aussi appelés
à être en ce monde « mère de Dieu ». Cela est impossible ! Peut-être même hérétique ? Mais rien n’est
impossible à Dieu, qui nous comble de grâce et fait reposer sur nous son Esprit. Cela est vrai de l’Église et
de chacun en elle. « Toute la terre enfante son Dieu », chantait l’hymne de Laudes. Aujourd’hui, nous regardons
Marie élevée au ciel et, en la contemplant, nous contemplons le ve et la promesse de Dieu pour nous.
Dans l’avion où, revenant de Rio, il conversait librement avec des journalistes, le Pape Françoisinterrogé
sur la place des femmes dans l’Église t remarquer que dans l’Église Marie est au-dessus des Apôtres. Une
théologienne décela dans ces propos une hérésie anti-féministe et le dénonça aussitôt sur la toile où son
analyse t le tour du monde. Pauvre théologienne ! Aveuglée par le désir (légitime) que les femmes parti-
cipent davantage aux responsabilités dans l’Église, elle ne voit pas que là n’est pas la vraie grandeur et elle
passe véritablement à côté de l’essentiel. Certes, il faut des Apôtres, des successeurs de ces Apôtres, des
papes et même des prieures dans les monastères…. Mais là n’est pas l’essentiel de ce qui s’ouvre comme
vocation pour les chrétiens, et pour tous les chrétiens, en Christ. À ce niveau le plus essentiel - puisqu’il
s’agit de l’accomplissement d’une vie -, tous sont égaux, il n’y a plus ni juifs, ni grecs, ni hommes, ni femmes,
ni esclaves, ni hommes libres.
Et puisque cette vocation à la sainteté, au partage de la vie de Dieu, à la maternité divine, est ouverte à la
petite Marie, elle est ouverte à toutes et à tous. C’est le sens du retournement inouï du Magnicat : « Il élève
les humbles, comble de biens les affamés ». Pour être évêque, ou pape, ou prieure, il faut des aptitudes.
Pour être reine avec Marie, il suft de s’ouvrir à Dieu qui nous comble de grâce, à l’action de son Esprit,
dans la chair de nos vies de femme et d’homme.
Paul Scolas
ANANIE
La session « Ananie », session de formation des formateurs - et futurs formateurs - bénédictins et
cisterciens, moines et moniales francophones, s’est achevée le 20 mai dernier, après trois mois de
travail intense effectué dans cinq monastères successifs, par vingt-quatre frères et sœurs de quatre
continents. Comme l’ont mentionné les deux derniers numéros de L’Amandier, j’ai eu la joie, disons
même la grâce, d’y participer entièrement au titre d’ « ancienne », pour accompagner le groupe, veiller
au bon déroulement du programme et gérer, avec quatre autres intervenants, le module consacré à la
vie communautaire. J’y ai reçu bien plus que je n’ai pu donner, à de très nombreux points de vue qu’il
est évidemment impossible d’évoquer tous ici.
Le plus remarquable de l’expérience tenait à la diversité des participants : cinq moines et dix-neuf
moniales venus de treize pays différents : Viet-Nam, Brésil, Madagascar, Burkina Faso, Bénin, Côte d’Ivoire,
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Rwanda, Congo, Togo, Tchad, Ghana, France et Belgique,
tous chargés plus ou moins directement de la formation
des nouveaux arrivants dans leurs monastères respectifs !
Le programme proposé par le bureau organisateurs’ins-
pirait de cette « formule magique » : « Former commence
par se laisser transformer ». Autrement dit, il s’agissait de
proposer moins des cours théoriques qu’une expérience
de vie partagée, comportant une part d’enseignement
mais surtout une réexion intensive sur les principaux
fondements de la vie monastique, approfondissement,
témoignage, remise en question, échanges, interrogations
mutuelles, sous la guidance d’intervenants successifs, principalement moines ou moniales, tous suscep-
tibles d’enrichir de leur compétence personnelle le sujet qui leur était coné. La session, commencée
dès la première semaine du Carême, s’est clôturée le jour de la Pentecôte. Elle s’est déroulée en cinq
étapes successives qui nous ont conduits de l’abbaye des trappistes de Scourmont (Chimay) en Bel-
gique jusqu’au monastère des bénédictines de Martigné-Briand en France, près d’Angers, en passant
par celui des bénédictines de Saint-Thierry (Reims), puis par les abbayes de la Pierre-qui-Vire (dans
le Morvan) et de Saint-Benoît-sur-Loire près d’Orléans ; un mois à Scourmont, quinze jours dans les
quatre autres monastères.
Un premier module, intitulé « Transmettre la tradition » comportait une réexion, conée chaque fois à
un intervenant différent, sur la tradition, le langage, l’accompagnement spirituel, puis sur les fondements
de la vie monastique : la règle de saint Benoît, l’obéissance et la désappropriation. Un autre grand module
avait pour titre « La Parole célébrée et priée »; il était centré sur la lecture de l’Écriture Sainte et débu-
tait par une semaine de retraite, en préparation à la fête de Pâques. Le troisième module s’intitulait
« Intégrer la tradition »: après un enseignement sur les psaumes et sur l’histoire du monachisme, ainsi
qu’une introduction à la théologie spirituelle d’Évagre (346-399), les questions relatives à l’affectivité
et au célibat ont été abordées en duo par un médecin et un théologien. Le quatrième module gravitait
autour de « La vie commune »: une plongée dans la pensée de saint Basile (329-379) et de Cassien
(env. 360-433) a été suivie d’un aperçu rapide des questions tournant autour des moyens actuels de
communication. Cinq intervenants, tous supérieurs ou anciens supérieurs de monastères, ont ensuite
traité ensemble des divers aspects de la vie communautaire, pratiquée différemment si l’on est homme
ou femme, cistercien ou bénédictin. Enn le dernier module, « Ressaisir la tradition », après avoir abordé
le thème de l’inter-culturalité (par un moine vietnamien
et une moniale africaine), consacrait deux journées à
l’art sacré, suivies d’une réexion de conclusion intitulée
« Théologie et vie monastique » et menée en commun
par deux pères abbés. Un programme cohérent donc
et très riche chaque élément avait sa place en lien
avec tous les autres. Trois fois au cours de la session,
les participants ont bénécié pendant quelques jours
de la présence attentive et expérimentée du pasteur
Pierre-Yves Brandt, professeur de psychologie religieuse
à l’université de Lausanne, excellent connaisseur et ami
de la vie monastique, qui lui aussi accompagnait le groupe
Les "Ananistes" à Taizé - au centre, le frère Aloïs
Mère Marie-Madeleine, principale organisatrice de la session,
et le pasteur Brandt
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