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Divergences sur l’approche de la philosophie
Le ministère de l’éducation nationale considère qu’on veut lui faire un procès d’intention à
propos des manuels d’éducation islamique révisés. Il insiste sur le fait que la citation d’un
auteur du 13ème siècle qui oppose religion et philosophie et qui fait l’objet d’une intense
polémique ne doit pas être sortie du contexte pédagogique où elle est censée être débattue.
C’est ainsi qu’il est indiqué que le nouveau programme d’éducation islamique dans les trois
années du lycée est destiné à susciter le débat avec les élèves « dans un cadre
correctement défini et sous la supervision des professeurs
». On sait que cette matière a depuis des années fait l’objet de critiques quant à sa conception
et quant aux contenus de ses manuels. Depuis que dans les années 1970-80, la philosophie
avait été supprimée des programmes et la sociologie mise sous le boisseau à une époque où
elles étaient incriminées comme vecteurs de l’idéologie de gauche, la prédominance dans
l’enseignement d’une idéologie conservatrice sous influence wahhabite s’est longtemps
imposée. Quand on a rétabli l’enseignement de la philosophie, le poids de cette influence s’est
avéré difficile à surmonter. Pour ce professeur de philosophie, la tâche d’une«
résurrection de l’initiation à la pensée philosophique est apparue comme quasi impossible,
comme si on devait réveiller un mort
». La dureté et l’amertume de cette réflexion est significative même si les enseignants ont,
dans des contextes éducatifs variés, repris un travail longtemps voué au soupçon. L’éducation
islamique a longtemps fait figure de matière alternative à celle de la philosophie, ce qui a
contribué à compliquer la revalorisation d’un enseignement basé sur l’incitation à penser et à
débattre sans restrictions dogmatiques fermées. L’une des critiques récurrentes du système
d’éducation en général au Maroc porte précisément sur la prévalence de l’apprentissage «
par cœur
» et la répétition au lieu de cultiver la capacité de raisonner et d’analyser. Au moment où la
nécessité d’une réforme de ce système inadapté aux exigences modernes a commencé à
s’imposer, les obstacles accumulés s’avèrent encore difficiles à surmonter.
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