Bulletin des Amis d’Ermeton n° 48 Décembre 2013
Editeur responsable : Sœur Marie-Paule (Annick) Somville • Monastère Notre-Dame • Rue du Monastère 1 • B-5644 Ermeton-sur-Biert
Bureau de dépôt : Philippeville • Trimestriel octobre-novembre-décembre 2013 • N° Agr. : P201036
Belgique–België
P. P.
5600 Philippeville
BC 1655
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À L’ÉCOUTE DE LA PAROLE
«Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire…» (Jn 1, 14).
Voilà ce que nous célébrons à Noël. Cette fête, trop souvent devenue mièvre, n’est pas l’anniver-
saire éclatant d’un grand personnage du passé. Sans renier l’aspect familial, un peu tendre même,
de cette fête, je souhaite à chacun de nos lecteurs de se laisser toucher par l’Essentiel de ce que
nous célébrons. Le Dieu qui ne cesse de parler à son peuple au cours de l’Ancienne Alliance, s’est
fait homme. Chaque jour, retentit dans le peuple d’Israël cet appel : «Écoute, Israël, le Seigneur
notre Dieu est le Seigneur Un» (Dt 6, 4). La Parole même de Dieu s’est faite chair, notre Dieu
s’est fait l’un de nous pour que nous puissions non seulement l’écouter, mais le voir de nos yeux,
le fréquenter, le toucher… an que notre joie soit parfaite (cf. 1 Jn 1, 1-4).
Je souhaite à nos lecteurs de vivre chaque jour de l’année nouvelle à l’écoute de la Parole, du
Verbe fait chair. Car il ne faudrait pas remiser ce don si grand en rangeant nos sapins, guirlandes et
autres boules de Noël ! Nous sommes encore dans les célébrations des cinquante ans du Concile
Vatican II. En ce demi-siècle, la Parole a bien été (re ?)-découverte par les chrétiens. Que de groupes
bibliques, partages d’évangile dans nos paroisses, groupements divers. Et c’est bon. Il nous reste
cependant à découvrir, plus profondément encore, la Présence du Christ dans sa Parole que nous
a rappelée leConcile : «Le Christ est présent dans sa parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on
lit dans l’Église les Saintes Écritures» (SC 7). Quand on apporte l’évangéliaire au chant de l’Allé-
luia, un non-croyant qui passerait sa tête dans l’église à ce moment devrait comprendre à notre
attitude qu’un personnage important est au milieu de nous ! De même, à la n de la proclamation
de l’évangile, quand le prêtre nous dit : «Acclamons la parole de Dieu», il nous rappelle le statut
de ce que nous venons d’entendre, qui n’est pas un belle page du best-seller parmi les livres de
sagesses à la mode ; nous sommes invités à acclamer la Parole de Dieu. En cette page, Dieu nous
parle aujourd’hui. Et nous répondons : «Louange à toi, Seigneur, Jésus !» Ce n’est pas peu, si nous
y pensons. Nous reconnaissons ainsi que le Seigneur Jésus est là, présent, et que c’est lui-même
qui vient de nous parler. Cette acclamation ne signie donc pas banalement notre accord à cette
page d’évangile qui vient d’être lue, ni notre joie de l’avoir entendue. Le Christ est présent, déjà
tout autant que dans le pain consacré auquel nous allons communier. Le Concile le souligne aussi :
«L’Église a toujours vénéré les divines Écritures, comme elle le fait aussi pour le Corps même
du Seigneur, elle qui ne cesse pas, surtout dans la sainte liturgie, de prendre sur la table le pain
de vie tant de la Parole de Dieu que du Corps du Christ, pour l’offrir aux dèles» (DV 21). Ceci
ne se limite pas à l’eucharistie. La Liturgie des heures et la Lectio divina lui sont intimement unies
et les trois forment ensemble les piliers de notre vie chrétienne, les lieux elle se nourrit de
la Présence de Dieu.
Un événement majeur a eu lieu en novembre 2013. Il s’agit non pas de quelque chose de ponctuel
mais, au contraire, de durable pour la vie de l’Église francophone : la publication de la Bible de la
liturgie. Une traduction able, dèle (publiée sous la responsabilité des évêques, avec l’approbation
de Rome), mais pensée pour la liturgie : exégètes, spécialistes des langues bibliques et poètes ont
travaillé en équipes an de proposer aux chrétiens une traduction qui soit belle et compréhen-
sible par tous à l’audition ! Ainsi chacun pourra lire les lectures de la messe dans leur contexte,
lire plus largement que la «tranche» reçue à la liturgie, mais dans la même traduction. Ce sera
précieux aussi pour les enfants de la catéchèse : ils retrouveront le texte entendu, qui pourra ainsi
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devenir familier, texte plus facile à lire tout haut. On peut comparer cette Bible à la Vulgate de saint
Jérôme, une Bible appelée à être la Bible quotidienne des chrétiens, à côté – sans les remplacer
– des Bibles de travail, Bibles scientiques comme la a "Bible de Jérusalem" (BJ) et la "Traduction
Oecuménique de la Bible" (TOB).
«Le verbe s’est fait chair». Je nous souhaite, au cours de cette année, de fréquenter toujours
plus assidûment et avec joie la Parole de Dieu et de nous mettre ainsi en Présence du Christ !
Bonne année à chacun !
Sœur Marie-Paule
« IL A HABITÉ PARMI NOUS »
Le 27 septembre, à l’occasion de l’anniversaire de la dédicace de l’église du monastère, le père
abbé Nicolas, de Maredsous, a présidé l’eucharistie et prononcé l’homélie sur l’évangile bien
connu qui raconte la rencontre de Jésus avec le publicain Zachée (Lc 19,1-10). Sa réexion
nous parle aussi du mystère de Noël.
Zachée veut voir qui est Jésus. Mais il veut le prendre de haut. Il veut voir Jésus par le dessus, se
mettre plus haut que lui. Pour que Jésus le voie, il faudra qu’il lève les yeux, il faudra que Jésus
fasse comme nous faisons quand nous nous trouvons devant quelqu’un qui est de plus grande
taille que nous.
C’est une erreur de vouloir chercher Dieu en se mettant plus haut que lui. Jésus le dit tout de suite :
Zachée, descends vite, il me faut aujourd’hui demeurer chez toi. Jésus ne cherche pas seulement
la maison de Zachée, il cherche aussi et sans doute d’abord un endroit où il va pouvoir regarder
Zachée les yeux dans les yeux, sans devoir lever la tête et sans que Zachée doive baisser la sienne.
Il y a, dans cette démarche, toute l’histoire de la manière dont Dieu a voulu «habiter parmi nous»,
selon l’expression inimitable de saint Jean, dans le prologue de son Évangile. Dieu a mis des siècles
à résister à nos refus de le regarder les yeux dans les yeux, plus exactement de laisser Dieu se
mettre au niveau voulu pour que notre regard et le sien puissent se croiser et dire ce que les mots
ne peuvent pas toujours dire. Les Évangiles nous ont gardé quelques-uns de ces moments intenses.
Pensons à Jésus et la femme adultère, à Jésus et la Samaritaine. Pensons à Jésus qui regarde et
aime celui qui lui dit «Tout cela, je l’ai observé dès ma jeunesse ». Et encore à ce regard échangé
avec Pierre, le disciple qui vient de le trahir. Chaque fois, c’est pour dire quelque chose de Dieu.
Plus encore que la fête d’un lieu, la Dédicace est la fête de ce niveau nous sommes de plain-pied
avec Dieu. Parce que lui l’a voulu, parce que lui a pris l’initiative de descendre. Une initiative que
nous devons approcher de deux façons. Celle de saint Paul, dans sa lettre aux Philippiens : il s’est
abaissé, se faisant obéissant jusqu’à la mort. Mais celle aussi du livre de l’Apocalypse : je vis la Ville
sainte, la Jérusalem céleste, descendre d’auprès de Dieu, comme une fiancée parée pour son époux.
Quand Jésus invite Zachée à descendre, il donne à ce geste banal une dimension proprement divine,
il lui demande d’imiter le geste de Dieu. Non seulement pour ajuster son regard sur celui de Dieu,
mais aussi pour rencontrer le regard des autres, pour abaisser la puissance qui a tellement de
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racines en nous, pour élever les humbles et former ainsi cette communauté qui s’appelle l’Église.
L’Église dont les membres sont invités à se regarder les yeux dans les yeux, pour dire l’amour de
Dieu répandu dans les cœurs par l’Esprit-Saint, pour reproduire dans toute l’humanité ce que
Dieu a voulu dire dans le Verbe fait chair.
Y a-t-il meilleure Dédicace à fêter ? Celle de ce lieu, bien sûr,Dieu a promis d’être au milieu
de nous, puisque nous sommes plusieurs à nous y rassembler. Dédicace de ces pierres vivantes
que nous voulons être pour édier dans les cœurs la communauté fraternelle entrevue par saint
Benoît. Dédicace de ces regards qui doivent dire la charité appelée à circuler dans les veines de
toute l’humanité. Dédicace de Dieu tout simplement, descendu jusqu’au plus profond de la mort
et ressuscité pour que la mort et la vie osent se regarder les yeux dans les yeux. Pas tellement
pour que la vie dise qu’elle est plus puissante que la mort, mais pour que leur dialogue soit celui
de l’amour, capable de hisser la mort au niveau de la vie.
Descends vite, disait Jésus à Zachée. Nous devons maintenant nous hâter lentement vers le repas
de l’eucharistie, cette Dédicace permanente de Dieu qui est amour.
Père Nicolas Dayez
« QUE TOUS SOIENT UN ! »
Pourquoi la question de l’œcuménisme me tient-elle à cœur ? Pourquoi suis-je convaincue que
l’unité des chrétiens est importante, aujourd’hui encore et demain ? La réponse à cette question
peut se trouver dans les expériences que j’ai vécues en Allemagne comme enfant et jeune adulte :
expériences de divisions et de problèmes entre confessions chrétiennes différentes.
Dans la région j’ai grandi, le nombre des protestants et des catholiques s’équilibrait. Encore
jeune, j’étais confrontée à l’existence de confessions chrétiennes différentes, et cela d’autant plus
que ma mère et le reste de sa famille étaient catholiques, tandis que mon père et sa parenté étaient
protestants. Pendue à leurs lèvres, j’écoutais toutes les difcultés qu’ils avaient surmonter pour
se marier et avec quelle malveillance ils avaient été accueillis (ou plutôt pas accueillis) par le curé
qui rejetait toute approche de l’autre confession.
Ces différences entre confessions, je les ai ressenties moi-même au moment de ma première
communion. À ce moment, je n’ai pas compris pour quelle raison mes parents ne pouvaient pas
partager le corps du Christ. Malgré la solennité et la joie de ce jour, j’ai aussi éprouvé une tristesse
diffuse : la communion n’était pas pour tout le monde. D’ailleurs il n’était pas question que ma
famille paternelle mette le pied dans une église catholique, même pas ce jour-là. Inutile de dire que
nous non plus, n’avons pas assisté à la conrmation de ma cousine. Cela ne se faisait pas. À l’école,
nous étions séparés pour suivre les cours de religion, chacun de son côté ; personne ne pensait
même à suivre le cours avec les «autres», ne fût-ce qu’une seule fois. Plus tard un professeur de
religion m’a accusée de vivre à la maison un «pêle-mêle religieux». Et pourtant, quelle bonne
écoleétait la vie familiale ! Une école du respect de l’autre et de sa religion ; une école de la supé-
riorité du dialogue sur le jugement prématuré et la violence ; une école des valeurs chrétiennes :
charité, partage, service…, valeurs chrétiennes et humaines qui ne sont pas liées à une confession.
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