Fiche d`actualité scientifique n°255 ( PDF , 386 Ko)

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Fiche n°255 - Décembre 2006
ésertification, érosion
et activités humaines
menacent nombre d’espèces
végétales au Maroc. Dans
les forêts du Haut–Atlas, le
reboisement par le cyprès
constitue une des priorités
du gouvernement marocain
dans le domaine de la gestion environnementale. A sa
demande, une équipe associant l’Université Cadi Ayyad
de Marrakech, la direction
régionale des Eaux et Forêts
du Haut-Atlas et des chercheurs de l’IRD (1) a étudié
une approche écologique de
la revégétalisation de cette
zone, tenant compte des interactions entre le cyprès, les
plantes pionnières - les lavandes, le thym - et les champignons mycorhiziens du sol,
avec lesquels ces différentes
espèces s’associent. Alors
que la présence des mycorhizes améliore la nutrition
et la croissance des jeunes
cyprès, les plantes pionnières réunissent les conditions
propices à leur bon développement : elles créent des
îlots de fertilité sur les terrains
arides et favorisent la multiplication des champignons,
permettant de lutter contre
l’érosion des sols et la désertification.
© L. Ouahmane/ Université
Cadi Ayyad, Marrakech, Maroc
D
Haut-Atlas marocain :
pas de ré-implantation réussie du cyprès
sans lavandes ni champignons mycorhiziens
Plantation de cyprès de l'Atlas, Cupressus atlantica (Station d'Idni, Haut-Atlas marocain).
On aperçoit les lavandes au premier plan, plantes pionnières "nourrices" des jeunes plants.
Le Maroc possède une flore très riche
et variée, due en partie à une importante
diversité de reliefs et de paysages. Mais la
progression de l’érosion et du processus de
désertification, conjugués au développement
des activités humaines, mettent à mal cette
biodiversité. L’une des espèces représentatives de cette flore, le cyprès Cupressus atlantica, voit ainsi sa production de biomasse et
les surfaces qu’il occupe décroîtrent d’année
en année. Cette essence, qui contribue à la
lutte contre l’érosion et la dégradation des
sols forestiers, est très recherchée par les
populations locales notamment en raison de
la qualité de son bois. Les jeunes pousses
subissent également le surpâturage (ovins)
qui nuit à la régénération naturelle de l’espèce. Des opérations de reboisement ont été
entreprises, mais sans véritable succès, près
de 70 % des jeunes plants mourant à l’issue
de la première année.
Pour faire face à la menace qui pèse sur
cette espèce, un programme de recherche a été mis en place en 2003, associant
l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, la
direction régionale des Eaux et Forêts du
Haut-Atlas et les chercheurs de l’UR 040
de l’IRD (1). Ces derniers ont proposé une
approche écologique originale, fondée sur
l’étude des interactions entre les cyprès, les
plantes arbustives – lavandes, thym - qui
leurs sont associées et la microflore du sol,
pour mettre en place de nouvelles pratiques
de ré-implantation du cyprès dans l’Atlas
marocain.
Le cyprès se développe en symbiose
avec des micro-champignons du sol, des
champignons mycorhiziens à arbuscules (2).
Dans cette association à bénéfices réciproques, la plante fournit des sucres aux
champignons et ceux-ci facilitent en retour
l’approvisionnement de l’arbre en eau et en
>>
Institut de recherche pour le développement - 213, rue La Fayette - F-75480 Paris cedex 10 - France - www.ird.fr
ContactS :
Robin Duponnois
IRD UMR 040 LSTM (Laboratoire
des symbioses tropicales et
méditerranéennes) IRD/Cirad/
ENSAM, Laboratoire Commun
de Microbiologie IRD/ISRA/
UCAD du campus Agronomique
de Dakar, Sénégal.
Tél. : (221) 849 33 22.
[email protected]
Mohamed Hafidi
Faculté des sciences Semlalia,
Université Cadi Ayyad,
Marrakech, Maroc
Tel : (212) (0)24 43 76 65
[email protected]
Lahcen Ouahmane
Centre Régional de Recherche
Forestière Marrakech, Maroc.
Tel : (212) (0)24 68 72 93 36
Faculté des sciences Semlalia,
Université Cadi Ayyad,
Marrakech, Maroc. Tél : (212)
(0)24 43 76 65
[email protected]
Relations avec les médias :
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www.ird.fr/indigo
IRD Audiovisuel
+33 (0)1 48 02 56 24 ;
[email protected]
www.audiovisuel.ird.fr/
référence :
Lahcen Ouahmane, Mohamed
Hafidi, Christian Plenchette,
Marija Kisa, Ali Boumezzough,
Jean Thioulouse, Robin
Duponnois – Lavendula species
as accompanying plants in
Cupressus replanting strategies : Effect on plant growth,
mycorrhizal soil infectivity and
soil microbial catabolic diversity,
Applied Soil Ecology, 2006,
34: 190-199. DOI: 10.1016/
j.apsoil.200602.002
Lahcen Ouahmane, Robin
Duponnois, Mohamed Hafidi,
Marija Kisa, Ali Boumezzouch, J.
Thioulouse and C. Plenchette
– Some Mediterranean plant
species (Lavandula spp. and
Thymus satureioides) act as
potential “plant nurses” for the
early growth of Cupressus
atlantica, Plant Ecology, 2006,
185 (1): 123-134. DOI: 10.1007/
s11258-005-9089-9
Mots-clefs :
Dans les formations de cyprès du HautAtlas marocain, plusieurs espèces de lavande et de thym sont associées aux arbres. Ces
espèces pionnières, qui forment des touffes
éparses de végétation, sont les premières à
coloniser les sols caillouteux et érodés de ces
écosystèmes arides et semi-arides. Les analyses de sol révèlent que ces espèces créent
des îlots de fertilité, riches en azote et en
phosphore, ainsi qu’en champignons mycorhiziens avec lesquels ces plantes vivent
également en symbiose. Cependant, quel
rôle jouent-elles dans le développement des
jeunes plants de cyprès ?
Mis en culture ensembles et mycorhizés
en serre, la lavande et le cyprès présentent
une croissance respective significativement
plus élevée que lorsqu’ils se développent
séparément. Par ailleurs, la concentration
de propagules (3) apparaît plus importante
autour des racines de lavande qu’autour de
celles du cyprès et, a fortiori, du sol nu (respectivement 244.5, 179.7 et 7.82 pour 100 g
de sol sec). La lavande favoriserait donc la
multiplication des champignons mycorhiziens
et la prolifération de leur mycélium dans le
sol. En se reproduisant, cette plante « nourrice » multiplie le nombre d’îlots de fertilité
Plant de cyprès placé entre de
jeunes plants de lavande
générés, ce qui accroît, à terme, la fertilité du
milieu tout entier. Elle crée ainsi un contexte
propice à la croissance des plants de cyprès,
tout en stabilisant le sol par ses racines.
La compréhension de ce processus de
régénération naturelle du cyprès a permis
de mettre en place une nouvelle méthode
de ré-implantation de cette essence dans le
Haut-Atlas marocain. Dans les parcelles à
reboiser, des bandes de culture de lavandes
ont été implantées dans des bourrelets de
terre aménagés perpendiculairement à la
pente, de manière à retenir l’eau. Les plants
de cyprès ont été installés l’année suivante.
Les premiers résultats confirment le rôle
bénéfique de la lavande sur ces jeunes plants :
leur taux de mortalité à un an se révèle très
faible et l’érosion des sols reste limitée.
Des recherches sont également menées sur
d’autres associations d’espèces, telles que
le chêne-liège et les cystes, ou encore les
thuyas et la lavande, cette dernière faisant
l’objet d’un essai mené par la Direction régionale des Eaux et Forêts de Rabat dans des
zones de reboisement au Nord du Maroc.
(1) Avec et à la demande des partenaires marocains, ces
recherches ont été conduites par l’IRD et le Laboratoire
Ecologie et Environnement de la Faculté des Sciences
Semlalia (Université Cadi Ayyad). L’équipe IRD (UR 040,
coordonnée par R. Duponnois) appartient au laboratoire
des symbioses tropicales et méditerranéennes (LSTM),
UMR 113, qui regroupe également le CIRAD, l’INRA,
l’Agro-Montpellier et l’Université Montpellier II. Ce travail
reprend la thèse de Lahcen Ouahmane, réalisée dans
l’équipe du Pr. Mohamed Hafidi en collaboration avec R.
Duponnois et dont la soutenance est prévue en février 2007
à Marrakech.
(2) Les arbuscules sont des structures fongiques que les
champignons symbiotiques forment à l’intérieur des cellules
de la racine de la majorité des plantes cultivées et de beaucoup d’essences forestières. Elles sont le siège d’échanges
nutritionnels entre les deux partenaires en symbiose. Les
champignons développent par ailleurs un vaste réseau
mycélien dans le sol, qui constitue une interface importante
entre le sol et la plante.
(3) Chez les champignons, il s’agit de groupes de cellules
à l’origine du développement des filaments de mycélium
(reproduction asexuée).
Rédaction IRD : Marie Guillaume-Signoret
© L. Ouahmane/ Université Cadi Ayyad,
Marrakech, Maroc
Fiche n°255 - Décembre 2006
Pour en savoir plus
sels minéraux, principalement de l’azote et
du phosphore. Lors d’expériences de mycorhization contrôlée en serre, les chercheurs
ont inoculé des souches de ces champignons, prélevées dans les zones d’études du
Haut-Atlas marocain, à de jeunes plants en
pépinière. Le résultat révèle une nette amélioration du développement de ces jeunes
cyprès mycorhizés, qui présentent une plus
forte teneur en minéraux dans leurs feuilles
(21 % de phosphore en plus, notamment).
D’autres expériences, menées sur le terrain,
confirment ce résultat : en favorisant une
meilleure nutrition des jeunes cyprès, les
champignons leur confèrent, une fois adultes,
une plus grande résistance au stress hydrique lié à la transplantation. Bien qu’efficace,
cette technique d’inoculation plant par plant
reste lourde à mettre en place et onéreuse,
ce qui limite son utilisation à grande échelle.
Cyprès, plantes pionnières,
lavandes, mycorhizes, revégétalisation, désertification, Maroc.
Marie Guillaume-Signoret, coordinatrice
Délégation à l’information et à la communication
Tél. : +33(0)1 48 03 76 07 - fax : +33(0)1 40 36 24 55 - [email protected]
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